LOM - Le bulletin d’informations du Conseil de l’Ordre des Médecins de Loire-Atlantique LE MÉDECIN CONFRONTÉ AUX VIOLENCES FAITES AUX MINEURS L a loi du 4 avril 2006 a instauré un dispositif global de lutte contre les violences familiales. Dans cette optique, ce texte est venu compléter le régime dérogatoire applicable en matière de protection pénale des mineurs victimes de maltraitance. Une des grandes nouveauté, en la matière, concerne l’obligation de dénoncer ainsi que la poursuite des mutilations sexuelles infligées, même à l’étranger, à des mineurs résidant habituellement en France. sévices. Et, il convient, à tout le moins, de consigner dans ce certificat des constations précises de violences, le cas échéant, sans les présenter comme un fait avéré, sur la seule foi de déclarations des uns et des autres, et sans jamais les attribuer à une personne qu’il ne connaît pas. Dans cette hypothèse, le praticien doit toujours garder à l’esprit qu’un parent anxieux, inquiet, pris dans un contexte de séparation conflictuelle, peut en venir à mal interpréter des symptômes de l’enfant L’adoption de ce nouveau On ne peut qu’exhorter (énurésie, cauchemars, renfertexte, est l’occasion pour nous sur soi,…) comme des de nous interroger sur le rôle le médecin à rapporter mement indices d’un éventuel comporque peut, ou parfois même, les déclarations des vic- tement incestueux. doit adopter le médecin face à D’une manière plus générale, un mineur victime. times ou des témoins, en lorsque le médecin suspecte A titre de préambule, il les plaçant entre guille- gravement ou a la certitude qu’un patient mineur est vicconvient de mettre les pratimets et en employant le time de violences, quelle que ciens en garde contre certaines soit la nature de celles-ci, il va demandes émanant de parents mode conditionnel. devoir adopter un tout autre en situation familiales difficiles. mode de réactions. Quel médecin ne s’est pas vu demander, par un patient habituel ou non, un cerD’une part, l’article 44 du Code de Déontologie tificat pouvant être lourd de conséquences ? Médicale oblige le médecin ayant connaissance En effet, la demande vise, le plus souvent, à obtede sévices à des mineurs de 15 ans, d’en informer nir la modification du droit de visite ou d’héberles autorités judiciaires et administratives. gement habituel, sous prétexte de sévices corporels ou même sexuels dont l’enfant serait victime D’autre part, le Code de la Santé Publique (art. R de la part d’un ex-conjoint ou des proches de ce 4127-10) lui impose " sauf circonstances excepdernier. tionnelles qu’il apprécie en conscience, (d’) alerDans de telles situations, le médecin se doit d’être ter les autorités judiciaires, médicales ou admivigilant en se bornant, après un examen médical nistratives ", et ce, que la victime en soit d’accord minutieux, à constater sans aucune interprétaou non. Cette obligation s’applique, dans les faits, tion, les lésions ou signes semblant témoigner de 18 à une diversité de situations puisque ce même code précise (art. R 4127-43) que " le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt ou la santé de ce dernier sont mal compris ou mal préservés par son entourage ". Q uant au Code Pénal, il envisage les suites judiciaires que pourraient entraîner de telles révélations, lesquelles relèvent bien évidemment du secret médical. C’est ainsi qu’une dérogation à ce principe est prévue à l’article 226-14, évitant au praticien auteur d’un signalement fait dans les règles, d’être poursuivi pour violation du secret professionnel. Par ailleurs, si un médecin est poursuivi du chef de cette infraction, à la fois au plan pénal et disciplinaire, l’instance ordinale devra surseoir à statuer jusqu’à la décision définitive de la juridiction répressive (art. L4124-6 CSP). Le but est, bien évidemment, d’éviter, autant que faire ce peut, toute contradiction entre l’appréciation des faits entre les juridictions pénales et les juridictions disciplinaires ordinales. Le législateur a, en effet, souhaité protéger le médecin de toute sanction, lorsque ce dernier s’est conformé au strict respect de l’article 226-14 du Code Pénal. Cependant, le médecin demeure toujours passible de sanctions disciplinaires ordinales, si des griefs d’ordre déontologique peuvent être retenus contre lui. Ce sera le cas, nous l’avons, d’ores et déjà évoqué, lorsque ce praticien rédigera un signalement en faisant allusion à des faits ou des circonstances dont il n’a pas été directement et personnellement témoin. Il en ira de même, s’il mentionne le nom de l’auteur réel ou présumé des sévices, alors même que celui-ci en aurait fait l’aveu au médecin. F ort de ces recommandations, on ne peut qu’exhorter le médecin à rapporter les déclarations des victimes ou des témoins, en les plaçant entre guillemets et en employant le mode conditionnel. Ainsi, ces propos seront attribués à leur seul auteur, sans qu’aucune équivoque ne puisse permettre de les porter au crédit du médecin rédacteur. Il importe, au surplus, que le signalement soit remis uniquement aux autorités judiciaires ou administratives, à l’exception de toute autres personnes (victime, accompagnateur, avocat,…). En pratique, il existe un dispositif administratif organisé au niveau départemental par chaque Conseil Général. Il s’agit d’une cellule " enfancemaltraitée " rattachée au service d’Aide Sociale à l’Enfance, répondant 24h/24 et ayant pour numéro téléphonique le 119, quelle que soit la région concernée. D’autre part, en cas d’urgence ou de danger pour l’enfant, un dispositif policier et judiciaire permet de saisir directement le Procureur de la République de permanence, et ce également 24h/24. Plus généralement, la création récente des Pôles Régionaux d’Accueil des Victimes d’Agressions Sexuelles, dont la compétence s’étend aux mineurs victimes de toutes formes de maltraitances, permet à présent au médecin d’orienter la victime afin d’organiser les suites les mieux adaptées à sa prise en charge et à sa reconstruction. Confronté à ce types de situations aux limites de la médecine et du droit, le médecin peut se sentir mal à l’aise et isolé. Toutefois, il peut garder à l’esprit que : " le monde est trop dangereux pour qu’on y vive, non à cause des gens qui font le mal, mais à cause de ceux qui les laissent faire sans bouger. " Albert EINSTEIN Albane FEUFEU-ROZIERE 19