M I S E A U P O I N T Les examens sérologiques microbiologiques dans le diagnostic des arthropathies inflammatoires : quelles sérologies ? Comment les interpréter ? ● J. Sibilia* Points forts pées. En pratique, l’intérêt réel de ces sérologies est souvent mal connu. L’objectif de cette mise au point est donc de répondre à différentes questions pratiques. ■ Les sérologies microbiologiques sont des méthodes dia- gnostiques indirectes qui ne remplacent pas la recherche directe du germe, quand cela est possible. La stratégie sérologique idéale utilise une méthode de dépistage sensible (immunofluorescence, ELISA), complétée éventuellement par une méthode de confirmation plus spécifique (Western-Blot). ■ ■ La découverte d’Ac spécifiques ne démontre pas l’existence d’une infection active mais peut être la marque d’un simple contact, parfois ancien, avec un germe (“cicatrice sérologique”), en particulier quand l’infection a une forte séroprévalence dans la population générale. ■ Pour certaines infections digestives (Yersinia, Salmonella) et génito-urinaires (Chlamydia trachomatis), la présence persistante d’IgA spécifiques est un argument en faveur d’une infection active. ■ Aucune sérologie ne devrait être réalisée systématiquement. Cet examen doit s’inscrire dans une démarche diagnostique rationnelle. Les seules sérologies véritablement utiles pour le rhumatologue sont celles qui modifient le diagnostic et/ou la prise en charge thérapeutique d’arthropathies inflammatoires. D écouvrir l’étiologie microbienne des rhumatismes inflammatoires est un vieux mythe qui a donné lieu, ces dernières années, à un intense regain d’intérêt. Ainsi, le rhumatologue fait souvent appel à des examens microbiologiques. Pourtant, ces examens permettent rarement d’identifier directement le germe arthritogène ; c’est pourquoi des méthodes diagnostiques indirectes sérologiques ont été dévelop- * Service de rhumatologie, CHU de Strasbourg. 14 QU’EST-CE QU’UNE SÉROLOGIE MICROBIENNE ? Une sérologie microbienne est la recherche d’anticorps (Ac) spécifiques traduisant l’immunisation contre un micro-organisme pathogène ou parfois simplement saprophyte. La découverte de ces Ac n’apporte donc qu’un argument diagnostique indirect en faveur d’une infection. Elle n’est en aucun cas la preuve bactériologique formelle d’une infection active. QUELLES SONT LES TECHNIQUES SÉROLOGIQUES UTILISÉES EN PRATIQUE QUOTIDIENNE ? Différentes techniques immunologiques permettent la recherche d’Ac antimicrobiens. Ce sont d’ailleurs les mêmes techniques qui sont utilisées pour la recherche d’autres Ac comme les autoanticorps. Les méthodes quantitatives Les méthodes les plus utilisées sont l’agglutination, l’immunofluorescence (IF) et les techniques immunoenzymatiques appelées ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay). Quelle que soit la technique, le principe est toujours le même (figure 1). Un support (globule rouge, bille de latex, polystyrène) permet de présenter un ou des antigènes (Ag) bactériens spécifiques judicieusement choisis. Le sérum des patients présumé contenir des Ac antimicrobiens est déposé sur le support. Si une réaction Ag-Ac s’effectue, elle est révélée, selon les méthodes, soit par une réaction d’agglutination, soit par une fluorescence, soit par une réaction colorimétrique enzymatique. Dans les tests radio-immunologiques (RIA), la révélation se fait par un marqueur radioactif, ce qui explique que ces tests soient beaucoup moins utilisés, car ils ne peuvent s’effectuer que dans des laboratoires agréés. Toutes ces méthodes sont semi-quantitatives (agglutination, IF) ou quantitatives (ELISA et RIA). Comment s’expriment les résultats ? Les résultats des tests quantitatifs s’expriment en unités (U/ml) ou en unités internationales (UI/ml). La valeur est déterminée par