12 Actualité Santé Allergie Des bactéries en prévention En France, la prévalence de la dermite atopique est évaluée entre 8 et 20 % chez l’enfant. L’allergie est une réponse anormalement exagérée. Pour mieux comprendre ce qu’est l’atopie, il est nécessaire de revenir à des notions immunologiques. P ourquoi cette réponse estelle exagérée ? Tout débute au niveau de l’intestin. Sur une surface de plus de 300 m2, on retrouve 100 millions de neurones (ce qui a pu faire parler de deuxième cerveau), mais aussi plus de 70 % des cellules immunitaires de l’ensemble du corps (T lymphocytes) et 100 milliards de bactéries qui, elles, constituent ce que l’on nomme la flore intestinale. Lorsqu’une cellule dendritique de la paroi intestinale capte un antigène, elle envoie un signal aux lymphocytes T0. Ces derniers peuvent alors émettre deux types de signaux : – T1 qui, par l’intermédiaire de cytokines (ici l’interféron gamma) vont informer les cellules B mais ne produisent que peu d’anticorps ; – T2, qui, par l’intermédiaire d’autres cytokines (les interleukines 4, 10, 5, 6, entre autres) informant les cellules B vont produire de grandes quantités d’IgE et IgG, qui déclen- chent une réaction allergique réalisant une atopie. Ce schéma allergique s’établit selon l’une ou l’autre voie en fonction de différents facteurs. Une pondération est en effet nécessaire si on veut que la digestion se passe. Ainsi, tout contact avec une protéine alimentaire reconnue comme étrangère à l’organisme devrait provoquer une forte réaction immunitaire. Pour éviter cette anomalie potentiellement néfaste, la voie T1 est privilégiée : c’est ce que l’on peut appeler un mécanisme de tolérance orale, nécessaire à la vie. Cette tolérance orale n’est pas si évidente, à tel point qu’elle n’existe pas à la naissance, par exemple. Le nourrisson présente une nette propension à n’avoir que des réponses T2 et très peu de voies T1. Ce qui est le contraire chez l’adulte où l’on retrouve plus de T1 que de T2 ; sauf en cas d’atopie où la balance penche alors nettement en faveur de la voie T2. Expliquer ces différences Le mécanisme de l’allergie Cellule dendritique T0 lymphocyte Réponse T1 réponse T2 interféron gamma interleukine 4, 10, 5, 6 cellule B peu de production grosse production d’AC IgG,IgE ATOPIE Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004 Le système immunitaire du nouveau-né est immature en même temps que sa flore intestinale est peu développée : elle ne comprend au plus, que 10 espèces de bactéries différentes. Au contraire de l’adulte, où les espèces sont nombreuses et diversifiées (plus de 500) et où le système immunitaire est mature. Il semble donc bien que la maturation du système immunitaire soit liée à la présence et aux fonctions des bactéries intestinales. Ces hypothèses sont confirmées par des études épidémiologiques. Celles-ci démontrent que les enfants qui ont été dès leur plus jeune âge mis en contact avec des bactéries (famille nombreuse avec de nombreuses infections au sein de la fratrie, milieu rural, nourriture au lait cru, pays pauvres émergents où l’hygiène est moins stricte) développent beaucoup moins d’allergie, d’atopie que les enfants de milieux plus protégés (vivant en agglomération, gardés seuls, de pays riches à l’hygiène stricte, traités aux antibiotiques pour la moindre infection). Ainsi, tout semble se passer avant l’âge de un an : si le développement bactérien a été correct, l’enfant a moins de risque de développer une atopie. Que sa mère ait eu des AB pendant sa grossesse, qu’il soit né par césarienne (pas de contact bactérien vaginal), qu’il ait eu lui-même des AB, et l’atopie peut l’atteindre une fois sur trois. Ce chiffre est divisé par 4 à 5 s’il n’a pas rencontré ce que l’on peut considérer comme de véritables facteurs de risque allergique. Les probiotiques Il existe d’autres moyens, complémentaires de prévention : l’utilisation des probiotiques. Un probiotique est, selon la définition de l’OMS : un micro-organisme vivant, qui donné en quantités suffisantes, présente un bénéfice pour la santé de l’hôte. Les probiotiques peuvent être utilisés pour restaurer la flore intestinale endommagée et donc cette barrière contre les germes gastro-intestinaux. Mais ils peuvent aussi contribuer à renforcer le système immunitaire contre les infections. Les plus efficaces sont alors les levures, les bifides, les lactobacilles. Une étude finlandaise a ainsi démontré que la prise de probiotiques par des femmes enceintes fait diminuer de moitié le pourcentage d’atopie retrouvé chez les enfants. Jacques Bidart Bibliographie 1. Kalioäki M, Salminen S, Arvilomni H, Kero P, Kaskinnen P, Isaulori E. Lancet 2001;357: 1076-9. 2. Isaulori E, Arvola T, Moilanen E, Salminen S. Clinical Exp Allerg 2000;30:1604-10.