Applications linéaires - Licence de mathématiques Lyon 1

Universit´e Claude Bernard Lyon 1
L1 de Math´ematiques : Math. II Alg`ebre (parcours pr´epa.)
Ann´ee 2014–2015
Applications lin´eaires
Les applications lin´eaires et leur omnipr´esence en math´ematiques sont la raison pour laquelle
on a introduit les espaces vectoriels – ce qui est int´eressant, ce ne sont pas les objets mais
les relations entre les objets, c’est-`a-dire les applications qui en pr´eservent la structures, les
morphismes.
Dans tout le chapitre, on fixe un corps Ket deux espaces vectoriels Eet Fsur K.
I G´en´eralit´es
1D´efinition et exemples
a) Ce que c’est
D´efinition. Soient Eet Fdeux espaces vectoriels et soit ϕ:EFune application. On dit
que ϕest lin´eaire ou que c’est un morphisme d’espaces vectoriels si, pour tous vecteurs u, u0E
et tout scalaire λK,
ϕ(u+u0) = ϕ(u) + ϕ(u0) et ϕ(λu) = λϕ(u).
Lorsque E=F, on dit que ϕest un endomorphisme.
Lorsque ϕest bijective, on dit que ϕest un isomorphisme.
Lorsque E=Fet ϕest bijective, on dit que ϕest un automorphisme.
`
A l’instar du test du sous-espace , on peut v´erifier la lin´earit´e en une seule identit´e.
Lemme. Soit ϕ:EFune application. Alors ϕest lin´eaire si et seulement si pour tous
vecteurs u, u0Eet tous scalaires λ, λ0K,
ϕ(λu +λ0u0) = λϕ(u) + λ0ϕ(u0).
D´emonstration. Supposons que ϕsoit lin´eaire et soient u, u0Eet λ, λ0K. On obtient en
deux temps ´evidents : ϕ(λu +λ0u0) = ϕ(λu) + ϕ(λ0u0) = λϕ(u) + λ0ϕ(u0).
R´eciproquement, supposons la condition du lemme remplie. En prenant λ=λ0= 1, on obtient
l’additivit´e : ϕ(u+u0) = ϕ(u) + ϕ(u0) et en prenant λ0= 0, on obtient la compatibilit´e au
produit : ϕ(λu) = λϕ(u).
Voici une autre propri´et´e formelle facile `a v´erifier.
Lemme. Soit ϕ:EFune application lin´eaire bijective. Alors ϕ1:FEest lin´eaire.
D´emonstration. Soient v, v0Fet λ, λ0K. On note u=ϕ1(v), u0=ϕ1(v0). Par lin´earit´e
de ϕ, on a : ϕ(λu +λ0u0) = λϕ(u) + λ0ϕ(u0) = λv +λ0v0donc, en utilisant la d´efinition de uet u0
et en appliquant ϕ1, il vient : λϕ1(v) + λ0ϕ1(v0) = λu +λ0u0=ϕ1(λv +λ0v0).
Exemples. 1. L’application nulle ˜
0 : EF,u7→
0 est lin´eaire.
2. Si E=F, l’identit´e IdE:EE,u7→ uest lin´eaire.
1
3. Si E=F=R2, on retrouve la notion rencontr´ee en S1. (Ouf !) On connaˆıt leur forme,
retrouvons-la. Soit ϕ:R2R2lin´eaire. On pose ϕ1
0=a
cet ϕ0
1=b
d. Alors, pour
tout x1
x2R2:
ϕx1
x2=ϕx11
2+x20
1=x1ϕ1
0+x2ϕ0
1=x1a
c+x2b
d=ax1+bx2
cx1+dx2.
4. Si E=Knpour nNet F=K, et si (a1, . . . , an)Knest fix´e, on d´efinit (v´erifier !) une
application lin´eaire sur Een posant :
`(x1, . . . , xn) = a1x1+· · · +anxn.
5. Les applications habituelles en analyse : limite d’une suite (un)nN7→ limn+un,
´evaluation en un point f7→ f(2) ou ou plus g´en´eralement f7→ f(x0), d´erivation d’une
fonction en un point f7→ f0(2) ou plus g´en´eralement f7→ f0(x0), d´erivation d’une fonction
f7→ f0, int´egrale f7→ Rb
af(t) dt, etc., sont lin´eaires
b) Un exemple tr`es g´en´eral
L’exemple qui suit a une port´ee plus g´en´erale, d’ailleurs le chapitre sur les matrices consiste en
premier lieu `a montrer que tout s’y ram`ene.
