Journal Identification = PNV Article Identification = 0328 Date: March 5, 2012 Time: 1:35 pm
Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012 ; 10 (1) : 95-105
Quid du voyage mental dans le temps
subjectif et effets de l’âge ?
What about the mental time travel and age-related effects?
CÉcile Coste1
BÉatrice Navarro1
Maria Abram1
CÉline Duval1
Laurence Picard2
Pascale Piolino1,3
1Laboratoire Mémoire et Cognition,
Université Paris Descartes
2Laboratoire de psychologie, Université
de Franche Comté
3Centre de psychiatrie et neuroscience
(Inserm UMR S894),
Université Paris Descartes
Tir ´
es `
a part :
P. Piolino
Résumé. Le voyage mental dans le temps subjectif est une des caractéristiques de la
mémoire épisodique. Cette forme de mémoire nous permet de revivre mentalement les
événements de notre passé et d’imaginer ceux de notre futur. Elle est indispensable au
quotidien dans la planification de nos actions futures et à plus long terme dans nos projets
de vie. Après un point de définition, nous passons en revue les données de la littérature
en psychologie expérimentale, en neuropsychologie et en neuro-imagerie qui dessinent les
grandes similitudes, mais aussi les quelques différences, entre se souvenir du passé et ima-
giner notre futur. Nous présentons les principales hypothèses explicatives du phénomène
et l’impact de l’âge sur les capacités de voyage mental dans le temps. De nouvelles don-
nées pointant le rôle de la mémoire sémantique dans le processus de construction du futur,
nous discutons aussi le rôle des représentations sémantiques de soi dans la projection et
l’imagination du futur.
Mots clés : voyage mental, mémoire épisodique, mémoire autobiographique, projection,
soi, imagination, âge
Abstract. According to Tulving, episodic memory allows humans to travel mentally through
subjective time into either the past or the future, this ability being at the origin of adapta-
tion, organization and planning of future behavior. The main aim of this review is to present
a state of art of episodic mental time travel and a lifespan perspective from children to
elderly people. We examine the numerous similarities between remembering the past and
envisioning the future which have been highlighted in cognitive, neuroimaging, and neuro-
psychological studies. We also present studies that have given evidence that remembering
the past and imagining the future differ somewhat. We focus on demonstrating that hippo-
campal dysfunction is associated with disturbances in the recall of episodic autobiographical
details in past memories, but also in the imagining of episodic detailed future events. More
specifically, we discuss that the future seems to involve higher semantic processes media-
ted by the inferior frontal and lateral temporal gyri. We propose that the study of mental
travel in personal time could be undertaken in line with the distinction between the memory
of (episodic) experiences and (semantic) personal knowledge of one’s life, which constitutes
a major part of the self and constraints what we have been, what we are now, and what
we might yet become.
Key words: mental travel, episodic memory, autobiographical memory, self, imagination,
age
J’ai été, aujourd’hui Je suis et un jour, Je serai...
Le concept de voyage mental
dans le temps
Il existe plusieurs formes de projection de soi dans le
temps qui permettent de se détacher de la réalité présente
et de s’envisager dans des situations passées, futures ou
fictives, tout comme d’imaginer le point de vue et les
pensées d’autrui. Dans le cadre de cet article, nous nous
intéressons aux processus et à la littérature concernant la
capacité à pré-expérimenter mentalement des évènements
personnels ponctuels qui pourraient se produire dans le
futur. Nous allons aborder la forme épisodique du concept
général de voyage mental dans le temps en tant que pro-
cessus fonctionnel lié à soi.
Au sein des différentes formes de mémoire, la mémoire
épisodique est définie comme la mémoire à long terme
des évènements personnellement vécus et situés dans un
contexte spatio-temporel précis. Selon Tulving, le fonction-
nement de la mémoire épisodique dépendrait du lobe pré-
frontal et à moindre degré de l’hippocampe. De nos jours, le
doi:10.1684/pnv.2012.0328
Pour citer cet article : Coste C, Navarro B, Abram M, Duval C, Picard L, Piolino P. Quid du voyage mental dans le temps subjectif et effets de l’âge ?
