149Paediatr Child Health Vol 18 No 3 March 2013
Le patient d’âge pédiatrique qui subit une transplantation
d’organe risque de contracter diverses maladies infectieuses
provenant de trois sources possibles : la réactivation endogène de
pathogènes latents (p. ex., virus d’herpès), la transmission par
l’organe ou le tissu du donneur ou la transmission provenant de la
collectivité ou du milieu de soins. Les cliniciens qui exercent en
milieu communautaire soignent souvent ces patients vulnérables
avant ou après la transplantation. Des lignes directrices sur la
prévention et le traitement de ces infections ont récemment été
publiées(1) et ont fait l’objet d’analyses.(2) Le présent point de
pratique résume les aspects essentiels de la prise en charge de ces
patients et s’attarde sur les problèmes susceptibles de se produire en
milieu communautaire.
LA PRÉPARATION DU PATIENT
Il faut tirer profit de la période précédant la transplantation pour
améliorer le plus possible l’état de santé général et le bien-être du
patient, notamment pour optimiser son statut vaccinal (tableau 1).
La possibilité d’une réponse immunitaire convenable s’améliore
lorsque les vaccins sont administrés avant le début de
l’immunosuppression. Règle générale, l’intervalle entre
l’administration d’un vaccin inactivé et la transplantation doit
dépasser deux semaines afin d’assurer une réponse immunitaire suf-
fisante.(3-4) Il faut prévoir au moins quatre semaines entre la der-
nière dose d’un vaccin « vivant » et le début de l’immunosuppression.
(3-4) Les vaccins vivants (p. ex., vaccin contre la rougeole) sont
relativement contre-indiqués après une transplantation. De plus,
les contacts de la maisonnée du patient doivent avoir reçu tous les
vaccins contre la rougeole, la rubéole, les oreillons, la varicelle, la
coqueluche, l’Haemophilus influenzae de type b, le méningocoque,
le pneumocoque, le rotavirus et l’influenza saisonnière qui sont
recommandés pour leur âge. Pendant la période précédant la trans-
plantation, il faut également déterminer les infections aiguës,
chroniques ou latentes dont souffre le candidat à la transplantation
de même que les donneurs vivants prospectifs. Le présent point de
pratique traite surtout du candidat à la transplantation ou du rece-
veur d’organe, mais les cliniciens devront également travailler en
étroite collaboration avec leur centre de transplantation et con-
naître les protocoles de dépistage des donneurs vivants. Des
maladies particulières peuvent être décelées grâce aux antécédents
du patient (y compris les risques associés à l’exposition à la tuber-
culose, aux voyages, aux séjours à l’étranger, aux animaux domes-
tiques, au mode de vie et à l’emploi), à l’examen physique ou aux
tests de dépistage (tableau 2). Des infections préexistantes peuvent
rendre la transplantation contre-indiquée ou la retarder. Il est
essentiel de posséder de l’information détaillée sur le patient pour
évaluer le risque d’infection et orienter la prophylaxie après la
transplantation (tableau 3). Il faut fournir des conseils, à la fois au
Réduire les risques d’infection au minimum
après une transplantation d’organe en
pédiatrie : des conseils aux praticiens
Upton D Allen; Société canadienne de pédiatrie, comité des maladies infectieuses
et d’immunisation
Point de Pratique
English on page 143
Résumé en page 143
Correspondance : Société canadienne de pédiatrie, 2305, boulevard St Laurent, Ottawa (Ontario) K1G 4J8, courriel : [email protected], site Web : www.cps.ca
©2013 Société canadienne de pédiatrie. Tous droits réservés
TABLEAU 1
Vaccins recommandés et contre-indiqués chez les
receveurs d’une transplantation
Vaccin
Inactivé (I) ou
vivant atténué
(VA)
Recommandé
avant la
transplantation
Recommandé
après la
transplantation
Systématique pour tous les receveurs d’une transplantation
Diphtérie I Oui Oui
Coqueluche I Oui Oui
Tétanos I Oui Oui
Polio I Oui Oui
Haemophilus influenzae
de type b (quel que
soit l’âge)
I Oui Oui
Streptococcus
pneumoniae (VCP à
polysaccharide
13/23-valent*)
I Oui Oui
Neisseria meningitidis
(conjugué de
sérogroupe C et
conjugué
quadrivalent)
I Oui Oui
Influenza I Oui Oui
VA NonNon
Hépatite B I Oui Oui
Hépatite A I Oui Oui
Rougeole§VA Oui Non
Rubéole§VA Oui Non
Oreillons§VA Oui Non
Varicelle§VA Oui Non
Rotavirus (selon l’âge) VA Oui Non
Virus du papillome
humain I Oui Oui
Situations particulières
BCG VA Oui Non
Rage I Oui Oui
Adapté de la référence 2. *Toutes les doses exigées du vaccin conjugué doivent
être administrées avant le vaccin polysaccharidique. Les enfants de moins de
24 mois sont peu susceptibles de répondre au vaccin à polysaccharidique. Le
vaccin conjugué quadrivalent n’est pas homologué pour les enfants de moins
de 24 mois. Le vaccin atténué vivant est approuvé pour les patients en santé.
