Approches de la souffrance

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Approches
[]
La difficulté de vivre fait partie de la condition humaine. Ce
mal-être prend la forme de la tristesse, de l’inquiétude, de la
colère, du renoncement, de la solitude, de la détresse, de l’idée
de la mort… Pour la plupart des gens, cette souffrance psychique s’avère supportable, circonstancielle ou passagère ; elle
n’anéantit pas le fonctionnement de l’esprit et ne bouleverse
pas l’existence. La force vitale et le soutien de l’entourage permettent de passer au travers.
[]
Lorsque la souffrance psychique devient lourde à porter,
qu’elle perdure ou resurgit fréquemment et qu’elle envahit la
vie de la personne, on peut estimer qu’elle est la manifestation
d’un ou de plusieurs troubles psychiques (aussi appelés
pathologies mentales). Intensité, durée et degré de perturbation du quotidien sont en effet des signes retenus par les
professionnels de santé pour repérer et évaluer le caractère
pathologique, c’est-à-dire maladif, de la souffrance psychique.
[]
Parmi les troubles psychiques, on opère généralement une distinction entre les troubles de la personnalité et les troubles

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mentaux. Trouble de la personnalité signifie que certains traits
de caractère de la personne se sont développés de manière
pathologique et qu’ils sont mal adaptés à la vie de tous les
jours ou à des situations particulières. Par exemple, les personnes qui manifestent systématiquement leur susceptibilité ou
leur jalousie, narcissisme, méfiance, autoritarisme, agressivité,
violence… Trouble mental signifie qu’il existe chez une personne, à partir d’un moment, une défaillance du fonctionnement de l’appareil psychique. Ce dysfonctionnement se reconnaît par un ensemble de symptômes et de manifestations
caractéristiques. Par exemple, la forte diminution de l’élan
vital lors d’une dépression ou la survenue de crises d’attaque
de panique chez une personne anxieuse.
Troubles de la personnalité et troubles mentaux peuvent
coexister, s’imbriquer et se renforcer mutuellement chez une
même personne.
[]
Dans toute science et dans tout art il existe des classifications
conceptuelles. Les catégorisations, dénominations, propriétés,
etc. sont les véhicules de l’apprentissage, de la pratique, de la
recherche et de la communication. Il apparaît donc logique
que le domaine de la psychologie et de la psychiatrie
n’échappe pas à la notion de classification des pathologies. Il
existe ainsi deux manuels principaux de référence : le DSM,
Diagnostic and Statistical Manual, établi par l’Association
psychiatrique nord-américaine et l’ICD, International
Classification of Diseases, issu de l’Organisation mondiale de
la santé. Ce sont des répertoires, révisés au bout de quelques
années et traduits dans les principales langues, qui décrivent
les symptômes et les signes les plus fréquemment associés aux
pathologies mentales. Les rubriques sont structurées selon
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
cinq axes — trouble de la personnalité, trouble mental, état de
santé médicale, problèmes existentiels et fonctionnement
général de la personne. Aucune indication relative aux causes
ni aux traitements des pathologies ne figure dans ces ouvrages.
Les catégorisations et dénominations standardisées des
troubles psychiques permettent aux professionnels de santé
de disposer de critères semblables pour repérer les problématiques et poser un diagnostic. Il reste entendu qu’elles ne possèdent qu’une valeur approximative, car chaque personne vit
et souffre avec une sensibilité et des particularités qui lui sont
propres.
[]
Au début de la psychiatrie moderne, autour des années ,
faute d’outils sophistiqués d’investigation, les mécanismes
neurobiologiques étaient inconnus. Les désordres mentaux
étaient considérés comme le résultat d’une éducation inadéquate, de réactions individuelles malsaines et de chocs subis.
Selon les termes de l’époque, on rééduquait les malades et on
pratiquait des thérapies par les chocs pour contrecarrer les
traumatismes vécus. Une de ces méthodes, la thérapie par
l’électrochoc, est encore utilisée de nos jours avec succès, sous
suivi médical de grande sécurité, pour des indications précises, par exemple un état dépressif profond résistant à d’autres
traitements.
[]
Les pionniers de la psychiatrie ont forgé les notions de
névrose et de psychose. Leur approche des dérèglements
mentaux se basait sur la prise en compte de mécanismes
d’adaptation (conscients) et de mécanismes de défense
(inconscients) dans le fonctionnement de l’appareil psychi-
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que. Chaque personne, à sa façon, utilise ces mécanismes pour
établir des arrangements entre ses capacités psychologiques et
les exigences de la vie en société. Les névroses représentent les
aspérités qui subsistent dans les mécanismes d’adaptation et
de défense, qui font grincer le fonctionnement psychique… et
qui crispent autrui, car elles rendent la personne moins équilibrée, moins conciliante, plus imprévisible et désagréable dans
certaines circonstances. En ce sens, il faut considérer que chaque être humain est un petit ou un plus grand névrosé, car
nous sommes tous amenés à faire des compromis, quasi en
permanence, entre nos particularités et les nécessités de la vie
en commun : dans le système scolaire, en famille, dans les obligations administratives, dans les relations sentimentales, au
travail, en vacances…
La psychose représente l’état mental d’une personne chez
qui les mécanismes d’adaptation et de défense ne fonctionnent
quasi plus. L’adéquation à la vie en société est devenue fortement défaillante, chaotique, disloquée. Délires et hallucinations prennent le pas sur la vie réelle.