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10(1) :95-105 doi:10.1684/pnv.2012.0328 95
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C. Coste, et al.
concept de mémoire épisodique [1, 2] (figure 1) met l’accent
sur l’expérience subjective du souvenir, exprimée par un
sentiment de ré-expérience («je me souviens, je revis »)
de l’événement vécu. La récupération d’un souvenir en
mémoire épisodique implique donc un voyage mental dans
le temps en nous transportant non seulement dans notre
propre passé phénoménologique mais, de fac¸on plus inat-
tendue en parlant de mémoire, en nous permettant aussi de
prévoir et d’imaginer notre propre futur, exprimé par un sen-
timent de pré-expérience («je vis d’avance »). La mémoire
épisodique et les pensées épisodiques dirigées vers le futur
sont liées car elles représentent des manifestations de la
conscience de soi, dite autonoétique. La conscience auto-
noétique permet de percevoir le moment présent comme
une continuité de soi dans le passé et comme un prélude de
soi dans le futur, ce qui génère l’émergence du sentiment
d’identité (le soi).
Tulving avance aussi la notion de chronesthésie qu’il
définit comme la conscience du temps subjectif dont
l’empan s’étend du passé au futur lointain. La chrones-
thésie, associée à la conscience autonoétique, forge notre
sentiment conscient d’être une personne unique à travers
le temps et scelle notre sentiment de continuité tempo-
relle. La conscience autonoétique et la chronesthésie sont
très liées et impliquent toutes les deux la conscience de
soi dans le temps, cependant l’importance atribuée au soi
versus au temps est différente dans les deux concepts :
le concept de conscience autonoétique met l’accent sur
la conscience de soi (bien que dans le temps subjec-
tif), alors que le concept de chronesthésie met l’accent
sur la conscience du temps subjectif (bien qu’en relation
avec le soi) [3]. Pour résumer, la chronesthésie peut se
concevoir comme la dimension temporelle de la conscience
autonoétique.
Comme nous l’avons souligné, le voyage mental épi-
sodique dans le temps peut être mis en balance avec
d’autres formes de projection de soi dans le futur. La
capacité à penser au futur ne représente pas une capa-
cité singulière, mais plutôt un ensemble d’habiletés [4]
qui préparent un organisme à agir et qui opèrent à diffé-
rents niveaux de conscience [5]. Au regard de la cognition
de haut niveau, la planification et la mémoire prospective
représentent d’autres formes de pensées dirigées vers le
futur qui sont étroitement liées à la pensée épisodique vers
le futur. En effet, la mémoire épisodique réfère aussi à
la capacité à se souvenir d’effectuer des actions dans le
futur [1, 2]. Cet aspect prospectif de la mémoire épisodique
(mémoire prospective) est indispensable dans la vie quoti-
dienne pour planifier nos actions futures et se projeter dans
le temps [6]. Elle offre ainsi la possibilité unique d’intégrer
les expériences passées à un projet futur. La mémoire
prospective ou mémoire des intentions futures est d’une
Conscience de soi
Soi
« Voyageur »
« Moi »
Ce souvenir m’appartient
Conscience
autonoétique
« Voyage »
« Moi dans Ie temps »
Conscience de soi dans
Ie temps subjectif
Je revis aujourd’hui ce
moment de mon passé. je me
projette aujourd’hui à ce
moment de mon futur
Conscience du temps
subjectif
Mon passé, mon présent
er mon futur existent
Chronesthésie
« Espace du voyage »
« Le temps dans lequel j’évolue »
Sentiment de continuité
Phénoménologique
Mon expérience subjective présente est une
continuité de mon passé et un prélude de mon futur
Figure 1. Les trois notions fondamentales du système de mémoire épisodique, adapté de Tulving (2002).
Figure 1. The three fundamental characteristics of the episodic memory system, adapted from Tulving (2002).
