ACTUALITÉ Dr Habib Ghedira *, à Santé Mag, Un asthme mal contrôlé peut aboutir à des complications sévères Les changements climatiques et la détérioration de l’environnement ont engendré une prévalence, croissante, de l’asthme; notamment, au Moyen Orient et en Afrique du Nord, comme l’attestent les chiffres y afférents suivants, donnés lors du quatrième forum régional, tenu à Istanbul (Turquie), les 8 et 9 avril 2015, sur les maladies respiratoires. En Arabie Saoudite, 24% de la population est atteinte; aux Emirats arabes unis, 12%; en Egypte, 8%; en Algérie, 3,45%. Au Liban, 21% des patients asthmatiques ont été admis aux urgences, en un an. En outre, 73% des asthmatiques nord africains en souffrent, sévèrement, par manque de suivi de leur pathologie. Le Dr Habib Ghedira, chef de service de pneumologie, à l’hôpital Abderrahmane Mamid’Ariana, Tunisie, que nous avons rencontré et interviewé, lors de ce forum, qui a vu la participation d’experts algériens et internationaux, nous en dit plus; en l’occurrence. Propos recueillis par Tanina Ait Santé Mag: Quels sont les chiffres que vous détenez, concernant l’asthme, en particulier, comme maladie respiratoire, dans la région MENA ? Dr Habib Ghedira: Le contrôle symptomatique de l’asthme est loin d’être optimal, dans la région du Golfe et du Proche-Orient, plus précisément, eu 4 Santé-MAG N°40 - Mai 2015 égard à la fréquence élevée des consultations aux urgences des patients, de l’ordre de 28% aux Emirats Arabes Unis, 58% au Sultanat d’Oman, 21% au Liban, 89% au Koweït et 63% en Jordanie. Cette situation s’explique par le mauvais contrôle de cette pathologie, en raison des erreurs de diagnostic, des mauvais traitements prescrits, du taba- gisme, d’une rhinite concomitante et enfin, à une non-prise, involontaire ou intentionnelle, des médicaments. Quels sont les facteurs de risques des maladies respiratoires ? Les facteurs-clés de risques de l’asthme, de la pneumopathie chronique obstructive et de la fibrose ACTUALITÉ pulmonaire idiopathique sont les polluants atmosphériques, les gaz toxiques, les produits chimiques, le tabagisme passif et actif, le narguilé, les poussières de maison et les tempêtes de sable. Comment se manifeste l’asthme ? L’asthme est une inflammation des bronches persistante, qui se manifeste par des symptômes, comme la toux et une difficulté respiratoire. Mal pris en charge, l’asthme peut aboutir, avec le temps, à une occlusion des bronches. Cette pathologie devient de plus en plus fréquente, parce que les bronches sont de plus en plus agressées, par la pollution de l’environnement. Cette maladie peut-être contrôlée par des traitements d’inhalation; mais, si on ne la traite pas, elle peut provoquer des conséquences graves. Quelles sont les causes d’un asthme ? Les causes de l’asthme sont, principalement, dues à la pollution de l’environnement. Par ailleurs, la maladie peut être engendrée par des facteurs allergiques, ou non allergiques, appelés, également, facteurs non spécifiques. Cela touche aussi bien les hommes que les femmes adultes et les enfants. Donc, toute la population est susceptible de faire un asthme, dans les conditions que nous avons décrites plus haut. Lors de votre intervention, vous avez fait remarquer que les allergies favorisent la survenue de l’asthme. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une allergie ? L’asthme, au fond, est une bronche qui a souffert; alors, elle devient hyperréactive. Ainsi, parmi les facteurs, qui agressent les bronches, on retrouve l’allergie, alors qu’en principe l’organisme tolère les choses qui ne lui sont pas dangereuses. Par contre, face à une bactérie, qui risque d’entraîner une infection, le corps réagit automatiquement. En revanche et j’insiste, il ne réagit pas face à des éléments que nous inhalons et qui ne représentent pas, forcément, de danger. A contrario, la personne allergique réagit à des facteurs nullement dangereux; ce qui provoque, chez elle, des inflammations. L’allergie est, donc, une déviation du fonctionnement de l’organisme. L’inflammation de la bronche entraîne son obstruction, avec des difficultés à respirer normalement; ce qui génère, par conséquent, la crise