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Fiche d’accompagnement
iche d’accompagnement iche d’accompagnement
iche d’accompagnement
culturel et
culturel et culturel et
culturel et pédagogique
pédagogiquepédagogique
pédagogique
Le théâtre a plusieurs rôles à remplir : didactique,
métaphysique, mais aussi pourquoi pas léger et
divertissant. J’aime ces spectacles où l’on rit, où l’on
pleure et l’on réfléchit dans la même soirée. Je crois
qu’on vient au théâtre pour être touché. Pour regarder
et écouter « l’humain ». Parce que c’est là où les
Hommes parlent aux Hommes, parce que le temps y
prend une autre valeur, la présence humaine une autre
dimension et qu’à certains instants, si rares soient-ils, on
peut sentir de manière presque concrète ce lien invisible
qui nous relie tous : la Vie.
Jean Bellorini, juin 2012.
Texte et contexte
En 1935, suite à l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933, Bertolt Brecht est déchu de la nationalité allemande, il se
réfugie en Scandinavie. Il commence à écrire La Bonne Âme du Sé-Tchouan (Der gute Mensch von Sezuan) en 1938 au
Danemark ; il l’achèvera en Suède, en 1940, avec l’aide de sa collaboratrice Margarete Steffin.
Le théâtre-critique de Brecht culmine ici, dans cet appel pathétique, angoissé au public. Le monde s’engage dans la
Seconde Guerre mondiale. Le nazisme contamine toute l’Europe, ou presque. Il faut inventer cette solution : une
solution qui soit à l’opposé de celle de Shen Té. Ce n’est pas l’homme qu’il faut changer, par soi-même, c’est le
monde : il faut nier, recréer un monde où il soit possible d’être soi-même, de l’être pleinement, avec les autres, et
non contre eux.
Bernard Dort. Lecture de Brecht. Paris: Seuil, 1960, p. 161
Dans le Se-Tchouan, une province reculée de la Chine, les dieux voyagent. Ils cherchent une bonne âme et, avec
l’aide de Wang, le porteur d’eau, n’en trouvent qu’une, qui accepte de les loger pour la nuit: Shen Té, la prostituée. Pour la
remercier, ils lui donnent de l’argent; elle quitte son métier et s’achète un petit débit de tabac. Les ennuis commencent
alors: passer de l’autre côté de la misère, c’est aussi devoir l’affronter. Misère physique, sociale. Mais aussi misère morale.
Shent Té découvre aussi l’amour, et sa passion se heurte ici encore à l’appât du gain. La fresque épique des aventures de
Shen Té est ponctuée d’appels désespérés à la bonté et d’explosions de colère devant la médiocrité et la passivité des
humains.
La pièce a été représentée pour la première fois à Zurich en 1943, en plein cœur de la seconde guerre mondiale.
Une mise en scène de Roger Planchon a eu lieu en 1958 au Théâtre de la Cité de Villeurbanne.
Une version en français a été filmée en 1990 par Bernard Sobel, avec Sandrine Bonnaire dans le rôle de Shen Té. Elle a
été jouée au Théâtre de Gennevilliers
Jean Bellorini et sa compagnie
Cette Bonne âme vient prolonger notre travail sur Hugo et sur Rabelais. Chez Hugo, il y avait la problématique
sociale, et chez Rabelais, l'appel du voyage. Rabelais, comme La Bonne âme, c'était déjà une quête, une
recherche : une dive bouteille qui n'existe pas, de l'autre côté d'une mer qui n'existe pas non plus. Ici aussi, à
l'horizon de ce Se-Tchouan si violent, il y a l'utopie d'un monde harmonieux, stable, apaisé...1
La compagnie est née en 2001 de la collaboration de Marie Ballet et Jean Bellorini sur Inconnu à cette adresse de
Kressmann Taylor. Cette rencontre définit la spécificité de la compagnie : une interrogation sur les rapports de la musique
et du théâtre.
Jean Bellorini a réalisé trois de ses dernières créations avec le TNT de Toulouse :
Tempête sous un crâne d’après Les Misérables de Victor Hugo (créé au TGP-CDN de Saint-Denis/Théâtre du
Soleil/TNT de Toulouse) en 2010, en tournée jusqu’en 2015
Paroles Gelées d’après le Quart Livre de François Rabelais (créé au TNT de Toulouse/TGP-CDN de Saint-
Denis) en 2012, en tournée jusqu’en 2015
1
Ibid.
La Bonne âme du Se-Tchouan
de Bertolt Brecht (créé au Théâtre National de Toulouse Midi
Pyrénées/l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 2013), en tournée jusqu’en 2016.
Scénographie et lumière Jean Bellorini | costumes Macha Makeïeff | création musicale Jean Bellorini, Michalis
Boliakis, Hugo Sablic | son Joan Cambon | maquillage Laurence Aué
L’Arche est agent et éditeur du texte représenté.
