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Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n
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ormis quelques indications excep-
tionnelles comme le diagnostic de
myocardite à Toxoplasma gondii, l’indi-
cation essentielle des biopsies endomyo-
cardiques (BEM) après transplantation
cardiaque est le diagnostic de rejet aigu.
En ce qui concerne le rejet chronique, la
biopsie est sans intérêt.
En 2001, deux stratégies de dépistage du
rejet aigu sont possibles. La première,
classique, utilise conjointement échocar-
diographies et BEM. Les BEM sont réa-
lisées à la fois systématiquement, selon
un calendrier préétabli et avec un éche-
lonnement dans le temps, et lorsqu’un
rejet est suspecté à l’échocardiographie.
La seconde stratégie consiste à suivre les
transplantés uniquement par des méthodes
non invasives, représentées principalement
par l’échocardiographie, et à indiquer les
BEM seulement en cas de suspicion de
rejet.
H
Intérêt
des biopsies
(tardives
et précoces)
systématiques
Coordinateur : E. Morelon,
hôpital Necker, 75015 Paris.
!Importance et utilité des biopsies protocolaires
en transplantation rénale -
C. Girardin, E. Morelon, M.N. Péraldi,
L.H. Noël, H. Kreis
!La ponction-biopsie hépatique systématique a-t-elle un intérêt
pour le suivi à long terme des tranplantés hépatiques ? - Y. Calmus
!Intérêt des biopsies pulmonaires transbronchiques
systématiques après transplantation pulmonaire
ou cardiopulmonaire - A. Haloun
"Biopsie endomyocardique et transplantation cardiaque -
P. Chevalier
La biopsie endomyocardique reste la méthode de référence
pour le diagnostic de rejet aigu, et de nombreuses équipes
prônent toujours sa réalisation systématique au sein de pro-
tocoles qui ont donné d’excellents résultats.
Cependant, un grand nombre de méthodes non invasives offrent actuellement une réelle
alternative diagnostique. Parmi celles-ci, l’imagerie cardiaque par échocardiographie avec
effet doppler et doppler tissulaire tient une place prépondérante. Ces méthodes non inva-
sives deviennent de plus en plus performantes et pourraient permettre, dans l’avenir, de
réduire les indications des biopsies aux seuls patients suspects de rejet.
Mots-clés :
Rejet aigu - Biopsie endomyocardique - Échocardiographie - Imagerie par
résonance magnétique - Troponine T cardiaque.
su
su
* Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital
européen Georges-Pompidou, 75015 Paris.
Biopsie endomyocardique
et transplantation cardiaque
!
P. Chevalier*
QUELS SONT LES AVANTAGES
DE LA BIOPSIE ENDOMYOCARDIQUE ?
La BEM reste la méthode de référence
pour le diagnostic de rejet aigu. C’est le
seul examen qui affirme un rejet aigu de
façon certaine lorsque des anomalies his-
tologiques existent sur les échantillons
prélevés. Plus encore, la biopsie permet
de juger de la sévérité du rejet en cours.
Il existe, en effet, une classification des
rejets cardiaques grâce aux travaux du Dr
Margaret Billingham (1). Cette classifi-
cation est devenue internationale et
consensuelle sous l’égide de l’Interna-
tional Society for Heart and Lung Trans-
plantation (2). Les rejets sont subdivisés
en divers grades de sévérité croissante (de
0 à 4) selon les critères anatomopatholo-
giques parfaitement individualisés et
codifiés. Depuis, en dehors de quelques
modifications (3), les équipes de trans-
plantation du monde entier utilisent cette
classification.
Cette classification est intéressante à plu-
sieurs titres :
#elle permet de comparer l’incidence de
survenue et la gravité des rejets en fonc-
tion des protocoles d’immunosuppres-
sion ;
#elle guide et évalue les stratégies
immunosuppressives curatives et pré-
ventives pour un rejet de grade déter-
miné ;
#pour un même patient, elle étudie
objectivement l’évolution d’un rejet par
les changements de grade du rejet initial.
Les résultats de la BEM ne dépendent pas
de l’examinateur : les lames peuvent être
relues à tout moment et par plusieurs spé-
cialistes.