Exemple (des syst`emes lin´eaires ).Soit E=Knet F=Kmpour n, m N. Fixons une
matrice A= (aij )16i6m, on d´efinit une application lin´eaire de Kndans Kmen posant :
ϕA
x1
.
.
.
xn
=
a11x1+· · · +a1nxn
a21x1+· · · +a2nxn
.
.
.
am1x1+· · · +amnxn
.
Remarquer l’inversion de l’ordre alphab´etique : la matrice est de taille m×nmais l’application
va de Knvers Km. Remarquer ´egalement que r´esoudre un syst`eme lin´eaire de m´equations `a n
inconnues, c’est chercher un vecteur XKntel que ϕA(X) = B, o`u AMm,n(K) et BKm
sont donn´es : c’est donc chercher le ou les anec´edents de Bpar ϕA.
2Op´erations lin´eaires
Notation. On note L(E, F ) l’ensemble des applications lin´eaires de Edans F.
D´efinition. Soient ϕ, ϕ0L(E, F ). On d´efinit leur somme ϕ+ϕ0par :
ϕ+ϕ0:EF
u7−ϕ(u) + ϕ0(u)
et le produit d’un scalaire λKpar ϕpar :
λϕ :EF
u7−λϕ(u).
Autrement dit, on a : (ϕ+ϕ0)(u) = ϕ(u) + ϕ0(u) et (λϕ)(u) = λ ϕ(u) pour tout u.
Lemme. La somme et le produit par un scalaire sont bien d´efinies et font de L(E, F )un espace
vectoriel. (Le vecteur nul est l’application lin´eaire nulle ˜
0d´efinie plus haut.)
2
D´emonstration. La premi`ere partie du lemme signifie qu’avec les notations de la d´efinition, ϕ+ϕ0
et λϕ sont lin´eaires. En effet, pour u, u0Eet µ, µ0K, on a :
(ϕ+ϕ0)(µu +µ0u0) = ϕ(µu +µ0u0) + ϕ0(µu +µ0u0) = µϕ(u) + µ0ϕ(u0) + µϕ0(u) + µ0ϕ0(u0)
=µϕ(u) + µϕ0(u) + µ0ϕ0(u) + µ0ϕ0(u) = µ(ϕ+ϕ0)(u) + µ0(ϕ+ϕ0)(u0)
(λϕ)(µu +µ0u0) = λϕ(µu +µ0u0)=λµϕ(u) + µ0ϕ(u0)
=µλϕ(u) + µλ0ϕ(u0) = µ(λϕ)(u) + µ0(λϕ)(u0).
Remarque. Ah, un espace vectoriel. Et sa dimension alors ? R´eponse au chapitre suivant...
3Composition
Proposition. La compos´ee de deux applications lin´eaires est lin´eaire.
D´emonstration. Soient ϕL(E, F ) et ψL(F, G). On veut montrer que ψϕest lin´eaire.
Soient u, u0Eet λ, λ0K, on a :
ψϕ(λu +λ0u0) = ψϕ(λu +λ0u0)=ψλϕ(u) + λ0ϕ(u0)=λψ(ϕ(u)) + λ0ψ(ϕ(u0)),
ce qui montre que ψϕest lin´eaire.
On peut ajouter des propri´et´es de distributivit´e utiles – preuve laiss´ee en exercice.
Proposition. Soient ϕ, ϕ0L(E, F ),ψ, ψ0L(F, G)et λ, λ0K. Alors :
ψ(λϕ +λ0ϕ0) = λψ ϕ+λ0ψϕ0et (λψ +λ0ψ0)ϕ=λψ ϕ+λ0ψ0ϕ.
Notation. On note L(E) l’espace des applications lin´eaires de Edans E.
Corollaire. L’espace vectoriel L(E)est aussi un anneau unitaire (le produit est la composition,
le neutre du produit est l’identit´e IdE).