Il peut être administré aux patients en santé avant la transplantation, mais doit
alors l’être au moins dans les deux semaines précédentes. §D’ordinaire, ces
vaccins sont administrés à 12 mois, mais le sont parfois dès six mois chez les
nourrissons en attente d’une transplantation. Ces vaccins doivent être adminis-
trés au moins quatre semaines avant la transplantation. BCG Bacille de
Calmette-Guérin; VCP Vaccin conjugué contre le pneumocoque
150
Point de pratique de la SCP
Paediatr Child Health Vol 18 No 3 March 2013
receveur et au donneur, sur les moyens d’éviter des expositions à
haut risque pendant la période précédant immédiatement la trans-
plantation (p. ex., au sujet du mode de vie, des voyages, des ali-
ments et des sources d’eau).
LES INFECTIONS AUXQUELLES S’ATTENDRE
APRÈS LA TRANSPLANTATION
Au cours du premier mois
Plus de 95 % des infections qui se manifestent pendant cette
période critique sont similaires aux infections contractées par des
patients non immunodéprimés qui ont subi une intervention
chirurgicale comparable.(5-6) Dans les autres cas, le receveur souf-
frait déjà d’une infection avant la transplantation, laquelle a été
exacerbée par l’opération, l’anesthésie et le traitement immuno-
suppresseur, ou avait contracté une infection par l’allogreffe.
De un à six mois après la transplantation
Pendant cette période, l’immunosuppression prend effet et peut
entraîner deux types d’infections opportunistes. Dans la première
catégorie figurent les pathogènes viraux associés aux infections
latentes ou persistantes, y compris le cytomégalovirus (CMV), le
virus d’Epstein-Barr (VEB), l’herpèsvirus humain de type 6 et les
virus de l’hépatite B et de l’hépatite C. Ces pathogènes peuvent
provoquer une infection primaire (généralement transmise par le
donneur plutôt que contractée dans la collectivité), une réactivation
de pathogènes latents ou une réinfection par une nouvelle souche du
virus. Les pathogènes classiques appartenant à la deuxième catégorie
sont le Listeria monocytogenes, l’Aspergillus fumigatus et le Pneumocystis
jirovecii. L’immunosuppression soutenue favorise le développement
de l’infection par ces organismes, avec ou sans les effets immunomo-
dulateurs des infections virales pour créer un état net
d’immunosuppression suffisant pour accroître la susceptibilité.
Certaines transplantations d’organe (p. ex., l’intestin grêle) compor-
tent des risques d’infection opportuniste plus élevés que d’autres
(p. ex., le rein), parce que l’immunosuppression est plus intense.
Plus de six mois après la transplantation
Les données publiées sur les complications infectieuses pendant
cette période sont limitées et peuvent être biaisées vers de graves
infections qui nécessitent une hospitalisation. Les patients sous
immunosuppression d’entretien dont l’allogreffe fonctionne bien
sont susceptibles de contracter les mêmes infections d’origine non
TABLEAU 2
Tests de dépistage chez les candidats à une transplantation*
Tests Commentaires ou mesures exigées en cas de résultats anormaux
Sérologie du VIH-1 et du VIH-2 et
détection des antigènes Aiguiller vers une prise en charge du VIH si le patient est positif; certains centres ne font pas la transplantation.
Sérologie du HTLV-1 et du HTLV-2 Aiguiller le patient vers des services de consultation s’il est positif.
Sérologie de l’hépatite A Vacciner en cas de facteurs de risque non immunitaires et non liés à la transplantation; certains experts recommandent une
vaccination systématique.
