Informations I nformations XVIIIes Journées européennes de la Société française de cardiologie IP A. Healy-Brucker* L es XVIIIes Journées européennes de cardiologie se sont déroulées du 16 au 19 janvier 2008 à Paris et ont remporté une fois de plus un vif succès, avec plus de 9 000 participants. Les rencontres entre praticiens hospitaliers, cardiologues libéraux, spécialistes et experts autour de présentations de haut niveau scientifique ont permis un enrichissement bénéfique à tous points de vue. Les bêtabloquants : de l’HTA à l’insuffisance cardiaque Les bêtabloquants ont leur place en première intention dans le traitement de l’HTA, comme l’a rappelé C. Thuillez. La propriété vasodilatatrice de la classe des bêtabloquants cardiosélectifs (nébivolol, carvédilol) permet une meilleure tolérance, diminue l’incidence du diabète et n’entraîne pas d’effet métabolique. Concernant l’insuffisance cardiaque aiguë et d’après A. CohenSolal, les résultats de l’étude OPTIMIZE-HF sont en faveur d’une stratégie de réintroduction précoce des bêtabloquants après une décompensation cardiaque (à J5) et d’une augmentation des doses sur moins de 3 mois. Résultat du vieillissement de la population, l’incidence des cas d’insuffisance cardiaque augmente, notamment ceux des patients à fonction systolique préservée, selon G. Jondeau. Pourtant, les bêtabloquants sont sous-prescrits dans cette catégorie de population. L’étude SENIORS a souligné l’effet bénéfique du nébivolol chez le sujet âgé avec insuffisance cardiaque. Le dosage du NT-proBNP ou du BNP représente un outil diagnostique incontestable devant une dyspnée aiguë pour déceler une insuffisance cardiaque (étude IMPROVE-CHF). C’est un marqueur utile au suivi des insuffisants cardiaques à fonction systolique préservée ou non. Selon P. Jourdain, son dosage régulier permet de diminuer le nombre de réhospitalisations. Les auteurs de l’étude STARS-BNP, au vu des résultats obtenus, préconisent un objectif thérapeutique de BNP inférieur à 100 pg/ml dans le suivi des insuffisants cardiaques. Le NT-proBNP a aussi démontré son intérêt pronostique dans la cardiopathie ischémique (étude OPTIMAAL). Pour l’évaluation des pressions de remplissage, il existe plusieurs critères échographiques et de nombreuses situations ambiguës, comme nous le rappelle E. Abergel. La mesure du paramètre Ea au doppler tissulaire peut se faire au niveau latéral ou septal, ce qui ne donne pas les mêmes valeurs ni les mêmes seuils ; de nouvelles études sont nécessaires pour éclaircir ce point. Quand la FEVG est normale et le rapport E/Ea compris entre 8 et 15, un critère intéressant peut être utilisé : il s’agit du TRIV/TE-Ea présenté par W. Zoghbi (figures 1 et 2). FEVG normale E/Ea E/Ea ≤ 8 Taille normale OG AP – Am ≤ 0 ms TRIV/T E-Ea > 2 Insuffisance cardiaque Il est nécessaire de penser à l’enquête familiale chez le patient souffrant d’insuffisance cardiaque ! Les cardiomyopathies dilatées méritent, selon P. Charron, une enquête génétique en cas de troubles de la conduction et d’élévation des CPK. R. Isnard a rapporté la mise en évidence de mutations du gène de la troponine dans la cardiomyopathie hypertrophique. Des avancées dans ce domaine sont très attendues dans les années à venir. * Service de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 412 - février 2008 LC412-ok.indd 13 E/Ea 9-14 POG normale E/Ea ≥ 15 Taille OG augmentée AP – Am ≥ 30 ms TRIV/T E-Ea < 2 POG augmentée Figure1. Utilité du rapport TRIV/TE-Ea dans l’évaluation des pressions de remplissage (présentation de S. Ederhy, JESCF 2008). L’apport du strain rate combiné au doppler tissulaire permet d’obtenir une sensibilité de 88 % et une spécificité de 80 %, selon G. Desrumeaux. Le 2D strain étudie l’amplitude de déformation avec sa composante radiale et longitudinale, et est indépendant des conditions de charge (figure 3). 