Pertes de substance cutanée du genou

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Pertes de substance cutanée du genou
A.-C. Masquelet
La perte de substance cutanée revêt plusieurs aspects radicalement différents
selon que l’on se trouve ou non dans le cadre de l’urgence traumatique et
selon également la nature des structures profondes exposées. À cet égard, le
genou est particulièrement vulnérable, mais à des degrés divers. Ainsi, l’extrémité distale du fémur est-elle enchâssée dans la portion terminale du quadriceps et protégée en avant par la patella. En revanche, l’extrémité proximale
du tibia, le ligament patellaire, la tubérosité tibiale, et la patella sont frontalement exposés. Par ailleurs, le souci légitime d’une mobilisation précoce de
l’articulation augmente encore la vulnérabilité des tissus par la mise en tension
des éléments antérieurs.
Une bonne connaissance de l’anatomie vasculaire et des transferts tissulaires
est donc nécessaire pour gérer au mieux la complication redoutable que
constitue la perte de substance des parties molles. Les solutions thérapeutiques
ont été profondément remaniées depuis quelques années. Les ressources
offertes par l’anatomie ont permis de mettre au point un grand nombre de
procédés locorégionaux reléguant les indications de lambeau libre au rang d’exception.
Le genou est l’articulation d’union des segments crural et fémoral du
membre inférieur et les règles générales de prélèvements des lambeaux peuvent
s’énoncer à ce niveau de la manière suivante : la situation intermédiaire de
l’articulation du genou implique, comme au coude, l’existence d’un riche
réseau anastomotique, véritable cercle vasculaire qui autorise le prélèvement
de lambeaux à pédicule inversé. Les lambeaux utiles sont prélevés au voisinage direct de l’articulation sur les segments adjacents, distal de cuisse et
proximal de la jambe.
Ce article est divisé en trois parties :
– la première est consacrée à l’anatomie vasculaire et à ses implications sur
les voies d’abord ;
– la seconde a pour objectif de décrire les principaux lambeaux et leur technique de prélèvement ;
– enfin, la troisième a trait aux indications.
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Fractures du genou
Vascularisation cutanée de la face antérieure du genou (fig. 1)
La vascularisation de la face antérieure du genou est issue de quatre branches
principales :
– dans le quadrant supéro-médial, la vascularisation est assurée par des
branches cutanées issues de l’artère géniculée supéro-médiale, associées aux
branches perforantes issues du vaste médial ;
– la vascularisation du quadrant inféro-médial est assurée par des branches
cutanées de l’artère descendante du genou et des branches perforantes de l’artère géniculée inféro-médiale ;
– la vascularisation du quadrant supéro-latéral est assurée de façon exclusive par des branches issues de l’artère géniculée supéro-latérale. Salmon, en
particulier, a montré que ce territoire était hypovascularisé et que la dimension du territoire était variable selon les sujets ;
– enfin, la vascularisation du quadrant inféro-latéral est sous la dépendance
des branches cutanées issues de l’artère géniculée inféro-latérale et également
des branches issues de l’artère récurrente tibiale antérieure. Cette dernière a
un trajet ascendant très court ; elle provient de l’artère tibiale antérieure et
perfore le fascia du muscle tibial antérieur dans l’angle supéro-médial.
De ces constatations anatomiques, on peut affirmer que la vascularisation
cutanée normale du genou est très riche, assurée essentiellement par le réseau
artériel péripatellaire issu des quatre branches géniculées.
Fig. 1 – Cercle artériel péri-articulaire du genou.
La zone vulnérable est la zone oubliée.
1. Artère géniculée inféro-médiale.
2. Ligament collatéral médial.
3. Artère géniculée supéro-médiale.
4. Branche saphène de l’artère descendante du
genou.
5. Branche articulaire de l’artère descendante du
genou.
6. Artère descendante du genou.
7. Branche descendante de l’artère circonflexe
fémorale latérale.