rapport à un témoin positif standard. Si ce témoin est validé internationalement (par La Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999 M I S E A U P O I N T 1. Les réactions d’agglutination Sérum du patient IgM Latex ou GR Antigènes microbiens IgG 2. Les réactions immunoenzymatiques, radio-immunologiques et d’immunofluorescence E : réactions enzymatiques F : réactions immunofluorescentes R : réactions radioactives Sérum du patient E R F Ac Antigène(s) rétique, qui s’effectue selon la taille et la charge électrique des Ag (les plus petites et les plus chargées migrent le plus loin), permet d’obtenir une sorte de spectre de bandes antigéniques faisant apparaître une par une la plupart des protéines microbiennes. Lors de la dernière phase du test, le sérum du patient supposé contenir des Ac antimicrobiens est déposé sur les bandes de nitrocellulose. Si une réaction Ag-Ac s’effectue, elle est révélée par une réaction enzymatique colorimétrique. Comment s’expriment les résultats ? S’il existe une véritable réaction antimicrobienne, il est habituel de détecter des Ac polyclonaux dirigés contre de nombreuses protéines bactériennes différentes. Les résultats sont donc exprimés en énumérant les bandes antigéniques reconnues définies par leur poids moléculaire (kilodalton : kDa). L’intérêt majeur de cette technique est donc de vérifier la spécificité de la réaction Ag-Ac et d’éliminer les faux positifs liés à des phénomènes de réactivité croisée, comme l’illustre l’exemple de la sérologie de la borréliose de Lyme (figure 2). Sérum du patient Ag 1 ❏ La réaction Ag-Ac est révélée par un Ac marqué par une enzyme E, une marque radioactive R ou la fluorescéine F. ou Ag de Bb ❏ La lecture de la réaction se fait : ➝ par l’adjonction d’un substrat colorimétrique de l’enzyme E, puis une lecture automatisée quantitative de la densité optique (DO). ➝ par la mesure automatisée quantitative de la radioactivité pour les marques radioactives R. ➝ par la lecture qualitative et semi-quantitative de la fluorescence F avec un microscope à fluorescence. Cette méthode a l’avantage de permettre une description morphologique de la fluorescence si elle s’effectue sur des cellules ou des coupes de tissus. Mais elle a aussi l’inconvénient d’être dépendante de “l’œil du lecteur”. Figure 1. Différentes techniques de dosages immunologiques des anticorps microbiens. l’OMS, les Centers for Diseases Control [CDC] d’Atlanta ou un autre organisme), les résultats exprimés en UI/ml sont théoriquement tous comparables, car ils sont étalonnés par rapport au même témoin. En fait, la pratique montre qu’il existe, pour le même sérum, d’importantes variations interlaboratoires qui s’expliquent par différents phénomènes (variation des méthodes de dosage, conservation des prélèvements et des témoins internationaux, rigueur dans la standardisation des tests...). Les méthodes qualitatives La principale méthode qualitative est l’immunoempreinte appelée “Western-Blot”. Le principe de cette méthode est de faire migrer, sous l’effet d’un champ électrique, les différents constituants antigéniques d’un micro-organisme dans un gel d’agarose, puis de transférer, après migration, l’ensemble des bandes antigéniques sur une feuille de nitrocellulose (d’où le terme d’immunoempreinte ou immunotransfert). La migration électrophoLa Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999 E E + substrat calorimétrique Ac 2 Ag Patient 1 : présence d'IgG anti-Bb : 50 UI/ml Patient 2 : présence d'IgG anti-Bb : 50 UI/ml Première étape. Analyse quantitative de la réaction IgG anti-Bb en ELISA Patient 1 18 21 23 26 28 30 39 41 66 80 93 poids moléculaire (kDa) Patient 2 41 80 Deuxième étape. Vérification qualitative de la réaction IgG anti-Bb en Western-Blot Seul le sérum du patient 1 contient suffisamment