Prise en charge des patients atteints du syndrome MNGIE Anne Lombès Unité Inserm 1016, Institut Cochin SFEIM, Grenoble 17 juin 2016 Descriptions initiales - 1983: OGIMD (OculoGastroIntestinal Muscular Dystrophy) (Ionasescu et al. J Med Genet) (1 frère et 3 soeurs) - 1987: MNGIE (MyoNeuroGastroIntestinal Encephalopathy) (Bardosi et al Acta Neuropathol) (une patiente: lactate élevé et déficit partiel en COX) - 1988: CIPO (Chronic Intestinal Pseudo-Obstruction) and Ophthalmoplegia) (Cervera al. Gut) (une patiente: RRF) - 1990: POLIP (Polyneuropathy, Ophthalmoplegia, Leukoencephalopathy, Intestinal Pseudo-obstruction) (Simon et al. Ann Neurol) (trois familles) (Oztaz et al J Gastrol Int Dis 2011, Filosto JIMD 2011) MNGIE = maladie mitochondriale Clinique (8 patients + 21 de la littérature) - Troubles de la motilité gastrointestinale 100% • à début précoce 70%<20 ans • avec retentissement poids 100%, taille 71% - Neuropathie sensitivo-motrice démyélinisante 100% - Faiblesse musculaire 95% - Leucodystrophie 89%, sans traduction clinique 80% - Myopathie oculaire 85% - Surdité 61%, Rétinite pigmentaire 24% Origine mitochondriale - Altérations histologiques mitochondriales 80% - Déficit des activités (±I ±IV) 77% - Délétions multiples 50% (Southern blot) (Hirano et al Neurology 1994) Déficit complet en thymidine phosphorylase Mutations causales dans TYMP - Clonage positionnel: chromosome 22q13.32-qter Mutations bialléliques constantes, ségrégeant avec la maladie Mutations tronquantes ou faux-sens d’acides aminés conservés Activité thymidine phosphorylase nulle dans les leucocytes Rôle de TYMP dans la maladie ? - Métabolisme de la thymidine - Angiogenèse - Facteur de croissance et - Enzyme cytosolique - Non exprimée dans le muscle - Présente chez les procaryotes (Nishino et al Science 1999) Accumulation ++ de thymidine et de désoxyuridine en absence de TYMP 27 patients MNGIE - Thymidine plasmatique 8,7±5,2 µM (<0,05 chez contrôles/hétérozygotes) - Désoxyuridine plasmatique 14,2±4,4 µM (<0,05 chez contrôles/hétérozygotes) (Spinazzola et al JBC 2002; Marti et al BBRC 2002 et 2003) désoxyribose-1-P thymine uracile Pi thymidine TYMP désoxyuridine Accumulation de thymidine et désoxyuridine instabilité de l’ADN mitochondrial Altérations de l’ADN mitochondrial des patients, intoxication de cellules en culture, souris invalidées pour TYMP et UPP MW C P P P - Délétions multiples - Déplétion C P P P P C P C - Mutations ponctuelles (Hirano et al Neurology 1997;Papadimitriou et al Neurology 1998; Nishigaki et al JCI 2003; Song et al J Biol Chem 2003; Gonzales-Vioque et al Plos Genet 2011…) Le déficit secondaire de dCTP est plus important que l’excès de TTP ADP+Pi ATP TMP thymidine CDA TK2 dCMP désoxycytidine désoxyuridine Possibilités thérapeutiques 1. Prise en charge symptomatique (++ gastrointestinale) 2. Rééquilibration des pools de nucléosides 3. Épuration des nucléosides accumulés - Hémodialyse trop transitoire (Spinazzola J Biol Chem 2002) - Apport d’enzyme exogène Perfusion de plaquettes Greffe de cellules hématopoïétiques Perfusion de GR modifiés Thérapie génique par transduction virale Perfusion de plaquettes de donneurs - 2 patients (Lara et al Neurology 2006) - Perfusion entre 5 et 5,7 1011 plaquettes Valeurs Ctrl 634±217 Patient Patient + 10000 plaq/µL Patient + 40000 plaq/µL Patient + 