Sérologie de l’hépatite B Obtenir l’ensemble des tests sérologiques de l’hépatite B, y compris l’antigène de surface et l’anticorps de l’antigène central;
vacciner si le patient n’est pas immunisé.
Sérologie de l’hépatite C Aiguiller le patient vers des services de consultation s’il est positif.
Sérologie de l’hépatite D Obtenir si le patient est positif à l’antigène de surface de l’hépatite B et si le test est disponible.
Sérologie de cytomégalovirus Obtenir l’IgG; culture d’urine des nourrissons séropositifs de moins de 18 mois; influe sur la prise en charge après la
transplantation.
Sérologie du virus d’Epstein-Barr Antigène de la capsule virale et antigène nucléaire du virus d’Epstein-Barr; influe sur la prise en charge après la
transplantation; on peut envisager une PCR si le patient est séropositif et si on présume la présence d’anticorps maternels.
Sérologie du virus d’herpès simplex Influe sur la prise en charge après la transplantation.
Sérologie du virus varicelle-zona Au moins quatre semaines avant la transplantation, vacciner les candidats séronégatifs qui n’ont pas été vaccinés
auparavant; si les patients vaccinés sont séronégatifs, en parler avec un infectiologue.
Sérologie du Toxoplasma gondii Obtenir chez les candidats à une transplantation cardiaque ou cœur-poumons; influe sur la prise en charge après la
transplantation.
Sérologie de la rougeole en cas de
vaccination Si la sérologie est négative ou que le patient n’est pas vacciné, vacciner et prévoir au moins quatre semaines avant la
transplantation.
Sérologie de la rubéole en cas de
vaccination Si la sérologie est négative ou que le patient n’est pas vacciné, vacciner et prévoir au moins quatre semaines avant la
transplantation.
Sérologie des oreillons en cas de
vaccination Si la sérologie est négative ou que le patient n’est pas vacciné, vacciner et prévoir au moins quatre semaines avant la
transplantation.
Mycobacterium tuberculosis Obtenir les antécédents d’exposition potentielle; test de Mantoux; évaluation du TLIG; une intervention peut s’imposer en
cas de TB latente.
Strongyloides stercoralis Obtenir si le patient a vécu dans une région endémique; une sérologie positive exige un traitement à l’ivermectine.
Pathogènes des voies respiratoires Obtenir des cultures d’expectoration chez les patients atteints de fibrose kystique et les autres candidats à la transplantation
pulmonaire; les données de susceptibilité antimicrobienne avant la transplantation à l’égard des bactéries colonisatrices
(p. ex., Burkholderia cepacia) orienteront la thérapie antimicrobienne péritransplantation; la colonisation par l’Aspergillus
est indicatrice d’une thérapie de suppression.
Imagerie radiographique Obtenir compte tenu des indications cliniques.
Adapté de la référence 2. *L’anticorps maternel peut susciter des tests sérologiques faux-positifs chez les nourrissons de moins de 18 mois et on peut obtenir des
tests faux-positifs en raison de la transfusion passive des anticorps peu après la transfusion de produits sanguins; Une réaction en chaîne de la polymérase (PCR)
négative n’écarte pas une infection latente chez le nourrisson. Il ne s’agit pas d’une liste complète. D’autres tests de dépistage peuvent être indiqués à l’égard de
pathogènes précis (p. ex., la syphilis et l’herpèsvirus [HHV8] associé au sarcome de Kaposi chez les personnes de régions endémiques. En général, le taux de
séroprévalence de l’HHV8 s’établit comme suit : Amérique du Nord, Asie, Europe du nord – moins de 5 %; bassin méditerranéen, Antilles, Moyen-Orient – de 5 %
à 20 %; Afrique, bassin amazonien – plus de 50 %.(24) HTLV virus du lymphome humain à cellules T; IgG Immunoglobuline G; TLIG Test de libération d’interféron-
gamma; TB Tuberculose
151
Point de pratique de la SCP
Paediatr Child Health Vol 18 No 3 March 2013
nosocomiale que les enfants en santé (p. ex., troubles respiratoires
courants). Certains patients dont la transplantation fonctionne
moins bien (p. ex., immunosuppression aiguë ou chronique, mau-
vaise fonction de l’allogreffe ou infection virale chronique) sont
très vulnérables à des infections récurrentes liées à des troubles
mécaniques ou anatomiques non corrigés (p. ex., implantation
d’un corps étranger ou obstruction) et à des infections opportunistes
causées par le P jirovecii, le L monocytogenes, le Cryptococcus neoformans
et le Nocardia asteroides, entre autres.