d’Ac spécifiques de Bb. En fait, le sérum du patient 2 ne reconnaît que des antigènes de 41 et 80 kDa. Ces deux antigènes ne sont pas spécifiques de Bb, mais sont présents dans de nombreux autres microorganismes. Il s’agit donc d’un résultat faux positif lié à des phénomènes de réactivité croisée. Actuellement, il est admis qu’une réaction IgG anti-Bb n’est positive que si les IgG reconnaissent au moins 5 des 10 bandes suivantes : 18, 21, 28, 30, 39, 41, 45, 58, 66 et 93 kDa et/ou que les IgM reconnaissent au moins 2 des 3 bandes suivantes : 24, 39 et 41 kDa (critères de Dressler). Ces critères de positivité ont été définis sur le territoire américain ; il n’est pas certain qu’ils s’appliquent en Europe. Figure 2. Comment utiliser les sérologies immunoenzymatiques (ELISA) et le Western-Blot : application à la sérologie de la borréliose de Lyme (Ac anti-Borrelia burgdorferi [Bb]). 15 M I S E A U P O I N T FAUT-IL RECHERCHER LES DIFFÉRENTS ISOTYPES (IgG, IgM, IgA) DES ANTICORPS ANTIMICROBIENS ? La plupart des méthodes sérologiques permettent de détecter soit l’ensemble des Ac (Ac totaux) ou plus spécifiquement des IgG, IgM, IgA antimicrobiens. La recherche d’isotypes particuliers est aisée avec les méthodes ELISA, car il suffit d’utiliser un Ac marqué enzyme spécifique de chaque isotype (Ac anti-IgG, Ac antiIgM, Ac anti-IgA). Les techniques d’agglutination sont un cas particulier car elles ne permettent d’observer que des Ac agglutinants. Seules les IgM, dont la structure permet de fixer 5 à 10 Ag, et certaines formes d’IgG sont détectables en agglutination. Intérêt de la recherche des Ac totaux. La recherche d’Ac totaux est souvent suffisante, mais elle ne démontre que l’immunisation contre le micro-organisme cible sans présumer de l’ancienneté de l’infection. muqueuse de l’infection (digestive, génito-urinaire, bronchopulmonaire). Ce point est particulièrement intéressant au cours des arthrites réactionnelles liées à des germes digestifs et génitourinaires. Ainsi, dans les infections à Chlamydia trachomatis, la réponse IgA semble plus spécifique d’une infection active, en particulier quand il existe des Ac dirigés contre une protéine du choc thermique (HSP 57 kDa). Les IgA anti-HSP 57 sont retrouvées chez 75 % des patients présentant une arthrite à Chlamydia trachomatis alors qu’elles sont rarement détectées dans les urétrites non compliquées. Des observations identiques ont été faites pour les IgA anti-Yersinia enterocolitica et anti-Salmonella typhimurium et enteridis. En effet, les patients souffrant d’arthrite à Yersinia enterocolitica 0.3 développent une réaction humorale d’isotypes IgG et IgA dans respectivement 72 et 85 % des cas, contre 50 et 32 % chez les patients présentant une yersiniose sans arthrite. Intérêt de la recherche des IgG spécifiques. L’intérêt de la recherche des IgG est comparable à celle des Ac totaux car les IgG représentent quantitativement 60 à 80 % des Ac totaux. Intérêt de la recherche d’autres isotypes (IgD, IgE). À ce jour, la recherche de ces isotypes n’a aucun intérêt pratique. Intérêt de la recherche des IgM spécifiques. Des IgM sont spécifiquement produites lors de la primo-infection, c’est-à-dire dans les semaines qui suivent le premier contact avec le micro-organisme. Cette réaction IgM disparaît progressivement en quelques mois, suivie de l’apparition d’Ac de type IgG (figure 3). L’intérêt essentiel de la détection d’IgM est donc de démontrer qu’il existe un contact récent avec le germe en cause. COMMENT ÉVALUER LA VALEUR D’UN TEST SÉROLOGIQUE ? Titre d'Ac IgG IgM 2 3 6 Mois Figure 3. Schéma de séroconversion et de réinfection. Néanmoins, il existe des situations dans lesquelles il faut interpréter la présence d’IgM avec prudence : – dans certaines infections comme la borréliose de Lyme, des IgM peuvent