Stents actifs et chirurgie non cardiaque

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STENTS ACTIFS ET CHIRURGIE
NON CARDIAQUE
Pierre Albaladejo (1), Patrick Staat (2), Emmanuel Marret (3),
Vincent Piriou (4)
(1) Service d’Anesthésie Réanimation, SAMU-SMUR 94, CHU Henri
Mondor, Assistance-Publique Hôpitaux de Paris, 94010 Créteil
E-mail : [email protected]
(2) Service de cardiologie, Hôpital Louis Pradel, 28 Avenue Doyen
Lépine. 69 677 Bron
(3) Service d’Anesthésie Réanimation, CHU Tenon, Assistance-Publique
Hôpitaux de Paris, 75020 Paris
(4) Service d’Anesthésie Réanimation, CH Lyon Sud, 69 495 Pierre Bénite
INTRODUCTION
Les stents intracoronaires ont fait leur apparition au début des années 1990 ;
ils ont contribué à l’amélioration de la prise en charge médicale des patients
porteurs d’une coronaropathie. Le phénomène de resténose lié à l’hyperplasie
néo-intimale a conduit au développement d’une nouvelle classe de prothèse
endocoronaire, les stents pharmaco-actifs, ou stents coatés, ou stents à élution
de médicaments qui délivrent une substance pharmaceutique qui ralentit l’hyperplasie néo-intimale et donc prévient la resténose. Ces stents pharmaco-actifs
nécessitent un double traitement antiplaquettaire pendant plusieurs mois afin de
prévenir la thrombose de stent. De plus en plus de patients porteurs de stents
se présentent à la consultation d’anesthésie et la gestion des médicaments
antiplaquettaires pose alors un véritable problème aux anesthésistes-réanimateurs. L’objet de ce texte est d’identifier une conduite à tenir chez ces patients
qui doivent bénéficier d’une intervention de chirurgie non cardiaque.
1. HISTORIQUE DES STENTS
Dans le cadre de la pathologie coronarienne, l’angioplastie coronaire transluminale, percutanée est un mode de revascularisation efficace chez des patients
porteurs d’une ischémie authentifiée. Dans l’angor stable, l’angioplastie permet
une diminution de la mortalité [1] et de la morbidité [2, 3] par rapport au traitement médical. Dans l’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST,
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l’angioplastie primaire, quand elle peut être réalisée dans des délais comparables
à la thrombolyse, doit être préférée en raison d’un taux de reperfusion initiale
supérieur. Dans une méta-analyse de 23 essais randomisés comparant angioplastie primaire versus thrombolyse à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, la
mortalité à un mois, le taux de réinfarctus, les critères combinés d’événements
cardiaques mortels et non mortels diminuent significativement [4]. En ce qui
concerne les syndromes coronariens aigus sans sus-décalage du segment ST,
plusieurs études ont confirmé le bénéfice en termes de morbi-mortalité d’une attitude favorisant l’angioplastie par rapport à un traitement médical exclusif [5, 6]
Une des principales faiblesses de l’angioplastie par ballonnet est le taux de
resténose au niveau du ou des sites dilatés. En effet, la réaction inflammatoire
locale induite par l’angioplastie favorise la cicatrisation exubérante avec prolifération néo-intimale qui aboutit en moyenne dans 30 % des cas à un mauvais
résultat de l’angioplastie dans les 3 à 6 mois suivant la procédure. C’est la raison
pour laquelle des techniques alternatives ont été développées (athérectomie
directionnelle, Rotablator,…) sans bénéfice net concernant la resténose par
rapport à l’angioplastie au ballon seul.
Le déploiement d’une endoprothèse coronaire a été envisagé dès le milieu
des années 80 pour traiter les complications immédiates de l’angioplastie, à
savoir le mauvais résultat immédiat ou la dissection intimale de l’artère par
l’inflation du ballon [7]. Malheureusement, le taux élevé de thrombose aiguë
dans ces endoprothèses ne faisait alors pas de cette technique une alternative
séduisante. Ce n’est qu’avec l’avènement de la gestion optimisée des anti-agrégants plaquettaires association d’aspirine et de ticlopidine (Ticlid®) initialement
puis d’aspirine et de clopidogrel (Plavix®) par la suite que le taux de complications
par thrombose aiguë intra-stent est passé en dessous du niveau de 1 %.