13 25/02/08 11:06:04 Pourcentage Informations I nformations 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1 paramètre 2 paramètres 3 paramètres 4 paramètres SPE FP SE Figure 2. Une approche multiparamétrique est nécessaire pour évaluer les pressions de remplissage (présentation de S. Ederhy, JESFC 2008). Figure 3. Apport du strain rate dans l’évaluation des pressions de remplissage avec le calcul E/SRIVR. Dans le traitement de l’insuffisance cardiaque droite, l’utilisation de sildénafil, inhibiteur des phosphodiestérases, est prometteuse pour diminuer l’HTAP, d’après T. Damy. Coronaropathie Le patient coronarien, même asymptomatique, reste un patient à risque. Le taux d’événements chez le coronarien est de 4,2 % par an dans l’étude COURAGE, d’où la nécessité de dépister l’ischémie résiduelle, d’après M. Ovize. Le remodelage lent du ventricule gauche et le risque d’évolution vers l’insuffisance cardiaque doivent être prévenus au moyen d’un traitement par bêtabloquants et IEC, en adaptant les doses en cas d’insuffisance rénale. L’angor est un problème de santé publique et doit être traité selon les recommandations 2006, comme nous le rappelle K. Fox. Enfin, il faut stratifier le risque pour optimiser le traitement médical, ainsi que cela était recommandé par l’ESC et l’HAS en 2007. Le patient coronarien doit être abordé avec l’ensemble de ses facteurs de risque cardiovasculaire et les complications associées. 14 LC412-ok.indd 14 En ce qui concerne l’utilisation des stents actifs, le débat reste ouvert ! Les stents actifs démontrent toujours leur efficacité sur la resténose à long terme, comme le souligne O. Varenne. Le taux de resténose pour les stents au sirolimus est de seulement 7,8 % à 4 ans, versus 23,6 % pour les stents nus (1). L’équipe de L. Mauri et al. (2) montre un taux de thrombose pour les stents actifs peu élevé, sauf pour les thromboses tardives. Dans l’étude SIRIUS, tous les patients ont tiré bénéfice du stent actif, et une réduction des lésions de 60 à 80 % a été observée. Il existe plusieurs études ou registres sur le risque à long terme des stents actifs lié à la thrombose. Il faut être prudent quant à la définition de la thrombose de stent, qui peut être propre au protocole de recherche ou être celle de l’Academic Research Consortium (ARC) ; l’étude de C. Spaulding (3) a souligné la variation des résultats en fonction de la définition de la thrombose. Le registre suédois SCAAR a montré en 2005 une augmentation de la mortalité avec les stents nus par rapport à celle avec stents actifs, puis une augmentation du taux d’infarctus à long terme dans le groupe stent actif. Dans une méta-analyse de 4 études randomisées comparant stents nus et stents au sirolimus (Cypher®), la mortalité à 4 ans était identique chez les non-diabétiques, alors que, chez les diabétiques, le taux de survie à 4 ans était plus élevé avec stent nu (95,6 % versus 87,8 % après Cypher®) [4]. Le risque de thrombose de stent est de 0,3 à 0,6 % par an selon les études, ce qui augmente le risque d’infarctus et de décès. Le risque relatif à long terme d’un stent actif par rapport à un stent nu est de – 80 à – 50 % pour la resténose et de 50 à 80 % pour le critère IDM/décès. Ainsi, selon E. Camenzind, le bénéfice de la revascularisation en termes de resténose est annulé à 5 ans par le risque de décès et d’infarctus liés à la thrombose. O. Varenne était plus optimiste : l’efficacité sur la diminution de la resténose dans les stents actifs est significative et durable pour les lésions on label, il n’y a pas de thrombose dans les indications validées, et le surrisque de thrombose très tardive s’il existe, est minime. Il a donc insisté sur l’importance de la technique d’implantation ainsi que sur la sélection des patients pour l’observance du traitement antiagrégant plaquettaire. En utilisation off label, les stents actifs sont efficaces dans les lésions plus complexes, et cela sans surmortalité, avec un risque thrombotique qui reste à préciser. La gestion optimale des antiagrégants plaquettaires est un défi chez le patient coronarien. Le niveau d’antiagrégation plaquettaire est variable selon la molécule et la dose utilisées. Par exemple, l’aspirine de 300 à 600 mg permet un taux d’antiagrégation de 30 %. Ce taux est de 45 % pour le clopidogrel à la dose de 900 mg, et de 72 % pour le prasugrel à 10 mg. L’utilisation de prasugrel à 10 mg versus clopidogrel chez les patients présentant un syndrome coronarien aigu (IDM ou angor instable) permet une diminution de 20 % des événements dans l’étude TRITON, présentée par J.P. Collet. Cependant, les complications hémorragiques sont importantes, d’où la nécessité de bien sélectionner les patients. La Lettre du Cardiologue - n° 412 - février 2008 25/02/08 11:06:05 Prise en charge du patient vasculaire Prévalence en pourcentage La prise en charge des facteurs de risque doit être globale et rigoureuse afin de diminuer l’incidence des événements cardiovasculaires (figure 4). 