persister plus d’un an après la primo-infection ; – la spécificité des réactions IgM peut être faible, car il existe de nombreux faux positifs liés à d’autres IgM et surtout à la présence d’autoanticorps d’isotype IgM, en particulier des facteurs rhumatoïdes (IgM anti-IgG). Intérêt de la recherche des IgA spécifiques. Dans un certain nombre de cas, la présence d’IgA peut traduire l’origine 16 Une bonne valeur technique Un test sérologique doit avoir une bonne qualité technique, utilisant des composés (support, Ag, Ac marqués) d’excellente qualité. Un des éléments les plus importants est le choix du ou des Ag représentatif(s) du micro-organisme recherché. Cette qualité technique est définie par le fabricant qui doit fixer une valeur seuil de positivité en étudiant des sérums témoins de sujets sains (le plus souvent des donneurs de sang). Cette valeur seuil est donc calculée en tenant compte des valeurs obtenues chez les donneurs. Habituellement, elle est définie par la valeur moyenne + 3 déviations standards. Il est important de préciser que cette valeur seuil n’est pas forcément une valeur diagnostique. La valeur diagnostique n’est peut-être définie que par l’évaluation clinique du test. Réinfection Primo-infection 1 Un test sérologique doit avoir deux qualités différentes : Une bonne valeur clinique L’objectif de cette étape est de définir une valeur “diagnostique”. La valeur diagnostique d’un test peut se définir par différentes caractéristiques, dont, notamment, la sensibilité et la spécificité. ❏ La sensibilité est définie par la probabilité qu’un test soit positif quand il y a une infection microbienne documentée. En d’autres termes, une bonne sensibilité signifie qu’il y a peu de faux négatifs. Elle s’exprime en pourcentage. ❏ La spécificité est définie par la probabilité qu’un test soit négatif, quand il n’y a pas d’infection recherchée documentée. En d’autres termes, une bonne spécificité signifie qu’il y a peu de faux positifs. Cette qualité s’exprime également en pourcentage. Comme nous l’avons vu, l’utilisation de plusieurs Ag différents grâce notamment au Western-Blot, permet d’améliorer très sensiblement la spécificité. ❏ Les valeurs prédictives positive et négative permettent aussi d’exprimer la valeur d’un test. Elles dépendent de la sensibilité et la spécificité du test, ainsi que de la prévalence de l’infection dans la population étudiée. La Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999 M Analyse critique de la valeur diagnostique d’un test. Sensibilité et spécificité sont dépendantes des qualités techniques du test, en particulier du ou des Ag utilisé(s). Ces Ag doivent être suffisamment représentatifs du micro-organisme, c’est-à-dire être reconnus par la plus grande majorité des patients infectés par ce germe sans l’être par les Ac de patients atteints d’affections apparentées. Quoi qu’il en soit, un test n’a jamais une spécificité et une sensibilité absolues (100 %). Dans la plupart des cas, les tests très “sensibles” sont souvent moins “spécifiques” et, inversement, les tests très “spécifiques” sont souvent assez peu “sensibles”. En pratique, l’étude de la valeur clinique d’un test sérologique est une étape très importante, totalement liée à la qualité des diagnostics retenus pour les sérums qui servent de témoins. Si cette analyse n’est pas faite avec beaucoup de rigueur, il n’est pas possible de savoir quelle est la valeur réelle d’un test en pratique quotidienne. COMMENT INTERPRÉTER UNE SÉROLOGIE ? Il s’agit d’un point particulièrement important car un certain nombre de sérologies sont mal interprétées. La présence d’Ac ne signifie pas l’existence d’une infection active mais peut être la marque d’un simple contact, parfois ancien, avec un germe. Ces Ac sont alors le reflet d’une “cicatrice sérologique” souvent