Synthèse Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13 (1) : 15-21 Pertinence des admissions en court séjour gériatrique de patients résidant en Ehpad : adaptation de la grille AEPf Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Appropriateness of direct admissions to acute care geriatric unit for nursing home patients: an adaptation of the AEPf GRID Dalia Abdoulhadi1 Pascal Chevalet1 Leila Moret2 Marie-HÉlÈne Fix1 Marine GÉgu1 Philippe Jaulin3 Gilles Berrut1 Laure de Decker1 1 Pôle hospitalo-universitaire de gérontologie clinique, CHU de Nantes, France <[email protected]> 2 Service d’évaluation médicale et d’épidémiologie, Pôle santé publique et santé au travail, CHU de Nantes, France, et EA4275-Sphere, Biostatistiques, pharmaco-épidémiologie et mesures subjectives en santé, faculté de pharmacie, Nantes, France 3 Unité de géronto-psychiatrie, CHU de Nantes, France Tirés à part : P. Chevalet Résumé. La population des patients résidant en Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) est de plus en plus vulnérable et fragile, et cette population doit pouvoir bénéficier d’un accès direct au service de court séjour gériatrique (filière « courte »). La facilité de cet accès (appel téléphonique du médecin traitant) ainsi que la « non-filtration » de ces patients par les urgences expose au risque d’admissions inadéquates. Ce travail a étudié la pertinence de 40 admissions directes de patients résidant en Ehpad dans un service de court séjour gériatrique. Au moyen de la grille AEPf, 82,5 % des admissions sont jugées pertinentes ou justifiées (52,5 % sont pertinentes au moyen de la grille AEPf, 30 % sont justifiées par le jury d’expert), 17,5 % des admissions sont jugées inappropriées. Certaines actions permettraient de diminuer les admissions inappropriées (mise en place d’équipes mobiles gériatriques et psycho-gériatriques intervenant dans les Ehpad, recours plus adapté aux structures ambulatoires, information des médecins de ville). Dans l’objectif de réduire l’intervention du jury d’experts, une adaptation de la grille AEPf aux patients gériatriques est proposée sous forme d’une grille « AEPg ». Au regard de la littérature, le processus d’admission directe ne semble pas majorer le taux d’admissions inappropriées. Mots clés : pertinence des admissions, Ehpad, court séjour gériatrique, grille AEP Abstract. The patient population staying in nursing homes is increasingly vulnerable and dependent and should benefit from a direct access to an acute care geriatric unit. Nevertheless, the easy access by a simple phone call from the general practitioner to the geriatrician, as well as the lack of orientation of these patients by emergency units, might lead to inappropriate admissions. This work studied the appropriateness of direct admissions of 40 patients living in nursing home in an acute care geriatric unit. Based on the AEPf assessment grid, 82.5% of these admissions were considered as appropriate (52.5%) or justified (30% based on an expert panel decision), and 17.5% were inappropriate. In conclusion, the process of direct admission does not seem to increase the rate of inappropriate admissions. Some actions could decrease this rate: implementation of geriatric mobile teams or psychogeriatric mobile teams intervening in nursing home, a better and more adapted use of ambulatory structures, a better information to the general practitioners. In order to reduce the intervention of the panel of experts, an adaptation of the AEPf assessment grid to these geriatric patients has been proposed. The «AEPg» assessment grid should benefit from a validation study. doi:10.1684/pnv.2015.0522 Key words: appropriateness of admission, appropriateness evaluation protocol, elderly, nursing home, acute care geriatric unit S elon les dernières projections démographiques de décembre 2010 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) [1], la population de la France métropolitaine pourrait être composée d’un tiers de personnes âgées de plus de 60 ans en 2060. Ce choc démographique gériatrique n’en est qu’à ses débuts et son impact se traduit déjà au niveau de la population des résidents des Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Tous les indicateurs de mesure le montrent, qu’il s’agisse Pour citer cet article : Abdoulhadi D, Chevalet P, Moret L, Fix MH, Gégu M, Jaulin P, Berrut G, de Decker L. Pertinence des admissions en court séjour gériatrique de patients résidant en Ehpad : adaptation de la grille AEPf. