Calcul Différentiel 1

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Calcul Différentiel 1
Notes de cours
Licence 2 – Semestre 3
Ioane Muni Toke
Version 2013
2
Université de la Nouvelle-Calédonie
Licence 2 S&T Mention Mathématiques
Table des matières
1 Topologie des espaces vectoriels normés
1.1 Notion de norme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Rudiments de topologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.1 Parties ouvertes et fermées d’un espace vectoriel normé
1.2.2 Suites dans un espace vectoriel normé . . . . . . . . . .
1.2.3 Quelques définitions pour aller plus loin . . . . . . . . .
1.3 Cas de la dimension finie et de RN en particulier . . . . . . . .
1.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2 Continuité de fonctions de RN dans RP
2.1 Limite de fonctions . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Fonctions continues . . . . . . . . . . . . . .
2.3 Fonctions continues sur les fermés bornés de
2.4 Quelques mots sur les applications linéaires
2.5 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . .
. . .
RN
. . .
. . .
3 Différentiabilité de fonctions de RN dans RP
3.1 Dérivées partielles . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Différentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Matrice jacobienne . . . . . . . . . . . . . . .
3.4 Applications continûment différentiables . . .
3.5 Inégalité des accroissements finis . . . . . . .
3.6 Application linéaire tangente . . . . . . . . .
3.7 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4 Différentiabilité d’ordre k
4.1 Fonctions de classe C k . . . . . . . . . . . .
4.2 Formules de Taylor . . . . . . . . . . . . . .
4.3 Extrema de fonctions de plusieurs variables
4.4 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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5 Pour aller plus loin
55
5.1 Difféomorphismes et inversion locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
5.2 Introduction à la notion de forme différentielle . . . . . . . . . . . . . . . . 56
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Université de la Nouvelle-Calédonie
TABLE DES MATIÈRES
Licence 2 S&T Mention Mathématiques
Chapitre 1
Rudiments de topologie des
espaces vectoriels normés
Dans ce chapitre, nous donnons quelques rudiments de topologie des espaces vectoriels
normés. Ce cadre de travail est suffisant dans ce cours puisque l’objectif des chapitres
suivants est de travailler avec les fonctions de RN dans RP , espaces vectoriels normés de
dimension finie.
Dans tout ce chapitre, K = R ou C désigne le corps de base. | · | désigne donc suivant
le contexte la valeur absolue d’un réel ou le module d’un complexe. Soit E un K-espace
vectoriel de dimension quelconque. Le cas particulier où E est de dimension finie sera
présenté en section 1.3.
1.1
Notion de norme
Définition 1.1 (Norme). On appelle norme sur E toute application k · k : E → R+
vérifiant :
(N1) ∀x ∈ E, ∀λ ∈ K, kλxk = |λ|kxk (homogénéité positive) ;
(N2) ∀x ∈ E, (kxk = 0 ⇐⇒ x = 0) (séparation) ;
(N3) ∀(x, y) ∈ E 2 , kx + yk ≤ kxk + kyk (inégalité triangulaire).
Remarque 1.2. Une application vérifiant l’homogénéité et l’inégalité triangulaire, mais pas
la séparation est appelée semi-norme.
Définition 1.3 (Espace vectoriel normé). On appelle espace vectoriel normé tout couple
(E, k · k) où E est un espace vectoriel et k · k une norme sur E.
L’énoncé suivant propose quelques exemples de normes dans le cas d’un espace de
dimension finie (RN ). Dans les chapitres suivants, nous travaillerons avec des fonctions
définies sur RN , c’est donc un exemple fondamental.
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6
CHAPITRE 1. TOPOLOGIE DES ESPACES VECTORIELS NORMÉS
Proposition 1.4 (Normes sur RN ). Notons x = (x1 , . . . , xN ) un élément de RN . Soient
les applications :
(a) k · k1 : RN → R+ , x 7→ kxk1 =
(b) k · k2 : RN
(c) k · k∞ : R
N
N
X
i=1
|xi | ;
v
uN
uX
→ R+ , x →
7 kxk2 = t |xi |2 ;
i=1
→ R+ , x 7→ kxk∞ = max |xi |.
i=1,...,N
k · k1 , k · k2 , et k · k∞ sont des normes sur RN .
Démonstration. Les propriétés d’homogénéité et de séparation sont immédiates dans les
trois cas. Pour la norme k · k1 , l’inégalité triangulaire s’écrit pour tout couple (x, y) ∈
(KN )2 :
kx + yk1 =
N
X
i=1
|xi + yi | ≤
N
X
(|xi | + |yi |) = kxk1 + kyk1 .
i=1
(1.1)
De même, dans le cas de la norme k · k∞ , on a pour tout couple (x, y) ∈ (KN )2 :
kx + yk∞ =
i=1,...,N
max |xi + yi | ≤ max (|xi | + |yi |)
≤
i=1,...,N
i=1,...,N
max |xi | + max |yi | = kxk∞ + kyk∞
(1.2)
i=1,...,N
Dans le cas de la norme k · k2 , commençons par montrer l’inégalité de Cauchy-Schwarz.
Lemme 1.5 (Inégalité de Cauchy-Schwarz). Pour tout couple (x, y) ∈ (RN )2 , on a :
N
X
xi yi ≤ kxk2 kyk2 .
(1.3)
i=1
Il y a égalité si et seulement si les vecteurs x et y sont colinéaires.
Démonstration. Si y = 0, alors l’inégalité est évidemment vérifiée. Supposons y non nul.
Pour tout t ∈ R, on a :
0 ≤ kx + tyk22 =
N
X
(xi + tyi )2 =
i=1
N
X
x2i + 2t
i=1
N
X
xi y i + t 2
N
X
yi2 .
(1.4)
i=1
i=1
Ainsi, le terme de droite est un polynôme de degré 2 en t admettant au plus une racine
réelle, et par conséquent son discriminant est négatif :
0≥
N
X
xi y i
i=1
!2
−
N
X
i=1
x2i
!
N
X
i=1
yi2
!
,
(1.5)
d’où l’inégalité du lemme. En cas d’égalité, le discriminant est nul, i.e. le polynôme admet
une racine double, et par conséquent il existe t0 ∈ R tel que kx−t0 yk2 = 0, i.e. x = t0 y.
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1.1. NOTION DE NORME
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En vertu de cette inégalité, on a dans le cas de la norme k · k2 pour tout couple
(x, y) ∈ (RN )2 :
kx + yk22 =
≤
N
X
(xi + yi )2 =
i=1
N
X
x2i + 2
i=1
kxk22
+ 2kxk2 kyk2 +
N
X
xi y i +
i=1
kyk22
N
X
yi2
i=1
= (kxk2 + kyk2 )2 ,
(1.6)
ce qui termine la preuve.
Remarque 1.6. La norme k · k2 sur KN ainsi définie est appelée norme euclidienne 1 .
Donnons maintenant quelques exemples de normes sur des espaces de matrices (donc
toujours de dimension finie). Les preuves sont demandées à l’exercice 1.1.
Exemple 1.7 (Normes sur Mn,p (K)). Soit E = Mn,p (K) le K-espace vectoriel des matrices
à n lignes et p colonnes à coefficients dans K. E est un espace vectoriel de dimension np.
On note A = (aij )1≤i≤n un élément de E et on pose :
1≤j≤p
(a) k · k1 : E → R+ , A 7→ kAk1 = max
1≤j≤p
n
X
|aij | ;
i=1
p
X
(b) k · k∞ : E → R+ , A 7→ kAk∞ = max
1≤i≤n
j=1
|aij |.
k · k1 et k · k∞ sont deux exemples de normes sur Mn,p (K). 2
Donnons enfin quelques exemples de normes dans le cas d’un espace de dimension
infinie. On choisit ici l’exemple d’un espace fonctionnel, C([0, 1]; K), qui sera étudié plus
en détail dans le cours Espaces préhilbertiens du semestre 4.
Exemple 1.8 (Normes sur C([0, 1]; K)). Soit E = C([0, 1]; K) le K-espace vectoriel des
fonctions définies et continues sur [0, 1] à valeurs dans K. E est un espace vectoriel de
dimension infinie. On pose :
(a) k · k1 : E → R+ , f 7→ kf k1 =
(b) k · k2 : E → R+ , f 7→ kf k2 =
Z
1
0
s
Z
|f (x)| dx ;
1
0
|f (x)|2 dx ;
(c) k · k∞ : E → R+ , f 7→ kf k∞ = sup |f (x)|.
x∈[0,1]
k · k1 , k · k2 , et k · k∞ sont trois exemples de normes sur C([0, 1]; K).
Proposition 1.9 (Inégalités triangulaires). Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé.
Les deux énoncés suivants sont vérifiés :
n
n
X
X
(i) ∀(u1 , . . . , un ) ∈ E n , ui ≤
kui k ;
i=1
i=1
2
(ii) ∀(u, v) ∈ E , ku − vk ≥ |kuk − kvk|.
1. Voir le cours Espaces Préhilbertiens du semestre 4.
2. En L3 sera vue la notion plus précise de "norme matricielle".
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CHAPITRE 1. TOPOLOGIE DES ESPACES VECTORIELS NORMÉS
Démonstration. Le première propriété est la généralisation à n variables de l’inégalité
triangulaire de la définition 1.1. La preuve est laissée en exercice. La seconde propriété
est parfois appelée seconde inégalité triangulaire et est souvent utile. D’après l’inégalité
triangulaire de la définition 1.1, on a
(
kuk = ku − v + vk ≤
kvk = kv − u + uk ≤
ku − vk + kvk
ku − vk + kuk
(1.7)
d’où le résultat.
Terminons cette section avec quelques propriétés souvent utilisées de manière implicite, qui justifient que fréquemment on utilise des normes sans justifier en détail de leur
existence.
Proposition 1.10 (Existence d’une norme en dimension finie). Tout K-espace vectoriel
E de dimension finie admet une norme.
Démonstration. Soit n = dim E et (e1 , . . . , en ) une base de E. Alors l’application k · kE
définie pour tout élément x =
n
X
i=1
αi ei de E par kxkE =
vérification est laissée en exercice.
n
X
i=1
|αi | est une norme sur E. La
Proposition 1.11 (Norme d’un sous-espace). Si (E, k · k) est un espace vectoriel normé
et si F est un sous-espace vectoriel de E, alors (F, k · k) est un espace vectoriel normé.
Démonstration. Immédiat.
Proposition 1.12 (Norme d’un espace produit). Si (E, k · kE ) et (F, k · kF ) sont deux
espaces vectoriels normés, alors l’application k · kF ×G définie par
k · kF ×G : E × F → R+ , (x, y) 7→ max (kxkE , kykF )
(1.8)
est une norme sur l’espace produit E × F .
Démonstration. La démonstration est demandée à l’exercice 1.2.
1.2
1.2.1
Rudiments de topologie
Parties ouvertes et fermées d’un espace vectoriel normé
Définition 1.13 (Boules et sphères). Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé. Soit
x ∈ E et r ∈ R∗+ . On appelle :
(a) boule ouverte de centre x et de rayon r l’ensemble B(x, r) = {y ∈ E : kx − yk < r} ;
(b) boule fermée de centre x et de rayon r l’ensemble B(x, r) = {y ∈ E : kx − yk ≤ r} ;
(c) sphère de centre x et de rayon r l’ensemble S(x, r) = {y ∈ E : kx − yk = r}.
Remarque 1.14. La notion de boule dépend donc de la norme utilisée. Voir par exemple
l’exercice 1.3. La boule fermée de centre 0E et de rayon 1 est appelée boule unité.
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1.2. RUDIMENTS DE TOPOLOGIE
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Les notions de normes et de boules permettent de définir les notions de parties ouvertes
et fermées d’un espace vectoriel normé, qui généralisent les notions d’ouverts et fermés de
R vues en première année.
Définition 1.15 (Parties ouvertes et fermées d’un espace vectoriel normé). Soit (E, k·k)
un espace vectoriel normé. Une partie U de E est dite ouverte dans E si
∀x ∈ U, ∃r > 0 : B(x, r) ⊂ U.
(1.9)
Une partie F de E est dite fermée dans E si son complémentaire E\F = {x ∈ E : x ∈
/ F}
est une partie ouverte de E.
Autrement dit, une partie U de E est ouverte si pour chacun de ses points x elle contient
une boule de centre x. On pourra vérifier que les boules ouvertes sont des ouverts, et que
les boules fermées, les sphères et les singletons sont des fermés. Voir l’exercice 1.4. On
vérifiera également que les parties ∅ et E sont à la fois ouvertes et fermées 3 .
Proposition 1.16. Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé.
(i) Toute union quelconque d’ouverts est ouverte.
(ii) Toute intersection finie d’ouverts est ouverte.
(iii) Toutes intersection quelconque de fermés est fermée.
(iv) Toute union finie de fermés est fermés.
Démonstration. (i) Soit I un ensemble quelconque (non[nécessairement dénombrable).
Ui leur union. Si U est vide,
Soit (Ui )i∈I une famille d’ouverts de E, et soit U =
i∈I
alors U = ∅ est un ouvert. Sinon, soit x ∈ U . Par définition de U il existe i0 ∈ I
tel que x ∈ Ui0 . De plus, Ui0 est ouvert, donc il existe r > 0 tel que B(x, r) ⊂ Ui0 .
Finalement, B(x, r) ⊂ Ui0 ⊂ U , et U est ouvert.
(ii) Soit I un ensemble fini. Soit (Ui )i∈I une famille finie d’ouverts de E, et soit U =
\
Ui
i∈I
leur intersection. Si U est vide, alors U = ∅ est un fermé. Sinon, soit x ∈ U . Pour
tout i ∈ I, il existe ri > 0 tel que B(x, ri ) ⊂ Ui par définition d’un ouvert. Posons
r ∗ = min ri (r ∗ > 0 puisque I est fini). Alors pour tout i ∈ I, B(x, r ∗ ) ⊂ B(x, ri ) ⊂
i∈I
Ui , et par conséquent B(x, r ∗ ) ⊂ U , et U est ouvert.
(iii) Soit I un ensemble quelconque (non\
nécessairement dénombrable). Soit (Fi )i∈I une
Fi leur intersection. Par complémentarité,
famille de fermés de E, et soit F =
i∈I
E\F =E\
\
i∈I
Fi
!
=
[
i∈I
(E \ Fi )
(1.10)
donc d’après ce qui précède E \ F est ouvert et F est fermé.
(iv) De même, soit I un ensemble fini. Soit (Fi )i∈I une famille finie de fermés de E, et
3. Dans notre cas d’espace vectoriel, ∅ et E sont même les seules parties qui sont à la fois ouvertes et
fermées. Mais attention aux extrapolations hâtives, ceci n’est pas toujours vrai dans le cas d’espaces plus
généraux. Voir à ce sujet le cours de Topologie de L3.
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CHAPITRE 1. TOPOLOGIE DES ESPACES VECTORIELS NORMÉS
soit F =
[
Fi leur union. Par complémentarité,
i∈I
E\F =E\
[
i∈I
Fi
!
=
\
i∈I
(E \ Fi )
(1.11)
donc d’après ce qui précède E \ F est ouvert et F est fermé.
Remarque 1.17. Ces propriétés sont essentielles et il est important de les "visualiser" dans
R ou R2 . Voir à ce sujet l’exercice 1.5.
On termine cette section par la définition d’une partie bornée d’un esapce vectoriel
normé.
Définition 1.18 (Partie bornée d’un espace vectoriel normé). Soit (E, k · k) un espace
vectoriel normé. Une partie A de E est dite bornée si il existe M ∈ R+ tel que pour tout
x ∈ A, kxk ≤ M .
On vérifiera (exercice) que toute partie bornée d’un espace vectoriel normé est incluse
dans une boule ouverte.
1.2.2
Suites dans un espace vectoriel normé
On définit maintenant la notion de convergence d’une suite d’éléments d’un espace
vectoriel normé.
Définition 1.19 (Limite dans un espace vectoriel normé). Soit (E, k · k) un espace
vectoriel normé. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de E. Soit l ∈ E. On dit que la suite
(xn )n∈N admet la limite l dans E si
∀ǫ > 0, ∃N ∈ N : ∀n ≥ N, kxn − lk < ǫ.
(1.12)
Le premier enseignement de cette définition est que dans un espace vectoriel normé,
la convergence dépend du choix de la norme. Voir à ce sujet l’exercice 1.6. Le second
enseignement de cette définition est que la convergence de la suite (xn )n∈N vers l dans
un espace vectoriel normé (E, k · k) équivaut à la convergence vers 0 de la suite réelle
(kxn − lk)n∈N . Dès lors, on peut transposer aux espaces vectoriels normés les propriétés
des suites réelles vues en première année 4 : suites convergentes, divergentes, suites de
Cauchy, valeurs d’adhérences, sous-suites, etc. On a par exemple les définitions suivantes.
Définition 1.20 (Suite de Cauchy dans un espace vectoriel normé). Soit (E, k · k) un
espace vectoriel normé. Une suite (xn )n∈N d’éléments de E est dite suite de Cauchy si
∀ǫ > 0, ∃N ∈ N, ∀p, q ≥ N : kxp − xq k < ǫ.
(1.13)
Définition 1.21 (Valeur d’adhérence dans un espace vectoriel normé). Soit (E, k · k)
un espace vectoriel normé. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de E. On dit que a ∈ E
est une valeur d’adhérence de la suite (xn )n∈N si
∀ǫ > 0, ∀N ∈ N, ∃n ≥ N : kxn − ak < ǫ.
(1.14)
Les propriétés des suites de Cauchy réelles sont conservées, et les démonstrations,