protectrice. Cela est particulièrement vrai quand l’infection a une forte séroprévalence dans la population générale... ou si les sujets ont été vaccinés. À titre d’exemple, tout sujet vacciné contre le tétanos et la polio a, pendant de nombreuses années, des Ac circulants sans avoir d’infection active. En pratique, la sérologie ne permet de suggérer une infection récente et/ou active que dans trois situations : 1. Si la primo-infection est démontrée grâce à deux dosages successifs (à au moins un mois d’intervalle). La première analyse doit montrer la présence d’IgM isolée ou parfois associée à des titres faibles d’IgG. Le deuxième contrôle doit confirmer la disparition des IgM et l’ascension significative des titres IgG spécifiques. Comme nous l’avons vu précédemment, la présence d’IgM doit toujours être interprétée avec prudence (figure 3). 2. Si une réinfection est démontrée grâce à deux dosages successifs confirmant une réascension significative des titres IgG. Cette différence significative est d’au moins deux dilutions (par exemple de 1/32 à 1/128) pour les sérologies semi-quantitatives et d’un taux qui dépend de la méthode pour les dosages quantitatifs (figure 3). 3. Si une infection active est caractérisée par la présence d’un titre élevé d’isotype IgA, comme nous l’avons vu précédemment pour les infections à Chlamydia trachomatis, Yersinia et Salmonella. QUELLES SONT LES SÉROLOGIES MICROBIENNES UTILES POUR LE RHUMATOLOGUE ? QUAND FAUT-IL DEMANDER UNE SÉROLOGIE MICROBIENNE ? Aucune sérologie ne devrait être réalisée systématiquement. Cet examen doit être programmé dans une démarche diagnostique rationnelle, en particulier s’il n’existe pas d’autre moyen diaLa Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999 I S E A U P O I N T gnostique direct. Cela est particulièrement vrai pour les virus arthritogènes et pour certaines bactéries très difficiles ou impossibles à mettre en évidence (exemple : Borrelia burgdorferi). Quoi qu’il en soit, une sérologie n’est légitime que si cela modifie la prise en charge du patient. Cela peut se produire dans certaines circonstances : ❏ Si le germe en cause est éventuellement transmissible, comme c’est le cas pour les virus des hépatites et le VIH. La découverte d’une infection virale chronique permet alors non seulement d’adapter le traitement, mais également d’informer le malade du risque qu’il fait courir à son entourage. ❏ Si le germe en cause peut être éradiqué, comme cela est le cas pour certaines bactéries arthritogènes dont le portage chronique extra-articulaire est possible (Chlamydia trachomatis, Borrelia burgdorferi). Néanmoins, il faut préciser que, dans cette circonstance, la sérologie ne remplace pas la recherche directe du germe (si elle est possible). En d’autres termes, la preuve bactériologique d’une infection chronique n’est formelle que si la bactérie est identifiée directement. ❏ Si l’identification d’un agent infectieux modifie la prise en charge thérapeutique de la maladie articulaire. Ainsi, à titre d’exemple, si la sérologie confirme qu’une polyarthrite est liée à une infection à parvovirus B19, la mise en route d’un traitement de fond par méthotrexate ou un immunomodulateur pourrait être différée. Un autre exemple pourrait être l’utilité de rechercher une infection virale hépatique (VHB, VHC) avant la mise en route d’un traitement hépatotoxique (méthotrexate). Quelles sérologies faut-il demander ? Il n’y a pas de “recette” pour la prescription des sérologies microbiennes, qui doivent être discutées au cas par cas en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique (tableau I). Schématiquement, cette discussion s’effectue en fonction des signes articulaires et des signes associés (tableau II), mais il n’y a pas de sérologie “générique”. En d’autres