Journal Identification = PNV Article Identification = 0328 Date: March 5, 2012 Time: 1:35 pm
Quid du voyage mental ?
rétrosplénial), le cortex temporal latéral et le lobe tempo-
ral médian. L’étude de Szpunar [24] a permis de mettre
en avant une signature neuronale spécifique à la cons-
truction d’évènements appartenant à l’histoire personnelle
(passée et future). En effet, la magnitude des activations des
régions citées ci-dessus était différente selon que les évè-
nements évoqués étaient personnels ou impliquaient une
autre personne (Bill Clinton). L’étude de Addis et al. [26] a
dissocié l’implication des différentes régions de ce réseau
cérébral pendant les phases de construction (la recherche
et la (re)construction d’un évènement) et d’élaboration (la
production de détails supplémentaires) des représentations
mentales. Les résultats ont montré une grande similitude
au niveau des zones cérébrales engagées dans l’élaboration
d’évènements passés et futurs (hippocampe gauche
et régions visuo-spatiales postérieures). D’autre part,
Szpunar et al. [24] ont montré que les structures corticales
postérieures sont plus associées au voyage mental épiso-
dique vers le futur et le passé dans des contextes familiers
(son propre appartement) que non familiers (la jungle). En
demandant à des participants d’imaginer un trajet spéci-
fique au sein d’un environnement familier dans le passé, le
présent et le futur, ainsi que le rappel d’un souvenir parti-
culier d’un moment où ils avaient effectivement réalisé ce
même trajet, Nyberg et al. [28] ont montré que le cortex
pariétal latéral gauche, le cortex frontal gauche, le cortex
cérébelleux et le thalamus étaient plus activés dans les
conditions passé et futur que dans la condition présent.
Les différences entre le voyage mental
épisodique vers le passé et le futur
Même si de nombreuses similitudes sont observées
entre la récupération de souvenirs personnels passés et
la projection épisodique de soi dans le futur, il existe éga-
lement des différences entre ces deux processus à des
niveaux cognitif et cérébral. De plus, certaines ambiguïtés
méthodologiques sur la nature épisodique des productions
peuvent également conduire à des confusions dans les
interprétations des données présentées. Dans l’ensemble
des données recueillies sur le voyage mental épisodique,
trois principales différences phénoménologiques appa-
raissent entre la récupération d’évènements personnels
passés et la simulation d’évènements personnels futurs [4].
Tout d’abord, les épisodes du futur personnel sont
moins détaillés que les souvenirs d’évènements person-
nels passés [8]. De fac¸on plus précise, D’Argembeau et
Van der Linden [9] ont montré que le rappel d’évènements
personnels passés est associé à une production de détails
sensoriels et contextuels plus riches et plus vivaces que
ne le sont les évènements personnels imaginés futurs.
Ces données sont consistantes avec des études qui ont
montré que les évocations d’évènements réels sont plus
détaillées que celles d’évènements imaginés.
Ensuite, les épisodes du futur personnel sont plus posi-
tifs que les souvenirs d’évènements personnels passés.
Ces données sont en accord avec la littérature qui indique
que les individus ont tendance à avoir une vision optimiste
de leur futur.
Enfin, les épisodes du futur personnel prennent place
dans un intervalle temporel plus proche du présent que les
souvenirs d’évènements passés. De plus les pensées diri-
gées vers le futur proche sont plus fréquentes que celles
dirigées vers le passé proche [10].
Dans le domaine de la pathologie, Andelman et al. [29]
ont rapporté le cas d’une patiente amnésique (lésions bi-
hippocampiques) qui présentait un gradient temporel de
perturbation différent pour les processus de voyage men-
tal épisodique orientés vers le passé ou le futur. Alors
que sa mémoire épisodique était intacte pour les expé-
riences passées anciennes, elle était sévèrement affectée
pour son passé récent et elle ne pouvait pas faire de
plans personnels ou s’imaginer dans son futur proche ou
lointain. Les auteurs proposent que les fonctions rétros-
pective et prospective de la mémoire épisodique de leur
patiente n’évoluent pas au même rythme sur l’axe du
temps subjectif. Deux autres études récentes présentent
des patients amnésiques dont la capacité à voyager menta-
lement dans le futur de fac¸on épisodique est préservée.
Tout d’abord, Maguire et al. [30] ont mené une étude
comparative des capacités d’imagination de scènes futures
et fictives chez Jon, un patient souffrant d’une amné-
sie développementale, et P01, un patient pouvant créer
mentalement des scènes complexes. Ces patients pré-
sentaient des profils particulièrement intrigants au regard
de la littérature : bien qu’ils soient profondément amné-
siques (épisodiquement), ils arrivaient à imaginer en détail
des scènes fictives et futures comme des sujets contrôles.
De fac¸on intéressante, ces deux patients présentaient
une réduction limitée (à 50 %) du volume hippocampique
et avaient conservé certaines capacités d’apprentissage
sémantique et de reconnaissance. Cependant, bien que
ces deux patients amnésiques aient pu créer mentalement
des scènes précises, il semblerait qu’ils ne l’ont pas fait
de la même fac¸on. Ainsi, d’après leur debriefing post-test,
Jon semblait engager un processus contrôlé pour pouvoir
construire des scènes et des images mentales, alors que
P01 réalisait les scènes de fac¸on spontanée et automa-
tique, comme les participants contrôles. Cette étude ouvre
des pistes pour explorer l’impact possible de la préser-
vation des capacités sémantiques ou du fonctionnement
résiduel des régions hippocampiques sur les capacités
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦1, mars 2012 99
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