Publikationen Details - Europäische Friedensverträge der Vormoderne

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Gantet, Claire * zurück zur Ergebnisliste
La traduction confessionnelle de la paix de Westphalie
ISSN: 1867-9714
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Text:
Dans l’historiographie héritée, la paix de Westphalie est une césure. En mettant fin à la guerre de Trente ans, dernière
guerre de religion, les traités de Münster et d’Osnabrück auraient marqué la fin de l’»ère confessionnelle« (konfessionelles
Zeitalter) et l’entrée dans un monde sécularisé, théâtre des guerres de cabinets et de la »guerre en dentelle« du XVIIIe
siècle. Un témoignage de taille de cette inflexion serait la protestation officielle du pape Innocent XI, le 26 novembre 1648
dans la Bulle Zelo Domus Dei; en condamnant un traité de paix signé entre des puissances catholiques et des princes
protestants, c’est-à-dire »hérétiques«, le pape se serait condamné à ne plus exercer un rôle de poids dans les relations
internationales.[1]
La perception d’une césure essentielle en 1648 a donné naissance à deux historiographies bien distinctes. D’un côté, la
guerre de Trente ans, rattachée à l’»ère confessionnelle«, est traditionnellement étudiée sous l’angle de la
confessionnalisation (Konfessionalisierung) et de l’histoire religieuse. De l’autre, les traités de Westphalie sont l’objet
d’une histoire juridique des institutions d’Empire (Verfassungsgeschichte); jusque récemment, l’évolution de 1648 à 1806 a
de plus été jugée de façon négative, les traités de Westphalie étant censés avoir signé l’»éclatement« du Saint-Empire
livré aux appétits de puissances de ses voisins, en particulier de la France, jusqu’à son agonie en 1806.[2]
1
La présente contribution prendra le contrepied de cette tradition. Elle soulignera d’abord les transitions entre la guerre de
Trente ans et le »système de Westphalie«. Les traités de paix furent signés dans la mémoire d’une guerre d’une longueur
apparemment inédite, dont on rapportait la cruauté à sa dimension religieuse; dès les années 1620, la guerre de Trente
ans fut perçue comme une guerre de religion entre Allemands, grevée d’intérêts étrangers. Loin de disparaître, la
dimension religieuse fut essentielle dans la perception de la paix. C’est elle qui permit que les articles et clauses de paix
ne restassent pas le propre des représentants réunis à Münster et Osnabrück mais furent aussitôt diffusés, commentés,
connus, observés. Contrairement à la très grande majorité des pays européens de l’époque moderne, la paix de
Westphalie fut en effet l’objet de commémorations foncièrement religieuses et confessionnelles, qui assurèrent, et c’est le
dernier point de divergence d’avec l’historiographie ritée, sa réussite. Cette contribution se propose d’étudier la
traduction confessionnelle de la paix de Westphalie: réception, ses interprétations confessionnelles, les luttes pour son
accaparement et la dynamique politique qui en fut issue. Elle analysera dans un premier temps la chronologie des
commémorations de la paix, dans un second temps leur ographie confessionnelle, enfin la double réaction,
d’appropriation et de partage implicite, des clergés qui organisèrent la célébration de la paix.
2
La paix de Westphalie suscita une très grande jubilation.[3]
Des »fêtes de la paix« (Friedensfeste) furent organisées dès la ratification des traités officialisant l’indépendance des
Provinces-Unies, à Münster les 15 et 17 mai 1648, et jusqu’à la fin de 1660 à Schweinfurt; si, par la suite, il n’y eut plus de
nouvelles fêtes de la paix, certaines furent institutionnalisées, organisées chaque année à la même date. La joie fut
essentiellement allemande. On ne célébra la paix aux Provinces-Unies qu’en mai et juin 1648, en Suède en décembre
1649, et en France de janvier à mars 1660. Et à la différence de ces fêtes, organisées par les autorités locales ou royales
et honorées une seule fois, les fêtes de la paix, dans le Saint-Empire (en particulier dans sa partie méridionale), furent en
très grande partie investies par les clergés. La chronologie des fêtes de la paix révèle les tensions issues de la perception
d’une transition difficile vers un état de paix. Leur géographie souligne la dimension religieuse de la perception de la paix.
