Surface approx. (cm²) : 490
05/11/2013 08:04:00
Une troupe de comédiens-chanteurs s'empare de la
"Bonne âme" de Brecht (PRESENTATION)
Par Laurence BOUTREUX
TOULOUSE, 05 nov 2013 (AFP) - Avec une troupe inspirée de 18 comédiens et
un pianiste perché, Jean Bellorini remporte avec grâce son dernier pari de mise en scène:
faire de "La Bonne âme du Se-Tchouan" (1939) de Bertolt Brecht "une fête joyeuse bien
qu'elle raconte des choses terribles".
Ce Parisien de 32 ans et sa compagnie Air de Lune entament jeudi au théâtre
national de l'Odéon, à Paris, une tournée française qui passera entre autres par Marseille (La
Criée) et Lyon (Théâtre de la Croix-Rousse).
En octobre, dix soirs de suite, des spectateurs de tous âges avaient empli la
grande salle du Théâtre national de Toulouse, absorbés par ce long spectacle conçu comme
un feuilleton et truffé de chansons.
Placé en surplomb de la scène, un pianiste grec de 27 ans, Michalis Boliakis, est
"le souffle et le coeur du spectacle", explique à l'AFP le metteur en scène Jean Bellorini,
volontiers lyrique. "C'est le fil rouge de notre travail depuis le début: tout est très musical.
Je dirige les acteurs comme des musiciens et les musiciens comme des acteurs et, à tout
moment, le choeur raconte l'histoire".
Fable politique, "La Bonne âme du Se-Tchouan" ne cesse de questionner le public
mais ne délivre pas de morale. Brecht l'a écrite lors de son exil aux Etats-Unis, en 1939, six
ans après avoir fui l'Allemagne hitlérienne où ses oeuvres étaient interdites par les nazis.
La pièce fait valser les personnages autour de Shen-Té, jeune prostituée chinoise
que tous surnomment "l'ange des faubourgs" tant elle fait preuve de bonté. Mais "il est dur,
votre monde! Trop de misère, trop de désespérance", constate Shen-Té (incarnée par Karyll
Elgrichi, limpide et subtile). "Celui qui aide, celui-là, lui-même se perd!", lance-t-elle aux
dieux voyageurs qui ont cru trouver en elle la "seule bonne âme" de sa province chinoise...
Dans ce monde où la dureté est vue comme une qualité, le spectateur du XXIe
siècle n'a pas de mal à se retrouver: "il est +rat+, mais c'est mieux", dit-on du double de
Shen-Té, Shui Ta, qui se révélera un redoutable "exploiteur". Et même si "un esprit de
fanfare" vient sans cesse animer la pièce, selon le voeu de Bellorini, le public entend
clairement les questions politiques posées par Brecht il y a 74 ans et en reste saisi.
La poésie de la scénographie (signée Bellorini) et l'élégance effrontée des
costumes (de Mâcha Makeïeff) ajoutent à la beauté de ce spectacle porté par une troupe
audacieuse. Dans le drame, les comédiens-chanteurs ont su glisser des saynètes pleines
d'ironie sur notre monde, nées de nombreuses semaines de répétitions où "tout partait des
acteurs et d"improvisations".
"bande de blaireaux"
Pour concevoir une nouvelle traduction, Jean Bellorini s'était allié à Camille de la
Guillonnière, formé comme lui à l'Ecole Mathieu à Paris.
Quand le personnage du jeune marchand d'eau (touchant François Deblock)