L’ÉVALUATION DU RECEVEUR D’ORGANE FÉBRILE
Chez un receveur d’organe, la fièvre peut être causée par une infec-
tion courante de l’enfance ou par une infection propre au receveur
d’organe.(2) Le moment de l’infection après la transplantation
oriente le médecin quant aux pathogènes les plus susceptibles d’en
être responsables. L’évaluation et le traitement empirique dépen-
dront de l’état clinique du patient et de la détermination ou non de
la source d’infection.
Examen anormal et foyer d’infection défini
L’hospitalisation peut être indiquée, compte tenu de l’état clinique
du patient et du foyer d’infection. L’évaluation diagnostique doit
au moins inclure une formule sanguine, une formule leucocytaire
et une hémoculture. Les autres examens sont fonction de
l’orientation clinique et du moment de la présentation après la
transplantation.
Examen normal et foyer d’infection non défini
En général, l’hospitalisation s’impose si le patient n’est pas bien sur
le plan clinique. L’évaluation diagnostique se fonde sur les diagnos-
tics différentiels. Les patients qui se sentent bien n’ont pas
nécessairement besoin d’être hospitalisés; tout dépend de la qualité
du suivi disponible, de la capacité de revenir à l’hôpital rapidement
si l’état du patient s’aggrave, du degré d’immunosuppression et du
délai depuis la transplantation. L’évaluation diagnostique doit au
moins inclure une formule sanguine, une formule leucocytaire, une
hémoculture et une culture d’urine. Dans les premiers mois suivant
la transplantation, le foyer d’infection est souvent associé à
l’intervention chirurgicale effectuée. Les cliniciens doivent con-
naître les infections virales liées à la fièvre, mais sans foyer
d’infection apparent (p. ex., CMV et adénovirus). En l’absence de
source bénigne et évidente de fièvre, il faut traiter ces patients en
consultation avec leur centre de transplantation. Lorsqu’ils choi-
sissent des antibiotiques pour combattre l’infection (au besoin), les
cliniciens doivent connaître les interactions possibles entre les
antibiotiques et les immunosuppresseurs utilisés. La liste des
TABLEAU 3
Schémas posologiques et cibles de la prophylaxie après la transplantation
Infections Groupes ciblées pour la prophylaxie et commentaires Durée suggérée de la prophylaxie
Infection bactérienne
(infection de la plaie et
septicémie après
l’opération)
Tous les receveurs
Le schéma antimicrobien périopératoire varie selon l’organe, la nature
de l’opération et les facteurs liés au receveur (p. ex., schémas
sélectionnés pour la fibrose kystique)
La durée dépend de l’organe et de la nature de l’opération
Herpès simplex Receveurs séropositifs
Acyclovir (si le patient ne prend pas de ganciclovir pour une autre
indication)
Trois mois
CMV Stratification du risque d’après le statut sérologique du donneur et
du receveur au CMV
Ganciclovir par voie intraveineuse (avec ou sans immunoglobuline
intraveineuse dans certains centres)
Données émergentes sur le valganciclovir chez les enfants plus âgés à
faible risque ou à risque intermédiaire
Généralement trois mois; prophylaxie plus (six mois) ou
moins longue (deux semaines) dans certains centres
VEB Les patients à haut risque sont des patients D+R–*
Pas de schéma posologique établi; réduction préventive de
l’immunosuppression pour répondre à l’augmentation de la charge du VEB
dans le sang périphérique utilisée par un nombre croissant de centres;
ganciclovir avec ou sans immunoglobuline utilisé dans certains centres
Durée variable si on utilise des antiviraux avec ou sans
immunoglobuline
Espèces de Candida Patients à haut risque seulement (p. ex., transplantation du foie, de
l’intestin)
Utilisation sélective du fluconazole; utilisation sélective des produits
lipidiques de l’amphotéricine B; nystatine souvent utilisée
Jusqu’à quatre semaines, selon les facteurs de risque
Aspergillus Receveurs d’un poumon ou de cœur-poumons
Voriconazole; itraconazole; amphotéricine B en présence de facteurs de
risque élevés (p. ex., colonisation à l’Aspergillus)
Durée variable; jusqu’à quatre à six mois selon les facteurs
de risque
PJP Tous les receveurs
TMP-SMX Généralement de six à 12 mois, ou si le patient reçoit des
stéroïdes ou a des CD4<200/mm3; chez les receveurs d’un
poumon ou d’un intestin grêle et pour les patients ayant des
antécédents d’infection à PJP ou à CMV chronique, la
prophylaxie peut être indiquée tout au long de la vie
Toxoplasma gondii Receveurs d’un cœur ou d’un cœur-poumons
Pyriméthamine-sulfadiazine chez les patients D+R–
Le TMP-SMX a une certaine valeur chez les patients R+
Six mois
Adapté de la référence 2. *D+R– dénote le statut séropositif du donneur et le statut séronégatif du receveur; CMV Cytomégalovirus; PJP Pneumocystis jirovecii;
TMP-SMX Triméthoprime-sulfaméthoxazole; VEB Virus d’Epstein-Barr
152
Point de pratique de la SCP
Paediatr Child Health Vol 18 No 3 March 2013
immunosuppresseurs figure au tableau 4, tandis que les interactions
potentielles entre les médicaments sont exposées au tableau 5.