8. Artère géniculée supéro-latérale.
9. Ligament collatéral latéral.
10. Artère géniculée inféro-latérale.
11. Artère circonflexe fibulaire.
12. Artère récurrente tibiale antérieure.
13. Artère tibiale antérieure.
Toute rupture de la continuité de l’apport vasculaire, par une incision chirurgicale, par un traumatisme ou par une dissection sous-cutanée excessive,
conduit à la prise en charge du territoire cutané concerné par des voies de
suppléance. Ces voies de suppléance sont assurées par des branches cutanées
de l’artère descendante du genou pour le secteur inféro-médial, et par des
branches cutanées issues de l’artère récurrente tibiale antérieure pour le qua-
Pertes de substance cutanée du genou
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drant inféro-latéral. L’incision latérale se prolongeant par la désinsertion des
fibres proximales du tibial antérieur entraîne une rupture de la continuité vasculaire issue de l’artère récurrente tibiale antérieure. Or, la vascularisation
cutanée en dehors de la patella, depuis le quadrant supéro-latéral jusqu’au quadrant inféro-latéral, est la zone de vascularisation la plus fragile car l’alimentation artérielle est médiocre et menacée par des plaies ou les voies d’abord
latérales.
Lambeaux et techniques de prélèvement
Dans un souci de clarification, nous distinguerons d’une part les lambeaux
prélevés sur la jambe de ceux prélevés sur la cuisse et, d’autre part, les lambeaux musculaires et les lambeaux cutanés.
Lambeaux prélevés sur le segment crural
Lambeaux musculaires (1-3)
Il s’agit des lambeaux des deux chefs du gastrocnémien, latéral et médial. Leur
anatomie vasculaire est connue : elle ressort du type I de la classification de
Mathes et Nahai (4). Les artères surales sont issues de l’artère poplitée et pénètrent les corps musculaires à leur pôle proximal. Le nerf moteur de chaque
chef naît du nerf tibial. Le prélèvement de chacun de ces lambeaux est aisé
mais doit respecter certaines dispositions anatomiques différentes selon les
chefs.
Chef médial
Le plan de clivage avec le soléaire est parfois difficile à trouver en particulier
lorsque le soléaire possède un volume important qui lamine le gastrocnémien
sous la berge fascio-cutanée postérieure de l’incision. Sur la ligne médiane, les
fibres du chef médial recouvrent en partie le bord médial du chef latéral. Une
légère traction sur le chef médial permet de déplisser les fibres les plus latérales et de réaliser une libération anatomique en exposant le nerf sural qui
constitue la clef de la séparation médiane des deux chefs. La section distale
doit ménager une courte portion aponévrotique, utile pour amarrer solidement le transfert sur son site receveur. La libération proximale doit se faire
en recherchant l’espace entre les portions proximales des deux chefs qui correspond à l’angle inférieur du losange poplité. L’aire de recouvrement du transfert, en maintenant son insertion fémorale, répond au tiers supérieur du tibia
et à la face médiale du genou. Elle peut être accrue au niveau de la jambe
par la section de la portion tendineuse de l’insertion fémorale et au niveau
du genou par le décroisement du muscle avec les tendons du gracile, du semitendineux et du semi-membraneux (fig. 2). Cette manœuvre, qui implique
de prolonger l’incision sur la partie basse de la cuisse, permet de couvrir la
face antérieure du genou. Il est recommandé de réséquer le nerf moteur pour
390
Fractures du genou
éviter la douleur postopératoire et le risque de désinsertion sur le site receveur par contraction musculaire. Le nerf est préalablement isolé du reste du
pédicule vasculaire. Ce dernier est recherché sur le bord latéral de la portion
haute du muscle. Une des applications intéressantes du chef médial est la possibilité de réaliser, dans le même temps opératoire, une reconstruction du ligament patellaire en prélevant en continuité avec le muscle une bandelette d’aponévrose distale.
Fig. 2 – Arc de rotation du
lambeau musculaire du chef
médial du gastrocnémien. Le
décroissement des tendons de la
patte d’oie permet d’augmenter
l’arc de rotation.
Chef latéral
Le chef latéral est moins étendu que le chef médial. Il a des indications dans
les pertes de substance de l’épiphyse tibiale supérieure, mais la fibula constitue
un obstacle à son transfert pour couvrir le tiers supérieur du tibia. En revanche,
le chef latéral est très utile dans les pertes de substance des faces latérale et
antérieure du genou. La mobilisation du transfert implique un décroisement
du nerf péronier commun pour éviter une compression du nerf et un décroissement du tendon du biceps fémoral si l’on veut augmenter l’aire de recouvrement du transfert.