commes les définitions, sont similaires.
4. Voir les cours d’Analyse 2 et d’Outils Mathématiques 2.
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1.2. RUDIMENTS DE TOPOLOGIE
11
Proposition 1.22 (Suites de Cauchy dans un espace vectoriel normé). Soit (E, k · k)
un espace vectoriel normé. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de E. Soit a ∈ E. Les
implications suivantes sont vérifiées :
(a) Si (xn )n∈N converge vers a, alors (xn )n∈N est de Cauchy ;
(b) Si (xn )n∈N est de Cauchy, alors (xn )n∈N est bornée.
Démonstration. (a) Supposons que la suite (xn )n∈N converge vers a. Soit ǫ > 0. Par
ǫ
définition de la convergence, il existe N ∈ N tel que ∀n ≥ N, kxn − ak < . Ainsi, par
2
inégalité triangulaire, pour tous p, q ≥ N, kxp − xq k ≤ kxp − ak + ka − xq k < ǫ, donc
la suite est de Cauchy.
(b) Supposons que la suite (xn )n∈N est de Cauchy. Alors il existe N ∈ N tel que pour tous
p, q ≥ N, kxp − xq k ≤ 1. Par conséquent, toujours par inégalité triangulaire,
∀n ∈ N, kxn k ≤ max
max kxi k, kxN k + 1 = kxN k + 1.
i=1,...,N
(1.15)
Remarque 1.23. On rappelle que les réciproques de ces implications sont fausses (rappeler
les contre-exemples vus en L1). La réciproque de l’implication (a) est vraie pour les suites
réelles ou complexes et reste vraie pour les K-espaces vectoriels de dimension finie, comme
nous le verrons la section 1.3.
Proposition 1.24 (Caractérisation séquentielle d’un fermé). Soit (E, k · k) un espace
vectoriel normé. Une partie F de E est fermée si et seulement si toute suite convergente
(dans E. . . ) d’éléments de F converge dans F (i.e. F est "stable par passage à la limite").
Démonstration. On propose deux raisonnements par l’absurde pour montrer l’équivalence.
(=⇒) Supposons F fermé. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de F convergeant vers
a ∈ E. Supposons que a ∈
/ F . Alors a ∈ E \ F , qui est ouvert, donc il existe r > 0
tel que B(a, r) ⊂ E \ F . Or, la convergence vers a implique qu’il existe N ∈ N tel que
∀n ≥ N, kxn − ak < r, i.e. xn ∈ B(a, r) ⊂ E \ F , en contradiction avec le fait que xn ∈ F .
(⇐=) Supposons maintenant que toute suite convergente (dans E) d’éléments de F
converge dans F . Supposons que F ne soit pas fermé, i.e. que E \ F ne soit pas ouvert. Il
existe alors x ∈ E \ F tel que pour tout r > 0, B(x, r) 6⊂ E \ F , i.e. que B(x, r) ∩ F est
1
non vide. Pour tout n ∈ N∗ , on peut donc choisir xn un élément de B(x, ) ∩ F . Alors la
n
suite (xn )n∈N∗ est une suite d’éléments de F converge vers x ∈
/ F , en contradiction avec
l’hypothèse de départ.
1.2.3
Quelques définitions pour aller plus loin
Dans cette section nous étendons quelque peu notre vocabulaire topologique. Nous
introduisons les notions d’intérieur et d’adhérence, et allons jusqu’à la notion de densité,
qui sera importante dans les cours à venir (notamment les cours Espaces préhilbertiens
et Outils Mathématiques 4). Les notions sont introduites sans être approfondies et les
résultats donnés sans démonstration, voir pour cela le cours de Topologie de L3.
Définition 1.25 (Intérieur). Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé et A une partie
de E. Un point a est dit intérieur à A si A contient une boule de centre a. L’ensemble
des points intérieurs à A est appelé intérieur de A et est noté Å.
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12
CHAPITRE 1. TOPOLOGIE DES ESPACES VECTORIELS NORMÉS
Proposition 1.26. Soit A une partie d’un espace vectoriel normé (E, k · k).
1. Å est le plus grand ouvert contenu dans A.
2. A est ouvert si et seulement si A = Å.
Démonstration. Admis.
Définition 1.27 (Adhérence). Soit (E, k · k) un espace vectoriel normé et A une partie
de E Un point a est dit adhérent à A si il est limite (dans X. . . ) d’une suite d’éléments
de A. L’ensemble des points adhérents à A est appelé adhérence de A et est noté A.
Proposition 1.28. Soit A une partie d’un espace vectoriel normé (E, k · k).
1. A est le plus petit fermé contenant A.
2. A est fermé si et seulement si A = A.
Démonstration. Admis.
Définition 1.29 (Partie dense). Soit (E, k·k) un espace vectoriel normé et A une partie
de E. A est dite dense dans E si A = E, i.e. si tout élément de E est limite d’une suite
d’éléments de A.
En d’autres termes, tout élément de E peut être approché aussi près que l’on veut par
un élément de A.
1.3
Cas de la dimension finie et de RN en particulier
Lorsque l’on travaille en dimension finie, on dispose de propriétés puissantes sur les
normes. On peut en particulier montrer que dans un K-espace vectoriel normé de dimension
finie, la notion de limite de la définition 1.19 ne dépend pas du choix de la norme. Dans
ce cours nous admettrons ce résultat et nous nous contenterons de l’énoncé suivant.
Proposition 1.30 (Equivalence des normes usuelles). Pour tout (x, y) ∈ (KN )2 ,
(a) kxk∞ ≤ kxk1 ≤ N kxk∞ ;
√
(b) kxk∞ ≤ kxk2 ≤ N kxk∞ ;
Démonstration. La preuve est démandée à l’exercice 1.7.
Ainsi, par théorèmes d’encadrement, si x tend vers 0 au sens d’une des normes usuelles,
alors x tend également vers 0 au sens des autres normes. En conséquence, si une suite
d’éléments de RN converge pour la norme k · k2 , elle converge aussi pour les normes k · k1
et k · k∞ . Cette notion de "norme équivalente" sera vue en détail en L3.
On peut aussi montrer qu’un espace vectoriel normé de dimension finie est complet,
i.e. que toute suite de Cauchy d’éléments de cet espace est convergente (dans cet espace).
Nous admettrons ce résultat dans le cas général, mais nous allons le montrer dans le cas
E = RN . Dans toute la suite, nous travaillons donc sur RN munie de la norme euclidienne
k·k2 . On rappelle qu’en vertu de la remarque précédente, tous les résultats restent valables
pour toute autre norme sur RN . On commence par remarquer que la convergence d’une
suite de RN équivaut à la convergence de toutes les suites de coordonnées, puis on utilise
la convergence des suites de Cauchy dans R (voir les cours de L1) pour conclure.
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1.4. EXERCICES
13
Lemme 1.31. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de RN . On note xn,k la k-ième coordonnée de xn . La suite (xn )n∈N converge vers a ∈ RN si et seulement si pour tout
k = 1, . . . , N , la suite réelle (xn,k )n∈N converge vers ak ∈ R.
Démonstration. (=⇒) Supposons que la suite (xn )n∈N converge vers a. Soit ǫ > 0. Il existe
n0 ∈ N tel que pour tout n ≥ n0 , kxn − ak < ǫ. On a donc pour tout k ∈ {1, . . . , N }, pour
tout n ≥ n0 :
v
|xn,k
uN
uX
− ak | ≤ t
|xn,k − ak |2 = kxn − ak2 < ǫ,
(1.16)
k=1
ce qui montre bien que la suite réelle (xn,k )n∈N converge vers ak ∈ R.
(⇐=) Supposons maintenant que toutes les suites coordonnées (réelles) convergent. Soit
ǫ > 0. Pour tout k ∈ {1, . . . , K}, il existe nk ∈ N tel que pour tout n ≥ nk , |xn,k − ak | <
ǫ
√ . Posons n∗ = max nk . Alors ∀n ≥ n∗ :
k∈{1,...,N }
N
v
uN
uX
|xn,k − ak |2 <
kxn − ak2 = t
k=1
v
uN
u X ǫ2
t
= ǫ,
(1.17)
N
k=1
ce qui prouve la convergence de la suite (xn )n∈N vers a.
On montre le lemme suivant de la même manière.
Lemme 1.32. Soit (xi )i∈N une suite d’éléments de RN . On note xi,k la k-ième coordonnée de xi . La suite (xi )i∈N est une suite de Cauchy si et seulement si pour tout
k = 1, . . . , n, la suite réelle (xi,k )i∈N est une suite de Cauchy.
Démonstration. La démonstration est demandée à l’exercice 1.8.
On peut maintenant énoncer le résultat voulu.
Théorème 1.33. RN est un espace vectoriel normé complet, i.e. toute suite de Cauchy
de RN est convergente.
Démonstration. Soit (xn )n∈N une suite de Cauchy de RN . D’après le lemme 1.32, pour
tout k ∈ {1, . . . , N }, (xn,k )n∈N est une suite de Cauchy réelle, donc convergente (R est
complet, cours de L1), donc par le lemme 1.31 (xn )n∈N est une suite convergente.
1.4
Exercices
Exercice 1.1 (Normes sur des espaces de matrices). Vérifier que les applications de
l’exemple 1.7 sont bien des normes.
Exercice 1.2 (Norme d’un espace produit). Démontrer la proposition 1.12.
Exercice 1.3 (Boules unité de R2 ). Dessiner les boules unités de R2 pour les normes k·k1 ,
k · k2 et k · k∞ .
Exercice 1.4 (Les boules ouvertes sont des ouverts). Soit (E, k · k) un espace vectoriel
normé. Soit a ∈ E et r > 0. Montrer que :
(a) {a} est un fermé de E ;
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14
CHAPITRE 1. TOPOLOGIE DES ESPACES VECTORIELS NORMÉS
(b) {x ∈ E : kx − ak < r} est un ouvert de E ;
(c) {x ∈ E : kx − ak ≤ r} est un fermé de E ;
(d) {x ∈ E : kx − ak = r} est un fermé de E.
Exercice 1.5 (Ouverts, fermés, bornés de RN ). Pour chacune des parties d’espaces vectoriels normés suivantes, préciser si elles sont ouvertes, fermées ou bornées :
(a) [−1, 1] dans R ;
(b) ] − ∞, 1] dans R ;
(c) ] − ∞, 1] × [0, 1] dans R2 ;
(d) ] − 1, 1[ dans C ;
(e) [−1, 1[2 ×[0, 1] dans R3 ;
(f) {(x, y) ∈ R2 : x < y} dans R2 ;
(g) {(x, y) ∈ R2 : x ≤ y} dans R2 .
Exercice 1.6 (Convergence et choix de la norme). Pour tout n ∈ N, on pose fn : [0, 1] →
R, x 7→ xn .
1. La suite (fn )n∈N converge-t-elle vers 0 (fonction identiquement nulle) dans l’espace
vectoriel normé (C([0, 1]; R), k · k∞ ) ?
2. La suite (fn )n∈N converge-t-elle vers 0 (fonction identiquement nulle) dans l’espace
vectoriel normé (C([0, 1]; R), k · k2 ) ?
Exercice 1.7 (Normes équivalentes). Soit N ∈ N∗ . Montrer qu’il existe des constantes
α, β, γ et δ telles que pour tout x ∈ RN :
(a) αkxk∞ ≤ kxk1 ≤ βkxk∞ ;
(b) γkxk∞ ≤ kxk2 ≤ δkxk∞ ;
Exercice 1.8 (Suites de Cauchy et suites coordonnées). Démontrer le lemme 1.32.
Exercice 1.9 (Une autre norme de R2 ). Soit N : R2 → R+ l’application définie par
N (x, y) = sup
t∈R
|x + ty|
.
1 + t2
(1.18)
1. Vérifier que l’application N est bien définie.
2. Montrer que N est une norme sur R2 .
3. (a) Montrer que pour t, x, y réels, |x + ty| ≤
p
q
1 + t2 x2 + y 2 .
(b) Montrer que pour x, y réels, max(|x + y|, |x − y|) = |x| + |y| ≥
(c) En déduire que pour tout (x, y) ∈ R2 ,
q
k(x, y)k2
≤ N (x, y) ≤ k(x, y)k2 .
2
x2 + y 2 .
(1.19)
(d) Cette inégalité est-elle optimale ?
4. (a) Dans cette questionqon suppose x ≥ 0, y ≥ 0. Montrer que pour tout ϕ ∈ [0, π[,
x cos ϕ + y sin ϕ ≤
x2 + y 2 et que cette majoration est atteinte.
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1.4. EXERCICES
15
x
(b) Montrer que pour tous x ≥ 0, y ≥ 0, N (x, y) = +
2
poser t = tan θ dans la borne supérieure).
p
x2 + y 2
(Indication :
2
(c) En déduire que pour tout (x, y) ∈ R2 ,
q
1
|x| + x2 + y 2 .
N (x, y) =
2
(1.20)
(d) Déterminer la sphère unité de R2 pour la norme N et retrouver le résultat de
la question 3.
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16
CHAPITRE 1. TOPOLOGIE DES ESPACES VECTORIELS NORMÉS
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Chapitre 2
Continuité de fonctions de RN
dans RP
On s’intéresse désormais aux fonctions f : D → RP , où le domaine de définition D est
une partie de RN . Si N = 1, on parle de fonction de la variable réelle (celles étudiées en
analyse jusqu’à présent) et si N > 1 on parle de fonction de plusieurs variables (réelles),
qui constituent la nouveauté de ce cours. Si P = 1, on parle de fonction scalaire 1 , et si
P > 1 on parle de fonction vectorielle.
Dans toute la suite, et sauf mention contraire, N et P sont deux entiers naturels non
nuls quelconques.
2.1
Limite de fonctions
RN et RP sont deux espaces vectoriels normés de dimension finie. On rappelle que
dans ce cas la notion de convergence dans un espace vectoriel normé du chapitre précédent
(définition 1.19) ne dépend pas de la norme. On notera k · k la norme utilisée dans les deux
cas, et, sauf mention contraire, k · k est une norme quelconque). On peut donc définir
proprement la notion de limite d’une fonction.
Définition 2.1 (Limite d’une fonction). Soient D ⊆ RN et une fonction f : D →
RP . Soient x0 ∈ RN et y0 ∈ RP . On dit que f admet la limite y0 en x0 , et on note
lim f (x) = y0 , si :
x→x0
∀ǫ > 0, ∃δ > 0, ∀x ∈ D \ {x0 }, (kx − x0 k < δ =⇒ kf (x) − y0 k < ǫ) .
(2.1)
Bien noter que la notion de limite ne dépend pas de la manière dont x se rapproche
de x0 .
Remarque 2.2. La définition précédente s’écrit immédiatement en termes de boules :
∀ǫ > 0, ∃δ > 0, ∀x ∈ D ∩ B(x0 , δ) \ {x0 }, f (x) ∈ B(y0 , ǫ).
(2.2)
Nous utiliserons fréquemment cette écriture par la suite, ou des écritures mixtes.
Comme dans le cas des fonctions scalaires d’une variable réelle, la notion de limite ainsi
définie est linéaire, et on peut lui donner une caractérisation séquentielle (i.e. en termes
de convergence de suites). C’est l’objet des deux propositions suivantes.
1. Certains ouvrages emploient parfois la terminologie de fonction numérique ou simplement réelle.
17
CHAPITRE 2. CONTINUITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
18
Proposition 2.3 (Linéarité de la limite). Soient D ⊆ RN et deux fonctions f, g : D →
RP . Soient λ ∈ R et x0 ∈ RN . Si f et g admettent une limite en x0 , alors la fonction
λf + g admet une limite en x0 et
lim (λf + g)(x) = λ lim f (x) + lim g(x)
x→x0
x→x0
x→x0
(2.3)
Démonstration. Notons y0 = lim f (x) et z0 = lim g(x). Soit ǫ > 0. Il existe δf et δg tels
x→x0
x→x0
que :
ǫ
∀x ∈ D ∩ B(x0 , δf ) \ x0 , kf (x) − y0 k <
,
(2.4)
2|λ|
et
ǫ
(2.5)
∀x ∈ D ∩ B(x0 , δg ) \ x0 , kg(x) − z0 k < .
2
Posons δ = min(δf , δg ). On a alors pour tout x ∈ D ∩ B(x0 , δ) \ x0 :
k(λf + g)(x) − (λy0 + z0 )k = kλ(f (x) − y0 ) + (g(x) − z0 )k
≤ |λ|kf (x) − y0 k + kg(x) − z0 k < ǫ,
(2.6)
d’où le résultat.
Proposition 2.4 (Caractérisation séquentielle de la limite). Soient D ⊆ RN et une
fonction f : D → RP . Soient x0 ∈ RN et y0 ∈ RP . f admet une limite y0 en x0 si et
seulement si, pour toute suite (un )n∈N d’éléments de D \ {x0 } convergeant vers x0 , on
a lim f (un ) = y0 .
n→∞
Démonstration. (=⇒) Supposons que f admette la limite y0 en x0 . Soit (un )n∈N une suite
d’éléments de D \ {x0 } convergeant vers x0 . Soit ǫ > 0. Par définition de la limite de f , il
existe δ > 0 tel que ∀x ∈ D ∩ B(x0 , δ)\{x0 }, kf (x)− y0 k < ǫ. Ce δ étant fixé, par définition
de la convergence de (un )n∈N , il existe n0 tel que ∀n ≥ n0 , un ∈ D ∩ B(x0 , δ) \ {x0 }. Ainsi,
∀n ≥ n0 , kf (un ) − y0 k < ǫ, i.e. lim f (un ) = y0 .
n→∞
(⇐=) Montrons la réciproque par la contraposée. Supposons que f ne converge pas
vers y0 en x0 . Alors il existe ǫ > 0 tel que pour tout δ > 0, il existe u ∈ D ∩ B(x0 , δ) \ {x0 }
1
tel que kf (u) − y0 k ≥ ǫ. En écrivant cette propriété pour δ = , on construit une suite
n
1
(un )n∈N convergeant vers x0 (puisque ∀n ∈ N, kun −x0 k < ), telle que la suite (f (un ))n∈N
n
ne converge pas vers y0 : ∀n ∈ N, kf (un ) − y0 k ≥ ǫ.
2.2
Fonctions continues
Définition 2.5 (Fonction continue). Soient D ⊆ RN et une fonction f : D → RP . Soit
x0 ∈ D. On dit que f est continue en x0 si lim f (x) = f (x0 ). On dit que f est continue
x→x0
sur D si elle est continue en tout point de D.
Cette définition de la continuité par la limite se décline de manière équivalente en une
définition "avec les ǫ − δ".
Proposition 2.6 (Caractérisation "ǫ − δ" de la continuité). Soient D ⊆ RN et une
