La Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999
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ISE AU POINT
Analyse critique de la valeur diagnostique d’un test. Sensibi-
lité et spécificité sont dépendantes des qualités techniques du test,
en particulier du ou des Ag utilisé(s). Ces Ag doivent être suffi-
samment représentatifs du micro-organisme, c’est-à-dire être
reconnus par la plus grande majorité des patients infectés par ce
germe sans l’être par les Ac de patients atteints d’affections appa-
rentées. Quoi qu’il en soit, un test n’a jamais une spécificité et
une sensibilité absolues (100 %). Dans la plupart des cas, les tests
très “sensibles” sont souvent moins “spécifiques” et, inversement,
les tests très “spécifiques” sont souvent assez peu “sensibles”.
En pratique, l’étude de la valeur clinique d’un test sérologique
est une étape très importante, totalement liée à la qualité des dia-
gnostics retenus pour les sérums qui servent de témoins. Si cette
analyse n’est pas faite avec beaucoup de rigueur, il n’est pas pos-
sible de savoir quelle est la valeur réelle d’un test en pratique quo-
tidienne.
COMMENT INTERPRÉTER UNE SÉROLOGIE ?
Il s’agit d’un point particulièrement important car un certain
nombre de sérologies sont mal interprétées. La présence d’Ac
ne signifie pas l’existence d’une infection active mais peut être
la marque d’un simple contact, parfois ancien, avec un germe.
Ces Ac sont alors le reflet d’une “cicatrice sérologique” souvent
protectrice. Cela est particulièrement vrai quand l’infection a une
forte séroprévalence dans la population générale... ou si les sujets
ont été vaccinés. À titre d’exemple, tout sujet vacciné contre le
tétanos et la polio a, pendant de nombreuses années, des Ac cir-
culants sans avoir d’infection active. En pratique, la sérologie ne
permet de suggérer une infection récente et/ou active que dans
trois situations :
1. Si la primo-infection est démontrée grâce à deux dosages suc-
cessifs (à au moins un mois d’intervalle). La première analyse
doit montrer la présence d’IgM isolée ou parfois associée à des
titres faibles d’IgG. Le deuxième contrôle doit confirmer la dis-
parition des IgM et l’ascension significative des titres IgG spéci-
fiques. Comme nous l’avons vu précédemment, la présence d’IgM
doit toujours être interprétée avec prudence (figure 3).
2. Si une réinfection est démontrée grâce à deux dosages suc-
cessifs confirmant une réascension significative des titres IgG.
Cette différence significative est d’au moins deux dilutions (par
exemple de 1/32 à 1/128) pour les sérologies semi-quantitatives
et d’un taux qui dépend de la méthode pour les dosages quanti-
tatifs (figure 3).
3. Si une infection active est caractérisée par la présence d’un titre
élevé d’isotype IgA, comme nous l’avons vu précédemment pour
les infections à Chlamydia trachomatis, Yersinia et Salmonella.
QUELLES SONT LES SÉROLOGIES MICROBIENNES UTILES
POUR LE RHUMATOLOGUE ?
QUAND FAUT-IL DEMANDER UNE SÉROLOGIE MICRO-
BIENNE ?
Aucune sérologie ne devrait être réalisée systématiquement. Cet
examen doit être programmé dans une démarche diagnostique
rationnelle, en particulier s’il n’existe pas d’autre moyen dia-
gnostique direct. Cela est particulièrement vrai pour les virus
arthritogènes et pour certaines bactéries très difficiles ou impos-
sibles à mettre en évidence (exemple : Borrelia burgdorferi). Quoi
qu’il en soit, une sérologie n’est légitime que si cela modifie la
prise en charge du patient. Cela peut se produire dans certaines
circonstances :
❏
Si le germe en cause est éventuellement transmissible, comme
c’est le cas pour les virus des hépatites et le VIH. La découverte
d’une infection virale chronique permet alors non seulement
d’adapter le traitement, mais également d’informer le malade du
risque qu’il fait courir à son entourage.
❏
Si le germe en cause peut être éradiqué, comme cela est le cas
pour certaines bactéries arthritogènes dont le portage chronique
extra-articulaire est possible (Chlamydia trachomatis, Borrelia
burgdorferi). Néanmoins, il faut préciser que, dans cette cir-
constance, la sérologie ne remplace pas la recherche directe du
germe (si elle est possible). En d’autres termes, la preuve bacté-
riologique d’une infection chronique n’est formelle que si la bac-
térie est identifiée directement.
❏
Si l’identification d’un agent infectieux modifie la prise en
charge thérapeutique de la maladie articulaire. Ainsi, à titre
d’exemple, si la sérologie confirme qu’une polyarthrite est liée à
une infection à parvovirus B19, la mise en route d’un traitement
de fond par méthotrexate ou un immunomodulateur pourrait être
différée. Un autre exemple pourrait être l’utilité de rechercher
une infection virale hépatique (VHB,VHC) avant la mise en route
d’un traitement hépatotoxique (méthotrexate).
Quelles sérologies faut-il demander ?
Il n’y a pas de “recette” pour la prescription des sérologies micro-
biennes, qui doivent être discutées au cas par cas en fonction des
données de l’interrogatoire et de l’examen clinique (tableau I).
Schématiquement, cette discussion s’effectue en fonction des
signes articulaires et des signes associés (tableau II), mais il n’y
a pas de sérologie “générique”. En d’autres termes, il ne faut pas
demander une “sérologie arthrite réactionnelle” ou une “sérolo-
gie polyarthrite” : la prescription doit être précise.
Les sérologies virales. Elles sont dans l’ensemble sensibles et
spécifiques. Même la sérologie de l’hépatite C est actuellement
performante grâce au développement de tests de nouvelle géné-
ration.
❏
Les sérologies des virus des hépatites sont particulièrement
importantes car ces virus ont la particularité de se manifester par
des signes rhumatologiques ou systémiques très polymorphes.
(Coût 1998 : hépatite C : ELISA B70 et RIBA B100, hépatite B :
Ag Hbs ELISA B70, Ac anti-Hbs ELISA B70, Ac anti-Hbc
ELISA B70).
❏
L’indication de la sérologie VIH mérite d’être discutée car les
manifestations rhumatologiques révélatrices d’une infection par
le VIH sont exceptionnelles. Ce diagnostic doit néanmoins être
évoqué, en particulier quand il existe un tableau d’oligoarthrite
ou de spondylarthropathie, parfois associée à un psoriasis, ou des
antécédents récents d’infections extra-articulaires.
Cette sérologie doit être effectuée avec le consentement du patient,
mais cette règle n’a rien de spécifique car elle s’applique à l’en-
semble des examens complémentaires.