Phrasal verbs transitifs et déplacement de la particule : facteurs linguistiques, acquisition et usage Emilie Riguel Université La Sorbonne Nouvelle – Paris 3 ED 514 – EDEAGE, EA 4398 (PRISMES) [email protected] Résumé Dotés d’une structure mystérieuse et insaisissable, notamment pour les locuteurs nonanglophones, les phrasal verbs représentent une catégorie fascinante de la langue anglaise. L’objectif de cette étude est de rendre compte des facteurs linguistiques et de l’acquisition chez le jeune enfant anglophone d’un exemple de variation grammaticale ou configurationnelle, à savoir le déplacement de la particule adverbiale dans les constructions transitives directes. Des travaux récents ont ainsi montré que, dans le langage adulte, de multiples facteurs linguistiques semblent influencer le choix du locuteur en ce qui concerne l’ordre des constituants, et plus particulièrement la position de la particule (Chomsky, 1961 ; Fraser, 1966, 1974, 1976 ; Bolinger, 1971 ; Bock, 1977 ; Dixon, 1982 ; Chen, 1986 ; Hawkins, 1994 ; Gries, 1999, 2003 ; Lyons, 1999 ; Peters, 1999 ; Dehé et al., 2002 ; Wasow, 2002). Deux alternatives sont donc possibles ; la particule pouvant alors précéder ou suivre le complément d’objet direct. Cela soulève la question de savoir ce qui motive l’ordre des constituants. La présente étude consiste à analyser et à comparer des exemples tirés du British National Corpus (BNC) (Davies, 2004-) et du Corpus of Contemporary American English (COCA) (Davies, 2008-) afin de faire état des différents facteurs linguistiques qui conditionnent la position de la particule : syntaxiques, sémantiques, pragmatico-discursifs et prosodiques. Ce travail se penche également sur la position de la particule dans le discours du jeune enfant anglophone. A partir de deux corpus longitudinaux d’oral spontané issus de la base de données CHILDES (MacWhinney, 2000), j’analyserai les productions de deux jeunes enfants anglophones, Naima (Corpus Providence, Demuth et al., 2006) et Ella (Corpus Forrester, Forrester, 2002), suivies respectivement entre 0;11 et 3;10 et entre 1;00 et 3;06. J’examinerai et je comparerai l’usage et la distribution des deux configurations 1 – continue [Verbe - Particule - Objet] et discontinue [Verbe - Objet - Particule] – chez l’adulte et chez l’enfant afin de voir si l’enfant reproduit le même environnement linguistique que celui auquel il est exposé. Par ailleurs, afin de déterminer si l’usage de la particule dans le langage de l’enfant varie selon les mêmes caractéristiques linguistiques que chez l’adulte, j’adopterai la même approche que Gries (2003) et Diessel & Tomasello (2005), et j’effectuerai ainsi une analyse multifactorielle de plusieurs variables linguistiques. Mots-clés : phrasal verbs, ordre des constituants, placement de la particule, facteurs linguistiques, acquisition. 1. Introduction La présente partie se propose de présenter les caractéristiques générales relatives aux phrasal verbs, puis d’exposer leur comportement syntaxique. 1.1. Généralités sur les phrasal verbs 1.1.1. Les phrasal verbs en quelques chiffres Les phrasal verbs représentent une catégorie fascinante de la langue anglaise et sont ainsi considérés comme une spécificité de l’anglais (Fraser, 1976 ; Moon, 2005, cité dans Macmillan, 2005). Comme le souligne McArthur (1989 : 38), ils ont toujours représenté « une partie dynamique de la langue anglaise ».1 Les phrasal verbs constituent en effet un tiers du vocabulaire verbal anglais (Li, Zhang, Niu, Jiang, & Srihari, 2003). Ils sont davantage employés à l’oral qu’à l’écrit. Par ailleurs, il existe environ 3000 phrasal verbs en anglais, dont 700 d’usage courant (Bywater, 1969 ; McArthur & Atkins, 1974 ; Cornell, 1985). En plus du grand nombre de phrasal verbs existants, de nouveaux sont constamment inventés. Comme le fait remarquer Bolinger (1971 : xi), ils constituent ainsi une classe très productive et correspondent alors à « une explosion de créativité lexicale qui surpasse toute autre chose dans notre langue ».2 En outre, les phrasal verbs sont d’autant plus productifs qu’ils évoluent et s’adaptent à l’air du temps ; les phrasal verbs nouvellement créés s’imprégnant ainsi des évolutions de la société (par exemple, Google up dérive de look up). 