fonction f : D → RP . Soit x0 ∈ D. f est continue en x0 si et seulement si
∀ǫ > 0, ∃δ > 0, ∀x ∈ D \ {x0 }, (kx − x0 k < δ =⇒ kf (x) − f (x0 )k < ǫ) .
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(2.7)
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2.2. FONCTIONS CONTINUES
19
Démonstration. En combinant les définitions 2.1 et 2.5.
Remarque 2.7. On vérifiera (exercice) que la norme k · k : RN → RP est une fonction
continue.
Remarque 2.8. Bien voir également que, comme à la remarque 2.2, la caractérisation précédente s’écrit immédiatement en termes de boules.
Nous proposons maintenant deux nouvelles caractérisations de la continuité, par les
suites puis par les ouverts, qui sont des généralisations des caractérisations vues en L1
pour les fonctions réelles d’une variable réelle.
Proposition 2.9 (Caractérisation séquentielle de la continuité). Soient D ⊆ RN et une
fonction f : D → RP . Soit x0 ∈ D. f est continue en x0 si et seulement si, pour toute
suite (un )n∈N d’éléments de D \ {x0 } convergeant vers x0 , on a lim f (un ) = f (x0 ).
n→∞
Démonstration. En combinant la définition 2.5 et la proposition 2.4.
Proposition 2.10 (Caractérisation de la continuité par les ouverts). Soient D ⊆ RN
et une fonction f : D → RP . f est continue sur D si et seulement si pour tout ouvert
V ⊆ RP , il existe un ouvert U ⊆ RN tel que l’image réciproque 2 de V vérifie f −1 (V ) =
U ∩ D.
Démonstration. (=⇒) On suppose que f est continue sur D. Soit V ⊆ RP un ouvert. Soit
x0 ∈ f −1 (V ) ⊂ D. Alors f (x0 ) ∈ V ouvert, donc il existe ǫ > 0 tel que B(f (x0 ), ǫ) ⊂ V .
Maintenant, par continuité de f en x0 , il existe δx0 > 0 tel que ∀x ∈ D ∩ B(x0 , δx0 ) \ {x0 },
kf (x) − f (x0 )k < ǫ, i.e. f (x) ∈[
B(f (x0 , ǫ) ⊂ V . Par conséquent, D ∩ B(x0 , δx0 ) \ {x0 } ⊂
B(x, δx ). U est un ouvert (unions d’ouverts, voir la
f −1 (V ). Posons alors U =
x∈f −1 (V )
−1
proposition 1.16), et f (V ) = U ∩ D (vérifier la double inclusion).
(⇐=) Réciproquement, supposons que pour tout ouvert V ⊆ RP , il existe un ouvert
U ⊆ RN tel que f −1 (V ) = U ∩ D. Soit x0 ∈ D. Soit ǫ > 0. B(f (x0 ), ǫ) est un ouvert de
RP , donc par hypothèse il existe un ouvert U ⊂ RN tel que f −1 (B(f (x0 ), ǫ)) = U ∩ D. U
est ouvert et x0 ∈ U (le vérifier), donc il existe δ > 0 tel que B(x0 , δ) ⊂ U . Alors, pour
tout x ∈ D ∩ B(x0 , δ) ⊂ U ∩ D, f (x) ∈ B(f (x0 ), ǫ), ce qui montre que f est continue en
x0 . x0 étant quelconque dans D, f est bien continue sur D.
Corollaire 2.11 (Images réciproques de fonctions continues sur RN entier). Soit une
fonction f : RN → RP . Les propositions suivantes sont équivalentes :
(i) f est continue sur RN ;
(ii) l’image réciproque par f de tout ouvert de RP est un ouvert de RN ;
(iii) l’image réciproque par f de tout fermé de RP est un fermé de RN .
Démonstration. (i) ⇔ (ii) est une conséquence immédiate de la proposition 2.10 avec
D = RN . L’énoncé (iii) vient immédiatement en remarquant que pour toute partie V de
RP , f −1 (RP \ V ) = RN \ f −1 (V ).
2. On rappelle la définition de l’image réciproque d’un ensemble V ⊆ RP par une fonction f : D ⊆
RN → RP :
f −1 (V ) = {x ∈ D ⊆ RN : f (x) ∈ V }.
(2.8)
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20
CHAPITRE 2. CONTINUITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
On fait maintenant le lien entre la continuité d’une fonction vectorielle et celle de
ses fonctions coordonnées. Ce lien n’est pas une surprise, étant donnée la correspondance
établie au chapitre précédent entre la convergence d’une suite de RP et celle de ses suites
coordonnées.
Proposition 2.12 (Continuité et coordonnées d’une fonction vectorielle). Soient D ⊆
RN et une fonction f = (f1 , . . . , fP ) : D → RP . Soit x0 ∈ D. f est continue en x0 si et
seulement si pour tout i ∈ {1, . . . , P } fi : D → R est continue en x0 .
Démonstration. Cette proposition est une conséquence directe de la proposition 2.9 et du
lemme 1.31 : pour toute suite (un )n∈N d’éléments de D \ {x0 } ⊂ RN , la convergence de
la suite (f (un ))n∈N d’éléments de RP équivaut à celle des P suites réelles (fi (un ))n∈N , i ∈
{1, . . . , P }.
On donne maintenant les résultats très souvent utiles de continuité des sommes, produits et compositions de fonctions. Pour la continuité d’une somme ou d’une composition,
les énoncés sont usuels. Pour le produit, bien noter que nous n’avons pas défini de produit
d’éléments de RP . Il s’agit donc de la continuité du produit d’une fonction scalaire et d’une
fonction éventuellement vectorielle.
Proposition 2.13 (Continuité d’une somme de fonctions). Soient D ⊆ RN et deux
fonctions f, g : D → RP . Soient λ ∈ R et x0 ∈ D. Si f et g sont continues en x0 , alors
la fonction λf + g est continue en x0 .
Démonstration. Ce résultat découle de la linéarité de la limite énoncée à la proposition
2.3.
Remarque 2.14. Une conséquence directe de cette proposition 2.13 est que l’ensemble
C(D; RP ) des fonctions définies et continues sur D ⊆ RN et à valeurs dans RP est un
R-espace vectoriel.
Proposition 2.15 (Continuité du produit par une fonction scalaire). Soient D ⊆ RN .
Soient une fonction scalaire f : D → R et une fonction g : D → RP . Soit x0 ∈ D. Si f
et g sont continues en x0 , alors la fonction f g est continue en x0 .
Démonstration. On a pour tout x ∈ D :
k(f g)(x) − (f g)(x0 )k
(2.9)
= k(f (x) − f (x0 ))(g(x) − g(x0 )) + f (x0 )(g(x) − g(x0 )) + g(x0 )(f (x) − f (x0 ))k
≤ |f (x) − f (x0 )|kg(x) − g(x0 )k + |f (x0 )|kg(x) − g(x0 )k + |f (x) − f (x0 )|kg(x0 )k.
Soit ǫ > 0. Il existe δf > 0 tel que ∀x ∈ D ∩ B(x0 , δf ) \ {x0 }, |f (x) − f (x0 )| < ǫ, et δg > 0
tel que ∀x ∈ D ∩ B(x0 , δg ) \ {x0 }, kg(x) − g(x0 )k < ǫ. Posons δ = min(δf , δg ). Il vient pour
tout x ∈ B(x0 , δ) \ {x0 } :
k(f g)(x) − (f g)(x0 )k < ǫ(ǫ + |f (x0 )| + kg(x0 )k).
(2.10)
Proposition 2.16 (Continuité d’une composition de fonctions). Soient Df ⊆ RN et
Dg ⊆ RP . Soient une fonction g : Dg → RQ et une fonction f : Df → RP telle que
f (Df ) ⊆ Dg . Soit enfin x0 ∈ Df ⊆ RN . Si f est continue en x0 et si g est continue en
f (x0 ), alors la fonction g ◦ f est continue en x0 .
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2.3. FONCTIONS CONTINUES SUR LES FERMÉS BORNÉS DE RN
21
Démonstration. Soit (un )n∈N une suite d’éléments de Df \ {x0 } convergeant vers x0 . Par
continuité de f , la suite (f (un ))n∈N est une suite d’éléments de Dg convergeant vers f (x0 ).
Par continuité de g, la suite (g(f (un )))n∈N est une suite d’éléments de RP convergeant
vers g(f (x0 )).
Terminons cette section en généralisant la définition connue de fonction lipschitzienne.
Définition 2.17 (Fonction lipschitzienne). Une fonction f : D → RP est dite klipschitzienne 3 si il existe une constante k telle que
∀(x, y) ∈ D, kf (x) − f (y)k ≤ kkx − yk.
(2.11)
Exemple 2.18. On vérifiera (exercice) que sur RN toute norme est une application 1lipschitzienne.
Proposition 2.19 (Continuité d’une fonction lipschitzienne). Soit une fonction f :
D ⊆ RN → RP . Si f est lipschitzienne, alors f est continue sur D.
Démonstration. Immédiat.
2.3
Fonctions continues sur les fermés bornés de RN
Dans cette section, on généralise les propriétés de L1 énonçant que les fonctions réelles
continues sur un segment (intervalle fermé borné) de R sont uniformément continues, bornées et atteignent leurs bornes. On généralise d’abord la propriété de Bolzano-Weierstrass
dans RN . On donne ensuite une caractérisation des fermés bornés 4 de RN utilisée pour
démontrer les résultats énoncés à sa suite.
Proposition 2.20 (Propriété de Bolzano-Weierstrass). Toute suite bornée de RN admet
une suite extraite convergente.
Démonstration. Il s’agit d’utiliser successivement, sur les différentes coordonnées de la
suite, la propriété de Bolzano-Weierstrass pour les suites réelles 5 . Soit (xn )n∈N une suite
d’éléments de RN . On suppose la suite bornée : il existe M > 0 tel que ∀n ∈ N, kxn k ≤ M .
Alors la suite (xn,1 )n∈N formée de la première coordonnée de chacun des termes est une
suite bornée de R, puisque, en utilisant par exemple la norme euclidienne 6 , on a pour tout
n ∈ N, |xn,1 | ≤ kxn k ≤ M . Par la propriété de Bolzano-Weiestrass sur R, il existe une suite
extraite (xϕ1 (n),1 )n∈N convergente dans R. De même, de la suite bornée (xϕ1 (n),2 )n∈N formée
des deuxièmes coordonnées des termes de la suite (xϕ1 (n) )n∈N , on extrait une suite extraite
convergente (xϕ2 (n),2 )n∈N . Noter que la suite (xϕ2 (n),1 )n∈N est convergente, puisqu’elle
est extraite d’une suite convergente. De proche en proche, on obtient une suite extraite
(xϕN (n) )n∈N telle que pour tout i = 1, . . . , N , la suite (xϕN (n),i )n∈N est convergente. Le
lemme 1.31 entraîne que la suite extraite (xϕN (n) )n∈N est convergente.
3. ou encore lipschitzienne de rapport k. Si la constante n’est pas précisée, on parle simplement de
fonction lipschitzienne.
4. Les parties fermées et bornées de RN sont les compacts de RN . La propriété 2.21 peut en fait être
prise pour définition d’une partie compacte dans un espace métrique. Voir le cours de Topologie de L3.
5. Savez-vous la redémontrer ?
6. mais on rappelle que toute autre norme de RN convient.
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22
CHAPITRE 2. CONTINUITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
Proposition 2.21 (Caractérisation des fermés borné de RN ). Une partie A ⊂ RN est
fermée et bornée si et seulement si toute suite d’éléments de A admet une suite extraite
convergente dans A.
Démonstration. (=⇒) Supposons A fermée et bornée. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments
de A. (xn )n∈N est bornée (A l’est), donc par la proposition 2.20, il existe une suite extraite
(xϕ(n) )n∈N convergeante (dans RN ). De plus A est fermée, donc par la proposition 1.24,
la suite (xϕ(n) )n∈N converge dans A.
(⇐=) Réciproquement, supposons que toute suite d’éléments de A admet une suite
extraite convergente dans A. Soit (xn )n∈N une suite d’éléments de A convergente dans
RN . Par hypothèse il existe une suite extraite (xϕ(n) )n∈N convergente vers l ∈ A. Mais
(xn )n∈N étant convergente, l ∈ A est aussi sa limite, et par conséquent A est fermée
(proposition 1.24).
Montrons par l’absurde que A est également bornée. Si A n’est pas bornée, alors pour
tout n ∈ N, il existe xn ∈ A tel que kxn k ≥ n. Toute suite extraite de la suite d’éléments
de A ainsi construite est donc non bornée, et donc ne peut pas converger dans RN , ce qui
contredit l’hypothèse de départ.
Théorème 2.22 (Image d’un fermé borné de RN par une fonction continue). Soit A
une partie fermée et bornée de RN . Si une fonction f : A → RP est continue, alors f (A)
est une partie fermée et bornée de RP .
Démonstration. Soit (yn )n∈N une suite quelconque d’éléments de f (A) ⊆ RP . La suite des
antécédents (xn )n∈N = (f −1 (yn ))n∈N est une suite d’éléments de A, partie fermée bornée de
RN , donc par la proposition 2.21, elle admet une suite extraite (xϕ(n) )n∈N convergeant dans
A. Soit lϕ sa limite. La suite image (f (xϕ(n) ))n∈N = (yϕ(n) )n∈N est donc une suite extraite
de la suite de départ, et par continuité de f , lim yϕ(n) = lim f (xϕ(n) ) = f (lϕ ) ∈ f (A).
n→∞
n→∞
Par la proposition 2.21, f (A) est une partie fermée bornée de RP .
Corollaire 2.23 (Théorème des bornes (de Weierstrass)). Soit A une partie fermée et
bornée de RN . Si une fonction scalaire f : A → R est continue, alors f est bornée et
atteint ses bornes.
Démonstration. Par le théorème 2.22, f (A) est une partie fermée et bornée de R. En
conséquence, les bornes inférieures et supérieures de f (A) sont finies et éléments de f (A),
ce qui est bien le résultat cherché.
Ainsi, on retrouve la notion d’uniforme continuité vue en L1 pour les fonctions réelles.
Définition 2.24 (Uniforme continuité). Soient D ⊆ RN et une fonction f : D → RP .
f est dite uniformément continue sur D si
∀ǫ > 0, ∃δ > 0, ∀(x, y) ∈ D 2 , (kx − yk < δ =⇒ kf (x) − f (y)k < ǫ)
(2.12)
Théorème 2.25 (Théorème de Heine). Soit A une partie fermée et bornée de RN . Si
une fonction f : A → RP est continue, alors f est uniformément continue.
Démonstration. Supposons que f n’est pas uniformément continue sur A. Alors il existe
ǫ > 0, tel que pour tout δ > 0, il existe x et y dans A tels que kx−yk < δ et kf (x)−f (y)k ≥
1
ǫ. En écrivant cette propriété pour δ = , on construit deux suites (xn )n∈N∗ et (yn )n∈N∗
n
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2.4. QUELQUES MOTS SUR LES APPLICATIONS LINÉAIRES
23
d’éléments de A, partie fermée bornée. Il existe donc, par la proposition 2.21, une suite
extraite (xϕ(n) )n∈N∗ convergeant vers x∗ ∈ A. Puis, de la suite (yϕ(n) )n∈N∗ on peut extraire
une suite (yψ(n) )n∈N∗ convergeant vers y ∗ ∈ A. Noter qu’évidemment (xψ(n) )n∈N∗ converge
aussi vers x∗ ∈ A. Deux points sont maintenant importants. D’abord, les deux suites
extraites convergent vers la même limite :
kx∗ − y ∗ k ≤ kx∗ − xψ(n) k + kxψ(n) − yψ(n) k + kyψ(n) − y ∗ k −−−→ 0,
n→∞
(2.13)
i.e. x∗ = y ∗ et par conséquent f (x∗ ) = f (y ∗ ). Ensuite, par continuité de f , il existe nx∗
ǫ
et ny∗ tel que pour tout n ≥ ny∗ ,
tel que pour tout n ≥ nx∗ , kf (xψ(n) ) − f (x∗ )k <
2
ǫ
kf (yψ(n) ) − f (y ∗ )k < . On en conclut, que pour n ≥ max(nx∗ , ny∗ ),
2
kf (xψ(n) ) − f (yψ(n) )k ≤ kf (xψ(n) ) − f (x∗ )k + kf (y ∗ ) − f (yψ(n) )k < ǫ,
(2.14)
en contradiction avec le principe de construction des suites (xn )n∈N∗ et (yn )n∈N∗ .
Remarque 2.26. Bien noter la différence entre la définition 2.24 et la caractérisation 2.6 de
la continuité. On vérifiera en exercice les implications f lipschitzienne =⇒ f uniformément
continue =⇒ f continue 7 .
2.4
Quelques mots sur les applications linéaires
On précise pour terminer ce chapitre quelques propriétés des applications linéaires de
RN dans RP en terme de continuité, de lipschitzianité. On définit, sans entrer dans les
détails, la notion de norme d’une application linéaire, que l’on utilisera pour simplifier
certains énoncés des chapitres suivants.
Proposition 2.27 (Continuité d’une application linéaire). Toute application linéaire
de RN dans RP est continue sur RN .
Démonstration. Etant donnée la proposition précédente 2.12, il suffit de montrer la continuité de toute forme linéaire u : RN → R. Par linéarité de u, il existe des scalaires
(αj )j∈{1,...,N } , u(x) =
N
X
j=1
αj xj . Soit x ∈ RN . On a, avec la norme infinie par exemple 8 ,
pour tout ǫ > 0, pour tout y ∈ RN , tel que kx − yk < PN
ǫ
j=1 |αj |
|u(x) − u(y)|
N
X
= |u(x − y)| = αj (xj − yj )
j=1
≤
N
X
j=1
|αj ||xj − yj | ≤
N
X
j=1
:
|αj |kx − yk < ǫ,
(2.15)
d’où le résultat.
Remarque 2.28. De façon plus générale, toute application linéaire sur un R-espace vectoriel
normé de dimension finie est continue. Voir le cours de Topologie de L3.
7. Connaissez-vous des contre-exemples classiques sur R montrant que les réciproques sont fausses ?
8. mais on rappelle que toute norme de RN convient.
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CHAPITRE 2. CONTINUITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
