Diagno-photo 1 Douleur abdominale avec ascite chez une immigrée Description du cas par Dr Alain Martel, microbiologiste-infectiologue, interniste Une jeune femme âgée de 23 ans, originaire du Burundi, consulte pour une diarrhée accompagnée de douleur abdominale diffuse et d’une augmentation du volume de l’abdomen depuis environ un mois. Au questionnaire, elle nie toute allergie et tout contact avec des personnes ayant souffert de tuberculose. Elle demeure au Québec depuis deux ans. Elle ne tousse pas, n’est pas dyspnéique, ne présente pas de douleur thoracique, ne présente pas d’hémoptysie, n’expectore pas et n’a pas noté de perte de poids récente, d’inappétence ou de sudation nocturne. À l’examen physique, on note un ballonnement abdominal important, en l’absence de stigmates d’atteinte hépatique chronique (érythème palmaire, angiomes stellaires, circulation collatérale abdominale, ictère ou hépatosplénomégalie). L’investigation radiologique, entamée par une échographie abdominale, démontre la présence d’ascite, avec épanchement pleural droit modéré sans anomalie ou augmentation des viscères intra-abdominaux. Une tomodensitométrie de l’abdomen démontre la présence d’ascite avec infiltration diffuse du grand épiploon avec de nombreux petits ganglions mésentériques et un épaississement diffus de la paroi des anses grêles. Résulats de l’investigation biologique avec une formule sanguine complète • Une leucocytose avec une différentielle normale; • Une hémoglobine ↓ à 108 g/L (N : 120-160); • Des plaquettes ↑ à 537 000 (N : 150-400 X 109/L) et une vitesse de sédimentation ↑ 37 mm/h (N < 10). Bilan hépatique • Bilirubine totale/directe normale; • AST : ↑ 55 (N < 30 U/L); • ALT : ↑ 46 (N < 35 U/L); • ¥GT : ↑ 124 (N < 30 U/L); • LDH : ↑ 419 (N < 220 U/L); • Phosphatase alcaline : ↑ 257 (N = 35-105 U/L). 30 Clinicien plus • février 2014 • La culture et la recherche de parasites dans les selles est négative; • La recherche de toxine de C. difficile dans les selles est négative et les sérologies demandées (brucellose, strongyloïdose, toxoplasmose et fièvre Q) sont en cours; • Le Quantiferon® GiT est positif; • La ponction d’ascite pour la recherche de bactéries, de bacilles acido-alcoolo-résistants, de champignons ou de parasites, est négative; • La numération cellulaire du liquide péritonéal est de 11 100 éléments X 106/L (1 800 leucocytes et 8 300 hématies); • Le test d’amplification des acides nucléiques (TAAN) sur le liquide d’ascite pour la recherche du bacille de Koch est négatif. On a procédé à une laparoscopie et à différentes colorations sur un prélèvement effectué sur une lésion péritonéale. Le résultat est à la page suivante (voir photo). Diagno-photo Que démontre cette coloration? Il s’agit d’une coloration de Ziehl qui démontre la présence de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR). Quel est le diagnostic? Il s’agit d’une tuberculose péritonéale chez une immigrée. La tuberculose nord-américaine se présente habituellement par des symptômes pulmonaires alors que dans ce cas-ci, les symptômes sont plutôt reliés au système digestif. La tuberculose abdominale est surtout vue chez les patients du continent indien où les taux d’atteinte sont 50 fois plus élevés que ceux en Amérique du Nord. La maladie est habituellement secondaire à la dissémination hématogène, mais peut être secondaire à une invasion locale secondaire ou à l’ingestion du microorganisme. L’atteinte de la région iléocæcale est habituellement la présentation clinique, suivie de l’atteinte du grêle et ensuite du côlon. Environ un tiers des patients ont une évidence d’atteinte tuberculeuse à un autre site anatomique, habituellement les poumons. Les symptômes reflètent le site atteint, mais peuvent également s’accompagner de symptômes non spécifiques telles la fièvre, la perte de poids, la douleur abdominale chronique, les nausées et l’anorexie. La diarrhée est présente dans moins de 20 % des cas. Quel est le traitement? La quadruple thérapie antituberculeuse est recommandée : isoniazide, rifampicine, éthambutol et pyrazinamide. Un suivi tous les mois au début du traitement est indiqué pour déceler les effets secondaires et il est espacé, par la suite, aux trois mois pour une durée totale de neuf mois. Clinicien plus • février 2014 31 Diagno-photo 2 Un p’tit « ver » avec ça? Description du cas par Dr Alain Martel, microbiologiste-infectiologue, interniste Un patient âgé de 30 ans consulte parce qu’il a remarqué ce « ver » dans ses selles le matin même de la consultation. Il