L’analyse des fragments myocardiques
d’un patient en rejet est source de proto-
coles de recherche dans de nombreux
domaines : physiopathologie du rejet,
étude des médiateurs et des récepteurs
cellulaires, mécanisme d’action des
immunosuppresseurs… Elle ouvre ainsi
la voie à de nouveaux concepts théra-
peutiques.
Enfin, l’analyse semi-quantitative des
lésions de rejet au sein des échantillons
pourrait être un facteur pronostique (4).
QUELS SONT LES INCONVÉNIENTS
DES BIOPSIES ENDOMYOCARDIQUES ?
Même si le prélèvement myocardique est
indolore en raison de la dénervation du
cœur, les BEM sont subies comme une
contrainte par la plupart des transplantés.
La morbi-mortalité, quoique faible, n’est
pas nulle.
En dehors d’épanchements péricardiques
exceptionnels, les principales complica-
tions sont locales (hématomes, douleurs
au point de ponction) ou respiratoires
(pneumothorax).
L’utilisation actuelle de matériel à usage
unique élimine tout risque de contami-
nation virale, dont malheureusement
quelques cas ont été décrits.
Une BEM peut être négative si le rejet est
focal et si les prélèvements passent à dis-
tance des lésions, d’où la nécessité d’ob-
tenir quatre à six fragments. Rappelons
que c’est davantage le volume total de
l’échantillon qui est corrélé à la sensibi-
lité de la méthode. La fibrose endomyo-
cardique qui survient dans le temps après
la répétition des biopsies peut gêner la
qualité des résultats.
La biopsie a, enfin, un coût : celui du
matériel, du personnel nécessaire à sa réa-
lisation, à la préparation et à la lecture
des lames.
QUELLES SONT LES ALTERNATIVES
À LA BIOPSIE ENDOMYOCARDIQUE ?
Les signes d’insuffisance cardiaque ou
les modifications électrocardiogra-
phiques classiques (microvoltage des
QRS, changement d’axe, troubles de
conduction) témoignent d’un rejet sévère
trop tardivement diagnostiqué.
Aucun examen biologique ne peut porter
à lui seul le diagnostic de rejet avec cer-
titude. Faisabilité, nécessité d’une sensi-
bilité et d’une spécificité significatives,
obtention rapide des résultats, faible coût
sont autant d’écueils pour isoler un mar-
queur biologique.
Citons entre autres :
#Le monitoring des sous-populations
lymphocytaires circulant.
#L’expression du récepteur membra-
naire CD69, surtout sur les cellules CD8+
périphériques. Cette expression est aug-
mentée en cas de rejet, et le nombre de
lymphocytes T CD69+ serait corrélé à la
gravité du rejet (5).
#Le dosage de TNF-alpha, dont les
variations dépendent aussi de beaucoup
d’autres facteurs indépendants d’un rejet
(6).
#Le dosage de diverses cytokines péri-
phériques, dont l’IL-2, des récepteurs
solubles de l’IL-2.
#Le dosage des troponines I et T, dont
les résultats sont divergents dans la litté-
rature. Pour Dengler et al. (7), l’aug-
mentation de la concentration des tropo-
nines T permettrait de diagnostiquer des
rejets de grades 3 et 4 avec une sensibi-
lité de 80,4 % et une spécificité de
61,8 %. Un taux normal aurait une valeur
prédictive de 92 %. Pour d’autres auteurs,
ces marqueurs n’auraient pas le même
intérêt (8). Un taux normal n’éliminerait
pas un rejet, et des sujets normaux pour-
raient avoir des concentrations dépassant
les seuils de significativité.
#La recherche d’anticorps antimyosine.
La présence d’IgM antimyosine aurait
l’intérêt de sélectionner une population
de patients susceptibles d’avoir un grand
nombre de rejets caractérisés par leur pré-
cocité et leur sévérité (9).
L’échocardiographie est de loin l’examen
le plus concurrentiel de la BEM. Non
invasive, elle a l’avantage de pouvoir être
répétée aussi souvent que nécessaire.
