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La Bonne âme du Se-Tchouan
de Bertolt Brecht (créé au Théâtre National de Toulouse Midi
Pyrénées/l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 2013), en tournée jusqu’en 2016.
Scénographie et lumière Jean Bellorini | costumes Macha Makeïeff | création musicale Jean Bellorini, Michalis
Boliakis, Hugo Sablic | son Joan Cambon | maquillage Laurence Aué
L’Arche est agent et éditeur du texte représenté.
Avec Danielle Ajoret, Michalis Boliakis, Xavier Brière, François Deblock, Karyll Elgrichi, Claude Évrard, Jules Garreau,
Jacques Hadjaje, Camille de La Guillonnière, Blanche Leleu, Clara Mayer, Teddy Melis, Marie Perrin, Marc Plas,
Geoffroy Rondeau, Hugo Sablic, Damien Zanoly et un enfant.
Intentions de mise en scène
Il nous faut rêver à un spectacle simple, drôle, et aussi terrible. Le rythme ne sera pas un rythme militaire mais plutôt comme le rythme d’une
danse, d’un bal, conscient d’une grâce légère et d’une force violente en même temps. Entre la fable et le réel, du rêve au cauchemar, de l’espoir
à la peur... ou plutôt l’inverse. La musique d’un monde onirique et le bruit de la réalité. Des chansons originales et populaires. Des comédiens-
musiciens-chanteurs-ouvriers du plateau... au service de la fable. La présence d’un pianiste fou et grandiose, virtuose. Accordéons, cordes,
percussions. Des chansons et un esprit de fanfare porté par la troupe de 18 comédiens et un pianiste virtuose.
Jean Bellorini, juin 2012.
Une mise en scène paradoxale
Bellorini, en cherchant sans doute à se rapprocher de ce que voulait Brecht lui-même, propose ici une mise en
scène qui peut déconcerter le spectateur en ceci qu’elle peut paraître populaire, festive, presque « ordinaire », mais qu’elle
revêt en même temps un caractère lyrique et humaniste, en mettant en lumière la tonalité et le sens profond de la pièce.
Le spectateur a dès lors une place active dans la construction du sens ; il garde l’esprit en éveil, et ses émotions
sont fortement sollicitées.
La musique, qui est indissociable de la mise en scène, joue un rôle important dans la révélation de l’aspect poétique
de ce théâtre, et dans l’ouverture de l’imaginaire.
Une écriture musicale, une mise en scène orchestrée
« Il faut avoir un côté chef d'orchestre. Je crois que c'est une position nécessaire. Mais tout naît de propositions,
d'accidents, d'essais, d'erreurs. à moi d'attraper au vol ce qui ne serait pas arrivé si je l'avais proposé avant. Chez nous, la
recherche est beaucoup liée à la musique, au chant, à la rencontre chorale. »
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La musique est une musique originale, composée sur les paroles des chansons de Brecht. Bellorini a choisi un
pianiste virtuose et des percussions – qui sont un peu comme le battement de cœur du spectacle. Le metteur en scène fait
appel à des univers musicaux très contrastés, à l’image de sa mise en scène elle-même : il choisit par exemple un
arrangement d'une berceuse pour 18 xylophones, et La Tempête de Beethoven. Les instruments utilisés sont eux aussi très
divers : piano, accordéons, percussions, xylophones, et même un instrument fabriqué de toutes pièces...
Les chants (chansons entières ou bribes de vers chantés au beau milieu d’une scène) ne sont pas sans rappeler les
interventions du chœur antique, qui s’adresse directement au public, et s’associe à Shen té pour véhiculer l’histoire.
Féminin et masculin
Certains rôles féminins (la propriétaire Mi Tsu ou la veuve Shin) sont interprétés par des acteurs masculins ; Shen
Té, personnage féminin, joue face aux autres personnages le rôle d’un homme, Shui Ta (son cousin imaginaire) et va
ainsi se retrouver face à des femmes jouées par des hommes. Etrange mise en abîme, mélange des sexes et des
identités, qui bouscule les codes, et ne cesse d’interroger le spectateur.
Pour que toutes ces prétendues données puissent devenir objet de doute, il
faudrait cultiver cette manière de regarder les choses en étranger, comme le
grand Galilée considérant les oscillations d’un lustre. Galilée était stupéfait
de ces balancements, comme s’il ne s’y attendait pas et n’y comprenait rien ;
c’est de cette façon qu’il découvrit ensuite leurs lois. Voilà le regard, aussi
inconfortable que productif, que doit provoquer le théâtre par les
représentations qu’il donne de la vie en société. Il doit forcer son public à
s’étonner, et ce sera le cas grâce à une technique qui distancie et rend étrange ce qui était familier.
Bertolt Brecht. Petit organon pour le théâtre. Trad. par B. Lortholary. Paris : Gallimard, 2000, p. 368-369.
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Ibid
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