Kisspeptine 54 : effet in vivo chez l’homme La kisspeptine 54, ou métastine, est un des ligands endogènes du récepteur orphelin couplé aux protéines G, le GPR 54. Une mutation ponctuelle de ce récepteur a été rendue responsable d’une nouvelle forme d’hypogonadisme hypogonadotrope (1). Nombre d’études animales ont montré que le système kisspeptidergique représentait un rouage essentiel de la fonctionnalité de l’axe gonadotrope. Une étape supplémentaire a été franchie par W.S. Dhillo et al. (2), qui ont évalué les caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de la kisspeptine 54 administrée in vivo chez l’homme sain. Le peptide utilisé, obtenu par synthèse, a une séquence identique à celle de la kisspeptine 54 humaine. Aux fins d’utilisation chez l’homme, ce peptide a été évalué en termes toxicologique, d’absence d’effet pyrogène, de conservation de la bioactivité. Chez la souris, l’injection de ce peptide est suivie d’une multiplication par trois des taux de LH plasmatique 20 minutes plus tard. Des doses de kisspeptine 54 comprises entre 0,125 et 40 pmol/kg/mn ont été administrées en perfusion intraveineuse chez un groupe d’hommes sains. Cette procédure a permis d’obtenir une concentration de kisspeptine plasmatique en plateau et de retrouver un effet-dose sur la sécrétion de LH. La dose de 4 pmol/kg/mn de kisspeptine 54 permet d’obtenir une stimulation maximale de la sécrétion gonadotrope. C’est donc cette posologie qui a été utilisée pour évaluer les effets pharmacodynamiques du peptide sur les sécrétions gonadotropes et gonadiques. Dénuée d’effets secondaires gênants, l’administration intraveineuse de kisspeptine 54 à la posologie choisie permet d’obtenir un taux plasmatique de 300 pmol/l. L’inflation du taux de kisspeptine 54 est rapidement suivie d’un pic de LH et, consécutivement, d’une élévation de la testostéronémie. La sécrétion de FSH est moins puissamment stimulée et le taux d’inhibine B plasmatique reste inchangé pendant la période d’observation. Les conclusions tirées de cette étude sont les suivantes : les taux plasmatiques de base de kisspeptine 54 ne sont pas déterminables chez l’homme avec le dosage radio-immunologique utilisé. Le seuil est inférieur à 2 pmol/l. Cela suggère que, en dehors de la grossesse où les taux plasmatiques du peptide sont multipliés par 7 000, sa production serait essentiellement localisée à l’hypothalamus endocrine. L’administration aiguë de kisspeptine 54 à la posologie de 4 pmol/kg/mn induit une élévation préférentielle des taux de LH et de testostérone chez l’homme sain. Outre son intérêt physiologique, cette étude permet d’envisager l’utilisation du peptide, ou de son fragment actif le plus court, d’agonistes ou d’antagonistes comme des outils d’exploration fonctionnelle endocrinienne ou comme de futures approches thérapeutiques chez l’homme. J.M. Kuhn, service d’endocrinologie et maladies métaboliques, CHU de Rouen. 1. De Roux N. et al. Proc Nat Acad Sci USA 2003; 100:10972-6. 2. Dhillo WS et al. J Clin Endocrinol Metab 2005;90:6609-15. Support moléculaire à l’hétérogénéité phénotypique du syndrome de Klinefelter Brèves… Brèves… La fréquence du syndrome de Klinefelter est d’environ 1,5 sur 1 000 naissances masculines. Si le phénotype comprend constamment une hypotrophie testiculaire et un hypogonadisme primaire plus ou moins profond, le reste du tableau clinique apparaît très variable d’un individu à l’autre. En effet, le tableau classique associant grande taille, macroskélie, morphotype gynoïde, gynécomastie et déficit mental modéré n’intéresse qu’une minorité de patients. Les signes les plus constants sont la gynécomastie bilatérale et le morphotype gynoïde, qui s’observent une fois sur deux. Diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer la diversité de l’expression phénotypique de cette pathologie au dénominateur caryotypique commun. La formule 47 XXY est en effet observée chez 8 patients sur 10, les autres étant porteurs de chromosomes sexuels supplémentaires ou s’inscrivant dans le cadre d’une mosaïque. Le mosaïcisme est d’ailleurs une des hypothèses proposées pour expliquer l’hétérogénéité interindividuelle du tableau clinique. Une éventuelle empreinte génomique, une distorsion de l’inactivation