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Normal 98 Détection nouvelle d'une intolérance au glucose 96 94 90 NGR vs AGR p < 0,05 NGR vs DM p < 0,001 AGR vs DM p < 0,0808 0 100 Diabète 200 300 400 Figure 5. Le dépistage de nouveaux cas de diabète entraîne une diminution de mortalité (présentation de M. Elbaz, JESFC 2008). Abréviations : NGR = taux de glucose normal ; AGR = taux de glucose anormal ; DM = diabète. Il est recommandé de dépister l’AOMI chez le patient à risque par la mesure de l’IPS, comme nous le rappelle J. Blacher. Rythmologie Tabac EUROASPIRE I 95-96 Obésité EUROASPIRE II 99-00 Hypertension Dyslipidémie EUROASPIRE III 05-06 Figure 4. La prise en charge des facteurs de risque chez le patient coronarien n’est pas encore appropriée, comme nous l’indique le registre EUROASPIRE (présentation de M. Ovize, JESFC 2008). La prise en charge de l’HTA a bénéficié de recommandations européennes en 2007. Il faut stratifier le risque des patients hypertendus, utiliser la MAPA pour contrer l’effet “blouse blanche”, encourager la reprise d’une activité physique et la diminution de la consommation de sel afin de réduire les complications cardiovasculaires. L’effet néfaste du tabac comme facteur de risque cardiovasculaire n’est plus à démontrer. L’année 2008 marquera en France, l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics ; le bénéfice devrait, comme en Italie, s’observer dès la première année. Le diabète doit être dépisté précocement chez le patient coronarien et, lorsque le dosage d’HbA1c est normal, il est nécessaire de réaliser un test de charge au glucose (figure 5). La Lettre du Cardiologue - n° 412 - février 2008 LC412-ok.indd 15 100 Informations L’ajustement du traitement antiagrégant plaquettaire sur des tests biologiques pourrait être utile en pratique. La recharge en antiagrégant plaquettaire chez les patients mauvais répondeurs permet de diminuer le nombre d’événements dans l’étude VASP. D’autres études portent sur les tests d’agrégabilité plaquettaire, notamment une sur le Verify Now®. Ces tests semblent prometteurs pour une utilisation en routine. Faut-il privilégier le traitement médical plutôt que l’angioplastie ? Pour le coronarien stable, l’étude COURAGE (5) a montré le non-bénéfice de l’angioplastie par rapport au traitement médical. Cette étude ne devrait pas changer la pratique, selon M. Morice. Probabilité de survie en pourcentage I nformations Les indications de resynchronisation sont disponibles dans les recommandations 2007 et sont basées sur les études CARE-HF et COMPANION ainsi que sur les méta-analyses. Le bénéfice de la mise en place d’un stimulateur triple chambre est supérieur à celui du traitement médical, par l’effet de remodelage inverse. Selon E. Aliot, il est licite de primo-implanter un triple chambre d’emblée lorsque l’indication d’un pacemaker double chambre est posée. L’effet du remodelage du VD par la sonde apicale risque d’aboutir à l’augmentation de l’insuffisance cardiaque avec apparition d’un asynchronisme ; l’étude BIPACE, en cours, permettra d’avoir des données sur ce sujet. L’effet additionnel d’un DAI d’emblée n’est pas démontré mais cette solution acceptable quand l’espérance de vie est supérieure à 1 an avec une qualité de vie correcte. Il faut bien prendre en compte le fait que la pose d’un DAI est plus coûteuse que celle d’un PM, et qu’il y a un risque de chocs inappropriés dans 10 % des cas. Enfin, les sondes DAI ont une moins bonne fiabilité et se détériorent plus vite dans le temps. Les recommandations pour la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque concernent les patients en rythme sinusal. Il est licite, selon M. Gasparini, de proposer une ablation de nœud sinusal aux patients en fibrillation auriculaire (FA) paroxystique ou permanente ayant les critères de resynchronisation. Cela pourra leur permettre 100 % de pure pacing. Pour l’ablation de la FA, les recommandations sont disponibles depuis 2006 : l’ablation de la FA doit être proposée en seconde ligne après échec du traitement antiarythmique. 