96 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n 1, mars 2012
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Quid du voyage mental ?
importance capitale puisque planifier et exécuter des
intentions complexes sont des capacités essentielles de la
vie quotidienne (se rappeler de prendre rendez-vous avec
son dentiste, d’aller poster une lettre, de fermer le robi-
net de sa baignoire...). La mémoire prospective est, en
effet, définie comme la capacité à se souvenir de réaliser
des activités projetées dans le futur, mais il s’agit géné-
ralement du futur proche et d’événements planifiés : ce
que j’ai prévu de faire demain, ce prochain week-end, la
semaine prochaine, le mois prochain... De telles intentions
représentent des scénarios spécifiques futurs planifiés,
cependant l’importance de l’implication de la mémoire épi-
sodique dans la mémoire prospective du futur lointain
dépendrait alors de la mesure avec laquelle les intentions
futures sont simulées plus que planifiées [4].
Le voyage mental dans le temps est une notion que l’on
retrouve également dans d’autres modèles théoriques que
celui de Tulving. Par exemple, dans le modèle de la mémoire
autobiographique de Conway [7], l’une des fonctions des
souvenirs épisodiques est de procurer des informations pré-
cises sur les progressions récentes (minutes, heures, jours
précédents) de nos buts actuels, et de fournir une base
permettant l’élaboration de buts futurs et l’implémentation
de plans liés à soi. Conway soutient que la dimension
temporelle des souvenirs épisodiques s’étend en arrière
et en avant dans le temps ; c’est ce qu’il qualifie de
«fenêtre temporelle »(remembering-imaging window).
Cette fenêtre temporelle nous permettrait de rester forte-
ment attachés à nos objectifs et projets actuels. Toutefois,
pour cet auteur, se souvenir du passé et imaginer le futur
personnel prennent place au sein d’un même système de
conscience épisodique qui s’étendrait sur quelques jours (la
semaine dernière, la semaine prochaine). Au-delà de cette
fenêtre, les aspects sémantiques de la mémoire autobio-
graphique seraient fortement engagés. Aussi bien le passé
que le futur seraient construits à partir de l’accès à des
connaissances conceptuelles personnelles. Autrement dit,
la perception du futur serait préférentiellement liée à des
représentations abstraites d’une identité possible, désirée,
ou planifiée (ce que je pourrais être, j’aimerais être ou j’ai
décidé d’être).
La projection épisodique
dans le passé et dans le futur :
un processus miroir ?
L’intérêt croissant porté au voyage mental dans le temps
vient en grande partie du fait que de nombreuses simili-
tudes ont été observées entre la récupération de souvenirs
épisodiques et l’imagination d’évènements épisodiques
futurs, et ce tant aux niveaux cognitif, pathologique que
cérébral.
Les similitudes dans les études cognitives
du fonctionnement normal
Plusieurs études [7–10] ont montré que différents fac-
teurs agissant sur la récupération et la nature des souvenirs
d’évènements personnels passés influencent de la même
fac¸on la production d’évènements personnels futurs : par
exemple, la distance temporelle de l’évènement par rap-
port au moment de l’évocation, la valence émotionnelle,
les capacités d’imagerie mentale, la personnalité.
D’Argembeau et Van der Linden [9] ont montré que
pour le passé et le futur, les représentations d’évènements
temporellement proches induisent un sentiment de ré-
expérience ou de pré-expérience plus fort et contiennent
plus de détails sensoriels et contextuels que les repré-
sentations d’évènements temporellement éloignés. Ces
résultats entrent en résonance avec des études qui ont
montré que les représentations d’évènements passés ou
futurs distants par rapport au présent sont plus génériques,
liées à des routines, des schémas et des scripts culturels,
alors que les évènements proches du présent sont plus spé-
cifiques [7–9]. Ces résultats confirment l’existence d’une
sémantisation des représentations d’événements avec la
distance temporelle dans le passé [11], et étendent ce phé-
nomène aux projections dans le futur.