1 Traduction de la citation originale anglaise : “a vigorous part of English”. Traduction de la citation originale anglaise : “an explosion of lexical creativeness that surpasses anything else in our language”. 2 2 1.1.2. Définition et caractéristiques du phrasal verb Il n’existe pas de définition universelle du phrasal verb. En effet, comme le soulignent Gardner & Davies (2007 : 341), « les linguistes et les grammairiens luttent avec les nuances des définitions du phrasal verb ».3 Une des raisons justifiant ce manque de consensus (Darwin & Gray, 1999 ; Sawyer, 2000) repose sur le fait que certains linguistes définissent le phrasal verb comme l’association d’un verbe et d’une préposition ou d’une particule adverbiale, tandis que d’autres considèrent le phrasal verb comme étant un verbe suivi d’une particule adverbiale exclusivement. Il faut toutefois souligner que les phrasal verbs ont traditionnellement toujours été compris comme se composant d’un verbe support et d’une particule adverbiale ; la structure « verbeparticule » formant alors une seule unité lexicale. Le phrasal verb est donc envisagé comme un lexème puisqu’il s’agit d’un groupe de mots graphiques constituant une seule et même unité de sens – une unité signifiante (Cowie & Mackin, 1993 ; Crystal, 1995 ; Thornbury, 2002). Le verbe support constituant le phrasal verb est monosyllabique, d’origine germanique et exprime un mouvement concret ou abstrait. Il s’agit essentiellement de verbes dits « légers » car possédant un sémantisme très large et dont la fréquence d’emploi est très importante dans le langage courant. Les principaux candidats aux verbes supports au sein des phrasal verbs sont ainsi bring, come, get, give, go, make, put, set, take, etc. Quant aux caractéristiques de la particule adverbiale, celle-ci est morphologiquement invariable, véhicule un sémantisme plutôt vague et décrit un mouvement ou un résultat. Il existe un « noyau » de particules qui se sont révélées plutôt stables au fil du temps et qui figurent comme étant les plus fréquentes dans le langage courant : up, down, in, out, on, off, back, away et over (Akimoto, 1999 ; Claridge, 2000). En ce qui concerne les significations des phrasal verbs, elles peuvent s’étendre des valeurs directionnelles, ou spatiales, ou littérales, ou transparentes (e.g., stand up, take away) à des valeurs aspectuelles, ou complétives (par exemple, burn down, eat up), jusqu’à des valeurs noncompositionnelles, ou idiomatiques, ou figurées, ou opaques (par exemple, face off, figure out) (Live, 1965 ; Fraser, 1965, 1966 ; Bolinger, 1971 ; Makkai, 1972 ; König, 1973 ; Moon, 1997 ; Celce-Murcia & Larsen-Freeman, 1999). Les classes sémantiques des phrasal verbs peuvent être 3 Traduction de la citation originale anglaise : “linguists and grammarians struggle with nuances of phrasal verb definitions”. 3 ainsi représentées sur un vaste continuum s’étalant des significations les plus compositionnelles (directionnelles, puis aspectuelles) aux sens non-compositionnels (idiomatiques) (Bolinger, 1971 ; Moon, 1998) (voir Figure 1). Figure 1 – Continuum représentant les classes sémantiques des phrasal verbs Les verbes à particule dont le sémantisme a un faible degré de compositionnalité – autrement dit, les phrasal verbs idiomatiques – ne peuvent être déduits directement à partir de la somme des significations de leurs constituants. C’est pourquoi les phrasal verbs sont bien souvent difficiles à acquérir et à maîtriser pour les apprenants non-anglophones puisqu’ils représentent