termes, il ne faut pas demander une “sérologie arthrite réactionnelle” ou une “sérologie polyarthrite” : la prescription doit être précise. Les sérologies virales. Elles sont dans l’ensemble sensibles et spécifiques. Même la sérologie de l’hépatite C est actuellement performante grâce au développement de tests de nouvelle génération. ❏ Les sérologies des virus des hépatites sont particulièrement importantes car ces virus ont la particularité de se manifester par des signes rhumatologiques ou systémiques très polymorphes. (Coût 1998 : hépatite C : ELISA B70 et RIBA B100, hépatite B : Ag Hbs ELISA B70, Ac anti-Hbs ELISA B70, Ac anti-Hbc ELISA B70). ❏ L’indication de la sérologie VIH mérite d’être discutée car les manifestations rhumatologiques révélatrices d’une infection par le VIH sont exceptionnelles. Ce diagnostic doit néanmoins être évoqué, en particulier quand il existe un tableau d’oligoarthrite ou de spondylarthropathie, parfois associée à un psoriasis, ou des antécédents récents d’infections extra-articulaires. Cette sérologie doit être effectuée avec le consentement du patient, mais cette règle n’a rien de spécifique car elle s’applique à l’ensemble des examens complémentaires. 17 M I S E A U P O I N T Tableau I. Principales sérologies microbiologiques utilisées dans le bilan d’arthropathies inflammatoires. Tableau II. Indications et discussions des sérologies microbiennes en fonction du tableau articulaire. Virus En cas de polyarthrite débutante ● Virus hépatotropes : justifiée en cas d’arthrite précédant ou accompagnant une hépatite virale ou dans un contexte particulier (ex. : cryoglobulinémie liée au VHC). ● Parvovirus B19 : justifiée en cas d’arthrite chez un adolescent ou un adulte jeune. ● Borrelia burgdorferi : justifiée en cas d’exposition à la borréliose de Lyme. Les autres sérologies virales ou bactériennes ne se discutent que dans des contextes épidémiologiques ou cliniques particuliers. des hépatites B et C ➝ tableaux cliniques polymorphes Virus de l’hépatite A ➝ gastroentérite ● Parvovirus B19 ➝ érythème, érythroblastopénie ● Paramyxovirus ➝ rougeole et oreillons ● Virus de la rubéole ➝ rubéole ● HIV ➝ manifestations diverses ● HTLV-1 ➝ paraparésie spasmodique, leucémie T ● Herpès virus (virus zona-varicelle, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus, herpès simplex virus) ➝ manifestations diverses et syndrome mononucléosique ● Arbovirus ➝ dengue ● Entérovirus (Coxsackie, échovirus) ➝ gastroentérite ● Adénovirus ➝ infections respiratoires ● Virus ● En cas d’oligoarthrite et d’autres tableaux pouvant évoquer une spondylarthropathie Chlamydia trachomatis : justifiée quasi systématiquement chez l’adulte jeune en cas de suspicion d’arthrite réactionnelle ou de tableaux cliniques apparents (oligoarthrite inexpliquée). ● Yersinia enterocolitica 0.3, Salmonella, Campylobacter : justifiée en cas d’arthrite dans un contexte endémique ou épidémique de gastroentérite. ● Chlamydia pneumoniae : justifiée exceptionnellement dans un contexte d’arthropathie post-broncho-pneumopathie. ● Borrelia burgdorferi : justifiée en cas d’exposition à la borréliose de Lyme. ● Streptococcus : justifiée en cas de suspicion de syndrome post-streptococcique. ● Virus hépatotropes (VHA, VHB, VHC) : justifiée en cas d’arthrite précédant ou accompagnant une hépatite virale, ou de certains contextes particuliers (cryoglobulinémie). ● Virus de la rubéole : justifiée en cas d’arthrite post-vaccinale chez la femme jeune ou en cas de rubéole. ● VIH : justifiée en cas d’arthropathie aiguë dans un contexte de facteur de risque (contage VIH). ● Bactéries Chlamydia trachomatis (IgG-IgA) ➝ infections génito-urinaires ● Borrelia burgdorferi ➝ borréliose de Lyme (zone d’endémie) ● Chlamydia pneumoniae ➝ bronchopneumopathies ● Streptococcus (ASLO-ASDO) ➝ infections respiratoires, cutanées ● Brucella melitensis et abortus ➝ brucellose ● Yersinia enterocolitica 0.3, Salmonella enteridis et typhymurium et Campylobacter jejuni ➝ gastroentérite ● Leptospira ictero-hemorragiae ➝ leptospirose ● Treponema pallidum ➝ syphilis ● (Coût 1998 : VIH : ELISA B70, Western-Blot B100). ❏ La sérologie du parvovirus B19 (PB19) est indiquée en cas de polyarthrite récente, en particulier chez les sujets en contact avec de jeunes enfants. Ce virus est responsable de signes cutanés mais aussi d’érythroblastopénie chez l’adulte. Cependant, son rôle direct dans le déclenchement des arthropathies est encore discuté. La sérologie PB19 est spécifique, mais 70 à 80 % des sujets adultes ont été en contact avec ce virus et ont développé des IgG spécifiques qui peuvent persister quelques années. Un contact viral récent ne peut donc être démontré que par la découverte d’une primo-infection (IgM). (Coût 1998 : PB19 : ELISA IgG B70, ELISA IgG et IgM B120). ❏ Les autres sérologies virales ne sont pas discutées dans cette mise au point. Les sérologies bactériennes. La valeur de ces sérologies est variable, en particulier celles destinées aux germes digestifs. Ces dernières ont souvent moins d’intérêt car elles sont assez peu spécifiques. 18 En cas de monoarthrite Aucune sérologie n’est justifiée systématiquement, mais cette situation peut s’apparenter à celle d’une oligoarthrite. Pour Chlamydia trachomatis (Ct) : des méthodes immunoenzymatiques permettent un titrage des IgG et IgA mais ne sont pas adaptées au dosage des IgM. Il faut rappeler que la séroprévalence des IgG anti-Ct est de 15 à 20 % dans certaines populations à risque. Globalement, la sensibilité et la spécificité de ces sérologies sont acceptables, même si elles varient beaucoup selon l’Ag utilisé. Cette sérologie est indiquée quand on évoque une spondylarthropathie ou parfois un rhumatisme inexpliqué, notamment quand il se manifeste par une oligoarthrite des membres inférieurs. (Coût 1998 : ELISA B60). ❏ Pour Chlamydia pneumoniae (Cp) : différentes méthodes immunoenzymatiques permettent de détecter différents isotypes. ❏ La Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999 M L’interprétation des résultats dépend beaucoup du contexte clinique car la séroprévalence de cette infection est forte dans la population adulte saine (de 70 à 90 %). Seuls des titres élevés (> 1/1 280) sont significatifs. Cette sérologie est indiquée dans certaines formes de rhumatisme axial ou périphérique survenues après une bronchopneumopathie. Le rôle arthritogène de cette bactérie est en cours d’évaluation. (Coût 1998 : ELISA B60). Pour Yersinia enterocolitica et pseudotuberculosis (Ye, Yp) : de nouvelles méthodes immunoenzymatiques et d’immunoempreintes ont été développées, utilisant différents Ag bactériens (lipopolysaccharide, protéine YOP [Yersinia outer membrane protein]). Dans certaines populations de l’Europe du Nord, la séroprévalence peut être également assez importante. La recherche d’IgA spécifiques pourrait avoir un intérêt, comme nous l’avons vu précédemment, en particulier quand on évoque une spondylarthropathie post-dysentérique. (Coût 1998 : agglutination B40 à B120, selon le nombre d’antigènes testés). ❏ Pour Salmonella enteridis et typhymurium (Se, St) : les tests d’agglutination classiques (Félix et Vidal) ont un faible intérêt diagnostique, car il existe de multiples réactions croisées avec d’autres entérobactéries. De nouvelles techniques immunoenzymatiques détectant des Ac anti-lipopolysaccharides semblent plus adaptées, mais l’intérêt pratique de ce type de sérologie dans les spondylarthropathies et les rhumatismes inclassés reste à démontrer. (Coût 1998 : Félix-Vidal B40 à B80, selon le nombre d’antigènes testés). ❏ ❏ Pour Campylobacter jejuni (Cj) : des