Vingtième Année. N0 41 Samedi 10 Octobre 1896 CINQ CENTIMES. ON NUMéRO ANIVOIVCES ABOilKeifKlIHTtl TOUHNOM i a fr. » par ai JDDICU-IBBI IT ADMWIBTBATIVBS Goiaaacuus. . , ADTKBB DBPA.BTB)ïBMTB â fr. > —? HBCLAMU. . . , J«0 a, la ligne. 9& o. — i • • 40 o. — Les annonce! et réclames répétées plusieurs fois sont insérées aux meilleures conditions passibles. Lee abonnemenU' sont payables d'avance et ne se font que pour un an. JOURNAL DE TOURNON ( :) PARAISSANT L-E SAMEDI DIRECTION et ADMINISTRATION 22, Rue Bourbon. Les ANNONCES et les ABONNEMENTS sont reçus, à TOURNON, à l'Imprimerie du Journal L'Hôte de la France On l'a dit avec raison, le spectacle qu'offre Paris en ce moment constitue l'événement capital de la fin du siècle, un des plus mémorables aussi de notre histoire, si riche pourtant en pages magnifiques et en sublimes souvenirs. Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir la France tout entière faire un accueil aussi enthousiaste, qui dépasse toutes les prévisions, au puissant souverain qui, fidèle à la politique de son père, nous tend si loyalement, si généreusement la main. En même temps qu'elle consacre l'alliance des deux peuples entraînés l'un vers l'autre par une réciproque et irrésistible sympathie, la visite du czar est un hommage rendu à nos institutions républicaines qui ont relevé le pays, refait notre armée, réparé tous les désastres de la funeste guerre de 1870. Jusqu'à ce jour — les journaux réactionnaires nous l'ont répété assez souvent — on pouvait craindre que la forme de gouvernement qui nous régit fût en quelque sorte un obstacle à la conclusion d'une alliance avec un des pays monarchiques de la vieille Europe. L'événement s'est chargé de démentir d'une éclatante façon de telles craintes, puisque nous avons la joie aujourd'hui de voir le souverain le plus absolu, le gardien des antiques traditions monarchiques, s'unir, sans répugnance aucune, à la France républicaine pour assurer, en dépit des intrigues de nos ennemis et de leurs alliés, le maintien de la paix en Europe. La République qui, par sa prudence et par sa sagesse, a rendu possible cette alliance qui ravive nos plus chères espérances, la République a le droit d'être fière du spectacle inoubliable et merveilleux qu'elle donne au monde entier en recevant, au milieu des fêtes les plus brillantes qu'on ait peut-être vues à Paris, et de l'enthousiasme débordant d'un peuple libre, l'homme qui incarne pourtant une conception politique qui a cessé depuis longtemps d'être la nôtre. A voir l'éclat de ces réceptions et à entendre ces acclamations, qui laissent si loin derrière elles celles qu'il a entendues dans les différents pays qu'il a traversés avant d'arriver en France, l'Empereur Nicolas pourra se convaincre de la sincérité de notre amitié et du prix que nous attachons à la sienne. Certes, ces acclamations ne sont pas celles d'un peuple servile qui se courbe devant toutes les puissances. Nous l'avons dit : c'est une nation libre, maîtresse de ses destinées, qui salue le czar comme le représentant suprême d'un peuple ami vibrant, à cette heure, jusqu'au fond des provinces de l'immense empire, de la même joie que nous éprouvons, des mêmes espoirs que nous caressons tous de ce côté des Vosges. Car si l'alliance avec la Russie consolide la paix, et éloigne le péril de toute agression subite de la part de ceux qui restent surpris et inquiets de notre rapide et complet relèvement, elle nous permet aussi d'envisager avec une foi plus solide ces réparations que nous n'avons jamais perdues de vue, sur lesquelles nous comptons toujours, bien que nous en parlions le moins possible, suivant un mot célèbre. C'est ce sentiment de confiance en l'avenir que ressent surtout, pendant les sentiments que vous venez d'exprimer, taines de mille personnes. 