D´emonstration. Les propri´et´es demand´ees la somme sont contenues dans la structure d’espace
vectoriel. La composition des applications, qu’elles soient lin´eaire ou pas, est une propri´et´e
g´en´erale, de mˆeme que le fait que l’identit´e soit neutre (ϕIdE=ϕ= IdEϕpour tout
ϕ:EE). La distributivit´e a d´ej`a ´et´e vue.
Remarque. D`es que la dimension de Eest sup´erieure ou ´egale `a 2, l’anneau L(E) n’est pas
commutatif. Donnons un exemple avec E=K2. On pose, pour x
yK2:
ϕx
y=y
0et ψx
y=0
x,ce qui donne : ϕψx
y=x
0et ψϕx
y=0
y.
Remarque. En plus de la structure d’anneau, on a une structure d’espace vectoriel et une relation
de compatibilit´e suppl´ementaire entre la multiplication d’un scalaire par une application lin´eaire
et la composition. Pour λKet ϕ, ψ L(E), on a :
(λψ)ϕ=λ(ψϕ).
On r´esume toutes ces propri´et´es en disant que L(E) est une alg`ebre (associative unitaire). On
en connaˆıt au moins une autre : l’anneau K[X] est ´egalement une alg`ebre.
3
II Sous-espaces associ´es `a une application lin´eaire
1Image
a) Ce que c’est
D´efinition. Soit ϕL(E, F ). On appelle image de ϕl’ensemble
Im ϕ=ϕ(E) = vF, uE, v =ϕ(u)=ϕ(u), u E.
Lemme. L’image d’une application lin´eaire est un sous-espace vectoriel de l’espace d’arriv´ee.
D´emonstration. Soit ϕL(E, F ) et soient v, v0Im ϕet λ, λ0K. Par d´efinition de l’image
de ϕ, il existe u, u0Etels que ϕ(u) = vet ϕ(u0) = v0. On peut alors calculer, par lin´earit´e :
λv +λ0v0=λϕ(u) + λ0ϕ(u0) = ϕ(λu +λ0u0)Im ϕ.
D´efinition. Soit ϕL(E, F ) une application lin´eaire. On appelle rang de ϕet on note rg(ϕ)
la dimension de l’image de ϕ:
rg ϕ= dim Im ϕ.
b) Crit`ere inutile de surjectivit´e
Proposition. Soit ϕ L(E, F ). Alors, ϕest surjective SSI Im ϕ=E.
D´emonstration. C’est ´evident.
c) Application aux syst`emes
Reprenons les notations de I1b) et revenons au syst`eme ϕA(X) = B. Par d´efinition de l’image,
l’existence d’une solution XKn`a ce syst`eme ´equivaut `a la propri´et´e : BIm(ϕ).
2Noyau
a) Ce que c’est
D´efinition. Soit ϕL(E, F ). On appelle noyau de ϕet on note Ker(ϕ) l’ensemble
Ker ϕ={uE, ϕ(u) =
0}=ϕ1(
0 ).
Lemme. Le noyau d’une application lin´eaire est un sous-espace vectoriel de l’espace de d´epart.
D´emonstration. Soit ϕL(E, F ). D’abord, Ker(ϕ) n’est pas vide puisque ϕ(
0 ) =
0 . Ensuite,
soient u, u0Eet λ, λ0K. On a :
ϕ(λu +λ0u0) = λϕ(u) + λ0ϕ(u0) = λ
0 + λ0
0 =
0,
si bien que λu +λ0u0Ker ϕ.
b) Crit`ere d’injectivit´e (`a savoir par cœur)
Proposition. Soit ϕL(E, F ). Alors ϕest injective SSI Ker ϕ={
0}.
D´emonstration (`a connaˆıtre). Supposons que ϕsoit injective. L’inclusion {
0} ⊂ Ker ϕva se
soi. Inversement, soit uKer ϕ. On a donc : ϕ(u) =
0 = ϕ(
0 ). Par injectivit´e de ϕ, on en
d´eduit : u=
0 . D’o`u l’´egalit´e Ker ϕ={
0}.
R´eciproquement, supposons que Ker ϕ={
0}. Soient u, u0Etels que ϕ(u) = ϕ(u0). Par
lin´earit´e, on a : ϕ(uu0) =
0 , c’est-`a-dire que uu0Ker ϕ. Cela signifie que uu0Ker ϕ=
{
0}, c’est-`a-dire que u=u0.