LES VACCINS APRÈS LA TRANSPLANTATION
Le moment et le calendrier
La plupart des centres de transplantation fournissent des calen-
driers de vaccination des patients d’âge pédiatrique qui ont récem-
ment reçu une transplantation (tableau 1). En général, on
n’administre pas de vaccins dans les six à 12 mois suivant une
transplantation,(7) à l’exception du vaccin inactivé contre
l’influenza saisonnière, qu’on évite d’administrer moins d’un mois
après la transplantation, puis tous les ans par la suite. Les cliniciens
devraient se familiariser avec les calendriers de vaccination pertinents.
De plus, il est essentiel de vacciner les contacts familiaux pour
protéger le receveur d’organe vulnérable.
Les vaccins contre-indiqués
Les vaccins contre-indiqués chez les receveurs d’organe immuno-
déprimés sont exposés au tableau 3. Certains groupes recom-
mandent l’administration des vaccins contre la rougeole, la rubéole
et les oreillons à un groupe sélectionné de patients à faible risque
chez qui l’immunosuppression est minime.(3,8-9) Il existe des don-
nées limitées sur l’administration du vaccin contre la varicelle
après une transplantation.(10-11) Cependant, la plupart des
experts considèrent la transplantation d’organe comme une
contre-indication à l’administration du vaccin contre la varicelle
et, en cas d’exposition, les personnes susceptibles sont candidates à
l’administration d’immunoglobuline varicelle-zona. Ce problème
fait ressortir l’importance de la vaccination avant la transplanta-
tion. Il est démontré que la vaccination des candidats à la trans-
plantation d’âge pédiatrique maintient l’immunité humorale
pendant au moins deux ans, soit bien après la période
d’immunosuppression la plus marquée.(12)
Quelques vaccins indiqués
Vaccins contre le pneumocoque : Les receveurs d’organe, particu-
lièrement les transplantés cardiaques, sont considérés comme très
vulnérables à une maladie pneumococcique invasive.(13-14) Par
conséquent, le vaccin contre le pneumocoque est l’un des vaccins
les plus importants à administrer aux receveurs d’organe. Selon les
recommandations actuelles, il faut favoriser l’administration
séquentielle du vaccin conjugué contre le pneumocoque 13-valent
(le nombre de doses dépendant de l’âge de l’enfant) suivi du vaccin
23-valent huit semaines plus tard.(15-16) Quelques receveurs
d’organe ayant une asplénie fonctionnelle ou anatomique sont
candidats à la prophylaxie à la pénicilline à long terme pour
prévenir la pneumococcie invasive.