Pour les deux chefs musculaires du gastrocnémien, l’utilisation d’une palette
cutanée distale débordant l’extrémité du muscle n’est pas recommandée. On
observe fréquemment une souffrance d’origine veineuse de la palette cutanée.
Les artifices techniques de désinsertion fémorale et de décroissement des ischiojambiers suffisent pour accroître l’aire de recouvrement. Les deux chefs du
gastrocnémien peuvent être mobilisés conjointement pour une perte de substance très étendue du tiers proximal du tibia.
Lambeaux cutanés
Lambeau saphène (5, 6)
Le lambeau saphène est un lambeau cutanéo-aponévrotique prélevé sur la face
médiale de jambe. La vascularisation de la face médiale de la jambe provient
de trois sources : les rameaux cutanés collatéraux de l’artère saphène, les artérioles issues du tronc principal de l’artère tibiale postérieure et les artérioles
provenant de la profondeur du chef médial du gastrocnémien. Ces différences
Pertes de substance cutanée du genou
391
sources entretiennent entre elles de nombreuses anastomoses en constituant un
premier réseau supra-fascial et un deuxième réseau situé dans l’épaisseur du
tissu cellulaire sous-cutané. La technique de prélèvement impose l’inclusion de
du fascia pour épargner le réseau supra-fascial qui permet de reporter la viabilité du lambeau sur une seule source vasculaire (artère saphène).
Fig. 3 – Lambeau saphène.
En dedans le dessin du lambeau inclut la veine grande saphène. En dehors,
l’incision peut atteindre la ligne médiane. La limite distale ne doit pas dépasser
quatre travers de doigt au-dessus de la malléole médiale. La charnière cutanée
proximale est située en regard du trajet du sartorius. Le prélèvement est réalisé
de distal à proximal ; le fascia est fixé au tissu sous-dermique pour éviter les
contraintes qui pourraient s’exercer sur le réseau vasculaire. Une artériole de
gros calibre, issue de la portion proximale du gastrocnémien, peut souvent
être épargnée et accroît la fiabilité vasculaire du lambeau.
Indications
Le lambeau saphène est un lambeau de resurfaçage qui couvre la partie distale
de l’articulation constituée par la tubérosité tibiale et la partie basse du ligament patellaire.
Lambeau sural postéro-latéral (3)
Le lambeau sural postéro-latéral est l’homologue du lambeau saphène. Situé
sur la partie distale de la face postérieure du mollet (fig. 4), il est vascularisé
par les branches cutanées des artères qui accompagnent le nerf sural, le nerf
sural latéral et leur rameau communicant. Il s’agit d’un lambeau péninsulaire,
fascio-cutané. Le dessin du lambeau inclut, en dedans, le trajet de la veine
petite saphène et le nerf sural. En dehors, le trajet de l’incision reste rétrofibulaire. La limite distale est située à 4 ou 5 travers de doigts de la malléole
latérale. Le prélèvement intéresse le fascia, ce qui implique l’inclusion du nerf
sural dans le lambeau. Une variante consiste à laisser le nerf en place en prélevant uniquement l’artère qui est bien individualisée jusqu’au tiers moyen de
jambe. Cette dernière technique est délicate et rend peut-être plus vulnérable
l’extrémité distale du lambeau.
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Fractures du genou
Les indications d’utilisation locale du lambeau sont dominées par le comblement des pertes de substance créées par la libération des rétractions de la
fosse poplitée.
Fig. 4 – Lambeau sural postérolatéral.
Lambeau neurocutané saphène (3, 7)
La conception du lambeau neurocutané repose sur la vascularisation cutanée
délivrée par les réseaux artériels qui accompagnent les nerfs sensitifs superficiels. Cette conception trouve sa meilleure expression dans le lambeau neurocutané saphène dérivé du lambeau cutanéo-aponévrotique saphène.