24
Définition 2.29 (Norme d’une application linéaire). Soit u : RN → RP une application
linéaire. On appelle norme (triple) de u, et on note 9u9, le réel positif
9u9 = max ku(x)k.
x∈RN
kxk≤1
(2.16)
Remarque 2.30. Cette définition est bien posée puisqu’on montre aisément l’existence (et
l’unicité, c’est une borne supérieure. . . ) de 9u9. En effet, la fonction x ∈ RN 7→ ku(x)k
est continue, comme composition (proposition 2.16) des fonctions continues u (proposition
2.27) et k·k (remarque 2.7). De plus, la boule unité de RN est une partie fermée et bornée
N
de RnN . Par le théorème
o des bornes (corollaire 2.23), x ∈ R 7→ ku(x)k est donc bornée
sur x ∈ RN : kxk ≤ 1 (et cette borne est atteinte).
Proposition 2.31 (Caractère lipschitzien d’une application linéaire). Toute application
linéaire u de RN dans RP est lipschitzienne de rapport 9u9.
Démonstration. Par linéarité, montrer la lipschitzianité d’une application linéaire u :
RN → RP revient à montrer l’existence d’une constante k telle que ∀x ∈ RN , ku(x)k ≤
kkxk. Si x = 0, cette inégalité est évidemment vérifiée. Dans le cas général x 6= 0, pox
. Alors u(x) = kxku(y), et, puisque kyk = 1, il vient par la définition 2.29,
sons y =
kxk
ku(x)k = kxkku(y)k ≤ 9u 9 kxk.
2.5
Exercices
Exercice 2.1 (Limites de fonctions scalaires à deux variables). Etudier la continuité des
fonctions scalaires à deux variables suivantes :
ln(x + y)
;
(a) f (x, y) = p 2
x + y2
(b) g(x, y) = (|x| + |y|) ln(x2 + y 4 ) ;
x2 − y 2
;
(c) h(x, y) = 2
x + y2
sin(xy)
(d) k(x, y) = 2
;
x + y2
x2 − y 2
.
(e) l(x, y) = xy 2
x + y2
Exercice 2.2 (Une fonction bornée). Soit la fonction scalaire à deux variables f : R2 → R
2
2
définie par f (x, y) = (x2 − y 3 )e−(x +y ) .
1. Montrer que f est continue sur R2 .
2. Montrer que f tend vers 0 quand k(x, y)k tend vers +∞.
3. En déduire que f est bornée sur R2 , et que ses bornes sont atteintes.
Exercice 2.3 (Prolongement par continuité). Soit ∆ = {(x, y) ∈ R2 : x = y} la droite
d’équation x = y. Soit f : Df = R2 \ ∆ → R la fonction définie par :
f (x, y) =
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sin x − sin y
x−y
(2.17)
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2.5. EXERCICES
25
Déterminer une fonction f˜ : R2 → R qui soit égale à f en tout point de Df et continue
sur R2 .
Exercice 2.4 (Continuité du produit scalaire). Soit D ⊆ RN . Soient deux fonctions
f, g : D → RP . On suppose que f et g sont continues sur D. Soit l’application
ϕ : D × D → R, (x, y) 7→ ϕ(x, y) = hf (x), g(y)i
(2.18)
où h·, ·i est le produit scalaire canonique de RP . Montrer que ϕ est continue sur D × D.
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26
CHAPITRE 2. CONTINUITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
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Chapitre 3
Différentiabilité de fonctions de
RN dans RP
Ce chapitre généralise la notion de dérivée d’une fonction scalaire de la variable réelle
aux fonctions de RN dans RP . La notion de dérivée étant locale, on travaillera avec des
fonctions définies sur un ouvert U ⊆ RN . Ainsi, lorsqu’on étudie la fonction au point
a ∈ U , on sait que la fonction est bien définie autour de a, puisqu’il existe une boule
ouverte de centre a et de rayon δ > 0 incluse dans U . Autrement dit, si a ∈ U , on peut
toujours écrire f (a + h) pour un vecteur h ∈ RN vérifiant khk < δ. Pour décrire cette
situation, on écrira dans ce chapitre "pour h voisin de 0".
3.1
Dérivées partielles
Dans cette section, on commence par définir la notion de dérivée partielle dans le cas
P = 1, i.e. on s’intéresse dans un premier temps au cas de fonctions scalaires de plusieurs
variables. Rappelons à toutes fins utiles la définition de la dérivée d’une fonction scalaire
d’une variable réelle.
Définition 3.1 (Dérivée d’une fonction scalaire). Soit f : U ⊆ R → R une fonction
scalaire d’une variable réelle. Soit a ∈ U . On dit que f est dérivable en a si la limite
lim
h→0
f (a + h) − f (a)
h
existe et est finie. Cette limite est appelée dérivée de f en a et est notée f ′ (a) ou
(3.1)
∂f
(a).
∂x
Dans le cas d’une fonction scalaire à plusieurs variables f : U ⊆ RN → R, on dit que
f est dérivable en a = (a1 , . . . , aN ) ∈ RN par rapport à sa i-ème variable si la fonction
scalaire d’une variable réelle x 7→ f (a1 , . . . , ai−1 , x, ai+1 , . . . , aN ) est dérivable en ai ∈ R.
27
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
28
Définition 3.2 (Dérivée partielle, fonction scalaire). Soit f : U ⊆ RN → R une fonction
scalaire de plusieurs variables. Soit a = (a1 , . . . , aN ) ∈ U . On appelle dérivée partielle
de f en a par rapport à la i-ème variable 1 la quantité, si elle existe,
1
(f (a1 , . . . , ai−1 , ai + h, ai+1 , . . . , aN ) − f (a1 , . . . , aN )) .
h→0 h
lim
(3.2)
∂f
(a).
∂xi
On peut maintenant généraliser cette écriture dans le cas général d’une fonction vectorielle f : U ⊆ RN → RP .
Définition 3.3 (Dérivée partielle, cas général). Soit une fonction f = (f1 , . . . , fP ) :
U ⊆ RN → RP . Soit a = (a1 , . . . , aN ) ∈ U . On appelle dérivée partielle de f en a par
rapport à la i-ème variable le vecteur de RP , si il existe,
Cette limite est notée
1
(f (a1 , . . . , ai−1 , ai + h, ai+1 , . . . , aN ) − f (a1 , . . . , aN )) =
h→0 h
lim
Cette limite est notée
∂f1
∂fP
(a), . . . ,
(a) .
∂xi
∂xi
(3.3)
∂f
(a).
∂xi
Remarque 3.4. Noter que si {e1 , . . . , eN } est la base canonique de RN , on a l’écriture pour
une fonction f = (f1 , . . . , fP ) : U ⊆ RN → RP :
1
∂f
(a) = lim (f (a + hei ) − f (a)) .
h→0 h
∂xi
(3.4)
Autrement dit, la dérivée partielle selon xi est la dérivée de f "suivant la direction ei ".
On en déduit une définition générale de dérivée partielle suivant un vecteur quelconque.
Définition 3.5 (Dérivée partielle suivant un vecteur). Soit une fonction f : U ⊆ RN →
RP . Soit a ∈ U . Soit v ∈ RN . On appelle dérivée partielle de f en a suivant v la quantité,
si elle existe,
1
lim (f (a + hv) − f (a)) .
(3.5)
h→0 h
3.2
Différentielle
Venons-en à la notion fondamentale du chapitre.
Définition 3.6 (Différentielle). Soit une fonction f : U ⊆ RN → RP . Soit a ∈ U .
Soit v ∈ R. On dit que f est différentiable en a si il existe une application linéaire
L : RN → RP telle que pour h ∈ RN voisin de 0 :
f (a + h) = f (a) + L(h) + khkǫ(h),
(3.6)
où ǫ : RN → RP est une fonction vérifiant ǫ(h) → 0 quand khk → 0. L’application
linéaire L est appelée différentielle de f en a. On la notera Da f .
Remarque 3.7. L’équation (3.6) s’écrit de façon plus concise avec les notation dites de
Landau :
f (a + h) = f (a) + L(h) + o(khk).
(3.7)
1. ou encore dérivée partielle de f selon xi .
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3.2. DIFFÉRENTIELLE
29
Remarque 3.8. On note que cette définition est bien posée en vérifiant que la différentielle Da f , si elle existe, est unique. Supposons que deux applications linéaires L1 et L2
conviennent. Par différence, on a L1 (h) − L2 (h) = o(khk), d’où en particulier, pour tout
vecteur v ∈ RN \ {0},
kL1 (v) − L2 (v)k
kL1 (tv) − L2 (tv)k
=
.
t→0
ktvk
kvk
(3.8)
0 = lim
Le terme de droite ne dépendant pas de t, on a nécessairement L1 (v) = L2 (v), d’où le
résultat.
La définition suivante est naturelle.
Définition 3.9 (Différentiabilité sur un ouvert). f : U ⊆ RN → R est dite différentiable
sur U si elle est différentiable en tout point de U .
Cette notion de différentiabilité est bien une généralisation de la notion de dérivée,
comme on le vérifie dans la proposition suivante.
Proposition 3.10 (Différentielle et dérivée d’une fonction scalaire). Soit f : U ⊆ R →
R une fonction scalaire d’une variable réelle. Soit a ∈ U . f est différentiable en a si et
seulement si f est dérivable en a, et alors
Da f : R → R, h 7→ Df (h) = f ′ (a) h.
(3.9)
Démonstration. Par définition de la dérivée d’une fonction scalaire (définition 3.1),
f (a + h) = f (a) + f ′ (a)h + o(h).
(3.10)
h 7→ f ′ (a)h étant linéaire, on conclut par identification avec la définition 3.6.
Donnons dès à présent les propriétés élémentaires de manipulation des différentielles,
pour la plupart généralisations de propriétés connues pour les dérivées de fonctions scalaires.
Proposition 3.11 (Différentiabilité et continuité). Soit une fonction f : U ⊆ RN →
RP . Soit a ∈ U . Si f est différentiable en a, alors f est continue en a.
Démonstration. Par différentiabilité de f en a, on a, pour x voisin de a, f (x) = f (a) +
Da f (x−a)+o(kx−ak), et Da f est continue en 0 (c’est une application linéaire, proposition
2.27). Par conséquent lim f (x) = f (a).
x→a
Proposition 3.12 (Différentielle d’une fonction constante). Si une fonction f : U ⊆
RN → RP est constante, alors f est différentiable en tout point a ∈ U et sa différentielle
est l’application nulle.
Démonstration. Soit a ∈ U . Si f est constante, alors f (a+h) = f (a)+0+0 et l’application
nulle étant linéaire, on identifie avec l’équation (3.6).
Proposition 3.13 (Différentielle d’une application linéaire). Si une fonction f : U ⊆
RN → RP est une application linéaire, alors f est différentiable en tout point a ∈ U et
sa différentielle est Da f = f .
Démonstration. Soit a ∈ U . Si f est linéaire, f (a+h) = f (a)+f (h)+0 et, f étant linéaire,
on identifie avec l’équation (3.6).
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30
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
Proposition 3.14 (Différentielle d’une somme). Soient deux fonctions f, g : U ⊆ RN →
RP et λ ∈ R. Si f et g sont différentiables en un point a ∈ U , alors la fonction λf + g
est différentiable en a et :
Da (λf + g) = λDa (f ) + Da (g).
(3.11)
Démonstration. Soit a ∈ U . La différentiabilité de f et g en a s’écrit f (a + h) = f (a) +
Da f (h)+ o(khk) et g(a+ h) = g(a)+ Da g(h)+ o(khk) pour h voisin de 0, et par conséquent
(λf + g)(a + h) = λf (a + h) + g(a + h)
= (λf (a) + λDa f (h) + o(khk)) + (g(a) + Da g(h) + o(khk))
= (λf + g)(a) + (λDa f + Da g)(h) + o(khk).
(3.12)
Proposition 3.15 (Différentielle d’un produit par une fonction scalaire). Soient une
fonction scalaire f : U ⊆ RN → R et une fonction g : U ⊆ RN → RP . Si f et g sont
différentiables en un point a ∈ U , alors la fonction f g est différentiable en a et :
Da (f g)(h) = f (a)Da g(h) + g(a)Da f (h).
(3.13)
Démonstration. Soit a ∈ U . La différentiabilité de f et g en a entraîne pour h voisin de
0:
(f g)(a + h) = f (a + h)g(a + h)
= (f (a) + Da f (h) + o(khk)) (g(a) + Da g(h) + o(khk))
= (f g)(a) + (Da f (h)g(a) + f (a)Da g(h)) + o(khk).
(3.14)
En effet, les différentielles sont lipschitziennes, car linéaires (proposition 2.31), i.e. il existe
deux constantes kf et kg telles que |Da f (h)| ≤ kf khk et kDa g(h)k ≤ kg khk. Ainsi,
Da f (h)Da g(h) = o(khk).
Remarque 3.16. Bien vérifier dans l’énoncé et la démonstration ci-dessus quels sont les
termes scalaires et les termes vectoriels. . . .
Proposition 3.17 (Différentielle d’une application composée). Soient deux ouverts U ⊆
RN et V ⊆ RP . Soient deux fonctions f : U → RP et g : V → RQ . On suppose que
f (U ) ⊆ V . Soit a ∈ U . Si f est différentiable en a et si g est différentiable en f (a),
alors g ◦ f est différentiable en a et sa différentielle est :
Da (g ◦ f ) = Df (a) g ◦ Da f.
(3.15)
Démonstration. La différentiabilité de f en a s’écrit pour h voisin de 0 :
f (a + h) = f (a) + Da f (h) + khkǫ1 (h),
(3.16)
g(f (a) + h) = g(f (a)) + Df (a) g(h) + khkǫ2 (h).
(3.17)
et celle de g en f (a) :
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3.3. MATRICE JACOBIENNE
31
Il vient donc, puisque Da f (h) + ǫ1 (khk) → 0 quand khk → 0 et par linéarité d’une
différentielle :
(g ◦ f )(a + h) = g(f (a + h))
(3.18)
= g (f (a) + Da f (h) + khkǫ1 (h))
= g(f (a)) + Df (a) g (Da f (h) + khkǫ1 (h)) + khkǫ2 (Da f (h) + khkǫ1 (h))
= g(f (a)) + Df (a) g ◦ Da f (h) + Df (a) g (khkǫ1 (h)) + khkǫ2 (Da f (h) + khkǫ1 (h)) .
Le caractère lipschitzien de la différentielle Df (a) g (proposition 2.31) donne l’existence
d’une constante k1 telle que :
Df (a) g (khkǫ1 (h)) ≤ k1 khk kǫ1 (h)k = o(khk)
(3.19)
et puisque Da f (h) + ǫ1 (khk) → 0 quand khk → 0 :
khkǫ2 (Da f (h) + khkǫ1 (h)) = o(khk).
Ainsi,
(3.20)
(g ◦ f )(a + h) = (g ◦ f )(a) + Df (a) g ◦ Da f (h) + o(khk),
d’où le résultat.
(3.21)
Proposition 3.18 (Différentielle et fonctions coordonnées). Une fonction f =
(f1 , . . . , fP ) : U ⊆ RN → RP est différentiable en un point a ∈ U si et seulement
si ses fonctions coordonnées f1 , . . . , fP sont différentiables en a, et dans ce cas, pour h
voisin de 0 :
Da (f )(h) = (Da (f1 )(h), . . . , Da (fP )(h))
(3.22)
Démonstration. (=⇒) Pour i ∈ {1, . . . , P }, on pose πi : RP → R, x = (x1 , . . . , xP ) 7→ xi
l’application qui à tout élément de RP associe sa i-ème coordonnée (on parle de projection
canonique). f est différentiable en a, et pour tout i ∈ {1, . . . , P }, πi est différentiable
en f (a) ∈ RP , car linéaire (proposition 3.13). Par conséquent, par la proposition 3.17,
fi = πi ◦ f est différentiable en a, et Da fi = Df (a) πi ◦ Da f = πi ◦ Da f .
(⇐=) Réciproquement, supposons les fonctions coordonnées f1 , . . . , fP différentiables
en a. Posons L : RN → RP , h 7→ (Da (f1 )(h), . . . , Da (fP )(h)). Alors en utilisant la norme
infinie 2 ,
kf (a + h) − f (a) − L(h)k = max |fi (a + h) − fi (a) − Da fi (h)| = o(khk),
i=1,...,P
(3.23)
donc f est bien différentiable en a et par unicité de la différentielle on a Da f = L.
3.3
Matrice jacobienne
Dans cette section, on fait le lien entre différentielle et dérivées suivant un vecteur, en
introduisant notamment la notion de matrice jacobienne. Il s’agit simplement de l’écriture
matricielle d’une différentielle en tant qu’application linéaire de RN dans RP , écriture très
utile pour la manipulation pratique des différentielles.
2. mais on rappelle que toute autre norme de RP convient. . .
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32
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
Proposition 3.19 (Différentiabilité et dérivées partielles selon un vecteur). Soit une
fonction f : U ⊆ RN → RP . Soit a ∈ U . Si f est différentiable en a, alors pour tout
v ∈ RN , la dérivée partielle de f en a suivant v existe et vaut Da f (v).
Démonstration. Supposons f différentiable en a et soit v ∈ RN . La différentiabilité de f
en a entraîne pour tout t réel non nul proche de 0 :
f (a + tv) = f (a) + Da f (tv) + o(ktvk) = f (a) + tDa f (v) + o(t),
et par conséquent
f (a + tv) − f (a)
= Da f (v).
t→0
t
lim
(3.24)
(3.25)
Remarque 3.20. Attention, la réciproque est fausse. . . Une application f : RN → RP peut
admettre des dérivées partielles suivant tout vecteur de RN sans être différentiable, ni
même être continue. Voir par exemple l’exercice 3.5.
Définition 3.21 (Matrice jacobienne). Soit une fonction f = (f1 , . . . , fP ) : U ⊆ RN →
RP . Soit a ∈ U . On suppose que f admet en a des dérivées partielles selon toutes les
variables. On appelle matrice jacobienne de f en a, et on note Ja f , la matrice de taille
P × N définie par :