0'est|une monsieur le président ; je lève mon verre en véritable clameur, dans laquelle seconl'honneur de la nation et de la flotte fran- ; çaises : honneur à ces braves marins. Je re- i dent tous les vivats, qui s'élève par mercie M, le président de la République j moments, de la Porte-Dauphine à l'Arcpour les souhaits de bienvenue qu'il vient j de-Triomphe, sur l'avenue des Champsde nous exprimer. Elysées, sur la place de la Concorde, sur A 8 heures 20, l'empereur et M. le boulevard St-Germain, jusqu'à l'amFélix Faure sont allés chercher l'impé- bassade de Russie où les souverains ratrice qui n'avait pu assister au diner ; russes sont reçus par M. et Mm6 de le train impérial est parti ensuite à 8 Morenheim. heures 30 pour Paris ; le train présiPendant que le train présidentiel pordentiel s'est mis en marche à 8 h. 45. tant l'empereur et l'impératrice prenait Les troupes faisaient la haie le long la ligne de ceinture, le train impérial de la voie et ont présenté les armes au dans lequel se trouvaient la grandepassage des trains. duchesse Olga et ses dames d'honneur continuait jusqu'à la gare Montparnasse, L'arrivée à Paris d'où la grande-duchesse a été conduite Les souverains russes ont fait leur directement à l'ambassade. entrée solennelle dans Paris mardi vers A deux heures, un Te Deum a été dix heures, après les présentations des chanté à l'église russe de la rue Daru hauts personnages qui attendaient dans auquel assistaient le czar et la czarine. la gare du Ranelagh l'arrivée du couple A1 issue de cette cérémonie, l'impéraimpérial et du président de la Répu- trice est rentrée à l'ambassade, tandis blique. l'empereur se rendait à l'Elysée. Il Une vingtaine de mille hommes for- que en sortait à quatre heures et après une maien la haie sur le passage du cortège, courte visite au Palais-Bourbon, visite de la gare à l'ambassade russe. qui n'avait pas été prévue, ainsi qu'au Après la revue de la compagnie d'hon- Luxembourg, il rentrait à son tour à neur, le cortège s'organise pour le l'ambassade où commençaient aussitôt départ. réceptions. En tète, les commandants Chanzy et lesOn a beaucoup remarqué l'amabilité Chambre, ainsi cjuo-dcr-tsxis-ios -peraon- de la Crareune. M dix pas derrière, les nages officiels français et russes, ils se deux garçons d'attelage, puis un esca- avec laquelle l'empereur s'est entretenu rendent dans le magnifique salon Louis dron de cavalerie d'Afrique et les chefs à l'Elysée avec les principales notabilités politiques qui lui ont été présentées. XVI, qui commande le hall vitré. Les arabes et tunisiens. Mme Carnet, en grand deuil, accompaprésentations ont lieu immédiatement. Dans la première Daumont qui vient EN FRANCE M. Félix Faure est au milieu, l'empe- ensuite sont montés l'empereur et l'im- gnée de son jeune fils, François Carnet, reur à sa droite, l'impératrice à sa pératrice de Russie, ayant en face d'eux en tenue de sous-lieutenant d'artillerie, Départ du Président pour Cherbourg gauche. a rendu visite dans l'après-midi à l'imM. Félix Faure. Les présentations terminées, le corLes fêtes magnifiques, inoubliables, Derrière cette voiture, les officiers pératrice. L'entrevue qui a duré sept ou huit qui se déroulent à Paris, au moment où tège pénètre dans le hall où tous les d'ordonnance sur un seul rang, suivis minutes, a été empreinte de la plus nous écrivons, ont commencé, on peut assistants s'inclinent sur le passage de d'un piquet, et la seconde voiture dans touchante cordialité. dire, dimanche, par 1« départ du Prési- Leurs Majestés et du président de la laquelle sont -montés le président du Comme on le voit par ces rapides République. dent de la République pour Cherbourg Sénat, le président de la Chambre, le détails, l'arrivée à Paris des souverains La musique des équipages de la flotté — départ qui a donné lieu à une manigénéral Tournier, le général de Boisrusses n'a été marquée par aucun joue l'hymne russe et la Marseillaise. festation très sympathique dans la gare deffre. incident. L'empereur, l'impératrice et M. Félix Saint-Lazare où la foule avait réussi à Viennent ensuite un peloton de chasLe soir, a eu lieu, en l'honneur de Faure se dirigent ensuite vers le débar- seurs d'Afrique, un peloton de caïds pénétrer. Dans le train présidentiel avaient pris cadère où ils s'embarquent sur l'Elan précédant la troisième voiture où sont l'empereur et de l'impératrice, un grand place : MM. Loubet, Brisson, Méline, pour passer la revue de l'escadre. montées les dames d'honneur, la prin- dîner à l'Elysée. La table d'honneur ne Les pavillons personnels de l'empe- cesse Galitzine, M11" Wassilisckow et la comprenait que 18 couverts. général Billot, Hanotaux ; le baron de A