Surveillance au long cours d`un traitement par digoxine

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R E P E R E S P R AT I Q U E S
Thérapeutique
Surveillance au long cours
d’un traitement par digoxine
L
❚❚ POURQUOI UNE SURVEILLANCE?
La digoxinémie est très liée à la fonction
rénale, la clairance de la digoxine étant
proportionnelle à celle de la créatinine.
Or les indications de ce traitement
concernent majoritairement des patients
âgés plus sensibles à la digoxine du fait de
paramètres pharmacocinétiques perturbés, d’une masse musculaire diminuée,
de l’existence d’une polythérapie et d’une
fonction rénale rarement normale. Ces
facteurs interfèrent alors sur la concentration sérique du produit. Et s’ils n’existent
pas lors de l’initiation du traitement, ils
sont susceptibles d’apparaître au fil des
mois ou années alors que la digoxine est
devenue une habitude de renouvellement
de prescription avec une baisse de vigilance du médecin et du patient.
❚❚ QUELLE SURVEILLANCE
CLINIQUE ?
Une toxicité clinique se traduit souvent
par une asthénie et des signes digestifs
(nausées, vomissements, diarrhée) qui
doivent absolument alerter le médecin.
Des anomalies cliniques plus rares doivent néanmoins y faire penser aussi,
telles que des troubles oculaires (dyschromatopsie au jaune et rouge, scotome) ou des troubles neurologiques
(céphalées, paresthésies, confusion).
❚❚ QUELLE SURVEILLANCE
ELECTRIQUE ?
La classique cupule digitalique constatée à l’ECG demeure le témoin d’une
imprégnation par le produit et non d’une
toxicité. Dans l’insuffisance cardiaque,
les faibles taux de digoxinémie recherchés n’entraînent souvent pas l’apparition de cet aspect. Par contre, peuvent
apparaître des troubles du rythme supraventriculaires (notamment la classique
tachysystolie) ou ventriculaires ainsi
que des troubles de la conduction,
notamment un bloc sino-atrial.
❚❚ QUELLE SURVEILLANCE
BIOLOGIQUE ?
Un dosage de la digoxinémie doit être
effectué systématiquement dès que la
fonction rénale s’altère ou si des associations médicamenteuses néfastes pour
cette fonction rénale sont envisagées, ce
qui peut être fréquemment le cas dans l’insuffisance cardiaque avec les multiples
associations de bloqueurs du système
rénine-angiotensine ou la prescription de
certains diurétiques ou anti-inflammatoires. Le seuil de digoxinémie considéré
comme toxique est 2 ng/mL. Toutefois,
dans l’insuffisance cardiaque, on s’astreindra à maintenir la digoxinémie en
dessous de 1,2 ng/mL, le produit perdant
son efficacité au-dessus de ce seuil.
La prudence de prescription s’impose chez les sujets âgés et en cas
de dysfonction rénale.
L’apparition de signes cliniques
digestifs doit faire rechercher une
toxicité de la digoxine.
Une digoxinémie doit être réalisée
devant toute modification de la
fonction rénale ou en cas de prescription médicamenteuse à risque
pour le rein.
Une digoxinémie annuelle doit être
pratiquée dans le cadre d’une surveillance au long cours, notamment
chez le sujet âgé.
❚❚ FAUT-IL SYSTEMATIQUEMENT
DES DIGOXINEMIES DE
CONTROLE ?
Hormis les indications de dosage vues
précédemment, il est nécessaire d’être
vigilant chez les sujets âgés, même en
dehors de toute modification biologique
ou thérapeutique. Un contrôle régulier
est donc souhaitable, au moins une fois
par an. Enfin, en cas d’insuffisance
rénale, la posologie devra être réduite
systématiquement de moitié. Si la clairance de la créatinine est inférieure à
30 mL/mn, il est préférable de s’abstenir
de toute prescription du produit [2]. ■
Bibliographie
1. ADAMS KF et al. Clinical benefits of low serum
digoxin concentration in heart failure. J Am Coll
Cardiol, 2002 ; 39 : 946-53.
2. RAHIMTOOLA SH. Digitalis therapy for patients in
clinical heart failure. Circulation, 2004; 109: 2942-6.
POINTS FORTS
a digoxine est prescrite pour ralentir la fréquence cardiaque en cas de
FA chronique et dans l’insuffisance
cardiaque où sa mise en route est souvent
une décision thérapeutique de deuxième
ou troisième intention. Mais toutes les
études confirment qu’une fois prescrite,
elle est difficile à arrêter, car ce retrait est
source d’un excès de morbi-mortalité [1].
Y. JUILLIERE
Service de Cardiologie,
CHU Nancy-Brabois,
VANDŒUVRE-LES-NANCY.
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