∂f1
∂f1
 ∂x (a) · · · ∂x (a) 
1
N




..
..
(3.26)
Ja f = 
.
.
.



 ∂fP
∂fP
(a) · · ·
(a)
∂x1
∂xN
Bien noter une fois de plus qu’avec la remarque 3.20, l’existence de la matrice jacobienne n’entraîne pas la différentiabilité. On a en revanche la proposition suivante.
Proposition 3.22 (Différentiabilité et matrice jacobienne). Si f : U ⊆ RN → RP est
différentiable en a ∈ U , alors :
(a) f admet des dérivées partielles en a par rapport à toutes les variables ;
(b) la matrice de l’application linéaire Da f dans la base canonique est la matrice jacobienne Ja f , i.e. pour tout h = (h1 , . . . , hn ) ∈ RN :

∂f1
 ∂x (a)
1


..
Da f (h) = Ja f h = 
.

 ∂fP
∂x1
···
(a) · · ·
∂f1
(a)
∂xN
..
.
∂fP
(a)
∂xN



 


h

1

  ..  
 .  = 





hN

N
X

∂f1
(a) 
hi

∂xi

i=1

..
.
.


N

X
∂fP
hi
(a) 
∂xi
i=1
(3.27)
Démonstration. Notons {e1 , . . . , eN } la base canonique de RN . La proposition 3.19 combinée à la remarque 3.4 entraîne pour tout i ∈ {1, . . . , N }
∂f
f (a + tei ) − f (a)
=
(a),
t→0
t
∂xi
Da f (ei ) = lim
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(3.28)
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3.4. APPLICATIONS CONTINÛMENT DIFFÉRENTIABLES
33
donc f admet des dérivées partielles selon toutes les variables. La matrice de Da f dans la
∂f
(a).
base canonique est la matrice dont les colonnes sont les vecteurs Da f (ei ) =
∂xi
De façon naturelle, on a les résultats suivants pour les matrices jacobiennes de sommes,
produits et composition de fonctions.
Proposition 3.23 (Matrice jacobienne d’une somme). Soient deux fonctions f, g : U ⊆
RN → RP et λ ∈ R. Si f et g sont différentiables en un point a ∈ U , alors f + g admet
au point a la matrice jacobienne :
Ja (λf + g) = λJa (f ) + Ja (g).
(3.29)
Démonstration. Immédiat.
Proposition 3.24 (Matrice jacobienne d’un produit par une fonction scalaire). Soient
une fonction scalaire f : U ⊆ RN → R et une fonction g : U ⊆ RN → RP . Si f et
g sont différentiables en un point a ∈ U , alors la fonction f g admet en a la matrice
jacobienne :
Ja (f g) = f (a)Ja g + g(a)Ja f.
(3.30)
Démonstration. Ce résultat découle directement de la proposition 3.15. Faire attention à
l’ordre des termes dans la multiplication g(a)Ja f : g(a) est une vecteur de RP , Ja f une
matrice ligne à N colonnes, et Ja (f g) est matrice à P lignes et N colonnes.
Proposition 3.25 (Différentielle d’une application composée). Soient deux ouverts U ⊆
RN et V ⊆ RP . Soient deux fonctions f : U → RP et g : V → RQ . On suppose que
f (U ) ⊆ V . Soit a ∈ U . Si f est différentiable en a et si g est différentiable en f (a),
alors g ◦ f admet en a la matrice jacobienne :
Ja (g ◦ f ) = Jf (a) g Ja f.
(3.31)
Démonstration. Ce résultat découle directement de la proposition 3.17 : la matrice dans la
base canonique de la composée de deux applications linéaires est le produit des matrices des
ces applications linéaires dans les bases canoniques. Faire attention à l’ordre des termes :
Ja (g ◦ f ) est une matrice à Q lignes et N colonnes
3.4
Applications continûment différentiables
Nous avons noté à plusieurs reprises que le fait qu’une application admette des dérivées
en tout point selon tout vecteur n’entraîne pas la différentiabilité de cette application. En
revanche, si l’on suppose les dérivées partielles continues, alors le résultat est vrai, ce que
nous énonçons au théorème suivant.
Théorème 3.26 (Différentiabilité d’une application aux dérivées partielles continues).
Soient U ⊆ RN un ouvert et une application f : U → RP . Si
(i) f admet des dérivées partielles selon toutes ses variables en tout point de U ;
(ii) toutes ces dérivées partielles sont continues sur U ;
alors f est différentiable sur U .
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CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
34
Démonstration. Grâce à la proposition 3.18, il suffit de montrer la différentiabilité de
chacune des coordonnées de f , autrement dit il suffit de montrer la proposition pour une
fonction scalaire f : U ⊆ RN → R. Soit a ∈ U . On écrit pour h voisin de 0 :
f (a + h) − f (a) = f (a1 + h1 , . . . , aN + hN ) − f (a1 , . . . , aN )
= f (a1 + h1 , . . . , aN + hN ) − f (a1 , a2 + h2 . . . , aN + hN )
+f (a1 , a2 + h2 , . . . , aN + hN ) − f (a1 , a2 , a3 + h3 . . . , aN + hN )
+...
+f (a1 , . . . , aN −1 , aN + hN ) − f (a1 , . . . , aN ).
(3.32)
Pour tout i ∈ {1, . . . , P }, soit gi : [0, hi ] → R la fonction réelle définie par
gi (t) = f (a1 , . . . , ai−1 , ai + t, ai+1 + hi+1 , . . . , aN + hN )
−f (a1 , . . . , ai−1 ,
ai ,
(3.33)
ai+1 + hi+1 , . . . , aN + hN )
Par hypothèse, gi est une fonction réelle continûment dérivable sur [0, hi ], de dérivée
gi′ (t) =
∂f
(a1 , . . . , ai−1 , ai + t, ai+1 + hi+1 . . . , aN + hN ).
∂xi
(3.34)
Le théorème des accroissements finis appliqué à gi sur le segment [0, hi ] nous permet alors
d’écrire qu’il existe un réel ci ∈]0, hi [ vérifiant :
gi′ (ci ) =
gi (hi )
gi (hi ) − gi (0)
=
,
hi
hi
(3.35)
et par conséquent,
f (a + h) − f (a) =
=
N
X
i=1
N
X
i=1
gi (hi ) =
N
X
hi gi′ (ci )
(3.36)
i=1
hi
∂f
(a1 , . . . , ai−1 , ai + ci , ai+1 + hi+1 . . . , aN + hN ).
∂xi
Notons Ja f la matrice jacobienne de f en a. Ja f est une matrice ligne dont l’existence est
garantie puisque toutes les dérivées partielles existent (définition 3.21). Il vient alors, en
utilisant par exemple la norme infinie :
=
≤
≤
1
(3.37)
khk (f (a + h) − f (a) − Ja f h)
N
X h ∂f
∂f
i
(a1 , . . . , ai−1 , ai + ci , ai+1 + hi+1 . . . , aN + hN ) −
(a1 , . . . , aN ) khk ∂xi
∂xi
i=1
N
X
i=1
i
|hi | ∂f (a1 , . . . , ai−1 , ai + ci , ai+1 + hi+1 . . . , aN + hN ) − ∂f (a1 , . . . , aN )
khk ∂xi
∂xi
i=1
N X
∂f (a1 , . . . , ai−1 , ai + ci , ai+1 + hi+1 . . . , aN + hN ) − ∂f (a1 , . . . , aN ) .
∂x
∂x
i
Par continuité des dérivées partielles de f , le dernier terme tend vers 0 quand khk → 0.
On en conclut que f est bien différentiable.
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3.5. INÉGALITÉ DES ACCROISSEMENTS FINIS
35
Il est ainsi naturel d’utiliser le vocabulaire de la définition suivante.
Définition 3.27 (Application continûment différentiable). Une application f : U ⊆
RN → RP est dite continûment différentiable sur U , ou encore de classe C 1 sur U , si
toutes les dérivées partielles de f existent et sont continues sur U .
3.5
Inégalité des accroissements finis
Le théorème des accroissements finis vu en L1 pour les fonctions réelles d’une variable
réelle se généralise pour les fonctions de plusieurs variables, mais pas pour les fonctions vectorielles. Le cas particulier du lemme de Rolle ne se généralise pas non plus aux fonctions
vectorielles, voir par exemple l’exercice 3.7. En revanche, on dispose d’une généralisation
aux fonctions vectorielles de l’inégalité des accroissement finis. Nous énonçons et démontrons ces résultats dans cette section.
Nous commençons par énoncer le théorème des accroissements finis pour une fonction
scalaire de plusieurs variables.
Théorème 3.28 (Théorème des accroissements finis pour une fonction scalaire de plusieurs variables). Soient U ⊆ RN un ouvert et f : U → R une fonction scalaire. Soient
a et b deux points de U tels que [a, b] ⊂ U . Si f est continue sur le segment [a, b] et
différentiable en tout point de ]a, b[, alors il existe c ∈]a, b[ tel que
f (b) − f (a) = Dc f (b − a).
(3.38)
Démonstration. Soit l’application x : [0, 1] → RN définie par x(t) = (1 − t)a + tb. Quand
t parcourt le segment [0, 1] de R, x(t) parcourt le segment [a, b] de U ⊆ RN . La fonction
x est différentiable, et au point t ∈ [0, 1] sa différentielle est Dt x : R → RN , h 7→ h(b − a).
Par la proposition 3.17, f étant différentiable en tout point de ]a, b[, f ◦ x : R → R est
différentiable (dérivable) en tout point de ]0, 1[∈ R, et on a pour h scalaire voisin de 0 :
1
1
1
Dt (f ◦ x)(h) = (Dx(t) f ◦ Dt x)(h) = Dx(t) f ((b − a)h) = Dx(t) f (b − a).
h
h
h
(3.39)
Par application du théorème des accroissements finis à la fonction scalaire d’une variable
réelle f ◦ x continue sur [0, 1] et dérivable sur ]0, 1[, il existe une constante t0 ∈]0, 1[ telle
que
(f ◦ x)(1) − (f ◦ x)(0)
= f (b) − f (a).
(3.40)
(f ◦ x)′ (t0 ) =
1
En combinant ces deux résultats, il vient :
(f ◦ x)′ (t) =
f (b) − f (a) = Dx(t0 ) f (b − a),
(3.41)
d’où le résultat avec c = x(t0 ) ∈]a, b[.
Nous nous tournons maintenant vers la généralisation de l’inégalité de accroissements
finis pour les fonctions de RN dans RP . Notre progression est en plusieurs étapes. Nous
commençons par l’inégalité générale des accroissements finis pour une fonction vectorielle
d’une variable réelle (N = 1). Nous déduisons l’inégalité classique des accroissements finis
pour les fonctions vectorielles d’une variable réelle comme corollaire de ce premier résultat.
Finalement, nous montrons l’inégalité classique des accroissements finis dans le cas général
(N quelconque).
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36
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
Théorème 3.29 (Inégalité générale des accroissements finis pour les fonctions vectorielles de la variable réelle). Soit [a, b] un segment de R. Soient une fonction f : [a, b] →
RP et une fonction scalaire g : [a, b] → R. On suppose que :
(i) f et g sont continues sur [a, b] ;
(ii) f et g sont différentiables (dérivables) sur ]a, b[ ;
(iii) ∀t ∈]a, b[, kf ′ (t)k ≤ g′ (t).
Alors kf (b) − f (a)k ≤ g(b) − g(a).
Démonstration. Soit ǫ > 0. Posons
ϕǫ : [a, b] → R, t 7→ kf (t) − f (a)k − (g(t) − g(a)) − ǫ(t − a).
(3.42)
f et g étant continues (hypothèse (i)), ϕǫ est une fonction scalaire continue sur [a, b].
Posons Xǫ = {x ∈ [a, b] : ϕǫ (t) ≤ ǫ} = ϕ−1
ǫ (] − ∞, ǫ]), et c = sup Xǫ . On a c ∈ [a, b]
par définition, et on va montrer que c > a puis que c = b. Pour le premier point, on a
ϕǫ (a) = 0, donc par continuité de ϕǫ il existe δ > 0 tel que ∀t ∈ [a, a + δ], ϕǫ (t) ≤ ǫ, i.e.
[a, a + δ] ⊂ Xǫ , d’où a < a + δ ≤ c. On montrer le second point (c = b) par l’absurde.
Supposons que c < b. Alors c ∈]a, b[, et par l’hypothèse (ii), f et g sont dérivables en c.
L’hypothèse (iii) s’écrit alors :
f (t) − f (c) ′ = f (c) ≤ g ′ (c) = lim g(t) − g(c) ,
t→c
t→c
t−c t−c
lim (3.43)
et par définition des limites, il existe γ > 0 tel que pour tout t ∈]c, c + γ[,
f (t) − f (c) ′ ≤ f (c) + ǫ ≤ g ′ (t) + ǫ ≤ g(t) − g(c) + ǫ.
t−c 2
2
t−c
(3.44)
ou encore (t − c > 0) :
kf (t) − f (c)k ≤ (g(t) − g(c)) + ǫ(t − c).
(3.45)
Or, c ∈ Xǫ car Xǫ est un fermé (image réciproque par ϕǫ continue du fermé ] − ∞, ǫ] de
R, corollaire 2.11), donc
kf (c) − f (a)k − (g(c) − g(a)) − ǫ(c − a) ≤ ǫ.
(3.46)
En combinant ces deux résultats, il vient pour tout t ∈]c, c + γ[ :
ϕǫ (t) = kf (t) − f (a)k − (g(t) − g(a)) − ǫ(t − a)
≤ kf (t) − f (c)k + kf (c) − f (a)k − (g(t) − g(a)) − ǫ(t − a)
≤ (g(t) − g(c)) + ǫ(t − c) + (g(c) − g(a)) + ǫ(c − a) + ǫ − (g(t) − g(a)) − ǫ(t − a)
= ǫ,
(3.47)
i.e. ]c, c + γ[⊂ Xǫ , ce qui contredit c = sup Xǫ . On a donc c = b, d’où b ∈ Xǫ , i.e.
kf (b) − f (a)k − (g(b) − g(a)) − ǫ(b − a).
(3.48)
ǫ étant quelconque, on obtient le résultat en faisant tendre ǫ vers 0.
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3.6. APPLICATION LINÉAIRE TANGENTE
37
Corollaire 3.30 (Inégalité des accroissements finis pour les fonctions vectorielles de la
variable réelle). Soit [a, b] un segment de R. Soit une fonction f : [a, b] → RP continue
sur [a, b], différentiable (dérivable) sur ]a, b[, et telle que ∀t ∈]a, b[, kf ′ (t)k ≤ M pour
une constante M > 0. Alors kf (b) − f (a)k ≤ M (b − a).
Démonstration. Il suffit d’utiliser le théorème précédent 3.29 pour la fonction scalaire
g : [a, b] → R, t 7→ M t, vérifiant g′ (t) = M et g(b) − g(a) = M (b − a).
Théorème 3.31 (Inégalité des accroissements finis). Soient U ⊆ RN un ouvert et une
fonction f : U → RP . Soient a et b deux points de U tels que [a, b] ⊂ U . Si f est continue
sur le segment [a, b] et différentiable en tout point de ]a, b[, et si il existe une constante
M > 0 telle que pour tout c ∈]a, b[, 9Dc f 9 ≤ M , alors :
kf (b) − f (a)k ≤ M kb − ak.
(3.49)
Démonstration. Posons g : [0, 1] → RP , t 7→ f ((1 − t)a + tb). g est une fonction vectorielle
de la variable réelle, continue sur [0, 1] car composée de f continue et d’une application
linéaire. Toujours par composition, g est également dérivable sur ]0, 1[, de dérivée
g′ (t) = lim
h→0
f ((1 − t)a + tb + h(b − a)) − f ((1 − t)a + tb)
= D(1−t)a+tb f (b − a).
h
(3.50)
Par conséquent,
∀t ∈]0, 1[, kg′ (t)k = kD(1−t)a+tb f (b − a)k ≤ 9D(1−t)a+tb f 9 kb − ak ≤ M kb − ak, (3.51)
où la norme triple a été introduite à la définition 2.29. Par l’inégalité des accroissements
finis pour une fonction vectorielle de la variable réelle (corollaire 3.30) appliqué à la fonction
g, on a kg(1) − g(0)k ≤ M kb − ak(1 − 0), i.e. kf (b) − f (a)k ≤ M kb − ak.
Remarque 3.32. Bien faire attention à la condition [a, b] ⊂ U . Voir par exemple l’exercice
3.9.
3.6
Application linéaire tangente
On sait interpréter géométriquement la dérivée en a ∈ R d’une fonction scalaire f d’une
variable réelle en terme de droite tangente au graphe de la fonction f au point (a, f (a)).
De la même manière, la notion de différentielle s’interprète en une généralisation de la
notion de tangente en dimension finie. On commence par définir cette notion d’application
tangente et on s’intéresse ensuite au cas particulier de fonctions f : R2 → R et à la notion
de plan tangent, afin de conserver une représentation graphique dans l’espace.
Définition 3.33 (Applications tangentes). Soient U ⊆ RN un ouvert et deux applications f, g : U → RP . Soit a ∈ U . On dit que f et g sont tangentes en a si pour tout
h ∈ RN :
kf (a + h) − g(a + h)k = o(khk).
(3.52)
On fait le lien entre applications tangentes et différentielles avec les propriétés suivantes.
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38
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
Remarque 3.34 (Notation). On simplifie les énoncés à venir en introduisant la notation
τv : RQ → RQ pour désigner la translation de vecteur v ∈ RQ . τv est l’application définie
par τv (x) = v + x.
Proposition 3.35 (Application linéaire tangente). Soient trois applications f, g, h :
U ⊆ RN → RP .
(a) Si f et g sont tangentes en a, alors f (a) = g(a).
(b) Si f et g sont tangentes en a et g et h sont tangentes en a, alors f et h sont
tangentes en a.
(c) si f et g sont linéaires et tangentes en un point a, alors f = g.
(d) Si f est différentiable en a ∈ RN , alors f ◦ τa et τf (a) ◦ Da f : RN → RP sont
tangentes en 0.
Démonstration. (a) Immédiat.
(b) Par inégalité triangulaire, pour tout v ∈ RN :