est actuellement asymptomatique. L’histoire nous indique qu’il a passé six mois en Asie il y a quelques mois et qu’il a visité différents sites durant son périple. Il se souvient d’avoir consommé les aliments de la place, souvent non cuits, et d’avoir eu un épisode de diarrhée importante qui a duré un mois, diarrhée qui est rentrée dans l’ordre avant son retour au Canada. La photo montre le ver que nous avons analysé au laboratoire. Quel est le diagnostic? Il s’agit d’un ver adulte mâle : l’Ascaris lumbricoïdes. Ce ver rond mesure entre 150-200 microns de large sur 2 à 4 mm de long et il est mobile. Ce parasite survit dans l’environnement contaminé par les selles d’humain porteur symptomatique ou non, sous forme de kystes, et est ingéré. Une fois dans le tube digestif, les kystes se transforment en larves, qui traversent la muqueuse intestinale, entrent dans les lymphatiques et les veinules, migrent vers le cœur droit et les poumons, traversent les alvéoles pulmonaires, muent deux fois, montent le tractus respiratoire et descendent le long de l’œsophage pour redevenir matures dans l’intestin et être excrétés à nouveau dans l’environnement sous forme de kystes, lors d’éjection des selles. Ce parasite peut provoquer rarement une obstruction intestinale chez l’enfant ou une obstruction des voies biliaires lors de la migration des vers adultes. 32 Clinicien plus • février 2014 Quel est le traitement? Le traitement recommandé est l’albendazole 400 mg par voie orale 2 f.p.j. pour 3 jours ou le mébendazole 100 mg par voie orale 2 f.p.j. pour 3 jours (ce médicament étant non disponible sur le marché canadien, vous ne pouvez l’obtenir que par le biais du Programme d’accès spécial [PAS] de Santé Canada). Lors du traitement, il peut survenir une recrudescence de la présence de vers dans les selles, ce qui inquiète souvent les personnes traitées. Il faut alors les aviser de la survenue de ce « tsunami » de vers lors du traitement. Diagno-photo 3 Rash prurigineux Description du cas par Dr Jean-François Roussy, microbiologiste-infectiologue Photo 1. Une femme de 35 ans se présente pour un rash érythémateux sur les jambes (Photos 1 et 2). Ce rash aurait débuté 30 minutes après la fin d’une première infusion de fer par intraveineuse pour une anémie ferriprive importante. Au préalable, avant de recevoir l’injection de la dose complète, une dose-test avait été reçue sans problème. Le rash est prurigineux et est présent uniquement sur les jambes. La patiente éprouve également une sensation de brûlure sur la peau. Les signes vitaux sont normaux, et elle ne fait pas de fièvre ni ne présente de difficulté respiratoire. Photo 2. Quel est le diagnostic? Il s’agit d’une réaction allergique au fer administré par voie intraveineuse. Quel est le traitement? Il s’agit d’un traitement symptomatique consistant à donner de la diphenhydramine et de la prednisone 50 mg aux 12 heures pour deux doses totales. Il faut également s’assurer qu’il n’y ait pas de progression des symptômes sur le plan respiratoire. Il serait prudent de s’assurer de la nécessité de poursuivre les injections de fer, car la réaction pourrait être plus grave à la prochaine dose. Si une prochaine dose est absolument nécessaire, un traitement prédose avec la prednisone et la diphenhydramine et un suivi postdose plus long à l’hôpital devront être faits. Clinicien plus • février 2014 33 Diagno-photo 4 Diarrhées graves Description du cas par Dr Jean-François Roussy, microbiologiste-infectiologue Photo 1. Il s’agit d’un patient de 72 ans qui consulte parce qu’il a souffert de diarrhées 7 jours après son départ d’un milieu hospitalier de la région. Il avait été hospitalisé pendant trois semaines pour une diverticulite perforée avec abcès. Il avait reçu des antibiotiques, dont l’association pipéracilline-tazobactam, puis de l’amoxycilline-clavulanate à ce moment. Il a cessé de prendre l’amoxycilline-clavulanate 5 jours auparavant. Des diarrhées graves ont commencé (10 à 12 par jour) 4 jours avant son admission. À l’examen physique, le patient paraît à l’aise, avec une tension artérielle à 120/84 mm Hg, un pouls à 84 bpm et une fréquence respiratoire à 20 cycles/min. L’abdomen est ballonné, le péristaltisme est présent, et un est tympanisme décelé à la percussion. Le ventre est souple, sans défense ni douleur localisée. Le toucher rectal est normal. Les examens de laboratoire, soit la formule sanguine complète, nous démontrent une leucocytose à 28 600 X 109 cell/L avec 26 900 neutrophiles, une hémoglobine à 114 et des