D’autres études ont également montré que les capaci-
tés d’imagerie mentale sont liées positivement à la quantité
de détails sensoriels (visuels et autres) évoqués lors
de la récupération d’évènements passés ou l’imagination
d’évènements futurs [12] et que les représentations
d’évènements positifs, passés ou futurs, sont associées à
un sentiment de ré-expérience ou de pré-expérience plus
important que les représentations d’évènements négatifs
[9]. Par ailleurs, l’étude de Berntsen et Jacobsen [8] a mis
en avant qu’un voyage mental vers le passé ou le futur peut
survenir de fac¸on volontaire (contrôlée), mais également de
fac¸on involontaire (spontanée) dans la vie de tous les jours.
Les similitudes dans la pathologie
Des données en faveur d’un lien étroit unissant la
production épisodique d’évènements passés et futurs
sont également apportées par les observations de diffé-
rents patients souffrant d’un syndrome amnésique [13]
ou de pathologies neurodégénératives [14]. Les troubles
de mémoire épisodique (amnésies antérograde et rétro-
grade) s’accompagnent fréquemment d’une incapacité à se
projeter dans le futur. Lorsque Tulving demande au patient
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n 1, mars 2012 97
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C. Coste, et al.
KC ce qu’il va faire le lendemain, ce qu’il a fait hier, KC
ne peut répondre à aucune de ces deux questions car son
esprit est vide dans les deux cas (same kind of blankness,
dit-il). Tulving souligne que ce patient présente une disso-
ciation entre une connaissance du temps (unités, structure
et mesures du temps physique) préservée et une expé-
rience subjective du temps ou chronesthésie déficitaire.
Depuis cette observation princeps, des déficits couplés de
la récupération épisodique d’évènements personnels pas-
sés et de la projection épisodique dans le futur personnel
ont été observés chez d’autres patients. Ainsi, lorsque le
patient DB est questionné sur son futur, soit il fabule, soit
il ne peut pas répondre [15]. Cependant, DB peut imagi-
ner des évènements futurs dans le domaine public. Tout
comme son déficit pour le passé, son trouble est spécifique
à la capacité d’imaginer épisodiquement son futur person-
nel. Ces patients semblent donc souffrir d’une discontinuité
subjective entre le présent, le passé et le futur qui perturbe
leur sentiment de continuité phénoménologique et même
d’identité personnelle.
Plusieurs recherches réalisées chez les sujets atteints
de la maladie d’Alzheimer montrent un déficit d’épisodicité
des évènements passés et futurs lié à un manque
d’intégration de détails en une représentation cohérente
[14]. Gamboz et al. [16] ont comparé les performances
de quatorze adultes au stade prédémentiel de la maladie
d’Alzheimer avec celles de quatorze sujets contrôles. À par-
tir de mots clés présentés sur un écran d’ordinateur, les
participants devaient mentalement se remémorer quatre
évènements autobiographiques spécifiques qui étaient sur-
venus pendant l’année précédente et se projeter dans
quatre évènements spécifiques futurs qui surviendraient
peut-être durant l’année suivante. Bien que les deux
groupes de sujets aient donné un nombre de mots et
de détails équivalents, l’analyse qualitative des résultats a
montré que les patients ont donné moins de détails spéci-
fiques épisodiques, mais plus de détails sémantiques pour
les évènements du passé et du futur en comparaison avec
les sujets contrôles.