kf (a + v) − h(a + v)k ≤ kf (a + v) − g(a + v)k + kg(a + v) − h(a + v)k .
(3.53)
N
(c) Par linéarité de f et g, pour tout v ∈ R ,
0 = lim
t→0
kf (a + tv) − g(a + tv)k
k(f − g)(tv)k
k(f − g)(v)k
= lim
=
.
t→0
ktvk
ktvk
kvk
(3.54)
Le terme de droite ne dépend pas de t, donc f − g est l’application nulle.
(d) Si f est différentiable, alors par définition de la différentielle :
(f ◦ τa ) (h) − τf (a) ◦ Da f (h) = kf (a + h) − (f (a) + Da f (h))k = o(khk) (3.55)
d’où le résultat.
Cette dernière propriété justifie l’appellation application linéaire tangente pour désigner la différentielle. Les translations ne servent qu’à "recentrer" les coordonnées en
(a, f (a)). On peut réécrire cette propriété de manière équivalente en disant que si f est
différentiable en a ∈ RN , alors l’application τf (a) ◦ Da f ◦ (τa )−1 : RN → RP est tangente
à f en a. Dans le cas particulier d’une application f : R2 → R, on peut donc écrire la
proposition-définition suivante.
Proposition 3.36 (Plan tangent). Soit U ⊆ R2 un ouvert et f : R2 → R une fonction
scalaire. Soit a = (xa , ya ) ∈ U . Si f est différentiable en a, alors dans l’espace R3 , le
plan d’équation
z = f (xa , ya ) + D(xa ,ya ) f (x − xa , y − ya )
∂f
∂f
= f (xa , ya ) + (x − xa ) (xa , ya ) + (y − ya ) (xa , ya )
∂x
∂y
(3.56)
est tangent au graphe de f en a. C’est le plan tangent au graphe de f en a.
Démonstration. Il s’agit d’une simple réécriture de ce qui précède.
En guise d’illustration, la figure 3.1 donne une représentation graphique de la fonction
f : R2 → R, (x, y) 7→ f (x, y) = x2 + y 2 et de son plan tangent en (1, 1) d’équation
z = 2 + 2(x − 1) + 2(y − 1) = 2x + 2y − 2.
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3.7. EXERCICES
39
20
15
10
5
0
-5
-10
-15
3
2
1
-3
-2
0
-1
0
-1
1
2
-2
3 -3
Figure 3.1 – Graphe de la fonction f (x, y) = x2 + y 2 et de son plan tangent au point de
coordonnées (1, 1).
3.7
Exercices
Exercice 3.1 (Calcul de dérivées partielles). Déterminer les dérivées partielles selon x et
y des fonctions suivantes, en précisant leur domaine de validité :
(a) f (x, y) = ex sin(x2 + y) ;
xy 2
;
(b) g(x, y) = p
x + y2
(c) h(x, y) = sin(x2 − y) + sin2 (xy) ;
(d) k(x, y) = x2 y, ex sin(y), ln(x2 + y 2 ) .
Exercice 3.2 (Différentiabilité des normes de RN ). Soit n une norme quelconque de RN .
1. Montrer par l’absurde que n n’est pas différentiable en 0.
2. Montrer que la norme euclidienne k·k2 est différentiable sur RN \ {0}.
3. Montrer que la norme-1 k·k1 n’est pas différentiable sur RN \ {0}
(Indication : considérer par exemple le point (1, 0, . . . , 0) et raisonner par l’absurde
avec le vecteur h = (0, h2 , 0 . . .) voisin de 0).
4. Déterminer la différentielle de l’application f : RN → RN définie par f (x) = kxk22 x.
Exercice 3.3 (Calcul de différentielles). Pour chacune des fonctions suivantes, déterminer
sur quels ensembles elles sont différentiables et donner leur différentielle :
(a) f (x, y) = |x + y| ;
(b) g(x, y) = ln(x2 + y 2 ).
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40
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
Exercice 3.4 (Matrices jacobiennes). Pour chacune des fonctions suivantes, déterminer
leur matrice jacobienne et si elles sont différentiables :
(a) f (x, y) = x2 + 3xy, yex ;
(b) g(x, y) = (cos(xy), sin(x + y)) ;
(c) h(r, θ) = (r cos(θ), r sin(θ)) ;
Exercice 3.5 (Des dérivées partielles sans différentiabilité). Soit f : R2 → R la fonction
|y| |y|
définie par f (x, y) = 2 e− x2 si x 6= 0 et f (0, y) = 0.
x
1. Montrer que f admet (0, 0) des dérivées partielles suivant tout vecteur de R2 .
2. Montrer que f n’est pas continue en (0, 0) et donc a fortiori n’est pas différentiable.
Exercice 3.6. Soit la fonction f : R2 → R définie par f (x, y) =
et f (0, 0) = 0. Montrer, dans l’ordre, que :
xy 3
sur R2 \ {(0, 0)}
x4 + y 2
(a) f est continue sur R2 ;
(b) f est différentiable sur R2 ;
(c) f est continûment différentiable sur R2 .
Exercice 3.7 (Pas de théorème de Rolle pour les fonctions vectorielles). En considérant
la fonction f : R → R2 , t 7→ (cos t, sin t), montrer que le théorème de Rolle ne se généralise
pas aux fonctions vectorielles.
Exercice 3.8 (Dérivées partielles identiquement nulles). Soit f : RN → RP une fonction
dont toutes les dérivées partielles sont identiquement nulles sur RN . Montrer que f est
constante sur RN .
Exercice 3.9 (Différentiabilité sur un ouvert convexe). Soit U ⊆ RN un ouvert et f :
U → RP . On suppose que U est convexe, que f est différentiable sur U et qu’il existe une
constante M > 0 telle que pour tout a ∈ U , 9Da f 9 ≤ M .
1. Montrer que f est lipschitzienne de rapport M sur U .
y
, définie sur l’ouvert
x
U = {(x, y) ∈ R2 : x > 0, 1 < x2 + y 2 < 4}, et on utilise la norme euclidienne.
2. Dans cette question, on pose N = 2, P = 1, f (x, y) = arctan
(a) Dessiner U .
(b) Montrer que f est différentiable sur U .
1
< 1.
(c) Montrer que pour tout (x, y) ∈ U , 9D(x,y) f 9 ≤ p 2
x + y2
1
1
1 1
,1 +
, −1 −
(d) Calculer lim f
et en déduire que f n’est pas
−f
n→∞
n
n
n
n lipschitzienne de rapport 1 sur U .
(e) Conclure.
Exercice 3.10 (Différentiabilité du déterminant). Soit f : R4 → R la fonction définie par
f (x, y, z, t) = xt − yz.
1. Montrer que f est continûment différentiable et calculer sa différentielle.
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3.7. EXERCICES
41
2. En déduire que sur l’ensemble de matrices réelles carrées de taille 2, la trace est la
différentielle du déterminant au point I (matrice identité).
Exercice 3.11 (Plans tangents). Soit f : R2 → R, (x, y) 7→ f (x, y) = (x − y)e−(x
2 +y 2 )
.
2
1. Montrer que f est différentiable sur R .
2. Déterminer l’équation du plan tangent au graphe de f à l’origine.
3. Déterminer en quels points le graphe de f admet un plan tangent horizontal.
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42
CHAPITRE 3. DIFFÉRENTIABILITÉ DE FONCTIONS DE RN DANS RP
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Chapitre 4
Différentiabilité d’ordre k
On s’intéresse dans ce chapitre aux fonctions de RN dans RP k fois continûment différentiables, généralisation des fonctions scalaires d’une variable réelle k fois continûment
dérivables. On va en particulier s’intéresser aux liens entre différentiabilité et extremas
locaux, et généraliser la notion de développement de Taylor.
4.1
Fonctions de classe C k
La définition par récurrence des fonctions de classe C k est naturelle.
Définition 4.1 (Fonction de classe C k ). Soit U ⊆ RN un ouvert et une fonction f :
U → RP . f est dite k fois continûment différentiable sur U , ou encore de classe C k sur
∂f
, i = 1, . . . , N sont de
U , si elle est différentiable sur U et si ses dérivées partielles
∂xi
k−1
∞
classe C
sur U . f est dite de de classe C sur U si elle est de classe C k sur U pour
tout k ∈ N∗ .
Remarque 4.2. Les propositions 2.12 et 3.18 montrent qu’une fonction f : U → RP est de
classe C k si et seulement si ses coordonnées fi : U → R, i = 1, . . . , P sont de classe C k .
Ainsi, on pourra souvent dans la suite du chapitre, se contenter de prouver les résultats
pour des fonctions scalaires de plusieurs variables.
Les résultats suivants sont encore une fois une généralisation naturelle des résultats
connus pour les fonctions scalaire de la variable réelle.
Proposition 4.3 (Somme, produit et composition de fonctions C k ). Soit U ⊆ RN un
ouvert. Soit k ∈ N∗ ∪ {∞}.
(a) Si λ ∈ R, et si f : U → RP et g : U → RP sont deux fonctions de classe C k , alors
λf + g : U → RP est une fonction de classe C k .
(b) Si f : U → R est une fonction scalaire de classe C k et si g : U → RP est une
fonction de classe C k , alors f g : U → RP est une fonction de classe C k .
(c) Si V ⊆ RP est un ouvert, et si f : U → RP et g : V → RQ sont deux fonctions de
classe C k vérifiant f (U ) ⊆ V , alors g ◦ f : U → RQ est une fonction de classe C k .
(d) Si f : U → R est une fonction scalaire de classe C k si f ne s’annule pas, alors
1/f : U → RP est une fonction de classe C k .
Démonstration. La preuve est une généralisation de preuves connues et est laissée en
43
44
CHAPITRE 4. DIFFÉRENTIABILITÉ D’ORDRE K
exercice.
Nous en venons au théorème clé du chapitre.
Théorème 4.4 (Théorème de Schwarz). Soit U ⊆ RN un ouvert et une fonction f :
U → RP . Si f est de classe C 2 , alors
∂
∀(i, j) ∈ {1, . . . , N } ,
∂xi
2
∂f
∂xj
!
∂
=
∂xj
∂f
∂xi
(4.1)
Démonstration. Comme indiqué à la remarque 4.2, il suffit de montrer ce résultat pour
une fonction scalaire f : U ⊆ RN → R. Soit a ∈ RN . Soit {e1 , . . . , eN ) la base canonique
de RN . Soit (i, j) ∈ {1, . . . , N }2 . Soient les fonctions ϕ : R2 → R et ϕi : R → R définies
par
ϕ(ti , tj ) = f (a + ti ei + tj ej ) − f (a + ti ei ) − f (a + tj ej ) + f (a),
ϕi (t) = f (a + tei + tj ej ) − f (a + tei ).
(4.2)
(4.3)
Pour tout ti réel positif suffisamment petit, ϕi est une fonction continue sur [0, ti ] et
dérivable sur ]0, ti [ par hypothèse sur f , donc par le théorème des accroissements finis, il
existe ci ∈]0, ti [ tel que
ϕ(ti , tj ) = ϕi (ti ) − ϕi (0) = ti ϕ′i (ci ),
avec
ϕ′i (ci ) =
∂f
∂f
(a + ci ei + tj ej ) −
(a + ci ei ).
∂xi
∂xi
(4.4)
(4.5)
Par un raisonnement similaire appliqué à la fonction
ψi (t) =
∂f
(a + ci ei + tej ),
∂xi
(4.6)
continue sur [0, tj ] et dérivable sur ]0, tj [ pour tout tj sufisamment petit, le théorème des
accroissements finis donne l’existence de cj ∈]0, tj [ tel que
ϕ′i (ci ) = ψi (tj ) − ψi (0) = tj ψi′ (cj ),
avec
ψi′ (cj )
∂
=
∂xj
∂f
(a + ci ei + cj ej ) .
∂xi
(4.7)
(4.8)
En résumé, pour tout (ti , tj ) ∈ R2 suffisamment petit, il existe ci ∈]0, ti [ et cj ∈]0, tj [ tels
que :
∂
∂f
ϕ(ti , tj )
=
(a + ci ei + cj ej ) ,
(4.9)
ti tj
∂xj ∂xi
et par conséquent, par continuité,
∂
ϕ(ti , tj )
=
ti tj
∂xj
(ti ,tj )→(0,0)
lim
Université de la Nouvelle-Calédonie
∂f
(a) .
∂xi
(4.10)
Licence 2 S&T Mention Mathématiques
4.2. FORMULES DE TAYLOR
45
Les variables ti et tj jouant un rôle symétrique dans la définition de ϕ, on répète le
raisonnement complet avec les fonctions
ϕj (t) = f (a + ti ei + tej ) − f (a + tej ),
∂f
(a + tei + cj ej ),
ψj (t) =
∂xj
et on obtient
(4.11)
(4.12)
!
ϕ(ti , tj )
∂
lim
=
ti tj
∂xi
(ti ,tj )→(0,0)
∂f
(a) ,
∂xj
(4.13)
d’où le résultat.
Ce théorème fondamental se généralise immédiatement pour une fonction de classe
C pour p dérivations successives, p ≤ k. Autrement dit, pour une fonction de classe C k ,
l’ordre des dérivations pour une dérivée partielle d’ordre inférieur ou égal à k n’intervient
pas. Cela justifie l’introduction des notations condensées dans lesquelles l’ordre des dérivations successives n’est pas apparent. Pour un N -uplet d’entiers (éventuellement nuls)
α = (α1 , . . . , αN ), on note |α| = α1 + . . . + αN . Pour une fonction f de classe C k et pour
tout α = (α1 , . . . , αN ) tel que |α| ≤ k, on note :
k
∂
∂ |α| f
∂
∂
∂f
∂ |α| f
...
.
= α
=
...
...
α
∂x
∂ 1 x1 . . . ∂ αN xN
∂x1
∂x1
∂xN
∂xN
|α| est l’ordre de la dérivation partielle.
4.2
|
{z
α1 fois
}
|
{z
αN fois
(4.14)
}
Formules de Taylor
Nous allons maintenant généraliser les formules de Taylor pour des fonctions vectorielles à plusieurs variables. Commes pour les fonctions réelles de la variable réelle, ces
formules sont un outil essentiel pour étudier le comportement local des fonctions. Nous
commençons par un lemme, qui permet de montrer les formules de Taylor avec reste intégral, de Taylor-Lagrange et de Taylor-Young pour tout ordre. Mais ce sont celles à l’ordre
deux qui seront cette année très utiles (et exigibles. . . ). Aussi, une fois le premier lemme
général montré, nous nous contentons ensuite d’énoncer et de montrer les formules à l’ordre
deux.
Lemme 4.5. Soit U ⊆ RN un ouvert et une fonction f : U → RP de classe C k . Soit
a ∈ RN et h ∈ RN tel que [a, a + h] ⊂ U . On pose ϕ : [0, 1] → RP , t 7→ ϕ(t) = f (a + th).
Alors ϕ est de classe C k sur [0, 1] et pour tout t ∈ [0, 1] :
ϕ(k) (t) =
X
α1 +...+αN
∂k f
k!
hα1 1 . . . hαNN α1
(a + th),
α ! . . . αN !
∂ x1 . . . ∂ αN xN
=k 1
(4.15)
Démonstration. ϕ est de classe C k comme combinaison de fonctions de classe C k . On
montre la formule par récurrence. Pour k = 1, on a
ϕ′ (t) = Da+th f (h) =
N
X
i=1
UE Maths II.2 - Calcul Différentiel 1
hi
∂f
(a + th),
∂xi
(4.16)
Ioane Muni Toke
46
CHAPITRE 4. DIFFÉRENTIABILITÉ D’ORDRE K
ce qui vérifie bien l’équation (4.15) puisque les N -uplets d’entiers (α1 , . . . , αN ) vérifiant
α1 + . . . + αN = 1 sont exactement les N N -uplets de la forme (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0), où le
1 est en i-ème position.
Supposons maintenant le résultat démontré au rang k − 1. On a alors :
X
ϕ(k−1) (t) =
α1 +...+αN
∂ k−1 f
(k − 1)! α1
h1 . . . hαNN α
(a + th),
α ! . . . αN !
∂ 1 x1 . . . ∂ αN xN
=k−1 1
(4.17)
Il vient en dérivant une fois de plus :
X
k
ϕ (t) =
α1 +...+αN
=
X
α1 +...+αN
=
N
X
(k − 1)! α1
h1 . . . hαNN
α
!
.
.
.
α
!
N
=k−1 1
!′
∂ k−1 f
(a + · h)
∂ α1 x1 . . . ∂ αN xN
(t)
N
X
∂k f
(k − 1)! α1
hi α1
h1 . . . hαNN
(a + th)
α ! . . . αN !
∂ x1 . . . ∂ αi +1 xi . . . ∂ αN xN
i=1
=k−1 1
X
i=1 α1 +...+αN
(k − 1)!(αi + 1)
hα1 1 . . . hαi i +1 . . . hαNN
α
!
.
.
.
(α
+
1)!
.
.
.
α
!
i
N
=k−1 1
∂k f
(a + th)
∂ α1 x1 . . . ∂ αi +1 xi . . . ∂ αN xN
=
N
X
X
i=1 α1 +...+αN
αi ≥1
(k − 1)!αi
hα1 1 . . . hαi i . . . hαNN
α
!
.
.
.
α
!
.
.
.
α
!
1
i
N
=k
∂k f
(a + th)
∂ α1 x1 . . . ∂ αi xi . . . ∂ αN xN
=
N
X
X
i=1 α1 +...+αN
(k − 1)!αi
hα1 1 . . . hαi i . . . hαNN
α
!
.
.
.
α
!
.
.
.
α
!
1
i
N
=k
∂k f
(a + th)
∂ α1 x1 . . . ∂ αi xi . . . ∂ αN xN
P
X
∂k f
(k − 1)! N
i=1 αi α1
=
h1 . . . hαi i . . . hαNN α1
(a + th)
α ! . . . αi ! . . . αN !
∂ x1 . . . ∂ αi xi . . . ∂ αN xN
α +...+α =k 1
1
=
N
X
α1 +...+αN
∂k f
k!
hα1 1 . . . hαNN α1
(a + th),
α ! . . . αN !
∂ x1 . . . ∂ αN xN
=k 1
(4.18)
ce qui est bien le résultat voulu.
Remarque 4.6. On peut introduire les notations condensées α! =
N
Y
αi ! et hα = hα1 1 . . . hαNN
i=1
pour écrire plus simplement
ϕ(k) (t) =
X k!
α∈NN
α!
hα
∂k f
(a + th).
∂αx
(4.19)
|α|=k
Attention cependant à ne pas mélanger les quantités vectorielles et scalaires.
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4.2. FORMULES DE TAYLOR
47
Ce lemme permet de montrer les formules de Taylor à tout ordre. Cependant, pour ne
pas surcharger l’exposé, nous nous contenter maintenant d’énoncer et montrer les formules
de Taylor à l’ordre 2.
Théorème 4.7 (Formule de Taylor à l’ordre 2 avec reste intégral). Soit U ⊆ RN un
ouvert et une fonction f : U → RP de classe C 2 . Soit a ∈ RN et h ∈ RN tel que
[a, a + h] ⊂ U . Alors :
f (a + h) = f (a) +
N
X
hi
i=1
+
Z
1
0
∂f
(a)
∂xi