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2015 ; 13(1) : 15-21 doi:10.1684/pnv.2015.0522 15 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. D. Abdoulhadi, et al. de la dépendance comme des profils pathologiques [2-4]. Le GMP (GIR moyen pondéré) et le PMP (Pathos moyen pondéré) des Ehpad progressent, en raison de la politique d’aide au maintien à domicile mise en œuvre ces dernières années. En effet, les niveaux de dépendance et des besoins en soins médicaux et techniques en Ehpad sont de plus en plus importants du fait de l’arrivée plus tardive du résident dans l’établissement, et probablement de sorties hospitalières plus rapides. La circulaire DHOS de 2007 relative à la filière de soins gériatriques encourage la mise en place de ces filières [5, 6]. Dans cette filière gériatrique, l’unité de court séjour gériatrique (CSG) prend en charge en hospitalisation complète des patients âgés de 75 ans et plus, et permet au médecin traitant de pouvoir orienter son patient au mieux en évitant une longue et souvent pénible file d’attente aux urgences. Cet accès direct de l’Ehpad à un service de CSG permet une prise en charge de la personne âgée avant la survenue d’une dégradation marquée de son état de santé [7, 8], ou permet de recevoir les patients atteints d’une pathologie aiguë et de mettre en place une surveillance médicale et paramédicale constante. Il participe à la fluidité de la filière gériatrique et permet un retour rapide de la personne âgée vers son Ehpad d’origine. Toutefois la « non-filtration » des patients par les urgences peut poser des interrogations quant à la pertinence des admissions dans les services de CSG. L’utilisation inappropriée du système de santé a généralement un impact direct sur les dépenses de santé et la qualité des soins rendus aux patients. C’est pourquoi il est important d’avoir une réflexion sur la bonne utilisation des procédures de santé, afin de réfléchir aux procédures d’amélioration. L’étude de la pertinence de ces admissions s’inscrit dans cette démarche. Parmi les méthodes développées aux États-Unis pour évaluer le caractère pertinent de l’utilisation des ressources, la méthode développée par Gertman et Restuccia en 1981 sur la pertinence des admissions et des journées d’hospitalisation [9] est celle qui a été la plus traduite et validée dans le monde. La méthode repose sur un outil : l’Appropriateness evaluation protocol (AEP) [10, 11]. Plusieurs outils ont été proposés afin d’évaluer la pertinence des admissions (ISD, AEP, MCAP) [11]. L’analyse de ces outils dans plusieurs études a mis en avant la grille AEP du fait de sa facilité d’emploi, sa validité et sa reproductibilité, ce qui explique qu’elle reste l’outil le plus utilisé dans les études sur le sujet, même si certains auteurs ont critiqué son apport par rapport au jugement d’experts [12-14]. Dans le cadre d’un projet financé par l’Union européenne, une version européenne de l’outil en langue anglaise a été testée et validée [15]. Chaque pays 16 a traduit, testé et validé dans sa propre langue l’AEP. La grille AEP des admissions a été traduite en France en 1991 par Davido [16], et également validée par les études de Robain [17] puis de Lombard [18]. Cette version française s’intitule AEPf. Néanmoins, peu de publications françaises l’ont utilisée [19-22], et aucune étude concernant les admissions n’a été réalisée en médecine aiguë gériatrique. L’objectif principal de ce travail était d’évaluer la pertinence des admissions en médecine de CSG à l’aide de l’outil AEPf. L’objectif secondaire était d’évaluer si la grille AEPf, développée et validée