Pour les clergés qui, en inventant une forme inédite de célébration de la paix, il s’agissait de reprendre place dans
l’espace public. Quatre grandes vagues de célébration marquèrent la fin de la guerre. Dans le Nord-Ouest du Saint-
Empire, on honora d’abord la paix entre les Provinces-Unies et l’France, acquise le 30 janvier 1648 et ratifiée à Münster le
15 mai 1648. En 1648 et 1649, tout l’espace allemand célébra l’accord général, publié le 24 octobre 1648 et ratifié le 18
février 1649. La série de fêtes la plus dense toutefois, entre juin et novembre 1650, salua la conclusion du recès de
Nuremberg (Nürnberger Exekutionstag) le 26 juin 1650 qui fit des traités de Westphalie une loi d’Empire et fixa les
procédures de démobilisation des troupes occupantes: la joie naquit de la paix tangible, vécue. Le dernier groupe de fêtes
fut motivé par le traité des Pyrénées de novembre 1659 entre la France et l’France, et la paix d’Oliva de mai 1660 entre la
Suède, la Pologne et le Brandebourg, célébrés dans l’Empire comme la fin définitive des hostilités.
3
La carte des premières fêtes de la paix allemandes ne refléta ni la diffusion de la nouvelle, ni la hiérarchie urbaine.
Francfort sur le Main, avisée dès le 28 octobre 1648, ne la célébra que le 14 août 1650, et Vienne, informée dès le 3
novembre 1648, attendit le 7 septembre 1650 pour la solenniser. Le 7 novembre, la nouvelle parvint à Ulm, qui ordonna sa
première fête de la paix, religieuse, pour le 23 novembre 1648. Elle fut devancée par la petite ville de Blaubeuren à
quelque distance, où dès le 8 novembre 1648 les luthériens célébrèrent le rétablissement de leur culte; dans la ville libre
d’Ulm qui comptait une minorité catholique, les autorités retinrent la célébration pour ne pas mettre en danger les
équilibres locaux, religieux et militaires. La situation générale était des plus tendue. Lorsque la paix fut proclamée en
Westphalie, il restait quelque 150000 soldats dans l’Empire, sans compter les trousseaux. Avec 60 000 hommes (dont
seulement 7000 Suédois et Finnois d’origine), les troupes sous commandement suédois étaient les plus nombreuses;
18000 soldats devaient être rapatriés en Suède. Dès le 28 octobre 1648, des courriers furent envoyés proclamer le traité,
mais les Suédois renâclèrent à cesser les hostilités avant d’avoir obtenu gain de cause sur les »satisfactions« territoriales
et surtout monétaires; en Bohême et en Moravie, ils tentèrent même de retarder la proclamation de la paix au début 1649
pour continuer à lever des contributions de guerre pendant les mois d’hiver.[4]
L’application du traité fut confiée aux Cercles d’Empire qui durent prendre en charge les armées en place. La nouvelle de
l’accord parvint donc en même temps que celle d’une nouvelle contribution, dite »de paix«.[5] Dans les villes où les
armées stationnaient, les premiers organisateurs des fêtes de la paix avouèrent leur hésitation entre le soulagement et la
joie d’une part, l’amertume d’autre part envers une paix si chèrement acquise. En guise de sermon de grâce, le pasteur
d’Isny, le 6 décembre 1648, épancha ses sarcasmes perplexes sur cette paix d’or et d’argent:
»Cette paix d’Empire est bien une paix dorée, car elle coûte plusieurs tonnes de florins d’or rouge, plusieurs tonnes d’or,
de grosses sommes d’or, plusieurs millions de thalers d’Empire. Mais […] on doit bien aussi construire aux soldats en
partance un pont d’argent, et d’après le proverbe commun, une paix hôte d’une nuit vaut de l’or!«.[6]
4
En prise à la disette, la population locale pouvait se livrer à des actes de violence envers les soldats. Les autorités civiles
entourèrent donc la proclamation de la plus grande prudence. Le chroniqueur de Lindau écrivait le 30 octobre 1648
qu’»on exhorta la population à s’appliquer à l’ancienne humilité envers la garnison, à se garder de discours inconvenants,
et à ne point donner de cause à quelque désagrément ou trouble, afin que l’on pût jusqu’à la fin demeurer en paix les uns
parmi les autres«.[7]
Dans une ville où l’établissement des jésuites dès 1628–1629 avait été protégé par une garnison impériale, l’application
de la paix était en effet sujette à l’obéissance d’une population encline par sa foi à résister à la tutelle extérieure. Peu à