La combinaison d’une meilleure efficacité sur la resténose par rapport
au ballon seul et la quasi disparition des thromboses aiguës ont entraîné une
généralisation de l’utilisation des endoprothèses coronaires qui sont actuellement déployées dans 75 % des procédures en Europe et dans plus de 90 %
en France. La facilité d’utilisation du stent et les bons résultats par rapport à
l’angioplastie par ballon seul, ont rendu les autres techniques d’angioplastie
d’usage confidentiel en raison de leur plus grande complexité. Toutefois, malgré
les progrès techniques réalisés sur les stents, les taux de resténose intra-stent
après procédure restaient de l’ordre de 15 à 20 %.
Depuis 15 ans, de multiples thérapeutiques ont été essayées pour limiter
ce phénomène : traitement per os (AINS, corticoïdes, statines, IEC, antimitotique,…), in situ (brachythérapie) sans qu’aucun n’ait pu faire preuve d’une réelle
efficacité ou innocuité. Ce n’est qu’en 2002 qu’est paru le premier essai thérapeutique pivot contrôlé, randomisé comparant un stent nu métallique traditionnel
(Bare Metal Stent ou BMS) à une nouvelle génération de stents dits pharmacoactifs ou coatés (Drug Eluting Stent ou DES) avec des résultats extrêmement
encourageants vis-à-vis de la resténose et du pronostic à 6 mois [8]. Depuis cette
date, de nombreux essais ont été publiés ou sont en cours avec de nouvelles
molécules sur différentes plates-formes de stent. Deux grandes classes de
substances anti-prolifératives incluse ou non dans un polymère sont utilisées :
• Les immunosuppresseurs : sirolimus, verolimus, tacrolimus, déxaméthasone.
• Les cytostatiques : paclitaxel, actinonycine, ABT 578, …
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Les essais de stents pharmaco-actifs réalisés ces dernières années ont
montré que le taux de resténose est passé d’environ 15 à 20 % avec les stents
traditionnels à un taux de 3 à 8 % avec les stents actifs.
Compte tenu d’un surcoût financier très important du stent pharmaco-actif
sans bénéfice direct sur la mortalité, les indications d’implantation de ces endoprothèses sont encadrées par des décrets ministériels sur avis de la Commission
d’Evaluation des Produits et Prestations de la haute autorité de la santé avec
divers arrêtés stipulant des indications de remboursement de ces stents. La
prise en charge est assurée en cas d’insuffisance coronaire symptomatique
imputable à des lésions de novo (vaisseau de référence d’un diamètre de 2,5 à
4,0 mm), des artères coronaires natives, uniquement dans certains sous-groupes
de patients à haut risque de resténose :
• Les patients diabétiques.
• Lésion de petit vaisseau (moins de 3 mm de diamètre).
• Lésion de plus de 15 mm de long.
• Sténose de l’interventriculaire antérieure proximale.
• Resténose clinique intra stent (depuis mai 2005)
A terme, il est probable que le pourcentage de stents actifs sera de l’ordre
de 70 à 80 % de la totalité des stents utilisés au fur et à mesure que les indications s’élargissent.
Les stents pharmaco-actifs actuellement disponibles sont :
• Les stents TAXUS EXPRESS® et TAXUS LIBERTE® (Boston Scientific),
• Le stent CYPHER® (Cordis),
• Le stent ENDEAVOR® (Medtronic),
• Le stent JANUS® (Sorin).
Les stents pharmaco-actifs avec lesquels les cardiologues ont le plus de
recul sont les stents CYPHER et TAXUS EXPRESS. Initialement testés par rapport à un stent nu de référence, ces stents ont des performances globalement
superposables.