Avec Danielle Ajoret, Michalis Boliakis, Xavier Brière, François Deblock, Karyll Elgrichi, Claude Évrard, Jules Garreau,
Jacques Hadjaje, Camille de La Guillonnière, Blanche Leleu, Clara Mayer, Teddy Melis, Marie Perrin, Marc Plas,
Geoffroy Rondeau, Hugo Sablic, Damien Zanoly et un enfant.
Intentions de mise en scène
Il nous faut rêver à un spectacle simple, drôle, et aussi terrible. Le rythme ne sera pas un rythme militaire mais plutôt comme le rythme d’une
danse, d’un bal, conscient d’une grâce légère et d’une force violente en même temps. Entre la fable et le réel, du rêve au cauchemar, de l’espoir
à la peur... ou plutôt l’inverse. La musique d’un monde onirique et le bruit de la réalité. Des chansons originales et populaires. Des comédiens-
musiciens-chanteurs-ouvriers du plateau... au service de la fable. La présence d’un pianiste fou et grandiose, virtuose. Accordéons, cordes,
percussions. Des chansons et un esprit de fanfare porté par la troupe de 18 comédiens et un pianiste virtuose.
Jean Bellorini, juin 2012.
Une mise en scène paradoxale
Bellorini, en cherchant sans doute à se rapprocher de ce que voulait Brecht lui-même, propose ici une mise en
scène qui peut déconcerter le spectateur en ceci qu’elle peut paraître populaire, festive, presque « ordinaire », mais qu’elle
revêt en même temps un caractère lyrique et humaniste, en mettant en lumière la tonalité et le sens profond de la pièce.
Le spectateur a dès lors une place active dans la construction du sens ; il garde l’esprit en éveil, et ses émotions
sont fortement sollicitées.
La musique, qui est indissociable de la mise en scène, joue un rôle important dans la révélation de l’aspect poétique
de ce théâtre, et dans l’ouverture de l’imaginaire.
Une écriture musicale, une mise en scène orchestrée
« Il faut avoir un côté chef d'orchestre. Je crois que c'est une position nécessaire. Mais tout naît de propositions,
d'accidents, d'essais, d'erreurs. à moi d'attraper au vol ce qui ne serait pas arrivé si je l'avais proposé avant. Chez nous, la
recherche est beaucoup liée à la musique, au chant, à la rencontre chorale. »
2
La musique est une musique originale, composée sur les paroles des chansons de Brecht. Bellorini a choisi un
pianiste virtuose et des percussions – qui sont un peu comme le battement de cœur du spectacle. Le metteur en scène fait
appel à des univers musicaux très contrastés, à l’image de sa mise en scène elle-même : il choisit par exemple un
arrangement d'une berceuse pour 18 xylophones, et La Tempête de Beethoven. Les instruments utilisés sont eux aussi très
divers : piano, accordéons, percussions, xylophones, et même un instrument fabriqué de toutes pièces...
Les chants (chansons entières ou bribes de vers chantés au beau milieu d’une scène) ne sont pas sans rappeler les
interventions du chœur antique, qui s’adresse directement au public, et s’associe à Shen té pour véhiculer l’histoire.
Féminin et masculin
Certains rôles féminins (la propriétaire Mi Tsu ou la veuve Shin) sont interprétés par des acteurs masculins ; Shen
Té, personnage féminin, joue face aux autres personnages le rôle d’un homme, Shui Ta (son cousin imaginaire) et va
ainsi se retrouver face à des femmes jouées par des hommes. Etrange mise en abîme, mélange des sexes et des
identités, qui bouscule les codes, et ne cesse d’interroger le spectateur.
Pour que toutes ces prétendues données puissent devenir objet de doute, il
faudrait cultiver cette manière de regarder les choses en étranger, comme le
grand Galilée considérant les oscillations d’un lustre. Galilée était stupéfait
de ces balancements, comme s’il ne s’y attendait pas et n’y comprenait rien ;
c’est de cette façon qu’il découvrit ensuite leurs lois. Voilà le regard, aussi
inconfortable que productif, que doit provoquer le théâtre par les
représentations qu’il donne de la vie en société. Il doit forcer son public à
s’étonner, et ce sera le cas grâce à une technique qui distancie et rend étrange ce qui était familier.
Bertolt Brecht. Petit organon pour le théâtre. Trad. par B. Lortholary. Paris : Gallimard, 2000, p. 368-369.
2
Ibid
.
Notre classe en parle… : expériences de jeunes spectateurs, journal du spectateur (à
transmettre par e-mail à emilie.jouanel@ac-toulouse.fr, pour diffusion sur le site de la DAAC)
Réactions des élèves à l’issue de la représentation : un mot, une phrase, un paragraphe…
Mise en forme d’un article critique au sujet de la représentation
Journal du spectateur : mettre par écrit, comme dans une sorte de journal intime, les émotions, réactions,
réflexions engendrées par ce spectacle ; cela peut aussi prendre la forme d’une écriture d’invention (forme
dialoguée, écriture poétique…) agrémenté ou non ou d’un dessin, d’une image.