une difficulté notable pour les locuteurs non-natifs, d’où leur réputation de « fléau de l’apprenant ». Ainsi, dans l’énoncé suivant, extrait du British National Corpus (BNC) (Davies, 2004-), le verbe à particule run out ne signifie aucunement ‘sortir en courant’ mais plutôt ‘s’épuiser, (venir à) manquer’, voire ‘tomber en panne d’essence’ dans l’exemple ci-dessous : (1) Matt and I ran out of gas, for the simple reason that the dear old boy had forgotten to fill up while I was with the wholesaler.HHB_202 (BNC) Par conséquent, lorsque l’on a affaire à des phrasal verbs figurés sémantiquement, et donc quelque peu déroutants et imprévisibles, le recours au contexte est indispensable afin de lever les ambiguïtés et de déterminer correctement la signification de ces verbes à particule. Enfin, tout comme les diverses définitions associées aux phrasal verbs, il existe une multitude d’appellations au regard de leur terminologie ; celles-ci ne renvoyant pas nécessairement à une définition identique, précise et figée du verbe à particule mais plutôt à une définition plus ou moins large qui varie à travers le temps (selon la diachronie), selon l’école linguistique, etc. On trouve ainsi les dénominations suivantes : verb-adverb combination (Kennedy, 1920), wordset (Ralph, 1964), discontinuous verb (Live, 1965), verb-particle construction (Lipka, 1972 ; Pelli, 1976 ; Lindner, 1983), verb-particle combination (Fraser, 1974), two-word verb (Meyer, 1975), etc. Le terme phrasal verb demeure cependant, et de loin, 4 le plus employé pour désigner le verbe complexe en anglais. Intéressons-nous ensuite au comportement syntaxique des verbes à particule. 1.2. Comportement syntaxique des phrasal verbs 1.2.1. Les phrasal verbs intransitifs versus transitifs Les verbes à particule intransitifs ne reçoivent pas de complément d’objet, comme l’illustrent les énoncés (2), (3) et (4) ci-après : (2) Things were definitely looking up.AEB_1460 (BNC) (3) “We can’t give up now,” Anne said.ALJ_1601 (BNC) (4) The plane took off.GW5_43 (BNC) En revanche, les phrasal verbs transitifs acceptent un complément d’objet. Celui-ci peut être direct – il suit immédiatement la particule adverbiale – ou indirect – il ne suit pas immédiatement la particule mais est introduit par une préposition. L’objet de mon étude est cependant restreint aux constructions « verbe-particule » transitives directes, comme suit : (5) I simply remove myself, calmly, and with a dignity that must be noticed even by those who would have to look the word up in a dictionary to get some faint glimmer of an idea of what the concept actually means.ADA_675 (BNC) (6) He paused to let the devout look up the passage in their Bibles.A0N_310 (BNC) (7) Rufus had called her a waif and Adam had immediately ridiculed this word, said it was a romantic novelist’s word, so they had looked it up in Hilbert’s Shorter Oxford Dictionary and found illuminating things.CDB_1764 (BNC) Le complément d’objet direct peut être un groupe nominal (cf. exemples (5) et (6)) ou un pronom (cf. exemple (7)). Lorsqu’il s’agit d’un groupe nominal, il peut précéder 4 (cf. exemple (5)) ou suivre (cf. exemple (6)) la particule adverbiale. Il existe cependant une restriction syntaxique lorsque le complément d’objet direct est un pronom ; celui-ci étant obligatoirement placé entre le verbe support et la particule adverbiale (cf. exemple (7)). Tout ceci sera précisément expliqué plus loin dans cet article (voir section 5.1.). Mon étude se penche exclusivement sur les verbes à particule transitifs directs. Cet article 4 Il peut précéder la particule adverbiale à condition qu’il n’excède pas deux mots – voire trois mots. 5 n’abordera pas le cas des phrasal verbs intransitifs et des phrasal verbs transitifs indirects. 