plaquettes à 455 000/mm3. Le gaz sanguin est normal et la saturation à l’air libre est supérieure à 96 %. L’azote uréique du sang est à 38 mmol/L, la créatinine à 160 µmol/L (le résultat a doublé en comparaison à celui de la créatinine dosée peu de temps avant la fin de l’hospitalisation précédente). L’imagerie avec la tomodensitométrie démontre la présence d’un œdème de la muqueuse intestinale de plus de 2 cm avec dilatation des anses coliques. Photo 2. Quel est le diagnostic? Quelles sont les complications associées à craindre? Vous devez craindre une colite pseudomembraneuse à Clostridium difficile avec mégacôlon toxique. En effet, la prise récente d’antibiotiques à large spectre, une hospitalisation prolongée et une chirurgie abdominale récente sont toutes des situations favorisant le développement d’une colite à C. difficile. Le tableau clinique incluant le tympanisme et les trouvailles à la tomodensitométrie 34 Clinicien plus • février 2014 laissent présager un mégacôlon toxique. De plus, des critères de gravité pour le C. difficile sont présents, soit la leucocytose de plus de 15 000 x 109 cell/L, le nombre de diarrhées supérieur à 10 par jour et le développement d’une insuffisance rénale aiguë. Que devez-vous faire sur-le-champ? Vous devez admettre le patient dans une unité de soins intensifs. Une consultation en chirurgie est nécessaire, le mégacôlon étant le plus souvent une condition chirurgicale. Une combinaison de vancomycine per os et de métronidazole I.V. doit être administrée au patient. Dans le cas présent, le patient a été opéré dans la journée, et l’examen du côlon lors de la résection a démontré la présence d’une membrane diffuse sur la muqueuse colique (pseudomembranes, Photo 1). La recherche de toxine de C. difficile par culture sur tapis cellulaire a démontré la présence de la cytotoxine du C. difficile (Photo 2). Diagno-photo 5 Lésions cutanées Description du cas par Dr Jean-François Roussy, microbiologiste-infectiologue Il s’agit d’un homme de 45 ans, diabétique, qui se présente au cabinet du médecin, car il souffre de fièvre et de lésions cutanées sur la jambe progressant rapidement. Le tout a débuté dans les 24 heures précédant la consultation. Les lésions érythémateuses sont très douloureuses. Également, on note sur le pied à l’examen physique des excoriations secondaires au grattage d’une morsure d’insecte. Le patient est affaibli, fait 39 °C de fièvre, et sa tension artérielle est à 110/55 mm Hg. Quel est le diagnostic? Il s’agit d’une cellulite de la jambe. Dans le cas de ce patient, il fallait s’assurer d’éliminer une infection plus profonde. La nature rapide de l’évolution, la fièvre et le type de lésions érythémateuses surélevées que le patient présente laissent présager un streptocoque du groupe A. La photo a été prise après au moins 72 heures suivant le début de la prise d’antibiotiques. Il est à noter que les hémocultures étaient positives pour un streptocoque du groupe A. Quel est le traitement? Le patient fut admis initialement pour une hydratation intraveineuse (I.V.) et une antibiothérapie I.V. Initialement, de la céfazoline avait été prise par le patient en attente du résultat des hémocultures. Comme le streptocoque était sensible à la pénicilline, celle-ci fut prescrite per os pour la fin du traitement. L es lésions érythémateuses sont très douloureuses [...] [et] on note sur le pied à l’examen physique des excoriations secondaires au grattage d’une morsure d’insecte. Clinicien plus • février 2014 35 Diagno-photo 6 Pneumonie Description du cas par Dr Alain Martel, microbiologiste-infectiologue, interniste, et Sarah-Christine Villeneuve, résidente en médecine interne Photo 1. Il s’agit d’un patient âgé de 75 ans, cuisinier à la retraite, atteint de polyarthrite rhumatoïde traitée depuis 2 ans avec du méthotrexate et de l’hydroxychloroquine. Il est admis à l’hôpital parce qu’il présente depuis 2 mois environ une diminution de son état général avec inappétence, perte de poids de plus de 25 livres et dyspnée graduellement progressive, exacerbée depuis 2 à 3 semaines. Le patient n’a pas de toux, n’a pas noté d’hémoptysie, mais ressent une douleur thoracique gauche intermittente et a une température intermittente objectivée à 38,9 °C – 40 °C accompagnée de frissons. Au questionnaire, le patient ne révèle pas d’histoire de voyage récent à l’étranger, de contacts infectieux significatifs, de contact avec des animaux ou de consommation d’aliments crus ou de charcuterie. Il est admis à l’étage de l’hôpital, et on