Extraits de presse : pour amorcer un échange critique avec les élèves
Article dans le journal
La Croix
:
Créée à Zurich en 1943, La Bonne Ame du Se-Tchouan, appartient au cycle des grandes pièces écrites par Brecht en exil – Mère
Courage, Maître Puntila, La Résistible ascension d'Arturo Ui. [...] Il suffit qu'un jeune metteur en scène de 30 ans – Jean Bellorini – la revisite
pour qu'elle retrouve ses couleurs de fable épique et lyrique, magnifique et bouleversante, désespérée et joyeuse. Voire de conte
tragique et merveilleux. Le spectacle dure plus de trois heures. On ne les voit pas passer, incapable de résister à ce même bonheur dé
éprouvé lors des précédents spectacles de Jean Bellorini. Le bonheur de vivre des belles et grandes histoires racontées sur le mode naïf,
riches d'images poétiques et de pure émotion. Ce qui n'interdit pas la réflexion. La définition du théâtre populaire ?
Article dans
Le Monde
: « Une "Bonne Ame" un peu trop boy-scout »
Le Monde.fr | 08.11.2013 à 18h37 • Mis à jour le 11.11.2013 à 11h49 | Par Fabienne Darge
Bertolt Brecht n'a jamais été naïf, mais quand il commence à écrire La Bonne Ame du Se-Tchouan, en 1938, il l'est moins que jamais.
Harcelé par les nazis depuis 1930, l'auteur de L'Opéra de quat'sous est en exil en Scandinavie. Il écrit coup sur coup, excusez du peu, La
Vie de Galilée, Mère courage et ses enfants, La Résistible Ascension d'Arturo Ui et cette Bonne Ame, qui n'est plus si fréquemment jouée, de nos
jours, et que l'on se réjouissait de retrouver, mise en scène par Jean Bellorini aux Ateliers Berthier du Théâtre de l'Odéon (avant de
partir en tournée en France).
On se réjouissait, car La Bonne Ame a beaucoup à nous dire, aujourd'hui. En imaginant l'histoire de Shen Té, la petite prostituée
récompensée par les dieux pour sa générosité et qui fait l'expérience de l'exploitation et de l'impossibilité de changer le monde à un
niveau strictement individuel, Brecht a créé une parabole d'une ironie mordante sur la manière dont la société capitaliste broie les
individus, les corrode intimement, jusqu'au cœur de leurs sentiments les plus profonds. Comment faire le bien dans un monde pourri
jusqu'à la moelle ? Voilà la question que pose Bertolt Brecht.
On se réjouissait, aussi, que la pièce soit mise en scène par Jean Bellorini, un garçon de 32 ans qui, depuis quelques années, fait un joli
bout de chemin avec son théâtre généreux et humaniste, porté par un bel esprit de troupe. Il se murmure d'ailleurs beaucoup que le
ministère de la culture le verrait bien prendre la tête du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Sur le papier, tout
cela aurait dû amener cette Bonne Ame vers le paradis du théâtre, mais hélas, ce n'est pas le cas.
Tout semble bien lourd et bien surligné, dans cette mise en scène qui fait des pauvres des créatures folkloriques manière Deschiens.
C'est d'ailleurs Macha Makeïeff qui signe les costumes de cette production. Et les acteurs y sont d'un niveau bien inégal, prisonniers
d'une forme de jeu appuyé, sans finesse. C'est dommage, parce que Karyll Elgrichi, qui joue Shen Té, ou François Deblock, qui incarne
Wang, le porteur d'eau, ont indéniablement du talent et une belle présence. L'humanisme de Jean Bellorini est tout à fait respectable,
surtout par les temps qui courent, empreints de cynisme. Mais il est marqué par une forme de naïveté assez éloignée de l'esprit de
Brecht, qui savait que changer le monde est un vrai combat, qui se gagne aussi par l'invention de formes artistiques fortes et nouvelles.
C'est ce mordant, cette dimension politique profonde, qui manquent à cette mise en scène où l'ambiguïté de la fable et du double
personnage de Shen Té-Shui Ta est quand même fortement lissée. Si on voulait être un peu méchante, on se laisserait aller à dire que
cette Bonne Ame est un peu boy-scout. Et donc pas très brechtienne.
Reportage télévisuel disponible sur le site :
http://www.teletoulouse.fr/Mstr.php?lk=468gLi4788z020&Em=11&Vd=3165
Emissions à écouter sur franceinter.fr : le Masque et la plume http://www.franceinter.fr/emission-le-masque-et-la-plume-
pour-la-1e-fois-un-masque-pluridisciplinaire - et l’Humeur vagabonde : http://www.franceinter.fr/emission-lhumeur-
vagabonde-jean-bellorini
Images
1. Créations de Jean Bellorini :
Tempête sous un crâne
Paroles Gelées
2. La Bonne Âme du Se-Tchouan
Chansons, chœurs et musique :
« Le trouble des sexes »
3.
Pedro Almodovar (
« C'est sans doute en se référant à certaines impressions qu'on peut avoir dans l'œuvre
cinématographique d'Almodovar que j'ai envie de jouer sur le vrai trouble des sexes. »)
Talons aiguilles, 1991. Tout sur m
a mère, 1999.
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