initialement pour des services de médecine et de chirurgie, était adaptée à l’évaluation de la pertinence des admissions en CSG. Méthode Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective concernant les patients provenant d’Ehpad, adressés directement par leur médecin traitant ou le médecin coordonnateur de l’Ehpad dans un service de médecine court séjour gériatrique sur la période du 01/01/13 au 31/05/13. Nous avons choisi d’étudier 40 patients tirés au sort parmi les patients admis durant cette période présentant ces mêmes critères d’inclusion. Le critère de jugement de la pertinence des admissions reposait sur la grille AEPf [16-18]. Pour chaque patient inclus dans l’étude, le dossier était évalué au regard des critères de la grille AEPf. Dès lors que l’un des 16 critères de la grille AEPf était présent, l’admission était considérée comme pertinente. Si aucun critère n’était présent, le dossier du patient était étudié par un jury d’experts composé de 2 gériatres et d’un géronto-psychiatre. Si le patient se trouvait dans une situation pour laquelle il « pouvait avoir rapidement recours au plateau technique (pour une procédure, une surveillance, la possibilité d’intervenir 24h sur 24. . .) dans le cadre de situations médicales ne nécessitant pas d’intervention immédiate mais devant lesquelles le médecin ne pouvait prévoir l’évolution à court terme » (termes de la notice AEP), l’admission était alors jugée justifiée par le jury d’expert. Si l’admission n’était pas justifiée par le jury d’expert, celui-ci déterminait le principal soin ou service responsable de l’admission, la principale raison de cette admission dans le service et indiquait les structures ou prises en charge qui auraient été les plus adaptées et proposait des alternatives le cas échéant pour le médecin traitant. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Adaptation de la grille AEPf Résultats Caractéristiques de la population étudiée Admissions non pertinentes 17,5 % Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Durant la période du 01/01/13 au 31/05/13, 103 patients provenant d’Ehpad ont été hospitalisés dans le service de CSG ; 40 de ces patients (38,8 %) ont donc été tirés au sort. Le tableau 1 résume les principales caractéristiques de cette population. Admissions pertinentes, justifiées et non pertinentes Parmi les 40 patients hospitalisés, 33 admissions étaient jugées pertinentes ou justifiées (82,5 %), 21 admissions selon les critères de pertinence de la grille AEPf (52,5 %), alors que 12 admissions étaient justifiées par le jury d’expert (30 %). Sept admissions étaient jugées non pertinentes ou inappropriées (17,5 %) (figure 1). Admissions pertinentes selon la grille AEPf Vingt et une admissions (52,5 %) étaient jugées pertinentes directement par les critères de la grille AEPf. Pour ces 21 admissions, les critères de pertinence étaient : – la nécessité d’un traitement intraveineux continu pour 5 patients (23,80 %) ; – un syndrome hémorragique pour 4 patients (19,04 %) ; – une fièvre supérieure à 38◦ de plus de 5 jours pour 4 patients (19,04 %) ; – une désorientation d’installation récente pour 4 patients (19,04 %) ; – l’utilisation d’une assistance respiratoire de façon continue pour 2 patients (9,52 %) ; – l’atteinte de fonctions essentielles de façon brutale pour 2 patients (9,52 %). Tableau 1. Caractéristiques de la population étudiée. Table 1. Characteristics of study population. Age moyen, ans (valeurs extrêmes) 87,7 (73-98) Femmes, n (%) 31 (77,5) ADL moyen (valeurs extrêmes) 3,77 (0-6) Démence documentée à l’admission, n (%) 17 (42,5) Motif d’admission, n - anémie - altération de l’état général - confusion ou trouble du comportement - pathologie infectieuse - pathologie cardio-respiratoire - prise en charge antalgique - autre 8 7 6 5 4 3 7 Durée moyenne de séjour, jours (valeurs extrêmes) 8,67 (2-20) Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Admissions pertinentes 52,5 % Admissions justifiées 30,0 % Figure 1. Répartition des admissions pertinentes, justifiées et nonpertinentes. Figure 