La balance bénéfice/risque paraît favorable pour les stents pharmaco-actifs
compte tenu du fait qu’ils diminuent le nombre de revascularisations itératives
avec une tolérance satisfaisante. Toutefois, la nature même des stents pharmaco-actifs a rapidement fait craindre des complications à type de thrombose
subaiguë ou aiguë tardive.
Des études angioscopiques ont montré qu’au bout d’un mois, un stent nu
est totalement endothélialisé avec dès ce moment un faible pouvoir prothrombogène. C’est la raison pour laquelle l’association clopidogrel (Plavix®) + aspirine
n’était initialement préconisée que pour une période d’un mois. Après six mois
apparaît une prolifération intimale contribuant à la resténose, puis, après trois ans,
il apparaît un remodelage « négatif » qui rend possible la fracture de la couche
endothéliale et qui pourrait expliquer les thromboses tardives à distance.
En ce qui concerne les stents pharmaco-actifs, la libération in situ d’agents
cytostatiques limite les proliférations néo-intimale et musculaire lisse freinant,
voire inhibant, ainsi la réendothélialisation du stent et réduisant donc le risque
de resténose. En effet, des études nécropsiques montrent que plus d’un an
après la procédure, des plages entières de stents actifs ne sont pas réendothélialisées, exposant ainsi à un risque de thrombose aiguë à l’arrêt des agents
anti-plaquettaires [9, 10]. Cependant, ce qui ressort de toutes les études est
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la gravité clinique des thromboses de stent qui engendrent une mortalité bien
supérieure à la mortalité constatée dans l’infarctus du myocarde.
Dans tous les essais randomisés comparant stent actif contre stent nu, il
n’apparaît pas de façon significative dans les suivis à 9 mois et à deux ans, de
majoration du risque de thrombose aiguë tardive lorsque les anti-plaquettaires
sont poursuivis de façon adéquate. Ceci a été montré par une méta-analyse
incluant 8 essais comparant les thromboses de stent nu aux thromboses de
stent au paclitaxel [11]. Une autre méta-analyse incluant 10 essais randomisés
a montré que sous traitement anti-plaquettaire correctement conduit, les stents
nus présentaient des taux de thrombose identiques aux stents pharmacoactifs,
que ce soit les stents au paclitaxel ou au sirolimus (dans cette étude les taux de
thrombose étaient respectivement de 0,54 %, 0,57 % et 0,58 %) [12]. Toutefois,
des études sur registre, ou sur cohorte laissent suspecter, dans « la vraie vie »
en dehors des essais prospectifs surveillés, un taux de thrombose tardive plus
important : 1,3 % de thrombose aiguë tardive à 9 mois associée à 45 % de
mortalité avec comme facteurs prédictifs indépendants. L’arrêt prématuré des
anti-plaquettaires représente le facteur prédictif majeur [13, 14].
2. GESTION PÉRI-OPÉRATOIRE DES MÉDICAMENTS ANTIPLAQUETTAIRES
Le rôle de l’anesthésiste dans la gestion des médicaments anti-plaquettaires
est d’accorder les impératifs de la chirurgie en termes de risque hémorragique
avec les impératifs médicaux qui justifient le traitement par des médicaments
anti-plaquettaires. En d’autres termes, il s’agit de gérer un double risque, le risque
hémorragique au maintien des médicaments antiplaquettaires et le risque de
thrombose artérielle à l’arrêt de ces médicaments comme l’illustre la figure 1.
Figure 1 : Gestion du double risque.
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3. QUEL EST LE RISQUE HÉMORRAGIQUE CHIRURGICAL CHEZ LES
PATIENTS TRAITÉS PAR MÉDICAMENTS ANTI-PLAQUETTAIRES ?