peu, il fallut aux Suédois accepter la paix assurée. Pour manifester dorénavant sa volonté pacifique, le général Wrangel,
qui n’avait reconnu les traités de Westphalie qu’un mois après leur conclusion, ordonna pour le 10 janvier 1649 une fête
de la paix générale dans tous les lieux qu’il occupait. Les difficultés soulevées par cette décision furent illustrées par
l’exemple de Weiden, une petite ville incluse dans le duché de Sulzbach. Le pasteur saxon Tobias Clausnitzer avait suivi
l’armée suédoise qui, à la Pentecôte 1648, établit son camp à Weiden; lorsqu’elle partit, il resta pasteur de la garnison en
place, au sein d’une population en partie reconquise au catholicisme. Dans son sermon pour la paix, il appelait de ses
vœux les deux paix, celle qui était fixée en Westphalie, mais aussi celle qui devait entrer en vigueur sur place. La
principauté de Palatinat-Neubourg avait en effet depuis 1613 deux maîtres, le comte palatin Wolfgang Wilhelm de
Neubourg converti au catholicisme, et son neveu fidèle au luthéranisme, le comte palatin Christian August. Ce dernier
s’était fié aux clauses générales du congrès de Westphalie, à la »paix lointaine«, au détriment de la paix tangible. Or, en
restaurant Karl Ludwig dans le Palatinat électoral, la paix de Westphalie ajouta un troisième maître à Weiden, calviniste
cette fois.[8] Et chacun tira le traité à son avantage. La restauration du luthéranisme dans la ville ne fut pas portée par le
peuple, mais imposée depuis Neubourg à une population formée dans les écoles fondées par les jésuites depuis vingt
ans. Les catholiques commençaient déjà à faire valoir leur nette prépondérance dans la population et revendiquer un
simultaneum (c’est-à-dire le partage de l’espace de l’église entre deux confessions), qui de fait entra en vigueur après le
départ des Suédois en août 1650. Mal soutenus par leur prince, les luthériens ne purent que requérir le soutien des
Suédois. Comme il fallait à Clausnitzer célébrer la paix, donc désapprouver la longue guerre sans toutefois condamner les
armées suédoises, il invoquait dans son sermon sur la paix »l’esprit invaincu« de Gustave Adolphe qui aurait pu
l’emporter sans verser de sang. Invoquer la mémoire du roi charismatique qui, semble-t-il, avait sacrifié sa vie pour la foi
luthérienne, était l’argument le plus commode pour unir ses ouailles derrière les autorités militaires et civiles.[9]
Paradoxalement, ce fut au moment de la paix que l’on invoqua le plus la mémoire de la guerre. Loin d’être une césure
nette, les traités de paix semblaient être une transition ténue chargée des tensions passées.
5
À l’instar du pasteur d’Isny, les traductions médiatiques de la paix les feuilles volantes et gravures (Flugblätter)
ironisèrent sur la solidité de l’accord. Une gravure éditée en 1648/1649 présentait avec une ironie grinçante les Fruits de
la paix. Au loin, un paysan enfonçait dans la terre une épée attachée à sa charrue, tandis que deux soldats vaquaient
comme bergers. Au premier plan, dans une auberge dotée d’un étendard en guise d’enseigne, des femmes se servaient
d’armes pour rincer leur lessive devant des casques utilisés comme plats et des poules rôties à la broche sur un feu attisé
par les fûts de mousquets. Loin des éloges hyperboliques de l’aspiration à l’unité, la paix était présentée par inversion et
par substitution, comme un produit dérivé de la guerre. Le commentaire s’achevait sur l’évocation tourmentée de la
démobilisation: les massacreurs, les recruteurs et le trousseau étaient à présent tout juste bons à s’enivrer avec l’argent
extorqué des contributions.[10]
La muraille dessinée à l’arrière-plan reproduisait les murs du château impérial de Nuremberg. Les fêtes baroques
organisées à Nuremberg pour la conclusion du recès de paix du 26 juin 1650, qui avaient porté l’invention pyrotechnique à
son point d’achèvement, avaient en effet été le théâtre d’une surenchère entre les festivités impériales et celles
organisées par la Suède.[11] Par peur qu’il n’inscrive à jamais dans le sol les tensions du traité de paix, le conseil de ville
de Nuremberg avait aussi renoncé à édifier un »monument pour la paix« (monumentum pacis).