1. Composition of appropriate, justified or inappropriate admissions. Admissions justifiées par le jury d’expert Le jury d’expert a justifié une admission lorsque le patient pouvait avoir rapidement recours au plateau technique (procédure, surveillance, possibilité d’intervenir 24h sur 24, etc.) dans le cadre de situations médicales devant lesquelles le médecin ne pouvait prévoir l’évolution à court terme ; 12 admissions (30 %) ont été justifiées par le jury d’expert. Les pathologies et symptômes ayant conduit à cette décision sont : troubles métaboliques (n = 4), troubles neurologiques aigus (syndrome confusionnel, n = 1 ; douleur et déficit d’un membre, n = 1), anémie en contexte de pathologie cardiaque sévère (n = 1), hyperthyroïdie (n = 1), insuffisance cardiaque (n = 1), maladie veineuse thromboembolique (n = 1), symptômes divers en contexte de polypathologie chronique (n = 1). Admissions non pertinentes Pour les 7 patients dont l’admission était inappropriée, les principaux soins ou services responsables de leur admission étaient : – une surveillance thérapeutique ou clinique rapprochée pendant quelques heures (n = 3) ; – une procédure diagnostique ou thérapeutique nécessaire pour une prise de décision (n = 2) ; – un avis diagnostique ou thérapeutique nécessaire pour une prise de décision (n = 2). La raison principale de leur admission était : – la demande expresse du médecin traitant (n = 3) ; – l’attente d’un avis d’expert (n = 2) ; – l’attente d’une procédure diagnostique ou thérapeutique (n = 1) ; 17 D. Abdoulhadi, et al. – l’attente d’un avis diagnostique ou thérapeutique (n = 1). La prise en charge la mieux adaptée pour ces patients aurait été : – une prise en charge ambulatoire dans leur Ehpad (n = 4) ; – une prise en charge en hôpital de jour (n = 2) ; – une prise en charge par un suivi psycho-gériatrique ambulatoire (n = 1). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Discussion Notre étude a montré un taux d’inadéquation des admissions de 17,5 %, ce qui est dans la moyenne des résultats retrouvés dans les études [23-29]. En effet dans la plupart des publications, les taux observés d’inadéquation varient entre 10 % et 30 %, les taux les plus fréquemment relevés se situant dans la fourchette 20 %-30 %. Par conséquent, le mode d’admission direct en CSG de patients provenant d’Ehpad, spécifiquement étudié dans notre cohorte, ne semble pas constituer un facteur de risque d’admissions inappropriées. Dans notre étude, pour le jury d’experts, la prise en charge des patients dont l’admission a été jugée inappropriée aurait pu être réalisée en ambulatoire ou, le cas échéant, lors d’une journée en hôpital de jour. Lors des discussions du jury d’experts, il a pu être soulevé que le délai important d’accès aux consultations gériatriques, la méconnaissance du réseau gériatrique par le médecin traitant ou encore les difficultés éventuelles de coordination entre le médecin coordonnateur et le médecin traitant peuvent expliquer certains recours au service de CSG. Il est possible que les « demandes expresses » soient également motivées par des demandes insistantes de la famille et de l’équipe soignante de l’Ehpad, ou par le manque de temps du médecin traitant. De plus, la sémiologie spécifique de la personne âgée, avec des symptômes souvent atypiques ou peu spécifiques, rend la prise en charge diagnostique plus difficile, avec crainte permanente d’une situation critique. L’« altération de l’état général », qui nécessite souvent une démarche de recherche diagnostique pluri-disciplinaire, rend compte d’une demande insistante du médecin traitant à laquelle il est difficile de dire non. À partir de ces constats, il pourrait être envisagé la mise en place d’équipes mobiles gériatriques ou psychogériatriques externes, intervenant dans les Ehpad, pouvant réaliser une première évaluation au niveau gériatrique et au niveau des besoins de la personne âgée, et qui permettraient d’apporter une aide au médecin traitant concernant l’orientation du patient dans la filière gériatrique : consultations