de l’X ou une anomalie au niveau du récepteur androgénique constituent autant d’explications plausibles, éventuellement intriquées. Dans le but de faire la part entre ces différentes possibilités, Zinn et al. ont étudié 35 patients atteints de syndrome de Klinefelter. Les données auxologiques, cliniques, hormonales et génétiques ont été rassemblées dans cette étude. La réalisation d’un caryotype, l’étude Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 1, janvier/février 2006 37 Brèves… Brèves… des microsatellites afin de préciser l’origine parentale du chromosome X supplémentaire, le génotypage et la mesure du degré de méthylation des chromosomes X ont permis de déterminer le nombre de triplets CAG inclus dans le gène du récepteur des androgènes et le taux d’inactivation du chromosome X. La profondeur de l’hypoandrisme est bien évidemment le reflet de celle de l’insuffisance du testicule endocrine. Elle n’est cependant que la conséquence de l’anomalie génétique. Les résultats de cette étude montrent que le seul facteur génétique qui influence significativement l’expression phénotypique du syndrome est le nombre de triplets CAG du gène codant le récepteur des androgènes. Ce point est d’importance, car le nombre de triplets CAG est inversement corrélé à la sensibilité tissulaire aux androgènes. De fait, dans la population étudiée, plus ce nombre est élevé, plus le phénotype est hypoandre. Ainsi, au déficit leydigien plus ou moins profond est susceptible de s’associer une réduction de la sensibilité tissulaire aux androgènes, deux facteurs concourant dans le même sens à l’expression phénotypique et très vraisemblablement à certaines complications du syndrome de Klinefelter. J.M. Kuhn, service d’endocrinologie et maladies métaboliques, CHU de Rouen. ✔ Zinn AR et al. J Clin Endocrinol Metab 2005;90:5041-6. 38 L’obéstatine, une hormone anorexigène La ghréline est une hormone orexigène produite par le tractus gastrointestinal à partir d’un précurseur de haut poids moléculaire, la préproghréline (117 acides aminés). L’équipe de Hsueh, de l’université de Stanford, a recherché, par une approche bio-informatique, les peptides pouvant être générés au cours de la maturation post-traductionnelle de la préproghréline. Les chercheurs ont identifié une région de 23 acides aminés flanquée de deux sites potentiels de clivage protéolytique. Le peptide endogène a été isolé et séquencé à partir d’un extrait d’estomac de rat (séquence : FNAPFDVG I K L S G AQ Y Q Q H G R A L NH2). La molécule a également été détectée dans le sang des animaux, ce qui indique qu’elle pourrait agir en tant qu’hormone. Dans l’article publié dans la revue Science, Zhang et al. démontrent que l’injection intrapéritonéale ou intracérébroventriculaire de ce nouveau peptide réduit, à l’inverse de la ghréline, la prise alimentaire et l’augmentation de masse corporelle des rongeurs. Les auteurs ont donc nommé ce peptide anorexigène l’“obéstatine”. Ils ont, par ailleurs, observé que l’obéstatine inhibe la vidange gastrique et la contraction du jéjunum, ce qui Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 1, janvier/février 2006 laisse penser que l’hormone ralentit la digestion. Les chercheurs du groupe de Hsueh ont constaté que l’obéstatine et la ghréline ne modifient pas la leptinémie, indiquant que ces molécules sont sans effet sur la masse grasse. Cette étude révèle également que l’obéstatine est le ligand endogène du récepteur orphelin GPR 39, un récepteur membranaire couplé positivement à l’adénylyl-cyclase via une protéine G. Ce récepteur, qui est connu pour être exprimé au niveau du tractus gastrointestinal et de l’hypothalamus, présente une localisation compatible avec l’effet de l’hormone sur la balance énergétique. L’ensemble des données montre que la ghréline et l’obéstatine, deux peptides dérivés du même précurseur, exercent des effets opposés sur la prise de nourriture en agissant sur deux récepteurs distincts. La recherche des effets de l’obéstatine dans des modèles animaux d’obésité permettra à l’avenir d’évaluer le potentiel thérapeutique de cette nouvelle hormone dans le traitement de l’obésité. E. Louiset, INSERM U413, IFRMP 23, université de Rouen. ✔ Zhang JV et al. Science 2005;310:996-9.