Découverte de la ghréline
Sur la base de ces connaissances, le ligand endogène
du GHS-R a été découvert en 1999 par un groupe
japonais actif dans la recherche cardiovasculaire,
s’intéressant à l’action vasculaire du GHS synthétique
[8]. Le succès de ce groupe a été largement dû au fait
que ces chercheurs ont testé l’effet de différents extraits
provenant de différents tissus sur la libération de cal-
cium sur une lignée cellulaire exprimant le GHS-R.
L’activation la plus importante du GHS-R était observée
à partir d’extraits provenant de l’estomac, et n’était pas
retrouvée dans l’hypothalamus. Le ligand purifié, la
ghréline, est un peptide de 28 acides aminés dans
lequel la sérine en position 3 est octanoïlée. Cette
modification post-translationnelle unique est essentielle
pour l’effet de la ghréline sur la libération de GH et la
prise alimentaire. Cependant, la ghréline non acéty-
lée, qui circule en plus grande quantité que la forme
acétylée, est également biologiquement active et capa-
ble d’exercer des actions non endocrines y compris les
effets cardiovasculaires et antiprolifératifs probable-
ment en se liant à différents sous-types du récepteur
GH-S. Récemment, plusieurs autres molécules dérivées
de la ghréline ont été isolées ; il s’agit de protéines de
27 ou 28 acides aminés pouvant être classées en 4
groupes dépendant du type de l’acétylation (non acé-
tylée, octanoï-acétyle, décanoyacétylée et décénacéty-
lée) observé sur la sérine 3 [9].
La découverte de la ghréline est un exemple type de
pharmacologie inverse débutant au niveau des analo-
gues synthétiques et arrivant au ligand naturel après la
découverte du récepteur physiologique.
En fait, la ghréline a été également identifiée presque
simultanément par un autre groupe qui l’avait nommée
« motilin related peptide » [10]. Ces auteurs ont mon-
tré que la motiline et que le « motilin related peptide »
avaient un type d’expression complémentaire (cellules
endocrines intestinales et gastriques respectivement) et
ont suggéré que le « motilin related peptide » pouvait
également fonctionner comme une hormone gastrique.
Compte tenu du fait que ce groupe a déterminé la
séquence d’acides aminés à partir de la séquence
nucléotidique du précurseur, ils n’ont pas pu identifier
le phénomène d’octanoïlation. C’est pour cette raison
que cette hormone a été dénommée ghréline (GHRE est
la racine proto-indo-européenne du mot « growth »).
En plus des similarités structurelles des peptides, d’une
identité de 25 % des acides aminés et d’une identité de
l’organisation des précurseurs, les récepteurs de ces
hormones montrent une homologie de séquence très
marquée avec une identité à 44 %, augmentant à
87 % dans la région transmembranaire. Les récepteurs
à la motiline et à la ghréline constituent une nouvelle
sous-famille au sein des récepteurs couplés aux
G-protéines.
Effets de la ghréline
sur la motricité gastro-intestinale
La motiline a aussi été appelée « hormone de la faim »,
parce qu’une augmentation des concentrations plas-
matiques de motiline durant la période de jeûne
déclenchait des contractions intenses débutant dans
l’estomac et migrant distalement, la phase III du com-
plexe moteur migrant (CMM). Qui plus est, l’adminis-
tration exogène de motiline est capable de déclencher
une phase III prenant son origine dans l’estomac et
migrant distalement chez l’homme et chez le chien.
Compte tenu des homologies de séquences entre la
motiline et la ghréline, et de leurs récepteurs respectifs,
il est tentant de spéculer que la ghréline pourrait aussi
moduler la motricité gastro-intestinale et induire un
CMM. En effet, dans une étude récente, il a été montré
que l’injection intraveineuse de 40 lg de ghréline chez
le volontaire sain, 20 minutes après la survenue d’une
phase III du CMM, induisait prématurément une nou-
velle phase III en moyenne 14 ± 4 minutes après
l’injection avec une origine gastrique chez tous les
sujets étudiés (6/6) [11]. Après l’injection de sérum
physiologique, la phase III suivante était observée
75 ± 21 minutes et avait une origine gastrique chez
seulement 2 sujets sur 6. L’injection de ghréline était
accompagnée d’une augmentation du tonus gastrique.
Il y a plus de 10 ans, il a été montré que l’érythromy-
cine pouvait accélérer la vidange gastrique chez des
patients ayant une gastroparésie diabétique en intera-
gissant avec le récepteur à la motiline [12, 13]. Des
effets similaires ont été obtenus après l’injection de
motiline dans le même sous-groupe de patients [14].
Ainsi, l’observation de Trudel et al. (15) démontrant
que l’administration de ghréline accélérait la vidange
gastrique d’un repas liquide marqué chez le rat cons-
cient non opéré, de manière dose-dépendante, ne fut
pas une surprise. Dans ce modèle, la ghréline accélère
également le transit intestinal mais n’a pas d’effet sur le
transit colique. Dans une étude similaire, il a été
démontré que le GHRP-6 accélérait la vidange gastri-
que et le transit chez le rat [16]. Qui plus est, chez le rat
avec un iléus postopératoire, la ghréline permettait de
corriger le retard de vidange gastrique [15]. Nous
avons récemment développé une méthode non inva-
sive basée sur un test respiratoire à l’acide
14
C-
octanoïque pour mesurer la vidange gastrique chez la
souris et nous avons montré que la vidange des solides
était accélérée par les agonistes du GHS-R, la ghréline
et le GHRP-6 (figure 1). Les effets sur la vidange
gastrique chez l’homme n’ont pas été étudiés mais
Bases fondamentales
Hépato-Gastro, vol. 12, n° 3, mai-juin 2005
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