L’ESTAFETTE,21janvier1892.
RichardWagnern’étaitcertespasdenosamis,bienaucontraire;
cependant,nousplaçant,commetoujours,auseulpointdevue
essentiellementartistique,nousavonsvivementdéfendusonœuvre,
lorsqu’ils’estagidedonnerLohengrin,àl’Opéra.Onnepourradoncnous
accuserd’aucunpartipriscontreM.Mascagni,sinousdisonscarrément
sonfaitàcejeunemusicien,qui,ayantvulejoursouslebeaucield’Italie,
vientaujourd’huiàParischercherlaconsécrationdesessuccès.
Sonpremierouvrage,laCavalleriarusticana,nousarriveprécédé
d’uneréputationuniverselle,réputationfactice,malheureusement,etqui
n’estduequ’àlaréclame.Onn’acessé,eneffet,depuisunan,denous
vanterlesqualitésducompositeuretdesonœuvre,quiaétéjouée,paraît‐
il,surungrandnombredescènes,depuisdix‐huitmois.Onnousadit
aussiquelesuccèsavaitétécolossaletque,choseuniquedanslesannales
duthéâtre,onavaitvuàLivourne,villenataledumusicien,l’armée
obligéedeprotégerlethéâtrecontrelafoule,quivoulaitl’envahiràtoutes
forcespourentendrelapartition.Onaditenfinqu’unnouveaumusicien
nationalétaitnéàl’Italie,etqueVerdipouvaitmaintenantdormir
tranquille!...
Autantdeparoles,autantd’exagérations,etc’estlàoùles
personnesquis’intéressentàcetteœuvreontfaitpreuved’unevéritable
maladresse.Ellesont,sansréfléchir,enfourchélegranddadadela
réclame,ellesontfaitdelaCavalleriaRusticanaunesortedePastille
Gerandeldelamusiqueet,loind’atteindreleurbut,aulieudeporter
l’ouvrageauxnues,ellesl’ontsimplementfaittomberdansletroisième
dessous.
Ilétaitsifaciledeneriendireetd’attendrelejugementdupublic,
aulieudetablersurl’emballementméridional.
Cetemballement‐làestcompréhensible,aumoins,delapartdes
Italiens.Cesbravesgensgrignottentcequ’ilspeuvent,etladisette
artistiquequirègnedepuislongtempsdansleurspaysn’estpasfaitepour
lesrendredifficiles.Aupointdevuemusical,surtout,levidesefaitde
plusenplus,Donizettiestmort,Bellinienterré,Verdisereposeetonn’a
pastouslesjoursduRossiniàsemettresousladent.Ilfautdoncprendre
cequ’ontrouveetapplaudirMascagni,fautedemieux.Maisdelààcrier
auchef‐d’œuvre,ausublime,ilyaloin,etcomparerl’arrangeurdenotes
deLivourneàVerdi,c’estuneinjureque,pournotrepart,nousnenous
serionspaspermiseàl’adressedel’illustrecompositeurdontl’Italieale
droitdesemontrerfière.
SiencoreM.Mascagnisedistinguaitparquelquechosedebien
personnel!Maisnon,riendanssonouvragenedénoteuneoriginalité
quelconqueet,àparttroisouquatremotifsassezbienvenustoutlereste
n’estqu’unpillagedenoschefs‐d’œuvre.Onyretrouveunefoulede
réminiscencesdeFaust,desHuguenotsetdequelquesautresopéras,sans
compterdesphrasesentièresprisesdansRobert‐le‐Diableouchez...Robert
Planquette,quin’ontpourtantentreeuxquedesliensdeparentétrès
éloignés.