a loi est un texte de
compromis : ce n’est pas une loi
anti-religieuse comme l’auraient
souhaité les anticléricaux les
plus ardents ; l’article 4, en par-
ticulier, maintient le principe de
hiérarchie des églises.
Les réactions
Les protestants et les juifs, qui avaient obtenu des ar-
ticles organiques du concordat une reconnaissance pré-
cieuse, acceptent loyalement la séparation en espérant
que les fidèles prendront en charge avec responsabilité la
vie de leur communauté.
Ce sont bien sûr les catholiques qui dénoncent la rup-
ture unilatérale du concordat, invoquent la violation de
l’engagement historique de compensation par l’État de
la perte des biens « spoliés » lors de la Révolution et ne
font aucune confiance au gouvernement quant à l’appli-
cation de la loi. Mais les catholiques ne sont pas unani-
mes : certains, héritiers du gallicanisme, redoutent que
la séparation livre le clergé à la toute puissance du Vati-
can, pendant que l’Action française et les anti-dreyfu-
sards les plus extrémistes prônent la politique du pire.
Les évêques sont divisés : la majorité reste attentiste et est
surtout préoccupée de la gestion matérielle de leur dio-
cèse (comme Mgr Germain, archevêque de Toulouse) ;
certains (c’est le cas de Mgr Mignot, archevêque d’Albi)
considèrent que les associations cultuelles sont compa-
tibles avec l’organisation de l’Église et n’ont pas peur
d’une application loyale de la séparation. Tout le monde
attend la position du Vatican.
Mais la mise en œuvre de la loi va se heurter à la mala-
dresse et à la raideur de ses textes d’application et à l’in-
transigeance du pape Pie X.
Les inventaires
L’inventaire naurait être qu’un état des lieux avant la
mise en place de la nouvelle organisation. Pour les cultes
protestants et isrlite, il en fut ainsi. En ce qui concerne
l’Église catholique, il en fut tout autrement : il est pris
pour la profanation d’un espace sacré et la préparation
non pas d’une simple transmission des biens des fabri-
ques aux associations cultuelles, mais d’une spoliation.
À Paris, dès le 1er et le 2 février, l’Action française pro-
fite des inventaires des églises Ste Clotilde et St Pierre
du Gros Caillou pour provoquer des affrontements, très
médiatisés, avec les forces de l’ordre. C’est alors que le
pape fait enfin connaître sa totale opposition à la sépara-
tion, « négation très claire de l’ordre surnaturel » :
c’est l’encyclique Vehementer nos du 11 février 1906.
La résistance aux inventaires est soit passive (lecture
d’une protestation par le curé, refus de collaborer et
fermeture de l’église), soit violente. Les incidents graves
ont lieu en pays de forte catholicité : Bretagne, Sud-Est
du Massif Central et Nord. On doit déplorer un mort
à Boeschèpe (Nord) le 6 mars et une autre victime en
Haute-Loire à la fin du mois. Les élections législatives de
mai 1906 se déroulent dans cette atmosphère troublée :
elles se traduisent par une victoire nette du Bloc républi-
cain. Georges Clémenceau, devenu ministre de l’Inté-
rieur, donne des ordres de modération.
En Haute-Garonne, les fidèles déplorent l’absence de
leur archevêque, Mgr Germain, parti malencontreuse-
ment à Rome en ces jours difficiles pour assister au sacre
des premiers évêques nommés par le pape. Les incidents,
finalement très peu nombreux, n’ont lieu qu’à Toulou-
se : le 12 février à Saint-Étienne et à la Daurade, surtout
les 20-21 février à St Sernin.
La question des cultuelles
L’encyclique Gravissimo loco du 10 août 1906 vient rui-
ner l’espoir de la majorité des évêques et des catholiques
réalistes : le pape refuse que soient constituées des as-
sociations cultuelles. Or la loi donnait un an pour ce
faire : passé le délai du 11 décembre 1906, les immeubles
propriété de l’État, des départements et des communes
(évêchés, grands séminaires, presbytères…) reviennent à
leur propriétaire.
Le grand séminaire de Toulouse (rue du Taur), les petits
séminaires de l’Esquille et de Polignan sont donc éva-
cués. L’archevêché (devenu aujourd’hui la chambre de
commerce et d’industrie, rue d’Alsace) l’est le 21 décem-
bre 1906 : l’on se bat place Saint-Étienne et 30 arresta-
tions, dont celles de deux prêtres, s’ensuivent.
Il ne faut pas moins de trois lois (2 janvier, 28 mars
1907, 13 avril 1908) pour réorganiser le dispositif initial
de la loi de 1905 afin de faire face à l’intransigeance du
Vatican et forcer l’église catholique à entrer « dans la lé-
galité malgré elle » :
les évêchés, séminaires et presbytères reviennent défi-
nitivement à l’État, aux départements et aux commu-
nes : les communes pourront laisser les curés occuper
les presbytères, mais moyennant une location ;
les biens des anciens établissements publics du culte
(les immeubles et revenus divers des fabriques) seront
attribués aux établissements communaux d’assistance
ou de bienfaisance ;
les églises et cathédrales restent affectées au culte, gra-
tuitement et sans limitation de durée, sans qu’il soit
cessaire d’autoriser les cérémonies qui s’y déroulent.
L’État et les communes sont donc aujourd’hui proprié-
taires des édifices catholiques construits avant 1905, qui
sont la grande majorité. Ils peuvent également engager
les dépenses nécessaires pour leur entretien. En revan-
che, la loi interdit depuis 1905 que les pouvoirs publics
participent à la construction d’édifices nouveaux. Le
clergé catholique, désormais privé des subsides publics,
doit mettre en place un système de contribution volon-
taire des fidèles, le denier du culte.
De la crise des inventaires
à l’apaisement
« La question de savoir si lon comptera ou ne comptera pas des chandeliers
dans une église ne vaut pas une vie humaine » Georges Clémenceau
1906-1908
La résistance aux inventaires à Cominac (Ariège)
Les inventaires dans les églises
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Laïcité et République : un parcours historique
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