gériatriques ou psycho-gériatriques, hôpital de jour (HDJ), hôpital à domicile (HAD), unité 18 cognitivo-comportementale, soins de suite et réadaptation (SSR), service de CSG, etc. On pourrait également envisager de mettre en place des créneaux de consultations d’urgences gériatriques et psycho-gériatriques, lesquels permettraient de régler rapidement certaines situations sans avoir recours aux consultations habituelles dont les délais sont déjà très longs. Notre étude a utilisé le seul outil validé en langue française disponible dans la littérature. Néanmoins, il n’a pas été spécifiquement développé pour l’évaluation de la pertinence des admissions en médecine gériatrique aiguë. Ainsi, dans notre étude, avant l’évaluation par un jury d’expert, seules 52,5 % des admissions étaient considérées comme pertinentes par la grille AEPf. Après l’avis du jury d’experts 82,5 % des admissions sont jugées pertinentes ou justifiées (33 admissions sur 50). La proportion des admissions jugées dans un premier temps inappropriées par la grille AEPf, puis justifiées dans un second temps par le jury d’experts est très élevée (30 %). Ce taux devrait être compris, au regard de la littérature, entre 5 et 10 % [9, 30]. Les critères de gravité cliniques de la grille AEPf semblent donc être trop exigeants et les critères liés aux soins délivrés semblent porter sur des soins trop techniques pour des patients de gériatrie [25]. Dans certains services, pour certaines pathologies ou pour la prise en charge de populations spécifiques, les grilles peuvent s’avérer incomplètes ou mal adaptées [10]. Les raisons justifiant l’admission ou la présence dans les services de gériatrie doivent être repérées. Si une ou plusieurs raisons apparaissent fréquemment, on peut envisager de définir un critère explicite qui sera, après validation, ajouté à la grille. Cette démarche pourra permettre de diminuer le nombre de journées justifiées par avis d’expert et une présentation plus objective des résultats. Quelle que soit la situation, les nouveaux critères devront être spécifiques de l’activité et réellement justifier la journée d’hospitalisation ou l’admission. Proposition d’adaptation gériatrique des critères de la grille AEP : grille AEPg Les discussions du jury d’experts ont révélé certaines difficultés dans l’utilisation de la grille AEP, notamment la critique de plusieurs items : – critère A1 : « Coma, inconscience ou désorientation d’installation récente ». L’expression « désorientation Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Adaptation de la grille AEPf d’installation récente » sous-entend syndrome confusionnel mais sans le mentionner, alors qu’il s’agit d’un symptôme spécifique en gériatrie ; – critère A6 : « Fièvre persistante supérieure à 38,5 ◦ C sous le bras ou 39 ◦ C en rectal depuis plus de 5 jours ». Le jury d’experts juge ce critère inadapté chez les patients âgés, tout comme d’autres auteurs [31, 32]. On peut proposer de raccourcir le délai de prise en compte de la fièvre à 72 heures pour justifier l’hospitalisation et de considérer également l’hypothermie comme un critère d’hospitalisation ; – critère A7 : « Syndrome hémorragique ». Le jury d’experts a soulevé que ce critère n’était pas assez explicite et compte tenu du nombre de sujets âgés adressés pour anémie en l’absence de saignements extériorisés, ce critère pourrait être étayé par un seuil du taux d’hémoglobine. De plus, la notion de terrain et le fait que l’anémie soit ou non symptomatique est à prendre en compte ; – critère A8 : « Troubles électrolytiques ou gaz du sang graves : Na < 123 ou > 156 mEq/L, K < 2,5 ou > 6,0 mEq/L, HCO3 < 20 ou > 36 mEq/L (sans qu’existe de cause de chronicité), pH < 7,30 ou > 7,45 ». Le jury d’experts a soulevé que les valeurs déterminées sont beaucoup trop élevées et que les incidences sur les personnes âgées surviennent pour des taux encore moins extrêmes. Ce critère nécessiterait donc une adaptation des valeurs choisies ; – critère A9 : « Atteinte de fonctions essentielles de façon brutale (impossibilité