lui administre une antibiothérapie constituée de ceftriaxone et d’azithromycine. Résultats à l’admission • La pO2 est à 69,3 mm Hg (N : ≥ 80,0); • La tension artérielle est à 110/60 mm Hg; • La sérologie pour le VIH est négative. • La température du patient est à 39,5 °C; • Le pouls est irrégulier à 123 bpm; • La fréquence respiratoire est à 20/min.; • La formule sanguine complète démontre des globules blancs à 7 600 (N : 4 800 à 10 800 X 109/L); • L’hématocrite est à 0,274 (N : 0,420 à 0,520 L/L); • Les lacticodéshydrogénases sont à 338 (N : 0 à 225 U/L); • Le bilan hépatique et rénal est normal; • Le gaz capillaire avec lunettes nasales et FiO2 à 5 litres démontre un pH à 7,477 (N : 7,35 à 7,45); • La pCO2 est à 30,5 mm Hg (N : 35,0 à 45,0); 36 Clinicien plus • février 2014 • La saturation est à 0,949 (N : 0,950); Vingt-quatre heures après son admission, le patient présente toujours de la température à 39,2 °C, de la dyspnée et des râles crépitants au foyer pulmonaire G. La saturation en O2 est à 78 % sous lunettes nasales à un débit de 3 L/min. La tension artérielle est à 130/53 mm Hg et le pouls est à 90 bpm. La radiographie pulmonaire prise la veille est représentée à la Photo 1. Diagno-photo Que montre la Photo 1? Elle démontre un infiltrat pulmonaire diffus témoin d’une atteinte parenchymateuse grave. Après 24 heures de traitement, devant l’absence d’amélioration clinique du patient, on transfère celui-ci aux soins intensifs et on procède à une bronchoscopie afin d’identifier l’étiologie la plus probable de la pneumonie chez ce patient immunocompromis, qui tarde à s’améliorer malgré une antibiothérapie systémique adéquate. Une coloration par immunofluorescence directe des sécrétions endobronchiques est démontrée dans la Photo 2. Informations supplémentaires sur la pneumonie à Pneumocystis jiroveci Anciennement appelé Pneumocystis carinii, Pneumocystis jirovecii, pour le distinguer de celui qui infecte les rongeurs, est un champignon responsable d’une forme de pneumonie chez les patients immunocompromis. Plus souvent décrite chez les sidéens durant les années 1980, la pneumonie à Pneumocystis jirovecii est aussi décrite chez les patients immunocompromis ou sous corticothérapie à haute dose administrée sur une longue période. Pneumocystis spp. est transmis par voie aérienne, et sa transmission se fait par contact direct avec une personne porteuse. Certains individus avec un système immunitaire normal peuvent être colonisés de façon asymptomatique par Pneumocystis spp. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe, la pneumonie était décrite chez les enfants prématurés et malnutris suivis et, dans les années 1960-1970, chez les patients avec néoplasies hématologiques qui recevaient de hautes doses de stéroïdes. Les facteurs de risque les plus significatifs sont : l’utilisation de stéroïdes à haute dose (≥ 20 mg de prednisone par jour) sur une longue période (≥ 1 mois) et les troubles de l’immunité cellulaire (lymphocytes T). Quel est le traitement? Photo 2. Quel est le diagnostic potentiel? Il s’agit, effectivement, de kystes de Pneumocystis jirovecii vus à l’immunofluorescence directe. Les autres résultats des prélèvements endobronchiques n’ont pu démontrer la présence d’autres agents pathogènes significatifs. Nous avons entrepris le traitement avec l’association de triméthoprime/sulfaméthoxazole à raison de 20 mg/kg de triméthoprime séparées en trois doses égales aux 24 heures. Cela a été associé à de la prednisone 40 mg par voie intraveineuse (I.V.), 2 fois par jour tous les jours pour les 5 jours suivants suivi de 40 mg par voie orale (per os) une fois par jour pour 5 jours supplémentaires et 20 mg per os pour 11 jours supplémentaires. Le traitement consiste en l’association de triméthoprime/sufaméthoxazole à dose de 15 à 20 mg/kg I.V. ou per os, divisée en trois ou quatre doses égales pendant 24 heures pour une durée de 14 jours (pour les sidéens, la durée totale du traitement est de 21 jours). D’autres régimes thérapeutiques existent comme l’atovaquone, l’association de clindamycine et de primaquine ou de triméthoprime plus dapsone. L’association de la prednisone au traitement antibiotique est recommandée chez les patients séropositifs (VIH+), mais semble controversé chez les patients séronégatifs (VIH-). Cependant, le niveau élevé d’inflammation dans les poumons de patients qui présentent une pneumonie à Pneumocystis jirovecii nous donne une raison de l’utiliser chez les patients atteints du VIH. Clinicien plus • février 2014 37