15 25/02/08 11:06:06 Informations I nformations L’étude AFFIRM indique qu’il n’y pas de différence en termes de morbimortalité du retour en rythme sinusal versus le contrôle de la fréquence cardiaque. Il faut informer le patient des bénéfices de la technique mais aussi de ses risques, insiste D. Gras. Ces risques comportent les complications, mais aussi l’échec. Dans ce cas, le patient devra poursuivre le même traitement antiarythmique et anticoagulant. L’ablation chirurgicale, présentée par L. De Roy, est une technique complémentaire à la technique endocavitaire permettant d’élargir les outils thérapeutiques. Le remplacement valvulaire aortique percutané est une technique qui se développe et fait l’objet d’une étude chez les sujets ayant un RAC serré symptomatique avec un Euroscore supérieur à 20 % ou une contre-indication formelle au remplacement valvulaire chirurgical. Le succès de l’implantation est de 90,9 %, les complications vasculaires de 11,5 % et la mortalité à 30 jours de 12 % (contre 30 % de mortalité prédite) [figure 6]. Imagerie Écho 3D. Cette technique d’échographie permet une analyse fine de la cinétique segmentaire, de la masse VG, de la resynchronisation, de la fonction VD et de la taille de l’oreillette gauche, rapporte S. Lafitte. Elle a un avenir prometteur. Coroscanner. Il s’agit d’une technique d’imagerie non invasive intéressante dans la maladie coronaire. L’étude du score calcique a une valeur prédictive négative de 98 %, et est un facteur de risque indépendant de la maladie coronaire, selon L. Bonnevie. Le scanner peut aussi être utile dans l’étude des cardiomyopathies, notamment avec l’apparition de scanners plus performants permettant un temps d’acquisition très court, selon P. Dupouy. Dans les valvulopathies en préopératoire, il permet la recherche d’une coronaropathie, l’étude de la morphologie de la valve (bicuspidie), la mesure du diamètre de l’anneau aortique et l’évaluation de l’aorte ascendante. Le scanner pourrait avoir sa place en cas d’échographie difficile. Valvulopathies Figure 6. Remplacement valvulaire aortique percutané. Aspect de la bioprothèse après déploiement (présentation de S. Ederhy, JESFC 2008). Les XVIIIes Journées européennes, riche concentré d’informations, ont transmis des messages forts de prévention ainsi que des rappels des recommandations fraîchement émises. L’ouverture de certaines sessions aux médecins généralistes ou l’organisation d’une conférence destinée au grand public témoignent de la volonté de développer la prise de conscience collective, dans un seul but : faire reculer la mortalité cardiovasculaire. R é f ér e n c e s bibliographi q u e s 1. Stone GW, Moses JW, Ellis SG et al. Safety and efficacy of sirolimus- and pacli- Des recommandations européennes complètes sont parues en 2007, ne laissant plus de place à l’improvisation dans la gestion des valvulopathies. Actualités du RAC. Sa physiopathologie proche de celle de l’athérosclérose fait discuter l’intérêt des statines, selon T. Le Tourneau. L’étude SEAS en cours pourra nous apporter des éclaircissements sur ce point. L’échographie d’effort permet une stratification du risque en dépistant les patients asymptomatiques à risque, souligne P. Lancellotti. taxel-eluting coronary stents. N Engl J Med 2007;356(10):998-1008. 2. Mauri L, Hsieh WH, Massaro JM, Ho KK, D’Agostino R, Cutlip DE. Stent thrombosis in randomized clinical trials of drug-eluting stents. N Engl J Med 2007;356(10):1020-9. 3. Spaulding C, Daemen J, Boersman E et al. A pooled analysis of data comparing SES and BMS. N Engl J Med 2007;356:989-97. 4. Spaulding C, Henry P, Teiger E et al. ; TYPHOON Investigators. Sirolimuseluting versus uncoated stents in acute myocardial infarction. N Engl J Med 2006;355(11):1093-104. 5. Boden W, O’Rourke RA, Teo KK et al. Optimal medical therapy with or without PCI for stable coronary disease. N Engl J Med 2007;356(15):1503-16. Les articles publiés dans “La Lettre du Cardiologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. 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