6
Que célébrait-on alors? Les éloges allemands de la paix qui parurent à l’occasion du recès de Nuremberg honorèrent
l’empereur, figure d’unid’un Empire livré durant trente ans à une guerre civile de religion. Dès 1647, Johann Rist avait
rédigé un éloge de la majesté impériale, unique principe d’unité apte à apaiser une guerre provoquée par la discorde
confessionnelle interne.[12]
Dans son livret pour le feu d’artifice impérial, le poète Sigmund von Birken était plus prudent et plus abstrait. Le
baraquement principal des spectateurs était recouvert d’inscriptions écrites au passé et au conditionnel: comme jadis
Octavien à Rome, Ferdinand »le pacificateur« fermerait le temple de Janus. Mêlant la théorie politique médiévale à la
tradition horacienne du Beatus ille, il louait en l’empereur la tête du corps politique. Birken ne magnifiait pas comme Rist
une paix en général mais la paix signée à Münster et Osnabrück, et ratifiée à Nuremberg. En introduction de son livret, il
plaça un discours fictif attribué à l’homme d’État athénien Eulube. Le partisan d’un accord avec Philippe de Macédoine y
affirmait le primat de la valeur de la concorde. Mais comme une paix ne pouvait être conservée qu’aussi longtemps que
son voisin le souhaitait, Birken n’excluait pas une guerre préventive. Loin d’être séparées par une opposition catégorique,
guerre et paix s’engendraient mutuellement: il faut »considérer la paix à partir de la guerre, et la guerre à partir de la paix.
[…] La guerre est la disposition à la paix, et la paix la propension à la guerre. La guerre elle-même est toujours une paix,
si tu considères sa juste cause finale et le but qui la motive«.[13]
7
On s’accrochait d’autant plus à la figure impériale que la paix semblait devoir sombrer dans les conflits hérités. Tandis que
les traductions visuelles (les nombreux Flugblätter) des traités louaient un empereur surmonté de ses insignes de majesté,
trônant au milieu des états d’Empire (Reichsstände) qu’il unissait, certains sermons prêchés sur la paix laissèrent
transparaître la profonde défiance envers la fonction impériale, après la politique de recatholicisation drastique menée par
l’empereur Ferdinand II dans les années 1620–1630.[14]
Précisément, on chargea de signes sensibles cette paix apparemment peu pérenne, axée sur une fonction impériale en
proie à un déficit de confiance. La ritualisation de la paix fut une réponse aux incertitudes et tensions de la pacification. La
géographie des fêtes de la paix souligne l’enjeu religieux, voire confessionnel de la réception de la paix.
8
En tout 174 fêtes de la paix différentes au moins furent célébrées entre mai 1648 et décembre 1650, réparties comme
suit:
Répartition des fêtes de la paix, 1648–1650
Espace|Année 1648 1649 1650 Total
Provinces-Unies – Pays
Bas
9 0 0 9 / 5,2 %
Suède 1 1 0 2 / 1,1 %
Allemagne septentrionale 12 11 45 68 / 39,1 %
Allemagne méridionale [15] 17 30 48 95 / 54,6 %
Total 39 / 22,4 % 42 / 24,1 % 93 / 53,5 % 174 / 100 %
Plus de la moitié des fêtes de la paix furent célébrées en 1650 pour le départ des troupes occupantes, et plus de la moitié
aussi en France méridionale, en particulier en Franconie, dans le Wurtemberg et en Souabe. Le poids de l’France
méridionale se vérifiait plus encore entre 1651 et 1660. Ces années apportèrent peu de fêtes nouvelles, si ce n’est dans
les endroits tardivement libérés comme Frankenthal contrôlée par une garnison espagnole jusqu’en 1652, mais elles se
concentrèrent de préférence au Sud de l’Empire. Sur les 204 fêtes de la paix différentes attestées entre 1648 et 1660,
seules 24 se situaient en dehors de l’Empire, mais 108 dans l’France du Sud. Plus créative, l’France méridionale était
surtout plus »conservatrice«. Hormis quelques cas en Hesse, c’est essentiellement que les fêtes en l’honneur des
traités de Westphalie furent institutionnalisées, célébrées chaque année à la même date.