Le risque hémorragique chez un patient traité par médicament anti-plaquettaire, opéré de chirurgie non cardiaque reste mal défini et n’est pas évalué
objectivement pour chaque type de chirurgie [15]. Le recul le plus important
concerne l’aspirine. Dans certaines chirurgies, la question ne se pose pas en
raison du risque hémorragique majeur. C’est par exemple le cas de la chirurgie
intracrânienne. Pour d’autres chirurgies, l’aspirine encadre la stratégie chirurgicale
(chirurgie carotidienne) ou a été évaluée pour prévenir les complications thrombotiques veineuses. C’est le cas de la chirurgie orthopédique (PTH, fracture du
col, PTG) [16]. Ces études ont permis de mesurer le risque hémorragique lié au
maintien de l’aspirine. Mais dans l’immense majorité des chirurgies, il n’existe
pas ces données. La possibilité de réaliser une chirurgie sous médicaments
anti-plaquettaires dépend des capacités à réaliser une hémostase chirurgicale
satisfaisante (par exemple résection endoscopique de prostate) ou bien d’utiliser
une technique particulière (photocoagulation laser) et des conséquences d’un
événement hémorragique (hématome de paroi, transfusion, risque infectieux,
reprise chirurgicale). Chacun de ces événements a évidemment une valeur
différente à opposer au bénéfice du maintien de l’aspirine.
En règle générale, c’est une réflexion au cas par cas qui est engagée avec
le chirurgien et les médecins concernés en fonction du risque lié à l’arrêt des
médicaments anti-plaquettaires.
Le risque hémorragique lié à la chirurgie sous clopidogrel reste mal documenté en dehors de la chirurgie cardiaque [17, 18]. Des travaux non randomisés
en chirurgie cardiaque ont retrouvé un risque hémorragique accru lorsque les
patients étaient opérés sous clopidogrel. Il semble en fait qu’un arrêt court (5
à 7 jours) ne soit pas associé à un risque plus important de saignement peropératoire [19].
4. QUEL EST LE RISQUE THROMBOTIQUE À L’ARRÊT DES MÉDICAMENTS ANTI-PLAQUETTAIRES CHEZ PATIENTS PORTEURS
DE STENTS CORONAIRES
Dans la problématique générale de la gestion péri-opératoire des médicaments anti-plaquettaires, les stents coronaires ont une place particulière.
La prévention de la thrombose d’un stent coronaire est un enjeu majeur car
associé à une infarctus transmural et une mortalité élevée [20]. Lorsque les
médicaments anti-plaquettaires sont interrompus, le risque de thrombose de
stent est différent selon le type de stent (pharmaco-actif ou nu) et le délai par
rapport à la mise en place du stent.
4.1. STENTS NUS
Deux études ont permis d’alerter sur le risque de thrombose de stents
chez les patients porteurs de stents nus à l’arrêt des médicaments anti-plaquettaires et de délimiter cette période à risque : Kaluza et al. rapportent une
série impressionnante de patients opérés de chirurgie non cardiaque dans les 2
semaines après la mise en place d’un stent nu métallique [21]. Sur 40 patients,
7 ont présenté un infarctus du myocarde, 11 ont eu un saignement majeur et
8 sont décédés. Une thrombose de stent a été retrouvée chez la plupart des
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patients décédés. C’est la première publication montrant que l’arrêt précoce
des médicaments anti-plaquettaires (ici dans un contexte péri-opératoire)
dans les premières semaines suivant la mise en place de stents coronaires,
est associé à une incidence élevée de thrombose de stent. Wilson et al. ont
recensé 8 infarctus du myocarde ou thrombose de stent nu métallique (4 %
des patients) parmi 207 patients chez qui un stent a été mis en place dans les
deux mois qui ont précédé une intervention de chirurgie non cardiaque [22]. Le
stent coronaire avait été mis en place chez ces 8 patients dans les 6 semaines
précédant la chirurgie, alors qu’aucune complication n’avait été enregistrée chez
les patients chez qui le délai entre la chirurgie non cardiaque et la mise en place
du stent était situé entre 7 et 9 semaines. Cette cohorte a permis de délimiter
la période à haut risque de thrombose de stent à l’arrêt des médicaments antiplaquettaires à environ 6 semaines après la mise en place du stent. C’est à partir
de ces 2 études que des recommandations ont pu être proposées pour l’arrêt
des médicaments anti-plaquettaires chez les patients porteurs de stents nus
dans la période péri-opératoire.
