Le dossier médical en première ligne

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Le dossier médical en première ligne
Dr Mohamed Hechmi BESBES
Vice président de la société des médecins généralistes de Tunisie (SMGT)
[email protected] ou [email protected]
Résumé : Le dossier médical est la mémoire écrite de toute rencontre médecin
malade. Construit par le médecin, il doit obéir aux obligations légales et
régulièrement mis à jour. Structuré SOAP, il permet de mieux utiliser la CISP.
Bien tenu, il permet une meilleure qualité des soins et une meilleure rentabilité
de ses fonctions. Pour des raisons de confidentialité sa compartimentation en
vue de son informatisation permet la rationalisation de son accès aux ayants
droit.
Mots clés : dossier médical, SOPAP, CISP, fonctions du dossier médical, accès
du dossier médical, dossier médical informatisé.
Introduction :
Le dossier médical est un document médicolégal, d’utilisation individuelle ou collective, il
peut être personnel ou partagé, c’est la mémoire écrite de toute rencontre médecin malade, il
doit être protégé et constamment mis à jour.
Il a évolué de la fiche bristol au dossier médical informatisé, étant complètement différent du
dossier médical hospitalier il a des spécificités relatives à l’exercice de la médecine de
première ligne, il doit être structuré SOPAP ou SPOAP afin d’être informatisé.
Pour aborder la rédaction de cet article relatif à cet outil spécifique au médecin généraliste,
nous avons procédé par une approche systémique de l’information médicale relative au
dossier médical en première ligne.
Conception du dossier médical
C’est le médecin généraliste et ou médecin de famille qui est chargé de la conception et
l’organisation du contenu et du contenant du dossier médical.
Le contenu rassemble :
Les données générales : matricule, identité de la structure de soins, identité du malade,
date et lieu de naissance, profession, état matrimonial, scolarité et niveau de scolarité,
personne à contacter en cas de besoin, téléphones, composition de la famille et matricules des
membres de la famille, couverture sociale et échéance de péremption de validité de cette
couverture sociale ainsi que toute autre information utile à toute fin de santé
Les données d’interprétation relatives à différents épisodes morbides de la ligne de vie
du malade
Les données d’alerte : allergies et intolérances médicamenteuses ou alimentaires
Le contenant groupe :
La partie opérationnelle : contacts intra et extra épisodiques
La partie de synthèse : synthétise un épisode, une hospitalisation
Les fiches spécifiques de prévention : statut vaccinal.
Si le dossier médical hospitalier ne peut être que rédactionnel achevé par une conclusion de
sortie mentionnant un diagnostic certain, classé selon la CIM 10 ou la DSM IV, le dossier
médical de première ligne doit être structuré de façon à mémoriser le motif de contact, la
démarche diagnostique et la procédure thérapeutique adoptée par le médecin généraliste
gestionnaire de l’incertitude émanant de cette consultation de début de l’histoire naturelle de
la maladie. Le médecin généraliste traite généralement des symptômes et la CIM10 et la DSM
IV ne peuvent être ni adoptée par le médecin généraliste ni adaptée à la médecine générale.
Structuration SPOAP ou SOPAP du dossier médical de première ligne
C’est une méthodologie de mémorisation de la consultation médicale sur le dossier médical,
elle est élaborée par le médecin généraliste pour l’exercice quotidien du médecin généraliste.
Elle résume en quatre lignes au maximum cette rencontre entre un demandeur et un
fournisseur de services de santé.
Le S mémorise les signes subjectifs qui ont améné le malade à consulter, ce sont en quelque
sorte les motifs de contact de cet épisode de la ligne de vie du malade.
Le O mémorise les signes sémiologiques objectifs que le médecin constate en n’utilisant
aucun instrument
Le P mémorise les signes sémiologiques objectifs que le médecin découvre en s’aidant d’un
ou plusieurs instruments médicaux, cet instrument peut être un abaisse langue, un abaisse
langue et une source de lumière (lampe de poche ou miroir de Clare), un stéthoscope, un
stéthoscope et un tensiomètre, un otoscope, un spéculum auriculaire et un miroir de Clare, un
glucomètre, des bandelettes de tests sanguins ou urinaires, et tout autre instrument que le
médecin généraliste maîtrise l’utilisation et l’interprétation des résultats.