Ultérieurement a été définie la notion d’état limite ou
borderline qui caractérise un état qui oscille entre névrose et
psychose. Les personnes dites borderline font preuve d’une
adéquation satisfaisante dans la plupart des contextes de vie —
en particulier dans l’apparence sociale — alors que leur fonctionnement psychique interne est parfois traversé d’énormes
secousses, d’inadaptations, de déséquilibres, de chaos. Tantôt
elles affichent une façade comportementale sans aspérités, tantôt elles présentent de grandes fissurations de cette façade :
détresse morale, anxiété, dépression, abus d’alcool et de drogues, délires, idées suicidaires. De tels épisodes — dits raptus
comportementaux — surviennent soudainement.
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
[]
Tout au long du vingtième siècle sont apparus différents courants de pensée dans la recherche et la pratique psychiatriques
et psychologiques. Ces écoles ont chacune fondé une approche originale, voire une doctrine, pour comprendre et traiter
les désordres mentaux. Pour l’école psychanalytique il est
indispensable de mettre au jour les mécanismes inconscients
qui gouvernent l’esprit. L’école cognitivo-comportementale
centre son approche sur les idées et les attitudes qui suscitent
des situations de souffrance. L’école systémique met l’accent
sur le canevas des relations interpersonnelles dans lequel la
personne évolue. De nombreuses autres écoles ou courants
élaborent aujourd’hui comme hier des schémas d’approche
particuliers du mal-être et des pathologies mentales.
[]
Pour approcher la demande d’aide du patient ou de ses proches, le professionnel de santé est amené à distinguer s’il s’agit
d’une plainte, parfois très lourde, ou d’un décrochage manifeste par rapport à la réalité.
Les plaintes traduisent un mal-être exprimé par la personne
avec une dose de conscience et d’autocritique. On y trouve par
exemple les souffrances dues à la dépression, à l’anxiété, au
trouble obsessionnel compulsif (toc)…
Les décrochages manifestes par rapport à la réalité sont
appelés bouffées délirantes, états psychotiques ou psychoses.
Ils reflètent un effondrement psychique passager ou permanent de la personne, dans un domaine de l’existence ou dans
l’ensemble de son être. L’adhésion à des hallucinations et des
délires est forte et sans autocritique. La schizophrénie et la
paranoïa sont des états psychotiques.
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[]
À travers l’écoute attentionnée des plaintes et des décrochages, parfois complétée par des examens, le professionnel de
santé va progressivement repérer des failles présentes chez la
personne. Ces failles peuvent être essentiellement de trois
ordres : existentiel, psychologique et neurobiologique.
Les failles existentielles sont des difficultés liées au mode de
vie de la personne, à son travail ou son chômage, à ses relations
affectives, à son milieu familial et amical, à sa solitude…
Les failles psychologiques traduisent des blessures qui ont
marqué l’histoire personnelle du patient, son état d’esprit, son
caractère et la vision du monde qu’il s’est construite pendant
l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
Les failles neurobiologiques représentent des anomalies
fonctionnelles observables dans les mécanismes neurologiques et biologiques du cerveau et du corps. Certaines de ces
anomalies sont inscrites dans le patrimoine génétique à la naissance, comme par exemple un fonctionnement enzymatique
atypique ; il s’agit de prédispositions transmises par hérédité
— mais qui, à elles seules, n’augurent en rien de la survenue
d’un trouble psychique. D’autres anomalies neurobiologiques
sont le fait de dérèglements de l’état de santé de la personne au
cours de sa vie.
Des failles existentielles, psychologiques et neurobiologiques peuvent coexister, s’imbriquer et s’influencer les unes les
autres.
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Humeur
[]
L’humeur de tout être humain connaît des variations.
Quotidiennement chacun, à sa façon et selon les circonstances, colore ce qu’il perçoit, pense, vit et fait. On possède un
tempérament optimiste ou pessimiste. Certaines personnes
sont affectées par une vétille, d’autres paraissent insensibles à
tout. Des évènements extérieurs, des réflexions intérieures, et
parfois rien d’identifiable à première vue, sont à l’origine d’un
état d’âme plus joyeux ou plus triste. Des épisodes de déprime
émaillent ainsi l’existence. Tristesse, déceptions, lassitude,
doute, culpabilité sont fréquemment au rendez-vous de l’abandon de la force vitale.
C’est le bébé qui subit une dépression anaclitique s’il est
particulièrement sensible à la séparation d’avec sa mère, par
exemple lors d’une hospitalisation ; l’adolescent en mal de
relations sentimentales ou confronté à des abandons ; la
maman en situation monoparentale, prise entre l’activité
professionnelle, les besoins affectifs et les responsabilités éducatives et ménagères ; la personne âgée, guettée par la solitude,
exposée aux problèmes de santé et à la disparition d’êtres
chers.
Dans la plainte exprimée par la personne souffrante, il n’est
pas simple de faire la différence entre ce qui relève d’une tristesse momentanée, d’une fatigue à résorber, d’une diminution
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