Des études soulignent le rôle de l’hippocampe dans la
projection dans le temps davantage que celui du lobe pré-
frontal. Kwan et al. [17] ont rapporté le cas d’une jeune
femme, HC, souffrant d’une amnésie développementale
liée à une atteinte hippocampique bilatérale. Ils ont éva-
lué ses capacités à voyager épisodiquement dans le temps
subjectif et montré que HC présentait des déficits tels
que ses récits étaient moins détaillés pour les évènements
personnels passés et futurs, qu’ils soient proches ou éloi-
gnés du moment présent. Hassabis et al. [18] ont mené
une étude auprès de cinq patients présentant une amné-
sie suite à des lésions bi-hippocampiques. Ils ont demandé
aux patients et à des sujets contrôles appariés de cons-
truire des évènements imaginaires sur la base d’indices
(«Imaginez que vous êtes allongé sur une plage de sable
blanc dans une belle baie tropicale »). Ils ont observé que
les patients étaient perturbés dans l’imagination de nou-
veaux évènements, leurs productions étaient moins riches
que celles des sujets contrôles. En particulier, les patients
rapportaient des expériences imaginées qui présentaient
une cohérence spatiale moins importante que les sujets
contrôles. Les cadres environnementaux des évènements
évoqués par les patients consistaient en des images frag-
mentées plutôt que des représentations intégrées uniques.
Le seul patient qui avait des performances normales présen-
tait quelques préservations hippocampiques résiduelles.
Cette étude souligne donc, elle aussi, le rôle des formations
hippocampiques dans le voyage mental. Toutefois, Squire
et al. [19] ont récemment suggéré que la capacité à imaginer
le futur lointain, tout comme la capacité à se remémorer le
passé lointain, pouvait être indépendante de l’hippocampe.
Les similitudes dans les études
en neuro-imagerie
La première publication en imagerie ciblant la simula-
tion d’évènements futurs a été produite par Okuda et al. [20]
avec un paradigme en TEP. Une activation commune pour le
passé et le futur était observée aux niveaux de régions pré-
frontales et temporales médianes. Depuis, de nombreuses
études en neuro-imagerie fonctionnelle (IRMf) vont dans
le sens d’un recouvrement important des régions impli-
quées dans le rappel d’évènements passés et la simulation
d’évènements futurs [21–27] (figure 2). Le réseau cérébral
activé lorsque l’on se souvient du passé et envisage le futur
inclut principalement des régions préfrontales médianes,
des régions postérieures dans le cortex pariétal médian
et latéral (s’étendant jusqu’au précunéus et au cortex
Précuneus/cortex
rétrosplénial
Cortex pariétal latéral
Cortex préfrontal
médian
Lobe temporal médian et
latéral
Figure 2. Illustration schématique du réseau cérébral commun
activé lorsque l’on se souvient du passé et on envisage le futur.
Figure 2. Schematic illustration of the common cerebral network
activated when we remember the past and we envisage the future.
98 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n 1, mars 2012
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Quid du voyage mental ?
rétrosplénial), le cortex temporal latéral et le lobe tempo-
ral médian. L’étude de Szpunar [24] a permis de mettre
en avant une signature neuronale spécifique à la cons-
truction d’évènements appartenant à l’histoire personnelle
(passée et future). En effet, la magnitude des activations des
régions citées ci-dessus était différente selon que les évè-
nements évoqués étaient personnels ou impliquaient une
autre personne (Bill Clinton). L’étude de Addis et al. [26] a
dissocié l’implication des différentes régions de ce réseau
cérébral pendant les phases de construction (la recherche
et la (re)construction d’un évènement) et d’élaboration (la
production de détails supplémentaires) des représentations
mentales. Les résultats ont montré une grande similitude
au niveau des zones cérébrales engagées dans l’élaboration
d’évènements passés et futurs (hippocampe gauche
et régions visuo-spatiales postérieures). D’autre part,
Szpunar et al. [24] ont montré que les structures corticales
postérieures sont plus associées au voyage mental épiso-
dique vers le futur et le passé dans des contextes familiers
(son propre appartement) que non familiers (la jungle). En
demandant à des participants d’imaginer un trajet spéci-
fique au sein d’un environnement familier dans le passé, le
présent et le futur, ainsi que le rappel d’un souvenir parti-
culier d’un moment où ils avaient effectivement réalisé ce
même trajet, Nyberg et al. [28] ont montré que le cortex
pariétal latéral gauche, le cortex frontal gauche, le cortex
cérébelleux et le thalamus étaient plus activés dans les
conditions passé et futur que dans la condition présent.