Bases anatomiques
Le nerf saphène est accompagné de l’artère saphène jusqu’à l’union du tiers
moyen et du tiers supérieur de jambe. En réalité, le nerf tout au long de son
trajet constitue le support d’un réseau vasculaire qui possède trois caractéristiques. Ce réseau s’individualise au tiers supérieur de jambe en une véritable
artère qui prend ensuite la conformation d’un entrelacs jusqu’à la cheville. Il
a pour fonction essentielle la nutrition du nerf. Il entretient de nombreuses
anastomoses en maille de filet avec le réseau suprafascial et surtout avec les
artérioles provenant de l’artère tibiale postérieure. Le réseau vasculaire du nerf
délivre de nombreuses branchioles destinées à la vascularisation du revêtement
cutané de la face médiale de jambe. Le lambeau neurocutané est donc formé
d’une palette cutanéo-aponévrotique vascularisée par un pédicule fascio-souscutané contenant le réseau artériel associé au nerf. L’inclusion du nerf est nécessaire puisqu’il est le support du réseau artériel qui prend la valeur d’un axe
véritable. La veine grande saphène est un repère du trajet du nerf et permet
la localisation précise du trajet pédiculaire.
Technique (fig. 5)
Le point de pivot du pédicule est représenté par le bord inférieur du muscle
sartorius. La palette cutanée est dessinée sur le trajet du nerf saphène repéré
par la veine grande saphène. L’isolement du pédicule fascio-sous-cutané est
obtenu par le relèvement de deux lambeaux cutanés selon un plan de dissection sous-dermique. Le fascia est obligatoirement inclus à la fois dans le
lambeau et dans le pédicule. L’intérêt de cette technique réside dans la possibilité de prélever des lambeaux de petite dimension, vascularisés par de longs
pédicules et répondant à des besoins spécifiques. L’arc de rotation permet en
effet de couvrir sans difficulté la tubérosité tibiale, le ligament patellaire et
tous les quadrants de la patella.
Pertes de substance cutanée du genou
393
Fig. 5 – Lambeau neurocutané
saphène.
Lambeaux prélevés sur le segment fémoral
Ces lambeaux sont d’utilisation moins fréquente que les lambeaux prélevés
sur le segment crural. Ils peuvent néanmoins rendre service dans certains cas
particuliers. Les deux lambeaux les plus utiles à connaître sont le lambeau musculaire du vaste latéral et le lambeau cutané latéro-distal de cuisse.
Lambeau du muscle vaste latéral (3, 8-10)
La portion utile du lambeau est la partie proximale du muscle qui reste irrigué
par les sources vasculaires destinées au tiers distal. Le vaste latéral est un muscle
richement vascularisé. Il reçoit deux pédicules proximaux des branches descendantes et moyennes de l’artère fémorale circonflexe latérale et des pédicules issus de l’artère profonde de la cuisse et de l’artère poplitée au tiers moyen
et au tiers inférieur. Un lambeau à pédicule distal peut être créé en libérant
les deux tiers proximaux de la masse musculaire qui, par effet de retournement couvre la région centrale supra- et prépatellaire de l’articulation. Cette
technique permet de traiter de larges délabrements de la région proximale et
médiale du genou respectant la face latérale et distale de cuisse.
Vascularisation du muscle
La vascularisation du lambeau est assurée par le tiers distal du muscle qui reçoit
une ou deux perforantes de l’artère profonde de cuisse et surtout une branche
musculaire de gros calibre issue de l’artère de Bourgery, première collatérale
à se détacher de l’artère poplitée.
Technique de prélèvement
L’incision cutanée est tracée selon la ligne droite qui relie le bord supéro-latéral
de la patella à un point situé à mi-distance entre le grand trochanter et l’épine
iliaque antéro-supérieure. L’espace entre droit fémoral et vaste latéral est clivé
en identifiant au tiers proximal les pédicules issus de l’artère circonflexe fémorale latérale qui sont liés et sectionnés. Puis le clivage se poursuit en dehors
entre la face profonde aponévrotique du vaste latéral et le vaste intermédiaire.
La face superficielle du muscle est libérée du fascia lata tandis que le bord
postéro-latéral est sectionné progressivement de son insertion conjointe avec
le vaste intermédiaire sur la ligne âpre. Le tiers ou le quart distal du muscle
394
Fractures du genou
reste inséré et procure une charnière musculaire qui entretient la vascularisation de l’ensemble du muscle (fig. 6).