la fin du diner, le président de la Morenheim el tout le haut personnel de reur et de M. Félix Faure sont hissés au princesse Obolèwsky. République s'est exprimé en ces termes: l'ambassade russe, le comte de Mon- sommet du grand mât. Montent successivement dans les voiL'empereur, l'impératrice et M. Félix tures : MM. Méline, Tournier, Hanotebello, ambassadeur de France en RusL'accueil qui salue l'entrée de Votre Masie, et un certain nombre d'autres nota- Faure abordent le Hoche qu'ils visitent taux, Kalzof, Ohichkine, Barthou, Go- jestée à Paris lui a prouvé la sincérité des bilités civiles et militaires. et passent ensuite la revue navale, tandis chery, Turrel, général Richter, comte sentiments dont j'ai tenu k ce qu'elle reçût l'expression en touchant le sol de la RépuLe train est parti à 10 heures 55 du que la musique du vaisseau-amiral joue Hendrikoff, l'amiral Besnard, André blique La présence de Votre Majesté parmi matin, salué par les cris de : Vive la l'Hymne Russe et que l'équipage pousse Lebon, etc. nous a scellé, aux acclamations de tout an République.! Vive la France! Vive la les sept hourrahs réglementaires. Les dragons armés de la lance ferment peuple, les liens qui unissent les deux pays Russie ! Il est arrivé à sept heures A six heures el demie, a eu lieu un la marche du cortège qui s'est rendu à dans l'harmonieuse activité et dans la muconfiance en leurs destinées. dîner de 72 couverts. Voici les toasts l'ambassade de Russie par l'itinéraire tuelle précises en gare de Cherbourg. L'union d'un puissant empire et d'une Le même soir, à la préfecture mari- du président et de l'empereur. indiqué, au milieu des acclamations République laborieuse a pu déjà exercer son time, a eu lieu un dîner auquel assisaction bienfaisante sur la paix du monde. C'est avec une grande joie, que, accompa- enthousiastes. par une fidélité éprouvée, cette taient les notabilités que nous venons gné du président du Sénat et du président C'est au milieu des acclamations sans Fortifiée de la Chambre des députés, j'ai reçu aujour- nombre et des cris de : « Vive le tsai' ! union continuera à répandre partout son de nommer. heureuse influence. Interprête de la nation d'hui Votre Majesté impériale et Sa Majesté l'impératrice. Le président de la République Vive la Russie ! Vive la République ! » tout entière, je renouvelle à Votre Majesté L'arrivée du Czar est certain de répondre aux sentiments de la que les voitures du cortège se mettent les souhaits que nous formons pour la grandeur de son règne, pour le bonheur do Sa L'escadre du Nord, chargée d'aller à nation en se faisant l'interprâte des vœux en marche. Il est exactement 10 h. 5. l'impératrice, pour la prospérité du la rencontre des souverains russes, a unanimes qu'elle forme pour la famille impéSur le passage de la voiture contenant Majesté vaste empira dont les destinées reposent riale, pour la gloire du règne de Votre appareillé lundi, à 7 heures du malin, Majesté et pour le bonheur de la Russie les souverains et le président de la Répu- entre les mains de Votre Majesté impériale. A 9 heures, le Priant et le ChasseloupDemain, à Paris, Votre Majesté sentira blique, des vivats sont poussés sans Qu'il me &oit permis d'ajouter combien la France a été touchée de l'empressement avec Laubat se portent à neuf kilomètres en battre le cœur du peuple français, et l'accueil interruption. lequel Sa majesté l'impératrice a bien voulu avant pour signaler l'approche des na- qui sera fait à l'empereur et à l'impératrice Le tsar, la tsarine et M. Faure saluent se rendre à ses vœux. de Russie leur prouvera la sincérité de notre vires russes. Aussitôt que ceux-ci sont amitié. en passant le général Saussier et les Son gracieux séjour laissera dans notre en vue, les deux vaisseaux français se Votre Majesté a voulu arriver en France officiers de son état-major qui sont pays un ineffaçable souvenir. Je lève mon rabattent. Enfin l'escadrille russepéné- escortée par une de nos escadres : la marine placés à l'angle de l'avenue Prud'hon et verre en l'honneur de Sa Majesté l'Empereur et de Sa Majesté l'Impératrice tra dans l'intervalle des deux divisions française lui on est reconnaissante. de l'avenue Ingres. Toutes les musiques Nicolas Âlexandra