Les différences entre le voyage mental
épisodique vers le passé et le futur
Même si de nombreuses similitudes sont observées
entre la récupération de souvenirs personnels passés et
la projection épisodique de soi dans le futur, il existe éga-
lement des différences entre ces deux processus à des
niveaux cognitif et cérébral. De plus, certaines ambiguïtés
méthodologiques sur la nature épisodique des productions
peuvent également conduire à des confusions dans les
interprétations des données présentées. Dans l’ensemble
des données recueillies sur le voyage mental épisodique,
trois principales différences phénoménologiques appa-
raissent entre la récupération d’évènements personnels
passés et la simulation d’évènements personnels futurs [4].
Tout d’abord, les épisodes du futur personnel sont
moins détaillés que les souvenirs d’évènements person-
nels passés [8]. De fac¸on plus précise, D’Argembeau et
Van der Linden [9] ont montré que le rappel d’évènements
personnels passés est associé à une production de détails
sensoriels et contextuels plus riches et plus vivaces que
ne le sont les évènements personnels imaginés futurs.
Ces données sont consistantes avec des études qui ont
montré que les évocations d’évènements réels sont plus
détaillées que celles d’évènements imaginés.
Ensuite, les épisodes du futur personnel sont plus posi-
tifs que les souvenirs d’évènements personnels passés.
Ces données sont en accord avec la littérature qui indique
que les individus ont tendance à avoir une vision optimiste
de leur futur.
Enfin, les épisodes du futur personnel prennent place
dans un intervalle temporel plus proche du présent que les
souvenirs d’évènements passés. De plus les pensées diri-
gées vers le futur proche sont plus fréquentes que celles
dirigées vers le passé proche [10].
Dans le domaine de la pathologie, Andelman et al. [29]
ont rapporté le cas d’une patiente amnésique (lésions bi-
hippocampiques) qui présentait un gradient temporel de
perturbation différent pour les processus de voyage men-
tal épisodique orientés vers le passé ou le futur. Alors
que sa mémoire épisodique était intacte pour les expé-
riences passées anciennes, elle était sévèrement affectée
pour son passé récent et elle ne pouvait pas faire de
plans personnels ou s’imaginer dans son futur proche ou
lointain. Les auteurs proposent que les fonctions rétros-
pective et prospective de la mémoire épisodique de leur
patiente n’évoluent pas au même rythme sur l’axe du
temps subjectif. Deux autres études récentes présentent
des patients amnésiques dont la capacité à voyager menta-
lement dans le futur de fac¸on épisodique est préservée.
Tout d’abord, Maguire et al. [30] ont mené une étude
comparative des capacités d’imagination de scènes futures
et fictives chez Jon, un patient souffrant d’une amné-
sie développementale, et P01, un patient pouvant créer
mentalement des scènes complexes. Ces patients pré-
sentaient des profils particulièrement intrigants au regard
de la littérature : bien qu’ils soient profondément amné-
siques (épisodiquement), ils arrivaient à imaginer en détail
des scènes fictives et futures comme des sujets contrôles.
De fac¸on intéressante, ces deux patients présentaient
une réduction limitée (à 50 %) du volume hippocampique
et avaient conservé certaines capacités d’apprentissage
sémantique et de reconnaissance. Cependant, bien que
ces deux patients amnésiques aient pu créer mentalement
des scènes précises, il semblerait qu’ils ne l’ont pas fait
de la même fac¸on. Ainsi, d’après leur debriefing post-test,
Jon semblait engager un processus contrôlé pour pouvoir
construire des scènes et des images mentales, alors que
P01 réalisait les scènes de fac¸on spontanée et automa-
tique, comme les participants contrôles. Cette étude ouvre
des pistes pour explorer l’impact possible de la préser-
vation des capacités sémantiques ou du fonctionnement
résiduel des régions hippocampiques sur les capacités
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