1.2.2. Caractéristiques des phrasal verbs transitifs directs Outre les difficultés que représentent les phrasal verbs en général (idiomaticité, polysémie, etc.), de par leur complexité et leur nature imprévisible, notamment pour les locuteurs non-anglophones, les verbes à particule transitifs directs s’avèrent être une source de difficulté supplémentaire. En effet, dans les constructions transitives directes mettant en jeu des phrasal verbs, il existe une variation grammaticale – ou configurationnelle – due au déplacement de la particule adverbiale. Celle-ci peut alors précéder ou suivre le complément d’objet direct, offrant ainsi deux alternatives possibles au niveau de l’ordre des constituants : une configuration continue (V-Prt-O) ou discontinue (V-O-Prt).5 Il apparaît donc intéressant de se pencher sur ce qui motive l’ordre des constituants. Dans cette étude, je montrerai que la position de la particule dans les constructions « verbe-particule » transitives directes est en fait conditionnée par des facteurs linguistiques complexes – morphosyntaxiques, sémantiques, pragmatico-discursifs – qui influencent le choix du locuteur en ce qui concerne l’ordre des constituants. 2. Questionnements et objectifs de cette étude Le présent travail est structuré comme suit : la section 3 décrit le phénomène du déplacement de la particule dans les constructions « verbe-particule » transitives directes et fait état des études antérieures ; la section 4 présente les ressources et méthodes utilisées dans cet article. Dans la section 5, je montrerai que de multiples facteurs linguistiques – syntaxiques, sémantiques, pragmatico-discursifs et prosodiques – régissent l’ordre des constituants au sein des phrasal verbs transitifs directs dans le langage adulte. L’acquisition du placement de la particule dans le discours du jeune enfant anglophone sera étudiée dans la section 6 : plus précisément, nous examinerons la distribution des configurations continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt dans le discours du jeune enfant anglophone et nous conduirons une analyse multifactorielle de plusieurs variables linguistiques afin de voir si l’enfant reproduit le même pattern linguistique que l’adulte. Autrement dit, nous tâcherons de savoir si l’ordre des constituants au sein des phrasal verbs transitifs directs dans le discours de l’enfant est aussi influencé par de multiples facteurs linguistiques, comme cela est le cas chez l’adulte, c’est-à-dire l’input, à savoir l’environnement 5 Dans cet article, les abréviations suivantes seront utilisées : V pour verbe support, Prt pour particule adverbiale et O pour complément d’objet direct. 6 linguistique auquel l’enfant est exposé. Les sections 7 et 8 exposent ma problématique de recherche et mon hypothèse. Mon travail offre ainsi un éclairage nouveau sur le placement de la particule au sein des phrasal verbs transitifs directs dans le discours du jeune enfant anglophone. En effet, contrairement aux études antérieures, ma recherche ne se contente pas seulement de répondre à la question « comment », elle s’interroge également sur le « pourquoi » et s’efforcera d’apporter une réponse précise. Dans le prolongement des sections 7 et 8, la section 9 s’intéresse à l’acquisition et au développement des constructions « verbe-particule » transitives directes chez l’enfant. Enfin, ce travail s’achève par des conclusions et propose de futures études et pistes possibles pour prolonger la réflexion. 