Le A mémorise l’actuelle hypothèse morbide retenue, que les anglophones appelle assessment
c’est l’hypothèse de travail pour la procédure de prise en charge (assessment signifie en
anglais avis ou appréciation ou hypothèse de travail)
Le P mémorise la procédure thérapeutique : prescription médicale, demande d’examens
complémentaires, lettre de liaison pour avis et ou prise en charge par un médecin spécialiste
Ainsi cette structuration SOPAP ou SPOAP de l’épisode morbide ayant justifié cette
consultation médicale résume la méthodologie du raisonnement médical qui a aboutit à la
procédure thérapeutique.
Dans certaines publications certains auteurs utilisent des acronymes tels que : MOAP : le M
mémorise les motifs de contact
SOAP : aucun instrument n’a été utilisé pour un diagnostic tel que la gale l’acné le panaris,
l’orgelet, le chalazion ou le syndrome appendiculaire
SO/PAP quand le praticien confond volontairement le O avec le P
SP/OAP quand le praticien précède le P et le confond volontairement avec le O
Ainsi sont synonymes SOAP, MOAP, SPOAP, SOPAP, MOPAP, SO/PAP ou SP/OAP et
tous résument la rencontre médecin malade.
Quand le malade revient chez le médecin dans un contact intra épisodique pour un rendez
vous de contrôle, ou pour présenter des examens complémentaires ou la rétro information du
médecin spécialiste dont l’avis a été sollicité ou pour se plaindre de manifestations
médicamenteuses indésirables ou pour informer son médecin d’un rendez vous lointain de la
consultation spécialisée, le médecin généraliste n’ouvre pas un autre épisode SPOAP/SOPAP
mais ajoute une autre ligne R sur le dossier médical.
Le R mémorise les résultats des examens complémentaires, les conclusions des interprétations
des examens d’imagerie médicales, les conclusions des tracés électriques (ECG ou EEG)
Le R mémorise aussi le contenu de la rétro information
Le R mémorise aussi les effets indésirables observés ainsi que l’effet de la prescription sur
l’évolution de la maladie
Le R peut aussi mémoriser la date du rendez vous lointain avec le médecin spécialiste afin de
permettre au généraliste une continuité de meilleurs soins.
En Tunisie la tenue des dossiers médicaux est balisée par des obligations légales et les
indicateurs 10 et 18 de fonctionnalité des circonscriptions sanitaires ne sont que des
traductions de la structuration SPOAP ou SOPAP du dossier médical en première ligne.
Une fois l’épisode de soins est fermé le praticien de première ligne classe l’état morbide selon
la classification internationale des soins primaires CISP parce que la classification
internationale des maladies que les hospitaliers utilisent ne peut être ni adaptée à la médecine
générale ni adoptée par les médecins généralistes.