de bouger, manger, de respirer et d’uriner) à l’exception d’une manifestation chronique sans fait nouveau ». L’interprétation est problématique car chez la personne âgée, rares sont les cas, mêmes sévères, qui peuvent répondre à ce critère si on le prend au sens strict. L’atteinte de fonctions essentielles de façon brutale devrait correspondre à une gêne majeure à la réalisation de la fonction essentielle et non à une impossibilité ; – critère B3 : « Surveillance des signes vitaux (pouls, TA, fréquence respiratoire, scope, surveillance neurologique) au moins une fois toutes les 4 heures » : ce critère s’est avéré très subjectif et en aucun cas consensuel et soumis à l’appréciation du jury d’experts. Le rythme de surveillance devrait être adapté pour les patients gériatriques, en sachant qu’en ambulatoire, il est difficile de réaliser plus de 2 ou 3 passages par une IDE pour une surveillance. Par ailleurs, de nouveaux critères sont proposés pour la grille « AEPg ». Les propositions faites pour compléter la grille (se basant sur les discussions du jury d’experts et sur les données de la littérature) [31, 33] sont les suivantes : – la douleur majeure entraînant une impotence fonctionnelle ou difficilement contrôlée ou nécessitant une réévaluation rapprochée ; Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Points clés • L’admission directe en court séjour gériatrique peut éviter aux patients âgés les plus vulnérables l’épreuve du passage aux urgences. • La procédure d’admission directe en court séjour gériatrique de patients résidant en Ehpad, après entretien téléphonique entre l’équipe médicale hospitalière et le médecin traitant ou coordonnateur de l’Ehpad, ne semble pas exposer à un risque augmenté d’admissions inappropriées. • Une amélioration de l’offre des soins ambulatoires au niveau des hôpitaux, l’intervention en Ehpad d’équipes mobiles externalisées gériatriques et/ou psychogériatriques, ainsi qu’une meilleure connaissance par le médecin traitant du réseau de soins gériatriques permettraient d’améliorer la pertinence des séjours hospitaliers. – les troubles aigus de l’équilibre ou chutes à répétition sans explication évidente ; – les symptômes multiples sévères ou altération sévère de l’état général. Nous proposons une grille de pertinence des admissions, spécifique des patients âgés admis dans les services de médecine aiguë, ou grille « AEPg » (tableau 2). Application de la proposition d’une grille « AEPg » aux patients de l’étude Les résultats obtenus avec cette grille « AEPg » sur les 40 patients de l’étude deviennent : – 31 admissions sont jugées pertinentes selon la grille « AEPg » (77,5 %) ; – 2 admissions sont justifiées par le jury d’experts (5 %), étant donné que ces admissions ont déjà été jugées justifiées par le jury d’experts avec la grille AEP ; – 7 admissions sont jugées non pertinentes ou inappropriées (17,5 %). Le taux d’admissions considérées comme justifiées par l’avis du jury d’experts est, dans les études publiées, généralement compris entre 5 et 10 % [9, 30], ce qui est le cas dans cette nouvelle évaluation par la grille « AEPg ». Cette grille « AEPg » semble donc être plus adaptée pour l’évaluation de la pertinence des admissions dans un service de CSG. Conclusion Notre étude a évalué la pertinence des admissions des patients provenant directement d’Ehpad dans un service 19 D. Abdoulhadi, et al. Tableau 2. Grille « AEPg ». Table 2. «AEPg» assessment grid. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Critères de sévérité clinique 1 Coma, inconscience ou confusion d’installation récente sévère ou aggravation récente des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence sans étiologie identifiée ou/et sans possibilité de prise en charge ambulatoire 2 Pouls < 50/min ou > 140/min, Pression artérielle systolique (mmHg) < 90 ou > 200, Pression artérielle diastolique (mmHg) < 60 ou > 120 3 Cécité ou surdité brutale 4 Impotence fonctionnelle majeure d’une partie du corps liée ou non à la douleur 5 Fièvre persistante > 38,5 ◦ C sous le bras, ou bien > 