Vaccins contre le méningocoque : Ces vaccins peuvent être administrés
en toute sécurité conformément au calendrier systématique pour
enfant. Il faut utiliser le vaccin quadrivalent conjugué contre le
méningocoque (VCM) de préférence au vaccin polysaccharidique
quadrivalent. La plupart des experts s’entendent pour affirmer que le
TABLEAU 4
Les immunosuppresseurs utilisés en cas de transplantation d’organe
Médicament
Marque de
commerce ou
nom courant Mécanisme d’action
et type de médicament Effets secondaires à souligner
Anticorps polyclonaux
Globuline antithymocyte du lapin Thymoglobuline Anticorps contre les épitopes dérivés du
thymus (foyers protéiques que reconnaît le
système immunitaire)
Anaphylaxie, effets liés à l’infusion (p. ex., fièvre,
frissons, tachycardie, hypertension)
Globuline antithymocyte du cheval Atgam*
Anticorps monoclonaux
Basiliximab SimulectAnticorps contre les récepteurs de l’IL2
(CD25)Hypersensibilité
Rituximab RituxanAnticorps anti-CD20 Réactions liées à l’infusion (p. ex., fièvre, frissons,
hypotension), angiœdème, pancytopénie
Corticoïdes
Prednisone Stéroïdes Inhibition de la protéine activatrice 1 et
NF-κB
Hypertension, diabète, rétention de sel et d’eau,
ostéopénie, hyperlipidémie, traits cushingoïdes,
hirsutisme, acné, retard de croissance
Méthylprednisolone Stéroïdes
Inhibiteurs de la calcineurine
Cyclosporine A NeoralInhibiteur de la calcineurine Hirsutisme, hyperplasie gingivale, néphrotoxicité,
hypertension
Tacrolimus Prograf§
Advagraf§Inhibiteur de la calcineurine Tremblements, neuropathie liée à la dose,
néphrotoxicité, hypertension, hyperglycémie
Agents antiprolifératifs
Mofétilmycophénolate (MMF) CellCept Inhibition de la biosynthèse de la purine et
de la synthèse de l’ADN Leucopénie, anémie, thrombocypénie, symptômes
gastro-intestinaux
Mycophénolate sodique
entérosoluble (EC-MPA) Myfortic
Azathioprine ImuranAnalogue de la purine; inhibiteur de la
synthèse de l’ADN Leucopénie, anémie, thrombocypénie
Inhibiteurs de la mTOR
Sirolimus Rapamycine Arrêt du cycle et de la différenciation
cellulaires Retard de guérison des plaies, ulcères aphteux,
hyperlipidémie, aplasie médullaire, pneumonite
Rapamune*
Évérolimus Afinitor
*Pfizer, États-Unis; Novartis, États-Unis; Genentech, États-Unis; §Astellas Pharma US Inc., États-Unis; Triton Pharma Inc., Canada. mTOR Une protéine sérine-
thréonine kinase qui exerce un contrôle direct sur la synthèse de protéines
153
Point de pratique de la SCP
Paediatr Child Health Vol 18 No 3 March 2013
vaccin polysaccharidique n’a aucun rôle à jouer pour l’instant. Le
VCM n’est pas approuvé pour les enfants de moins de 24 mois.
Vaccins contre le virus du papillome humain : Le vaccin contre
le virus du papillome humain (VPH) peut être administré en toute
sécurité après une transplantation d’organe. Les données sont
insuffisantes pour étayer l’efficacité du vaccin contre le VPH chez
les receveurs d’organe dont la réponse immunitaire est plus faible
que celle de personnes en santé, mais le vaccin est fortement
recommandé tant chez les filles que chez les garçons, compte tenu
de leur risque particulier de contracter de graves condylomes et des
cancers potentiellement agressifs liés au VPH.
Vaccins contre l’hépatite A et l’hépatite B : Le vaccin contre
l’hépatite B doit être administré conformément au calendrier sys-
tématique de vaccination, mais à deux fois la dose habituelle.
D’ordinaire, le vaccin contre l’hépatite A est recommandé pour les
personnes ayant d’autres facteurs de risque de maladie hépatique
que la transplantation (p. ex., hépathopathies chroniques ou fac-
teurs épidémiologiques). Cependant, certains experts recom-
mandent l’administration du vaccin contre l’hépatite A même en
l’absence d’autres facteurs de risque, parce que des médicaments au
potentiel hépatotoxique peuvent être utilisés pour traiter
l’immunosuppression.
Vaccins contre la polio inactivée, l’Haemophilus influenzae de
type b et la diphtérie, le tétanos et la coqueluche accellulaire : Ces
vaccins sont tous recommandés, de préférence avant la transplanta-
tion, conformément au calendrier systématique pour les enfants. S’il
n’a pas déjà été administré, il faut injecter le vaccin contre
l’Haemophilus influenzae de type b, quel que soit l’âge de l’enfant.