Classification internationale des soins primaires : CISP ou ICPC
C’est une classification conçue par les médecins généralistes pour l’exercice quotidien du
médecin généraliste, elle existe en plusieurs langues de la communauté européenne, elle est
approuvée par l’OMS et la WONCA (organisation mondiale des médecins généralistes). Elle
est régulièrement actualisée par les cisp-clubs et la WONCA, elle a des formats d’échange
des éléments de soins et des épisodes avec les autres classifications
C’est une codification alpha numérique à trois caractères organisée selon une structure bi
axiale de sept composantes classées de 0 à 99 et 17 chapitres (organes et systèmes)
Quatre dates essentielles sont à retenir pour l’ICPC (international classification of primary
care)
 1987 ICPC
 1993 European version of ICPCe
 1998 WONCA second version of ICPC (ICPC2)
 2000 WONCA electronic version of ICPC2 (ICPC-2-E)
La CISP ou ICPC intervient dans le dossier médical de première ligne au niveau de :
 La fonction des soins : approche par problèmes, approche par épisodes, chaînage des
épisodes sur la ligne de vie du malade
 La fonction de synthèse : listing des problèmes de santé, des procédures et des
prescriptions médicales
 La fonction analytique : identifier les groupes à risque, déployer les registres de suivi,
quantifier les résultats, rédiger des publications
 L’histoire naturelle des maladies sur la ligne de vie du malade
Quoiqu’il en soit cette classification internationale des soins primaires mérite à elle seule un
article à part et pourquoi pas un atelier d’apprentissage…
Tenue du dossier médical
Une bonne tenue du dossier médical est en rapport direct avec la qualité des soins fournis elle
doit permettre de :
 Retrouver rapidement le dossier médical
 Retrouver rapidement les dossiers de toute la famille (ascendants, descendants et
collatéraux)
 Se rappeler les contacts précédents
 Disposer d’une histoire médicale actualisée
 Structurer et chaîner les données
 Expliciter les décisions
 Documenter les faits liés à la prise en charge
 Favoriser la transmission de l’information
 Minimiser le risque iatrogène
Fonctions du dossier médical
 Fonction médico-légale
 Fonction de suivi du malade
 Fonction d’auto enseignement et de synthèse
 Fonction d’évaluation de la qualité des soins
 Fonction de communication
 Fonction de recherche clinique
 Fonction d’étude épidémiologique
 Fonction d’enseignement
Communication du dossier médical
L’article 18 de la loi n°2004-71 du 2/8/2004 portant institution d’un régime d’assurance
maladie en Tunisie stipule que les médecins conseils de la CNAM peuvent accéder au dossier
médical du bénéficiaire des soins.
Pour le reste un vide juridique marque en Tunisie le chapitre communication du dossier
médical alors qu’en France la loi du ‘ mars 2002 réaffirme et complète le droit d’accès du
patient à son dossier médical, il n’existe pas d’obligation pour le médecin mais possibilité de
consultation pour le patient.
 La communication du DM aux patients
o Principe de la médiation
o Qui communique le dossier
o Les personnes qui ont accès au dossier médical
 Communication du DM aux institutions et aux médecins
o Les médecins traitants (secret médical partagé)
o Les médecins experts
o Les médecins conseils
 Communication du DM aux experts et aux avocats
 Communication du DM aux organismes gérant la protection sociale
o La sécurité sociale
o Les compagnies d’assurance
Obligations légales :
1. L’article 72 du décret 81-1634 du 30/11/1981 portant règlement intérieur général des
hôpitaux, instituts et centres spécialisés relevant du ministère de la santé publique, stipule
que le personnel doit surveiller la tenue des documents du service et établir les dossiers
médicaux des malades en particulier. Ces dossiers sont et restent la propriété de
l’établissement.
2. La circulaire 37/82 et la circulaire 21/91 porte sur la tenue des dossiers médicaux dans les
structures de soins …
3. La circulaire 122/96 porte sur la tenue des dossiers médicaux dans les structures sanitaires
publiques
4. La Circulaire 87/97 porte sur la conservation des DM dans les structures de soins
5. la circulaire 31/2007 porte sur les fonctions du dossier médical et leur perte
6. Programme de développement des circonscriptions sanitaires : concepts et mise en œuvre
DSSB-UNICEF
7. Programme de développement des circonscriptions sanitaires : indicateurs de
fonctionnalité DSSB-UNICEF
Informatisation du dossier médical
Une fois habitué à la structuration et à la compartimentation du dossier médical, le médecin
de première ligne peut passer au dossier médical informatisé. Pour des raisons de
confidentialité, d’accessibilité et d’économie de santé, le dossier médical est mis sur le web.
Non seulement nous pouvons informatiser, mais, il faut informatiser le dossier médical,
commencer par le faire soi même, tenir compte des contraintes, se former en informatique
médicale pour que les informaticiens contribuent à la maintenance et à l’aide technique
Conclusion
Structuré, dynamique et orienté patient, le dossier médical de première ligne fait référence au
paradigme biopsychosocial, à l’approche globale par problèmes et au signifiant du symptôme.
Il fait de l’épidémiologie et de l’assurance qualité des outils fondamentaux pour la maîtrise
de la décision dans un processus de gestion de l’incertitude.
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