Au-delà de cette période de 6 semaines, le risque de thrombose de stent nu
persiste à l’arrêt des médicaments antiplaquettaires. Dans la cohorte de Ferrari et
al. [23], 20 % des patients ayant présenté un syndrome coronaire aigu au décours
d’une interruption des médicaments antiplaquettaires étaient porteurs de stents
nus mis en place en moyenne 15 mois auparavant. Les conditions d’arrêt, la durée
de l’interruption, et une éventuelle substitution ne sont pas précisées.
4.2. STENT PHARMACOACTIF
Les études recherchant l’incidence des thromboses de stents, ne montrent
pas de différence apparente entre les endoprothèses nus et les endoprothèses
pharmacoactives [11, 12]. Or, les patients décrits ont bénéficié d’un traitement
bien conduit par les médicaments anti-plaquettaires.
Plus d’une quinzaine de publications ont alerté du risque de thrombose de
stents actifs à l’arrêt des médicaments anti-plaquettaires. L’analyse de ces cas
cliniques et courtes séries met en évidence un certain nombre de caractéristiques communes (Figure 2) :
• La plupart de ces cas sont survenus au-delà de la période des 6 semaines
après la mise en place du stent actif.
• On distingue 2 catégories de patients : ceux qui ont interrompu les médicaments antiplaquettaires pour des raisons chirurgicales. Le plus souvent,
l’aspirine et le clopidogrel sont interrompus simultanément. Ceux qui ont
interrompu le clopidogrel et ont continué l’aspirine, soit pour un problème de
compliance, soit sur prescription. Il faut noter qu’approximativement la moitié
des cas de thromboses décrits dans la littérature sont secondaires à un arrêt
des médicaments antiplaquettaires pour permettre la réalisation d’un geste
invasif.
• Ces cas de thromboses de stent sont survenus sur une période allant jusqu’à
plus de 2 ans après la mise en place du stent.
• Dans les cas où les patients étaient porteurs de stents nus et de stents actifs,
c’est sur le stent actif que la thrombose se produisait.
• Lorsque les 2 médicaments antiplaquettaires étaient arrêtés simultanément,
le délai de survenue de la thrombose de stent était généralement inférieur à
10 jours.
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Figure 2 : Relation entre le délai entre la mise en place et la thrombose de
l’endoprothèse pharmacoactive et le délai entre l’arrêt du ou des médicaments
antiplaquettaires et la thrombose de l’endoprothèse, attribuable à l’arrêt des
médicaments antiplaquettaires (échelle logarithmique). Cas ou séries publiées de
2002 à 2006, à l’exclusion des cas où les médicaments antiplaquettaires étaient
interrompus dans les 6 semaines après la mise en place du stent [24-35].
Iakovou et al. ont recherché sur une cohorte de 2 229 patients porteurs de
stents au sirolimus et au paclitaxel les facteurs de risque de thromboses de
stents [20]. Dans cette cohorte, 29 patients ont présenté une thrombose de
stent dans les 9 mois suivant la pose du stent, 14 dans les 30 premiers jours
(subaiguë), 15 entre 30 jours et 9 mois (tardives). Les taux de mortalité était de
45 %. Parmi les thromboses tardives, la médiane de survenue était de 57 jours.
L’arrêt des médicaments anti-plaquettaires a été identifié comme le facteur de
risque le plus important de thrombose subaiguë ou tardive. Les autres facteurs
de risque étaient l’insuffisance rénale, les lésions sur des bifurcations, le diabète,
et une fraction d’éjection basse.
5. COMMENT GÉRER AU MIEUX LES MÉDICAMENTS ANTIPLAQUETTAIRES PENDANT LA PÉRIODE PÉRI-OPÉRATOIRE ?
Pour apprécier au mieux le risque lié à la gestion péri-opératoire des médicaments antiplaquettaires, il est indispensable de pouvoir déterminer précisément
les risques liés au maintien et ceux liés à l’arrêt des médicaments antiplaquettaires. Il n’existe pas de données solides pour rationaliser ces attitudes.
Une étude comparant une stratégie de maintien ou d’interruption de l’aspirine en
chirurgie non coronaire (STRATAGEM) est en cours et pourra nous apporter des
éléments de réponse en particulier pour les stents nus (http://clinicaltrials.gov).