techniques immunoenzymatiques sensibles et spécifiques permettent de détecter différents isotypes, mais l’intérêt pratique de cette sérologie mérite aussi d’être évaluée dans les mêmes contextes que pour les autres germes digestifs. (Coût 1998 : réaction de fixation du complément B50). ❏ Pour Shigella flexneri et sonnei (Sf, Ss) : la sérologie n’a pas d’intérêt en raison d’importantes réactions croisées avec Escherichia coli. (Coût 1998 : agglutination B80). Pour Borrelia burgdorferi (Bb) : l’intérêt et les indications de cette sérologie ont été discutés précédemment. Elle est particulièrement utile en zone d’endémie, où elle doit être interprétée en tenant compte de la séroprévalence dans la population générale (de 5 à 20 %). (Coût 1998 : ELISA B70, Western-Blot B180). ❏ ❏ Pour Brucella abortus et melitensis (Ba, Bm) : la réaction d’agglutination de Wright, qui révèle les IgM, est très spécifique et se positive dès la deuxième semaine de la maladie. La réaction d’IF est également très spécifique, détectant plus tardivement des IgG caractéristiques des formes chroniques. Cette sérologie peut être particulièrement utile dans les formes chroniques où le germe n’est plus identifié directement. (Coût 1998 : agglutination B45 et IF B60). La Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999 I S E A U P O I N T Pour les Streptococcus : l’intérêt du dosage des Ac antistreptococciques (anti-streptolysine, anti-streptokinase, anti-streptodornase) est souvent discuté. Dans les infections aiguës, il est beaucoup plus utile de rechercher directement la bactérie si cela est possible, en particulier en cas de suspicion d’endocardite (hémoculture, prélèvement guidé). En revanche, dans certains rhumatismes post-streptococciques de l’adulte, ce dosage peut être un appoint diagnostique, à condition de pouvoir démontrer par au moins deux dosages successifs qu’il existe une ascension significative du taux d’anti-streptocoques. (Coût 1998 : ASLO et ASDO B80). ❏ Il faut rappeler que, pour un certain nombre de germes directement ou indirectement arthritogènes (mycoplasmes, gonocoques, mycobactéries, staphylocoques, bacille de la maladie de Whipple, parasites), il n’existe pas de test sérologique fiable. Dans ce cas, des arguments indirects et surtout la mise en évidence directe du germe dans un site extra-articulaire ou articulaire permettent d’étayer son rôle pathogène. Les sérologies parasitaires et mycologiques. Ces sérologies ne sont pas détaillées. Elles ne présentent pas d’intérêt majeur dans le bilan d’arthropathies inflammatoires. Quel est le coût d’une sérologie microbienne ? Le coût est variable. Il a été précisé en B (lettre Biologique = 1,82 FF en 1998) pour chaque sérologie. En moyenne, le coût d’une sérologie de dépistage est de B60 à B80 et celle de confirmation de B80 à B180. À titre d’exemple, le coût des sérologies pour des Ac antinucléaires, des facteurs rhumatoïdes ou des Ac anti-kératine n’est que de B40. CONCLUSION Les sérologies microbiennes ne sont que des méthodes diagnostiques indirectes. Cette mise au point a pour objectif de préciser, de façon critique, la valeur réelle de ces sérologies. Dans toutes les situations, il faut se rappeler deux règles fondamentales : ❏ La présence isolée d’Ac antimicrobiens, mêmes spécifiques, ne démontre pas qu’il existe une infection active. ❏ La prescription d’une sérologie doit être motivée par un bénéfice diagnostique ou thérapeutique direct, et pas simplement pour documenter une observation. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S ❏ De Koning J., Heesemann J., Hoogkamp-Korstanje J.A. et coll. Yersinia in intestinal biopsy specimens from patients with seronegatives spondylarthropathy : correlation with specific serum IgA antibodies. 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