d’asthme. En plus des causes liées à la pollution, y a-t-il un terrain génétique, dans la pathologie de l’asthme ? Il faut dire que l’asthme est une maladie multifactorielle et chez certains asthmatiques, un gène responsable de cette pathologie existe, en effet. Des études ont démontré, d’ailleurs, que des endroits précis du gène (épitope), associés à l’hyperréactivité de la bronche, entraînent l’asthme. Tout comme, au demeurant, il a été découvert que d’autres facteurs sont responsables de l’allergie; bien entendu, chez certains malades et pas tous. En tout état de cause, le problème des gènes responsables de ces maladies sont proches les uns des autres; donc, sur le même terrain. Comment établir un diagnostic de l’asthme ? Est-ce dès la première crise ? C’est difficile de se prononcer, en effet, dès la première crise, parce que d’autres maladies respiratoires ont des symptômes similaires et on peut faire une crise qui ressemble à une crise d’asthme; par exemple, au cours d’une virose, ou bronchite virale. Aussi, pour établir un diagnostic de l’asthme, il faut écouter, d’abord, lors de l’interrogatoire, l’histoire du patient. Ainsi, à l’anamnèse on retrouve cette notion de récidive des crises. En plus il y a une unicité de temps; c'est-à-dire, à un moment précis de la journée et toujours le même, ce type de crise survient. Ainsi, pour les femmes, par exemple, c’est au moment de la pré-menstruation. Aussi, il est constaté, toujours, des indices qui se répètent au même moment, ou à la même saison, ou au même endroit (unicité de lieu). D’autres personnes, qui souffrent d’un asthme, lié à la profession qu’elles exercent, disent ressentir ces crises lorsqu’elles sont au travail. Par conséquent, il est clair que cette unicité de lieu et de temps s’impose. Ceci étant, par delà le facteur génétique, dont nous en avons parlé tantôt, l’asthme a, donc, pour origine, également, un facteur favorisant, comme le tabagisme chez le jeune, par exemple et le facteur déclenchant en serait aussi bien la poussière, les produits caustiques… Quels sont les traitements de l’asthme ? Ce qui est prouvé, maintenant, est que le traitement de l’asthme repose sur un traitement de corticoïdes inhalés; car, ce traitement est local et ne passe pas dans le sang. Il est, en outre, sans effets secondaires. Ces médicaments réduisent l’inflammation des bronches contribuant, ainsi, à améliorer le passage de l’air dans les poumons. C’est, donc, un traitement de base, auquel on ajoute des bêta 2 mimétiques d’action de longue durée et ce traitement associé, alors, aura un effet synergique, contre la maladie. Nous noterons, également, que lorsque les crises d’asthme sont espacées, il n'y a pas lieu de traiter. Qu’appelle-t-on, au juste, alors, la notion de contrôle de l’asthme ? On dit que l’asthme est sous contrôle, lorsque cette pathologie ne nécessite pas de traitement de base; mais, seule sa crise est traitée. Cette notion, donc, de contrôle de l’asthme est importante. Comment savoir, alors, si un asthme est bien contrôlé ? L’asthme est bien contrôlé, si le sujet ne se réveille pas la nuit et fait moins de deux petites crises, par semaine. Ainsi, il n’est pas gêné dans ses activités quotidiennes. Ce patient ne nécessite pas, donc, de traitement de fond; il lui est prescrit, seulement, de la ventoline, en cas de crise. Par contre, si cet asthme n’est pas contrôlé, on introduit le traitement de base, par paliers. Quel est la place du médecin généraliste, dans la prise en charge du patient, dans votre pays, qui est la Tunisie ? Le médecin généraliste, en Tunisie, occupe une place importante, dans la prise en charge du patient. En effet, le médecin généraliste est plus proche du malade. Théoriquement, c’est lui qui va détecter une pathologie, chez son patient. Généralement, s’il s’agit d’un asthme, il oriente la personne chez un pneumologue, lequel confirmera l’asthme, après des examens plus approfondis et prescrira un traitement adéquat. Enfin, le médecin généraliste suivra le malade * Docteur Habib Ghedira, chef de service de pneumologie, à l’hôpital Abderrahmane Mamid’Ariana, Tunisie - Professeur à l’Université de médecine. N°40 - Mai 2015 Santé-MAG 5