L’écho-doppler cardiaque classique est
utilisée depuis des années. Sont étudiées
les anomalies de la fonction systolique
ventriculaire gauche (témoins déjà d’un
rejet sévère), la surbrillance myocardique
(d’interprétation difficile) et la fonction
diastolique ventriculaire gauche : onde E,
temps de relaxation isovolumétrique,
temps de demi-décroissance mitrale, dont
une diminution de 20 % serait significa-
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tive du rejet. La sensibilité et la spécifi-
cité de cette échographie classique,
variables selon les équipes, sont d’envi-
ron 70 %.
Cependant, l’échocardiographie perd de
sa sensibilité pour le diagnostic de grade Ib,
et les troubles de la relaxation dépendent,
certes, de l’œdème pariétal et de l’infil-
trat inflammatoire témoins du rejet, mais
aussi des conditions de précharge.
De nombreux progrès ont été réalisés
pour sensibiliser cette méthode diagnos-
tique :
#étude de la relaxation au niveau de l’an-
neau mitral, dont les variations dépendent
moins des conditions de précharge ;
#surtout, développement de l’imagerie
par doppler tissulaire, avec doppler pulsé
et effet couleur. Les résultats de cet exa-
men sont très encourageants.
Déjà, en 1998, Puelo et Derumeaux (10,
11) avaient rapporté d’excellents résul-
tats. Pour Puelo, la valeur prédictive
négative était de 92 %, la sensibilité de
76 % et la spécificité de 88 % pour le dia-
gnostic de rejets de grade supérieur à Ib
selon les paramètres étudiés. Pour Deru-
meaux, la sensibilité était de 92 %, et
l’auteur signalait le dépistage possible de
rejets de faible grade avec cette nouvelle
méthode échographique. Récemment, à
Vancouver, Dandel et al. (12) ont montré
que les rejets entraînaient une modifica-
tion de diverses valeurs, dont les pics de
vélocité diastolique et systolique, le
temps protodiastolique… Une diminu-
tion de 5 % du pic de vélocité systolique
aurait une sensibilité de 91 % et une spé-
cificité de 96,5 % (rejet de grade 2).
Les rejets de grade Ia et Ib asymptoma-
tiques ne pourraient être dépistés signifi-
cativement. La survenue d’un rejet
chronique, avec les modifications écho-
cardiographiques qui lui sont propres,
peut modifier la sensibilité et la spécifi-
cité des examens échocardiographiques
pour le diagnostic de rejet aigu.
D’autres explorations sont possibles :
#l’imagerie par résonance magnétique,
qui, pour Marie et al. (13), permet le
dépistage des rejets de grade 2 lorsque
T2 est > 56 ms avec une sensibilité de
89 % et une spécificité de 70 % ;
#scintigraphies diverses ;
#monitoring des modifications électro-
cardiographiques intramyocardiques ;
#mesure de l’impédance intramyocar-
dique ;
#analyse linéaire et non linéaire de la
variabilité du rythme cardiaque.
Des alternatives à la BEM sont ainsi
actuellement possibles, et il est probable
que, dans le futur, les BEM prescrites sys-
tématiquement seront de moins en moins
fréquentes. Cependant, pour que cette
attitude se généralise et soit acceptée sans
controverse, il faut :
#que les nouvelles stratégies diagnos-
tiques non invasives concernent un plus
grand nombre de patients, et qu’elles
donnent surtout, à long terme, d’aussi
bons résultats que ceux obtenus actuelle-
ment ;
#que les équipes de transplantation dis-
posent de matériel, mais surtout de per-
sonnel très spécialisé formé à ces nou-
velles imageries, dont les résultats
dépendent en grande partie de l’expé-
rience de l’examinateur ;
#qu’aux deux questions suivantes, une
réponse soit donnée : faut-il traiter les
rejets de grade Ib, et les rejets de bas
grade non traités et persistants augmen-
tent-ils le risque de survenue du rejet
chronique ? Aucune étude randomisée ne
peut actuellement répondre de façon for-
melle. Or, BEM exceptées, ce sont les
rejets Ib qui sont les plus difficiles à
dépister, et il ne faut pas oublier qu’un
nombre non négligeable de ces rejets vont
évoluer vers un grade supérieur (environ
30 % selon certaines publications)… $
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