Fig. 6 – Arc de rotation du
lambeau musculaire de vaste
latéral à pédicule distal.
a) perforantes artérielles distales.
Lambeau cutané latéro-distal de cuisse (3, 11, 12)
Ce lambeau, dont le prélèvement peut intéresser toute la moitié distale de la
face latérale de cuisse, est irrigué par la branche cutanée de l’artère de Bourgery.
La première collatérale de l’artère poplitée ainsi nommée chemine selon une
direction horizontale et se divise rapidement en deux branches musculaires
l’une pour le vaste latéral, l’autre pour le biceps fémoral, et une branche
cutanée. Cette dernière émerge de l’interstice entre le bord postérieur du fascia
lata et le biceps fémoral. Elle s’épanouit dans le tissu cellulaire sous-cutané ;
un rameau principal s’individualise dans la majorité des cas et prend une direction oblique vers le haut. L’émergence de l’artère cutanée est située à 10 cm
de l’interligne latéral du genou. Ce repère est le point de pivot du lambeau
(fig. 7). Il existe parfois une anastomose entre la branche cutanée et l’artère
proximo-latérale du genou qui permet de reporter le point de pivot en situation plus distale.
Fig. 7 – Lambeau cutané latérodistal de cuisse.
Technique de prélèvement
Le repère d’émergence est mis en place et le lambeau est disséqué en pleine
face latérale de cuisse en incluant le point de pivot dans son extrémité distale.
Le plan de dissection se situe au ras du fascia lata sans inclure ce dernier dans
le prélèvement. Le lambeau est progressivement levé d’avant en arrière en identifiant l’émergence de l’artère. La rotation du lambeau peut atteindre 180°,
ce qui permet de couvrir toute la face antérieure du genou. Le site donneur
Pertes de substance cutanée du genou
395
est couvert d’une greffe de peau mince ou semi-épaisse. La condition de prélèvement de ce lambeau est l’absence de cicatrice sur la face latérale de la partie
distale de cuisse.
Attitudes pratiques et indications des lambeaux
Attitudes pratiques
Au stade initial, dans la majorité des cas, le problème ne se pose pas en terme
de pertes de substance. La perte de substance n’est en réalité que la phase
ultime d’une succession d’événements qu’on aurait pu prévenir. Il faut donc
distinguer plusieurs situations :
– la perte de substance post-traumatique immédiate et massive n’est pas
fréquente, mais recèle un haut de degré de gravité. Il s’agit en général d’une
perte de substance pluritissulaire incluant parties molles et squelette. La violence du traumatisme affecte également les axes vasculonerveux. Le traitement
en urgence requiert le concours d’un chirurgien vasculaire pour assurer la
continuité artérielle et veineuse. Fixation externe et ostéosynthèse interne
peuvent être associées pour obtenir une stabilité suffisante du squelette. La
réparation des parties molles assurant la couverture du foyer de fracture ou
de l’articulation n’est pas obligatoire en urgence. On dispose de quelques jours
mais guère plus d’une semaine pour compléter le parage, évaluer la vitalité
des tissus, dénombrer les possibilités de transferts et refaire une artériographie. Il s’agit, somme toute, dans ces cas-là, du traitement d’une fracture
ouverte stade III C de Gustilo ;
– la désunion cutanée postopératoire est une situation de grande fréquence
sur laquelle il faut intervenir rapidement. La désunion cutanée traduit une
traction excessive des tissus médiocrement vascularisés. Il est donc illusoire de
réitérer la suture après avivement des berges. Ces désunions cutanées se produisent toujours ou quasi toujours sur les faces latérale ou antérieure du genou,
en dehors de tout territoire musculaire. Les structures sous-jacentes directement exposées, sont l’os (patella) ou les éléments capsulo-ligamentaires (rétinaculum patellaire latéral, ligament patellaire). Il est vain d’espérer un bourgeonnement sur une structure qui, par définition, a été le siège d’un
traumatisme à la fois accidentel et chirurgical. La dévascularisation des tissus
profonds et leur exposition conduisent inéluctablement à une escarrification
progressive et une élimination par un processus infectieux ;
– l’escarre cutanée à proximité ou à distance de la voie d’abord constitue
la troisième situation. Il est toujours difficile de supputer la profondeur de la
nécrose et la viabilité des tissus sous-jacents. La situation n’est pas urgente,
mais l’escarre ne doit pas être laissée à l’abandon, i.e. à son évolution naturelle, sous peine d’une infection profonde.