(4.20)

N
X
X
∂2f
∂2f
(1 − t)  h2i 2 (a + th) + 2
(a + th) dt.
hi hj
∂ xi
∂xi ∂xj
i=1
i<j
Démonstration. La formule de Taylor avec reste intégral pour la fonction ϕ en 0 à l’ordre
2 s’écrit entre 0 et 1 :
′
ϕ(1) = ϕ(0) + ϕ (0) +
Z
0
1
(1 − t)ϕ′′ (t)dt
(4.21)
et le lemme 4.5 entraîne
ϕ′ (t) =
ϕ′′ (t) =
N
X
hi
∂f
(a + th),
∂xi
i=1
N X
N
X
hi hj
i=1 j=1
=
N
X
i=1
h2i
(4.22)
∂2f
(a + th)
∂xi ∂xj
X
∂2f
∂2f
h
h
(a
+
th)
+
2
(a + th),
i j
∂ 2 xi
∂xi ∂xj
i<j
(4.23)
d’où le résultat.
Si la fonction est scalaire, alors on peut appliquer la formule de la moyenne appliquée
au reste intégral. On obtient la version dite de Taylor-Lagrange de la formule.
Théorème 4.8 (Formule de Taylor-Lagrange à l’ordre 2). Soit U ⊆ RN un ouvert et
une fonction scalaire f : U → R de classe C 2 . Soit a ∈ RN . Alors pour h ∈ RN tel que
[a, a + h] ⊂ U . Alors il existe θ ∈]0, 1[ tel que :
f (a + h) = f (a) +
N
X
i=1
+
hi
∂f
(a)
∂xi
(4.24)
N
X
1X
∂2f
∂2f
h2i 2 (a + θh) +
hi hj
(a + θh).
2 i=1 ∂ xi
∂xi ∂xj
i<j
Démonstration. On applique la formule de la moyenne au reste intégral : la fonction t 7→
N
X
X
∂2f
∂2f
hi hj
(a + th) est continue sur [0, 1] car f est de classe C 2 ,
h2i 2 (a + th) + 2
∂
x
∂x
∂x
i
i
j
i<j
i=1
et la fonction t 7→ 1 − t est positive sur [0, 1] avec
UE Maths II.2 - Calcul Différentiel 1
Z
0
1
(1 − t) dt =
1
.
2
Ioane Muni Toke
48
CHAPITRE 4. DIFFÉRENTIABILITÉ D’ORDRE K
Attention, ce résultat n’est valable, répétons-le, que pour des fonctions scalaires. On
en vient à la formule qui aura, en tout cas cette année, la plus grande utilité pratique.
Théorème 4.9 (Formule de Taylor-Young à l’ordre 2). Soit U ⊆ RN un ouvert et une
fonction f : U → RP de classe C 2 . Soit a ∈ RN . Alors pour h ∈ RN voisin de 0 :
f (a + h) = f (a) +
N
X
hi
i=1
+
∂f
(a)
∂xi
(4.25)
N
X
1X
∂2f
∂2f
(a) + o(khk2 ).
h2i 2 (a) +
hi hj
2 i=1 ∂ xi
∂x
∂x
i
j
i<j
Démonstration. On montre le résultat pour une fonction scalaire f : U → R, le résultat se généralise aux fonctions vectorielles en raisonnant par les fonctions coordonnées.
L’utilisation de la formule de Taylor-Lagrange donne :
∆ =
=
≤
N
N
2f
2f
X
X
X
1
∂
∂
∂f
2
f (a + h) − f (a) −
(a) −
(a)
hi 2 (a) −
hi hj
hi
∂xi
2 i=1 ∂ xi
∂xi ∂xj
i<j
i=1
N
X
1 X 2 ∂2f
∂2f
h
(a
+
θh)
+
h
h
(a + θh)
i
j
i
2
∂xi ∂xj
i=1 ∂ 2 xi
i<j
N
2f
2f
X
∂
∂
1X
2
hi 2 (a) −
(a)
hi hj
−
2 i=1 ∂ xi
∂xi ∂xj
i<j
N
∂2f
1X
∂2f
h2i 2 (a + θh) − 2 (a)
2 i=1 ∂ xi
∂ xi ∂2f
X
∂2f
(a + θh) −
(a) .
(4.26)
|hi ||hj | +
∂xi ∂xj
∂xi ∂xj
i<j
N (N + 1)
dérivées partielles d’ordre deux, il existe δ > 0
2
tel que pour tout (i, j), khk < δ entraîne :
Soit ǫ > 0. Par continuité des
Ainsi, on a pour khk < δ :