Feodorowna. Elle se rappelle avec orgueil les nombreufrançaises, qui rendent les premiers hon- ses marques de sympathie dont l'entoura militaires jouent l'hymne russe et la neurs, et VEtoile Polaire, portant au votre auguste pare, et la part qu'il lui a été Marseillaise sur le passage du cortège. L'empereur de Russie a répondu : grand mât le pavillon impérial jaune, donné de prendre aux manifestations de i Avec une grande attention l'empereur suis profondément touché de l'accueil prenant la tête, fait son entrée, vers Cronstadt et de Toulon. En souhaitant a Nicolas inspecte nos troupes d'Afrique quiJe nous fut fait, à l'impératrice et à moi, Majesté la bienvenue sur le sol de la trois heures environ, dans le port de Votre dans cette grande ville de Paris, source de échelonnéos dans le bois de Boulogne ; République, je lève mon verre en l'honneur tant de génie, de tant de goût et de tant de Cherbourg. de l'empereur et de l'impératrice de Russie. il salue particulièrement le drapeau du lumière. Le Président attend dans l'arsenal 3* zouaves, décoré de la croix de la Fidèle k d'inoubliables traditions, je suis L'empereur a répondu en ces termes : Légion d'honneur. l'arrivée des illustres voyageurs. venu en France saluer en vous, M. le PrésiLa place Napoléon, les sémaphores, Je suis touché de l'accueil sympathique et A mesure que s'avance le cortège, dent le chef de la nation k laquelle nous les maisons qui ont vue sur la rade sont cordial qui nous a été fait à Cherbourg. J'ai les acclamations redoublent. L'enthou- unissent des liens si précieux. Ainsi que admiré l'escadre qui nous escorta vous l'avez dit, cette amitié ne peut avoir, noirs de monde. Bien que la foule ne beaucoup ainsi que 1« bateau amiral « Hoche ». En siasme est à son comble ; c'est un délire par sa constance, que la plus heureua» puisse rien distinguer de ce qui se passe touchant 1« sol de la nation amie, je partage qui agite cette foule de plusieurs cen- • influence. Je vous prie, M. le Président» -ces jours de fêtes, notre pays, qu'éprouvent sans bien le définir peut-être, les millions de Français, venus de tous les points du territoire, pour acclamer l'empereur et l'impératrice de Russie qui nous donnent, par leur visite, le témoignage le plus précieux d'amitié que nous ayons reçu depuis les heures sombres de la défaite. Nous assistons donc au couronnement de l'œuvre à laquelle, grands et petits, nous avons tous travaillé depuis plus de vingt - cinq ans ; nous voyons nos efforts atteindre un résultat que nous n'aurions pas osé soupçonner, il y a un an ou deux ; nous pouvons nous réjouir de voir la France sortir enfin de l'isolement auquel l'avaient condamné pendant trop longtemps ses malheurs, et reprendre la place qu'elle doit occuper dans le monde pour être fidèle à la mission qui lui incombe. Et maintenant, quand nos dernières acclamations auront salué le czar à son départ, nous pourrons nous remettre avec joie au travail; de grandes choses se seront accomplies en quelques jours dont nous retirerons tout le profit lorsque l'heure aura sonné. E. D. ; dans le bassin Napoléon, tous les mou- \ • choirs s'agitent, tous les chapeaux se I lèvent ; de toutes les poitrines partent des cris de : « Vive l'Empereur ! Vive le Czar ! Vive la Russie 1 » L'émotion est des plus vives ; aucune parole ne saurait peindre l'enthousiasme patriotique qui fait vibrer toutes les voix, qui fait battre tous les cœurs. L'impératrice descend la première do l'Etoile Polaire ; puis l'empereur Nicolas, revêtu de l'uniforme de capitaine de vaisseau, la poitrine barrée par le grand cordon de la Légion d'honneur. Le président de la République, tète nue, s'incline profondément devant l'impératrice et lui baise la main avec respect. Le czar salue militairement ; M. Félix Faure lui tend ensuite la main et l'empereur la retient affectueusement pendant que le président de la République lui adresse ses souhaits de bienvenue. Nicolas II, qui parle français avec la facilité héréditaire des Romanoff, répond en quelaues mots. L'empereur, l'impératrice et M. Félix Faure gravissent l'escalier tournant ; le président de la République donne le nras à l'impératrice et, suivis du président du Sénat et du président de la . _ -Vwiv.:.- .*- . mm M ans