396
Fractures du genou
En pratique
Lésions pluritissulaires en urgence
La priorité est accordée au parage, à la revascularisation du segment jambier
et à la stabilisation du squelette. On dispose de quelques jours pour choisir
le transfert le plus adéquat destiné à réparer les parties molles.
Désunion cutanée postopératoire
Un parage des berges est bien entendu nécessaire, mais l’exposition de l’articulation d’un matériel d’ostéosynthèse ou d’une réparation ligamentaire
requiert une réparation immédiate par un apport tissulaire. L’exposition d’une
structure capsulo-ligamentaire ou osseuse en continuité (absence de fracture
ou de rupture tendineuse) autorise le report de la réparation après une évaluation de la viabilité des tissus exposés. Un bourgeonnement est parfois possible, mais le caractère atone de la plaie doit rapidement faire poser l’indication d’un lambeau.
Nécrose cutanée
Il n’y a pas d’urgence à intervenir. Il faut dans un premier temps laisser se
circonscrire la nécrose en appliquant des pansements antiseptiques. Les
topiques pro-inflammatoires qui favorisent non seulement la détersion, mais
aussi la pullulation microbienne, sont contre-indiqués. Une fois délimitée, l’escarre doit être excisée chirurgicalement, en ayant prévu une indication de
lambeau en cas d’exposition d’un foyer de fracture ou de suture tendineuse.
L’excision de l’escarre peut laisser apparaître un tissu bien vascularisé, auquel
cas on favorisera le bourgeonnement qu’on couvrira ultérieurement d’une
greffe de peau mince.
En résumé, la gestion d’une souffrance des parties molles est toujours un
processus actif qui peut comporter des phases d’attente et des actions immédiates.
Indication des lambeaux
Les indications sont dictées par le siège et l’étendue de la perte de substance.
D’une manière générale, la panoplie de procédés que nous avons succinctement décrite suffit pour traiter la majorité des pertes de substance du genou.
Les possibilités d’utilisation des lambeaux pédiculés de voisinage ont rendu
obsolètes les techniques qui faisaient appel autrefois à des lambeaux éloignés
du site receveur et qui exigeaient d’être pédiculés sur une artère principale du
membre. Ainsi, le lambeau dorsal du pied n’a plus aucune indication au genou.
Dans le même ordre d’idée, les lambeaux libres n’ont que des indications
exceptionnelles non systématisables au niveau des articulations intermédiaires.
Le domaine des lambeaux libres est celui des extrémités lorsque la perte de
substance a altéré les conditions de mise en œuvre d’un lambeau pédiculé à
pivot distal. Les faces latérales de l’articulation du genou sont couvertes par
les chefs du muscle gastrocnémien. L’étendue et la profondeur de la perte de
Pertes de substance cutanée du genou
397
substance peuvent justifier l’utilisation d’un lambeau myocutané qui permette
de prélever un territoire cutané plus étendu que la surface musculaire. La couverture de la face antérieure de l’articulation est également assurée par les deux
chefs à condition toutefois d’opérer un décroissement avec les structures tendineuses ou nerveuses. Une large perte de substance médiane et proximale
peut être l’indication d’un lambeau musculaire du vaste latéral à prélèvement
distal. C’est une situation rarement rencontrée. Les petites pertes de substance
affectant les parties molles en regard de la tubérosité tibiale du ligament patellaire et de la patella sont justiciables de la mise en place d’un lambeau neurocutané saphène médial. Ce procédé permet une adéquation rigoureuse des
dimensions du lambeau à la perte de substance et n’entraîne aucun préjudice
fonctionnel. L’indication du lambeau saphène médial est réservée à des cas
particuliers intéressant la partie basse de l’articulation et la partie haute de la
jambe. Le préjudice esthétique n’est pas négligeable. Ces indications actuelles
relèvent plutôt du comblement des pertes de substance secondaires à la libération de brides dans le creux poplité. Le lambeau sural postéro-latéral obéit
au même type d’indications que le lambeau saphène.
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