Chez les patients porteurs de stents nus, une fenêtre allant de la 6e semaine
au 3e mois (risque de resténose) pour envisager une intervention non urgente
semble raisonnable. Comme signalé précédemment, cette règle n’est cependant
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MAPAR 2006
pas idéale puisque des cas de thrombose de stent à l’arrêt des médicaments
anti-plaquettaires sont décrits au-delà de la période des 6 semaines [23]. Le
maintien des médicaments anti-plaquettaires en péri-opératoire devrait donc être
envisagé. Un arrêt des médicaments anti-plaquettaires avec une substitution peut
être proposée avec ici encore une réserve sur l’efficacité de cette mesure.
Chez les patients porteurs de stents actifs, le risque de thrombose de stent
est très important dans la période de 6 mois à un an après la mise en place du
stent. D’une manière générale et en particulier chez ces patients, une discussion
collégiale impliquant le cardiologue, le chirurgien et l’anesthésiste avec exposé
des conclusions dans le dossier du patient est primordiale. Le report de la chirurgie doit être envisagé en priorité. Cette solution est impossible à envisager dans
des situations comme la chirurgie carcinologique par exemple. Il est important
de proposer au chirurgien qu’il opère sous au moins un agent anti-plaquettaire.
L’augmentation du risque hémorragique doit être discuté au cas par cas en le
comparant au risque de thrombose de stent actif (c’est-à-dire, IDM et décès).
Par exemple, il est clair qu’une augmentation du risque transfusionnel dans
ces conditions est acceptable. Les propositions alternatives sont des solutions
dégradées qui entraînent un très haut risque de thrombose. En particulier, un
arrêt des médicaments avec ou sans substitution est une solution à haut risque.
Cet arrêt s’il est envisagé devra être le plus court possible. Un arrêt préopératoire
du clopidogrel de courte durée (5 jours) peut-être envisagé par analogie avec la
chirurgie cardiaque. Une substitution par HBPM à dose anticoagulante ou par
du flurbiprofène (Cebutid®) n’est pas une solution validée. Dans tous les cas, la
reprise précoce des médicaments anti-plaquettaires en postopératoire est un
point clé pour prévenir le risque d’événement cardiovasculaire. Cette reprise
dépend du caractère hémorragique de la chirurgie et en tenant compte du risque
de resaignement postopératoire basé sur l’examen clinique et/ou le débit des
drainages. Il est important d’administrer une dose de charge d’aspirine ou de
clopidogrel afin d’obtenir un effet rapide sur l’agrégation plaquettaire.
La revascularisation coronaire préopératoire est en recul net depuis la
démonstration de l’efficacité d’un traitement médical optimal préopératoire pour
prévenir la survenue d'évènement coronarien postopératoire [36]. De plus, l’étude
de McFalls et al a montré qu’une stratégie de revascularisation coronaire avant
chirurgie vasculaire n’était pas supérieure à une stratégie médicale [37]. Dans
l’éventualité rare où un geste de revascularisation préopératoire est envisagé,
la mise en place d’un stent coronaire et en particulier d’un stent actif doit être
largement argumentée eu égard aux difficultés de gestion des médicaments
anti-plaquettaires en péri-opératoire et du risque majeur de thrombose de stent
associé à cette gestion.
Pour faciliter le recueil d’information auprès des patients traités par des
médicaments anti-plaquettaires, il est souhaitable que ces patients soient porteurs d’une carte spécifiant les indications du traitement, les types de stents,
et les dates de mise en place (cette carte existe, elle a été validée par plusieurs
sociétés savantes, et est distribuée en partenariat avec Sanofi-Aventis et BristolMyers-Squibb).
Des études observationnelles sous formes de registres sont nécessaires
pour mettre en évidence l’importance de ce risque et décider des attitudes les
plus adaptées dans ces situations en attendant soit des études contrôlées, soit
une évolution des endoprothèses.
Jouons-nous un rôle dans le devenir de nos patients à long terme ?
91
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