100000 plaq/µL Control perfusé avec dThd Plasma Patient 1 Urines Patient 1 Greffe de cellules hématopoïétiques Premier rapport (Hirano et al Neurology 2006) - Patient 1: homme, 21 ans, diagnostic à 20 ans - 41 kg pour 168 cm, parentérale instaurée - Greffe avec sang de cordon après préparation « risk-adapted » - Non-prise de la greffe et décès en 3 mois: sepsis - Patient 2 : femme, 30 ans, diagnostic à 24 ans - 25 kg pour 158 cm - Greffe avec cellules souches circulantes de son frère - Préparation moindre/Patient 1 - Prise de greffe, amélioration clinique partielle après 6 mois (tact périphérique et digestion) Greffe de cellules hématopoïétiques Etude rétrospective publiée en 2015 (Halter et al Brain) 26 patients inclus Valeurs médianes - âge 25 ans - IMC 13,5 - Thymidine 9,6 µM 11 décès lié à la greffe médiane 105 jours (18-453) 2 : avant toute greffe 7/24 : première prise de greffe 2/3 : deuxième prise de greffe 6 décès dus au MNGIE médiane 198 jours (84-1196) 1 : en cours de deuxième greffe 5 : malgré greffe OK 9 patients vivants médiane 1430 jours (832-3084) Greffe stable Facteurs de survie à la greffe 1- Compatibilité de la greffe (préconditionnement allégé à cause de faible tolérance aux drogues et risque majeur d’infection) 2- Sévérité du MNGIE (décès liés à la maladie elle-même et impact sur la tolérance de la greffe) (Halter et al Brain 2015) Bénéfices cliniques de la greffe 1- Arrêt de l’aggravation (100%) 2- Neuropathie sensitivo-motrice (amélioration clinique et EMNG) 3- Etat nutritionnel (confort, BMI±) 4- Survie globale (?) (aucun patient >30 ans ou <HLA identité) (âge médian de décès sans traitement ~ 37 ans) (Halter et al Brain 2015) Survie des patients MNGIE sans traitement (Garone et al Brain 2011) Conclusions sur la greffe 1- Efficace 2- Risque très élevé de la greffe en elle-même Incidence élevée des infections et réaction greffon/hôte Fragilité des patients Préconditionnement a minima 3- Lésions irréversibles du MNGIE Neuromyopathie digestive Altérations de l’ADN mitochondrial Indications limitées - Âge - État clinique - Donneur compatible Perfusion de globules rouges modifiés - Un seul patient : homme, 26 ans - neuropathie prédominante - atteinte intestinale minime - Protocole: injection ~ mensuelle d’érythrocytes ayant encapsulé de la TYMP d’E coli (17 UI/kg jusqu’à 46 UI/kg) - Suivi durant 27 mois - Résultats 1. Diminution de 60% de thymidine et désoxyuridine 2. Pas d’anticorps anti-TYMP 3. Amélioration clinique (effort, équilibre, poids de 57 à 61 kg) 4. ENMG non modifié (Bax et al Neurology 2013) Traitement actuellement non disponible Thérapie génique dCTP (foie) désoxyuridine (cerveau) Étude préclinique sur le modèle murin invalidé TYMP/UPP1 - Injection IV unique d’AAV2/8 contenant TYMP humaine sous le contrôle du promoteur T4 binding globulin - Résultats Groupes selon quantité de virus injectée (Torres et al Mol Therap 2014) Conclusion 1- Le MNGIE est une maladie sévère 2- Lésions rapidement irréversibles Neuromyopathie digestive Altérations de l’ADN mitochondrial 3- Potentiellement traitable par enzyme exogène Greffe de cellules hématopoïétiques : seul traitement disponible mais risque ++ 1- Faire le diagnostic avant que les patients ne puissent plus être traités par greffe 2- Développer les traitements substitutifs alternatifs Merci pour votre attention!