9
Deux régions se signalent particulièrement: la Saxe en 1650 et l’France méridionale. Après le recès de Nuremberg du 26
juin 1650, la fête se diffusa depuis la Saxe électorale.[16]
La Saxe ducale l’imita en août 1650 puis le modèle saxon fut suivi par le Wurtemberg et les villes luthériennes de
Heilbronn, Rothenburg ob der Tauber le 21 août et Ulm les 3 et 4 septembre 1650. Les deux branches du Brandebourg-
Ansbach et Brandebourg-Culmbach firent de même le 24 août et Oettingen-Oettingen les 6-7 septembre. Partout, la fête
prit la forme de jours de pénitence et de prière, puis d’action de grâce et de reconnaissance, institués dès la fin du XVIe
siècle dans l’France calviniste et adoptée peu après dans les territoires de confession luthérienne.[17] Sur une bande
transversale allant de la Saxe à la Moselle, on tira des salves, on fit défiler les enfants de blanc vêtus avec des rameaux
jusqu’à l’église emplie d’arbres de mai, on chanta le Te Deum, on distribua au corps des bourgeois du vin et l’on but à la
santé des autorités, puis le recteur de l’école et les meilleurs élèves tinrent des discours. Les traités de Westphalie
donnaient en effet satisfaction à des revendications luthériennes anciennes, l’année normale et la parité. Ils furent donc
logiquement célébrés avant tout par les luthériens. Certes, les calvinistes y obtenaient aussi une revendication essentielle,
leur admission comme confession reconnue au niveau de l’Empire. Mais partagés entre un désir d’intégration et une
volonté de démarcation vis-à-vis des luthériens, ils ne s’épanchèrent que peu sur la paix fraîchement signée. Quant aux
catholiques, plus que le ballet diplomatique, ils honorèrent dans les clauses de Münster et d’Osnabrück l’action de Marie
et des saints protecteurs, en forgeant et transmettant ainsi une mémoire spiritualisée. De fait, la mémoire de la guerre, et
avant tout la mémoire confessionnelle de la guerre joua un rôle déterminant dans la célébration de la paix.
10
Les luthériens célébraient avant tout les clauses religieuses de la paix, qui confirmaient l’édit de Passau et la paix de
religion de 1555 (élargie aux calvinistes), intégrée dans les textes d’Empire. Le ius reformandi du souverain territorial
n’était certes pas abrogé, mais on reconnaissait aux sujets le droit d’émigrer. Par l’année normale fixée à 1624 pour les
zones luthériennes et 1618 en terre calviniste, la paix fixait une garantie contre la persécution religieuse. Elle prévoyait
aussi pour quatre villes d’France méridionale (Augsbourg, Biberach, Ravensburg et Dinkelsbühl) la parides emplois
civiques.
Elle fut particulièrement célébrée dans les lieux drastiquement recatholicisés durant la guerre, comme la Bohême, la
Silésie et la Moravie. L’année normale ne jouait pas dans les pays héréditaires à l’exception de quelques principautés et
de la ville de Breslau où l’on répandit sa joie à la nouvelle de la paix. Les protestants de Basse Silésie obtinrent en outre le
droit d’édifier une église en bois à l’extérieur des murs de trois villes, Glogau, Jauer et Schweidnitz.[18]
Ces Friedenskirchen furent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle le centre de la piété luthérienne silésienne. En un sens, la
fréquence des fêtes de la paix traduisait donc simplement l’incidence des clauses religieuses sur les enjeux locaux. Dans
les zones mêlées où plusieurs cultes coexistaient, elles étaient une signature luthérienne. C’est ainsi que s’expliquait
l’intense célébration de l’France méridionale morcelée, urbaine et plurielle où l’Édit de restitution avait été sévèrement
appliqué. Pour les luthériens de Lindau comme d’Augsbourg, la paix était le miracle qui les sauvait de l’anéantissement et
de toute persécution ultérieure. Aussi tinrent-ils leur fête de la paix tous les 8 août pour célébrer, à travers la paix de
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