Vaccin contre l’influenza : Les receveurs d’organe, tous les mem-
bres de la famille et les autres contacts étroits doivent se faire
administrer le vaccin contre l’influenza inactivé tous les ans à
l’automne.
LES VIRUS RESPIRATOIRES CONTRACTÉS
DANS LA COLLECTIVITÉ
Les receveurs d’organes d’âge pédiatrique sont vulnérables aux infec-
tions respiratoires virales d’origine communautaire, y compris le
virus respiratoire syncytial, les virus de l’influenza, le métapneumo-
virus humain, les virus para-influenza et d’autres encore.(17) Des
lignes directrices sur la prévention et la prise en charge de ces
infections ont récemment été publiées,(18-19) et des lignes direc-
trices sur la prise en charge de l’influenza sont publiées chaque
année au Canada.(20)
LES PERSONNES CIBLÉES POUR UNE PROPHYLAXIE
ANTIMICROBIENNE APRÈS UNE
TRANSPLANTATION
Les receveurs d’organe peuvent avoir besoin d’une prophylaxie anti-
microbienne contre les espèces à Candida, les espèces d’Aspergillus, et
les virus du groupe herpès (p. ex., herpès simplex, CMV, VEB),
l’hépatite B, le P jirovecii, le Toxoplasma gondii, les Strongyloides,
l’infection tuberculeuse latente et d’autres pathogènes (tableau 2).
Parmi ces agents infectieux, le CMV et le VEB consument le
plus de ressources dans la plupart des centres de transplantation
pédiatriques. Les lignes directrices sur la prévention et le traitement
de ces maladies ont récemment été mises à jour (1,21-22)
LES RISQUES D’INFECTION LIÉS À LA VIE
QUOTIDIENNE APRÈS UNE TRANSPLANTATION
En plus de fournir de l’information sur les risques des immunosup-
presseurs (tableau 4)(23) et leurs interactions avec des antimicro-
biens courants (tableau 5), les cliniciens doivent informer les
jeunes transplantés des risques d’infection liés à la consommation
des aliments et de l’eau, aux animaux de compagnie et aux autres
animaux, à la nage et aux autres sports aquatiques, aux spores
fongiques (p. ex., provenant du jardinage, des bâtiments agricoles,
de chantiers de construction, des excavations, des caves, de la
marijuana et du tabac), aux piqûres d’insectes, aux voyages et aux
comportements sexuels, selon le cas.(19)
REMERCIEMENTS : Le comité de la pédiatrie communautaire de la
Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent point de pratique.
TABLEAU 5
Interactions du cytochrome p450 entre les antimicrobiens et
les immunosuppresseurs utilisés après la transplantation
(cyclosporine A, sirolimus, tacrolimus et évérolimus)*
Inducteurs (réduit le
taux
d’immunosuppression)
Inhibiteurs (accroît le
taux
d’immunosuppression) Degré
d’interaction
Antibiotiques
Rifampine
Rifabutine Azithromycine
Clarithromycine
Érythromycine
Métronidazole
Lévofloxacine
Ciprofloxacine
Interaction avec
l’érythromycine
plus importante
qu’avec la
clarithromycine,
laquelle est plus
importante
qu’avec
l’azithromycine
Sécuritaire avec les
bêta-lactamines
Antifongiques
Caspofungine (seule-
ment avec du tacroli-
mus; non dépendant
du CYP)
Fluconazole
Kétoconazole
Itraconazole
Voriconazole
L’ASC de la caspo-
fungine augmente
avec la
cyclosporine
La micafungine est
moins susceptible
d’influer sur le
taux d’immuno-
suppression que
la caspofungine
Interaction avec le
kétoconazole et
l’itraconazole plus
importante
qu’avec le flucon-
azole et le vori-
conazole
Antiviraux
Névirapine
Éfavirenz Indinavir
Nelfinavir
Ritonavir
Lopinavir
Amprénavir
Saquinavir
*Le degré d’inhibition et d’induction des enzymes p450 du CYP dépend du médi-
cament ou de la voie d’administration, qui influe sur le degré d’interaction avec les
immunosuppresseurs indiqués. Les interactions précédentes entre les médica-
ments n’excluent pas l’utilisation de ces antimicrobiens. Cependant, il faut dis-
cuter avec l’équipe de transplantation des stratégies pour prendre en charge et
surveiller les interactions et les taux de médicaments avant de les mettre en
œuvre. ASC aire sous la courbe; CYP Cytochrome p450
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