39 ◦ C en rectal depuis plus de 72 heures, ou hypothermie < 36 ◦ C en rectal 6 Syndrome hémorragique ou anémie ≤ 8 g/dL, ou anémie ≤ 9 g/dL survenant sur un terrain de cardiopathie, ou anémie symptomatique 7 Troubles électrolytiques ou des gaz du sang avec : Na < 130 ou > 150 mEq/L, K < 2,5 ou > 6 mEq/L, HCO3 < 20 ou > 36 mEq/L (sans qu’existe de cause de chronicité), pH < 7,30 ou > 7,45 8 Atteinte de fonctions essentielles de façon brutale (gêne majeure pour bouger, manger, respirer et uriner, voire impossibilité totale) à l’exception d’une manifestation chronique sans fait nouveau 9 Ischémie aiguë à l’électrocardiogramme 10 Troubles aigus de l’équilibre ou chutes à répétition sans explication évidente ou rendant le maintien à domicile impossible 11 Symptômes multiples sévères ou altération sévère de l’état général Critères liés aux soins dérivés 1 Traitement intraveineux continu ou remplissage (n’inclut pas le traitement entéral) 2 Chirurgie ou autres actes médicaux prévus dans les 24 heures nécessitant soit une anesthésie générale ou régionale, soit l’utilisation de matériel, de services uniquement disponibles dans un hôpital 3 Surveillance de signes vitaux (pouls, TA, fréquence respiratoire, scope, surveillance neurologique) plus de 3 fois par 24h 4 Prescription d’un traitement nécessitant une surveillance continue ou faisant craindre une réaction allergique ou hémorragique 5 Traitement dans une unité de soins intensifs 6 Utilisation de façon intermittente ou continue d’une assistance respiratoire au moins une fois toutes les 8 heures de court séjour gériatrique. Un taux d’admissions pertinentes ou justifiées de 82,5 % a été retrouvé, ce qui est un taux dans la moyenne de toutes les études qui ont été réalisées sur le sujet. L’absence de « filtration » par les urgences ne constitue donc pas un facteur de nonpertinence. Afin d’améliorer la pertinence de ces admissions, notre étude fait les propositions suivantes : – mettre en place des équipes mobiles gériatriques et psycho-gériatriques pouvant intervenir dans les Ehpad, afin de faire une première évaluation des résidents et pouvoir les orienter si nécessaire vers les structures adéquates ; – développer le recours à l’hôpital de jour gériatrique dès que cela est possible. Mais il faut pour cela que l’HDJ soit en capacité de répondre à la demande dans un délai raisonnable ; – mettre en place des créneaux de consultation d’urgences gériatriques et psycho-gériatriques ; 20 – développer des actions de formation des médecins traitants et médecins coordonnateur d’Ehpad concernant la filière gériatrique. Notre étude a également montré que la grille AEPf n’est pas adaptée aux patients gériatriques en situation aiguë. Nous avons proposé à partir de la grille AEPf une adaptation pour ces patients : la grille « AEPg ». Celle-ci semble en effet dans cette population plus adaptée et a permis d’obtenir des taux de pertinence plus cohérents. Toutefois, notre étude a été réalisée sur un nombre de patients, relativement faible. Il s’agit là d’une étude préliminaire qui nécessiterait une évaluation plus large afin d’espérer une validation des critères de cette grille « AEPg ». Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦ 1, mars 2015 Adaptation de la grille AEPf Références 1. Blanpain N, Chardon O. Projection de la population à l’horizon 2060 : un tiers de la population âgé de plus de 60 ans. Insee Première 2010 : 1320, Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ ip1320/ip1320.pdf. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2. Bouvier G. L’enquête Handicap-santé : présentation générale. Insee n◦ F1109 2011, Disponible sur : http://www.insee.fr/fr/publications-etservices/docs_doc_travail/F1109.pdf. 17. Robain M, Lang T, Fontaine A, Logerot H, Monnet E, Six P, et al. Reliability and validity of the french version of the first part of the appropriateness evaluation protocol (AEPf) : pertinent criteria of hospitalisation stay. Rev Epidemiol Santé Publique 1999 ; 47 : 139-49. 18. 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