Mise en garde. Toutes les applications que l’on rencontre dans sa vie ne sont pas lin´eaires : ce
crit`ere n’a aucun sens pour des applications qui ne seraient pas lin´eaires (ou, plus g´en´eralement,
des morphismes de groupes, structure que l’on n´etudie pas cette ann´ee).
4
c) Application aux syst`emes
Reprenons les notations de I1b) et revenons au syst`eme ϕA(X) = B. Supposons que Bappar-
tienne `a l’image de ϕA, c’est-`a-dire que ce syst`eme ait une solution X1. Alors, pour tout XKn,
on a :
ϕA(X) = BϕA(X) = ϕA(X1)ϕA(XX1) =
0XX1Ker ϕA.
Ainsi, Xest solution du syst`eme SSI XX1Ker ϕSSI X=X1+ (XX1) peut s’´ecrire
comme somme de la solution particuli`ere X1et d’une solution du syst`eme homog`ene associ´e
ϕA(X) =
0 (o`u on a remplac´e le second membre quelconque Bpar
0 ).
C’est la mˆeme situation que pour les ´equations diff´erentielles lin´eaires :
SGEASM = SPEASM + SGESSM
(solution g´en´erale de l’´equation avec second membre = solution particuli`ere de l’´equation avec
second membre + solution g´en´erale de l’´equation sans second membre).
En ce sens, le noyau de ϕAcontrˆole l’unicit´e de la solution du syst`eme : si Ker ϕAest r´eduit
`a {
0}, le syst`eme poss`ede au plus une solution ; sinon, il en a plusieurs (g´en´eralement une
infinit´e pour peu que Ksoit infini). Remarquer que ceci ne d´epend pas de B.
3Injectivit´e, surjectivit´e et familles
Ce paragraphe un peu formel sera utile pour le th´eor`eme principal du chapitre. L’image d’une
famille (u1, . . . , uk) par une application lin´eaire ϕest la famille ϕ(u1), . . . , ϕ(uk).
Proposition. (i) Une application lin´eaire est injective SSI l’image de toute famille libre est
libre.
(ii) Une application lin´eaire est surjective SSI l’image de toute famille g´en´eratrice est
g´en´eratrice.
(iii) Une application lin´eaire est injective SSI l’image de toute base est une base.
D´emonstration. Soit ϕL(E, F ).
(i) Supposons que ϕsoit injective et soit u= (u1, . . . , uk) une famille libre. On veut montrer
que ϕ(u1), . . . , ϕ(uk)est libre. Soit (λ1, . . . , λk)Kktel que Pk
i=1 λiϕ(ui) =
0 . Alors, par
lin´earit´e : ϕPk
i=1 λiui=
0 . Par injectivit´e, cela donne : Pk
i=1 λiui=
0 . Puis, par ind´ependance
lin´eaire de u, il vient : λi= 0 pour tout i.
R´eciproquement, supposons que l’image de toute famille libre soit libre. Soit uun vecteur non
nul : la famille `a un vecteur (u) est libre, de mˆeme que son image ϕ(u). D’o`u ϕ(u)6=
0 . Ainsi,
Ker ϕ⊂ {
0}(on vient de prouver l’inclusion des compl´ementaires) et ϕest injective.
(ii) Supposons que ϕsoit surjective et soit u= (u1, . . . , uk) une famille g´en´eratrice. On veut
montrer que ϕ(u1), . . . , ϕ(uk)est g´en´eratrice. Soit vF. Par surjectivit´e, vposs`ede un
ant´ec´edent u. Comme uest g´en´eratrice, on peut trouver (λ1, . . . , λk)Kktel que u=Pk
i=1 λiui.
Par lin´earit´e, il vient : v=ϕ(u) = Pk
i=1 λiϕ(ui), ce qui prouve l’assertion.
(iii) Cela r´esulte de (i) et (ii).
III Th´eor`eme du rang
Le th´eor`eme du rang joue le mˆeme rˆole que le th´eor`eme de la base incompl`ete adjoint au th´eor`eme
de la dimension pour les applications lin´eaires : il en d´ecrit compl`etement la structure. De plus, il
permet de pr´evoir la taille de l’ensemble des solutions d’un syst`eme lin´eaire. Plus prosa¨ıquement,
il est utilis´e dans tous les contrˆoles...
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