∆ ≤ ǫ
∂2f
∂2f
(a + θh) −
(a) < ǫ.
∂xi ∂xj
∂xi ∂xj
N
1X
2
i=1
h2i

!2
N
ǫ X
+
|hi |
|hi ||hj | =
2 i=1
i<j
X
(4.27)
ǫ
= khk2 ,
2
(4.28)
en utilisant la norme-1, d’où le résultat.
4.3
Application à l’étude des extrema de fonctions scalaires
de plusieurs variables
Nous utilisons maintenant les résultats précédents pour étudier les extrema locaux de
fonctions scalaires de plusieurs variables. Commençons par rappeler à toutes fins utiles la
définition d’un extremum.
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4.3. EXTREMA DE FONCTIONS DE PLUSIEURS VARIABLES
49
Définition 4.10 (Extremum d’une fonction scalaire continue de plusieurs variables).
Soient U ⊆ RN un ouvert, f : U → R une fonction continue et a ∈ U . On dit que f
admet un maximum (resp. minimum) local en a si il existe δ > 0 tel que :
∀x ∈ B(a, δ) ∩ U, f (x) ≤ f (a) (resp. f (x) ≥ f (a) ).
(4.29)
On dit que f admet un extremum local en a si elle admet un maximum ou un minimum
en a. L’extremum est dit strict si les inégalités (4.29) sont valides au sens strict.
Proposition 4.11 (Condition nécessaire d’existence d’un extremum). Soient U ⊆ RN
un ouvert, f : U → R une fonction différentiable et a ∈ U . Si f admet un extremum en
∂f
a, alors Da f = 0, ou, de manière équivalente, ∀i = 1, . . . , N,
(a) = 0.
∂xi
Démonstration. Supposons que l’extremum est un maximum (la démonstration est identique pour un minimum). Soit δ > 0 tel que ∀x ∈ B(a, δ) ∩ U, f (x) ≤ f (a). Pour tout
i = 1, . . . , N on pose ϕi :] − δ, δ[→ R définie par
ϕi (t) = f (a1 , . . . , ai−1 , ai + t, ai+1 , . . . , aN ).
(4.30)
Alors ∀t ∈] − δ, δ[, ϕi (t) ≤ ϕi (0) = f (a). ϕi est donc une fonction scalaire de la variable
∂f
(a).
réelle admettant un maximum en 0, et par conséquent 0 = ϕ′i (0) =
∂xi
Nous avons donc une condition nécessaire pour que f admette un extremum. Les points
vérifiant cette condition sont les points critiques.
Définition 4.12 (Point critique). Soient U ⊆ RN un ouvert, f : U → R une fonction
différentiable. On appelle point critique de f tout point a de U vérifiant Da f = 0, ou,
∂f
de manière équivalente, ∀i = 1, . . . , N,
(a) = 0.
∂xi
Nous allons maintenant déterminer pour ces points critiques des conditions suffisantes
pour que f admette un extremum en ces points. Nous allons résoudre ce problème en
supposant f de classe C 2 afin de pouvoir utiliser en particulier les formules de Taylor
énoncées précédemment. Soit a ∈ U un point critique de f . La définition 4.12 et la formule
de Taylor-Young à l’ordre 2 (proposition 4.9) entraînent pour tout h ∈ RN voisin de 0 :
1
f (a + h) = f (a) + qa (h) + o(khk),
2
(4.31)
où l’on a posé :
qa (h) =
N
X
i=1
h2i
X
∂2f
∂2f
(a)
+
2
(a).
h
h
i j
∂ 2 xi
∂xi ∂xj
i<j
(4.32)
Ainsi, f admet un (strict) minimum (resp. maximum) en a si l’application qa : RN → R est
strictement positive (resp. négative) pour tout h non nul voisin de 0. La "bonne" manière
de présenter ces résultats serait de faire appel à la notion de forme quadratique : q est une
forme quadratique de matrice Ha (f ) définie ci-dessous. Cette notion n’étant développée
qu’au semestre 4 (Algèbre 4), nous ne l’utilisons pas explicitement. Nous donnons seulement la définition de la matrice hessienne et donnons les résultats sans démonstration, en
termes de valeurs propres (Algèbre 3).
UE Maths II.2 - Calcul Différentiel 1
Ioane Muni Toke
50
CHAPITRE 4. DIFFÉRENTIABILITÉ D’ORDRE K
Définition 4.13 (Matrice hessienne). Soient U ⊆ RN un ouvert, f : U → R une
fonction de classe C 2 . On appelle matrice hessienne de f en a, et on note Ha f , la
matrice carré de taille N × N définie par :




Ha f = 


∂2f
(a)
∂ 2 x1
..
.
∂2f
∂xN ∂x1
···
..
.
(a) · · ·
∂2f
(a)
∂x1 ∂xN
..
.
∂2f
1
2
∂ xN
(a)




.


(4.33)
Remarque 4.14. Le théorème de Schwarz (théorème 4.4) implique que la matrice hessienne
est une matrice symétrique réelle. Elle admet N valeurs propres réelles 1 .
Théorème 4.15 (Classification des points critiques). Soient U ⊆ RN un ouvert, f :
U → R une fonction de classe C 2 . On suppose que f admet un point critique a de U .
Alors :
(i) si toutes les valeurs propres de Ha f sont strictement positives, alors f admet un
minimum local strict au point a ;
(ii) si toutes les valeurs propres de Ha f sont strictement négatives, alors f admet un
maximum local strict au point a ;
(iii) si Ha f admet au moins deux valeurs propres de signes opposés, alors f n’admet
pas d’extremum au point a ;
(iv) tout autre cas ne permet pas de conclure.
Démonstration. Admis.
Corollaire 4.16 (Cas des fonctions scalaires à deux variables). Soient U ⊆ R2 un
ouvert, f : U → R, (x, y) 7→ f (x, y) une fonction de classe C 2 . On suppose que f admet
un point critique a = (a1 , a2 ) de U . On pose 2 :
r=
∂2f
∂2f
∂2f
(a
,
a
),
s
=
(a
,
a
),
t
=
(a1 , a2 ).
1
2
1
2
∂2x
∂x∂y
∂2y
(4.34)
Alors :
(i) si rt − s2 > 0 et r > 0, alors f admet un minimum local strict au point a ;
(ii) si rt − s2 > 0 et r < 0, alors f admet un maximum local strict au point a ;
(iii) si rt − s2 < 0, alors f admet n’admet pas d’extremum au point a, et le point a est
appelé point-selle 3 ;
(iv) si rt − s2 = 0, on ne peut pas conlure.
Démonstration. Dans ce!cas particulier N = 2, la matrice hessienne s’écrit avec les notar s
tions de Monge
, et il suffit d’étudier le signe du déterminant rt − s2 , qui est le
s t
produit des deux valeurs propres, pour conclure à l’aide du théorème 4.15.
1. Résultat admis, voir le cours Espaces préhilbertiens du semestre 4.
∂f
∂f
3. Ces notations, avec les notations p =
et q =
, sont appelées notations de Monge.
∂x
∂y
3. On parle aussi de point-col.
Université de la Nouvelle-Calédonie
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4.4. EXERCICES
51
200
160
120
80
40
0
10
5
-10
0
-5
0
-5
5
10-10
Figure 4.1 – La fonction f : R2 → R définie par f (x, y) = x2 + y 2 admet en (0, 0) un
minimum identifiable par le corollaire 4.16.
Nous illustrons le corollaire 4.16 avec trois exemples de fonctions à deux variables,
présentées aux figures 4.1, 4.2 et 4.3.
4.4
Exercices
Exercice 4.1 (Formules de Taylor). Ecrire la formule de Taylor-Young à l’ordre 2 pour
les fonctions suivantes :
(a) f (x, y) = sin(x + 2y) en (0, 0) ;
1
en (0, 0) ;
(b) g(x, y) = 2
x + y2 + 1
(c) h(x, y) = e−(x
2 +y 2 )
cos(xy) en (0, 0) ;
(d) k(x, y) = sin(xy) + cos(xy) en (0, 0) ;
2
(e) l(x, y) = e(x−1) cos(xy) en (1, 0).
Exercice 4.2 (Points critiques). Déterminer les points critiques des fonctions suivantes
et donner leur nature :
(a) f (x, y) = x2 − y 2 ;
(b) g(x, y) = x4 − y 4 ;
(c) h(x, y) = x3 + y 3 − 3xy ;
(d) k(x, y) = (x2 + y 2 )e−(2x
2 +3y 2 )
;
(e) l(x, y) = x3 + 6x2 + 3y 2 − 12xy + 9x ;
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Ioane Muni Toke
52
CHAPITRE 4. DIFFÉRENTIABILITÉ D’ORDRE K
1
0.8
0.6
0.4
0.2
0
2
1.5
1
-2
0.5
-1.5
-1
0
-0.5
-0.5
0
0.5
-1
1
1.5
-1.5
2 -2
Figure 4.2 – La fonction f : R2 → R définie par f (x, y) = e−(x
maximum identifiable par le corollaire 4.16.
2 +y 2 )
admet en (0, 0) un
120
80
40
0
-40
-80
-120
10
5
-10
0
-5
0
-5
5
10-10
Figure 4.3 – La fonction f : R2 → R définie par f (x, y) = x2 − y 2 admet en (0, 0) un
point-selle, ou point-col, identifiable par le corollaire 4.16.
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Licence 2 S&T Mention Mathématiques
4.4. EXERCICES
53
(f) m(x, y) = sin(x) + y 2 − 2y + 1 ;
(g) n(x, y, z) = cos(2x) sin(y) + z 2 ;
(h) p(x, y, z) = (x + y + z)2 .
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54
CHAPITRE 4. DIFFÉRENTIABILITÉ D’ORDRE K
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Licence 2 S&T Mention Mathématiques
Chapitre 5
Pour aller plus loin
Ce dernier court chapitre introduit quelques notions qui seront approfondies en L3. Il
sera plus ou moins enrichi en cours suivant la progression de la classe.
5.1
Difféomorphismes et inversion locale
On sait que pour une fonction scalaire d’une variable réelle dérivable sur un intervalle
I de R, si f ′ ne s’annule pas alors f est bijective de I vers f (I), et que sa réciproque f −1
1
1
, i.e. (f −1 )′ (f (x)) = ′
est dérivable, de dérivée (f −1 )′ (y) = ′ −1
f (f (y))
f (x)
On dispose de "théorèmes d’inversion" permettant d’étendre ce type de résultat aux
fonctions vectorielles de plusieurs variables.
Définition 5.1 (C k -difféomorphisme d’ouverts de RN ). Soit k ∈ N∪{∞}. Soit un ouvert
U ⊆ RN . On appelle C k -difféomorphisme toute application f : RN → RN vérifiant les
conditions suivantes :
(i) f est bijective de U vers f (U ) ;
(ii) f est de classe C k sur U ;
(iii) la réciproque f −1 de f est de classe C k sur f (U ).
Théorème 5.2 (Théorème d’inversion locale). Soit U ⊆ RN un ouvert. Soit une application f : U → RN de classe C k , k ∈ N ∪ {∞}. Soit a ∈ U . Si Da f est bijective, alors il
existe un ouvert A ⊆ U contenant a et un ouvert B ⊆ RN contenant f (a) tel que f soit
un C k -difféomorphisme de A vers B, et :
∀x ∈ A, Df (x) (f −1 ) = (Dx f )−1 .
(5.1)
Démonstration. Admis. Voir le cours de Calcul différentiel 2 en L3.
Dans la pratique, montrer qu’une application est un difféomorphisme en vérifiant la
définition 5.1 est rarement aisé : une fonction bijective f n’admet pas nécessairement une
expression de f −1 adaptée à l’étude de sa différentiabilité. Le théorème d’inversion locale
permet d’obtenir une caractérisation souvent plus pratique de difféomorphisme.
55
56
CHAPITRE 5. POUR ALLER PLUS LOIN
Corollaire 5.3. Soient un ouvert U ⊆ RN et une application f : U → RN . Si :
(i) f est de classe C 1 ;
(ii) f est injective ;
(iii) pour tout x ∈ U , Dx f est bijective ;
alors f (U ) est un ouvert et f est un C 1 -difféomorphisme de U vers f (U ).
Démonstration. Soit b ∈ f (U ). Par injectivité de f , il existe un unique a ∈ U tel que
f (a) = b. La bijectivité de Da f nous permet d’utiliser le théorème d’inversion locale 5.2
pour obtenir l’existence d’ouverts A ⊆ U contenant a et B ⊆ f (U ) contenant b tel que f
soit un C 1 -difféomorphisme de A dans B. Deux conséquences : d’une part, b ∈ B ⊂ f (U ),
donc, b étant quelconque, f (U ) est un ouvert ; d’autre part, f −1 est bien définie et de classe
C 1 sur B ⊃ {b}. b étant quelconque, f −1 est bien définie et de classe C 1 sur f (U ).
On peut sans difficulté remplacer C 1 par C k mais ce sera bien souvent le cas k = 1 qui
sera utile dans la pratique. On rappelle que l’application linéaire Da f : RN → RN a pour
matrice dans la base canonique la matrice jacobienne Ja f . Ainsi, vérifier que l’application
linéaire Da f : RN → RN est bijective, revient à vérifier que Ja f est inversible, ou encore
que son déterminant est non nul. Le déterminant de la matrice jacobienne Ja f est appelé
le jacobien de f en a.
Ces résultats sont essentiels dans de nombreuses applications, de la résolution d’équations différentielles au calcul intégral : les difféomorphismes permettent de définir les changements de variables.
5.2
Introduction à la notion de forme différentielle
Définition 5.4 (Forme différentielle de degré 1 sur RN ). Soit U ⊆ RN un ouvert.
On appelle forme différentielle de degré 1 sur U , ou 1-forme différentielle sur U , toute
application ω de U dans le dual (RN )∗ de RN , ensemble des formes linéaires (continues)
sur RN .
Notons (e1 , . . . , eN ) la base canonique de RN . Pour tout x ∈ U , ω(x) est une forme
linéaire sur RN , donc on peut donc écrire pour tout h ∈ RN :
ω(x)(h) =
N
X
ωi (x)hi ,
(5.2)
i=1
avec ωi (x) = ω(x)(ei ). Autrement dit, pour tout x ∈ U , ω(x) s’écrit sous la forme :
ω(x) =
N
X
ωi (x)e∗i ,
(5.3)
i=1
où les e∗i : RN → R sont les formes linéaires composant la base canonique du dual de RN :
∀h = (h1 , . . . , hN ) ∈ RN , e∗i (h) = hi .
(5.4)
Les e∗i sont appelées projections canoniques ou encore formes linéaires coordonnées. Elles
sont différentiables et Dx e∗i = e∗i (applications linéaires). On utilisera désormais la notation
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Licence 2 S&T Mention Mathématiques
5.2. INTRODUCTION À LA NOTION DE FORME DIFFÉRENTIELLE
57
différentielle dxi = Dx e∗i . On écrit alors :
∀x ∈ U, ω(x) =
N
X
ωi (x)dxi .
(5.5)
i=1
La proposition suivante fait le lien entre la notion de différentiabilité et celle de forme
différentielle.
Proposition 5.5 (Différentiabilité et forme différentielle). Soit U ⊆ RN un ouvert. Soit
une fonction scalaire f : U → R. Si f est différentiable, alors l’application différentielle
de f , notée df et définie par :
df : U → (RN )∗ , x 7→ Dx f,
(5.6)
est une 1-forme différentielle sur U , et ses composantes dans la base canonique de (RN )∗
∂f
.
sont les
∂xi
Démonstration. Si f : RN → R est différentiable, alors pour tout x ∈ U :
∀h ∈ RN , Dx f (h) =
N
X
hi
i=1
∂f
(x)
∂xi
(5.7)
i.e. avec les notations ci-dessus :
∀x ∈ U, df (x) = Dx f =
N
X
∂f
i=1
∂xi
(x)dxi ,
(5.8)
d’où le résultat par identification.
On obtient l’écriture canonique de l’application différentielle :
df =
N
X
∂f
i=1
∂xi
dxi .
(5.9)
Définition 5.6 (1-forme différentielle exacte). Soit U ⊆ RN un ouvert. Une 1-forme
différentielle ω → (RN )∗ est dite exacte s’il existe une application f : RN → R telle que
ω = df . On dit alors que f est une primitive de ω.
Ces notions seront développées en L3.
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CHAPITRE 5. POUR ALLER PLUS LOIN
Licence 2 S&T Mention Mathématiques
Bibliographie
Claude Deschamps and André Warusfel, editors. Mathématiques 2ème année, MP PC
PSI. Dunod, Paris, 2001.
Xavier Gourdon. Les maths en tête - Analyse. Ellipses, 1994.
Denis Monasse. Mathématiques, Cours complet MP & MP∗ . Vuibert, 1998.
Edmond Ramis, Claude Deschamps, and Jacques Odoux. Cours de Mathématiques Spéciales, Tome 3 - Topologie et éléments d’analyse. Masson, 3ème edition, 1991.
Jean-Pierre Ramis and André Warusfel, editors. Tout-en-un pour la licence niveau L1.
Dunod, Paris, 2006.
Jean-Pierre Ramis and André Warusfel, editors. Tout-en-un pour la licence niveau L2.
Dunod, Paris, 2007.
59
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