3. Le déplacement de la particule dans les constructions « verbe-particule » transitives directes 3.1. Présentation du phénomène Dans les constructions transitives directes mettant en jeu des phrasal verbs, la particule adverbiale peut être déplacée et se positionner ainsi à droite du complément d’objet direct (cf. exemple (8’)). Ce phénomène est alors responsable de l’existence d’une variation configurationnelle de l’ordre des constituants, offrant ainsi deux possibilités : une configuration continue V-Prt-O (cf. exemple (8)) ou discontinue V-O-Prt (cf. exemple (9)), comme l’attestent les énoncés suivants : (8) (8’) And how upset they were when he took off his hat and smiled.A08_427 (BNC) And how upset they were when he took off his hat and smiled.A08_427 (BNC) MOUVEMENT DE LA PARTICULE (9) The Doctor took his hat off and placed it on the floor in the centre of the junction.F9X_1473 (BNC) Notons toutefois que cette alternance des deux types de configuration n’est possible que parce que le complément d’objet direct (qui est ici un groupe nominal) his hat est composé de deux mots. De manière générale, l’alternance des configurations continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt n’est réalisable que lorsque le complément d’objet direct n’excède pas deux mots – voire trois mots. Ceci sera étudié plus en détail dans la section 5.1. 7 3.2. Travaux antérieurs Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que les grammaires mentionnent la qualité de séparabilité des verbes à particule et discutent des différentes possibilités d’organiser l’ensemble « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct ». Bien plus tard, à partir des années 1970, bon nombre de linguistes et de chercheurs commencent à s’intéresser à l’ordre des constituants dans les constructions « verbe-particule » transitives directes et démontrent que, dans le langage adulte, de multiples facteurs linguistiques conditionnent le choix du locuteur en ce qui concerne la position de la particule (Bolinger, 1971 ; Fraser, 1974, 1976 ; Bock, 1977 ; Dixon, 1982 ; Chen, 1986 ; Hawkins, 1994 ; Gries, 1999, 2003 ; Peters, 1999 ; Dehé et al., 2002 ; Wasow, 2002). Deux alternatives sont donc possibles ; la particule pouvant alors précéder ou suivre le complément d’objet direct, comme en témoignent les exemples suivants : (10) a. John looked up the number. [V] [Prt] [O] V-Prt-O b. John looked the number up. [V] [O] [Prt] V-O-Prt Ainsi, il s’agit de la configuration continue V-Prt-O en (10a) tandis que l’exemple (10b) illustre la configuration discontinue V-O-Prt. Là encore, il convient de préciser que l’alternance des deux types de configuration n’est possible que parce que le complément d’objet direct (qui est ici un groupe nominal) the number est composé de deux mots. Nous verrons ceci plus en détail dans la section 5.1. 4. Matériels et méthodes Cette section expose brièvement les ressources et méthodes utilisées dans cet article. Les exemples et énoncés de cet article (sections 1, 3 et 5) sont extraits du British National Corpus (BNC) (Davies, 2004-) et du Corpus of Contemporary American English (COCA) (Davies, 2008-). Les analyses de cette étude (sections 6 et 9) ont été réalisées sur les données longitudinales du discours spontané de deux enfants unilingues anglophones, Naima et Ella, issues de la base de données CHILDES6 (MacWhinney, 2000). Naima (Corpus Providence ; Demuth, Culbertson & Alter, 2006) et Ella (Corpus Forrester ; Forrester, 2002) ont été suivies respectivement entre 0;11 6 http://childes.psy.cmu.edu/ 8 et 3;10 et entre 1;00 et 3;06. Les enregistrements audio et vidéo – qui commencent dès le début de la production des premiers mots et ont lieu pendant environ une heure toutes les deux semaines – ont été recueillis au cours d’interactions spontanées entre Naima et sa mère (et parfois son père) et entre Ella et son père à leur domicile familial respectif. Les énoncés ont été transcrits à l’aide des conventions CHAT. Pour cette étude, j’ai utilisé les programmes CLAN afin d’extraire tous les énoncés produits par Naima et par Ella contenant des constructions « verbe-particule » transitives directes. Mon approche méthodologique est présentée plus en détail dans la section 6.2. en ce qui concerne le traitement et l’analyse des données dans le discours de Naima et d’Ella. 5. Facteurs linguistiques régissant l’ordre des constituants au sein des phrasal verbs transitifs directs Au sein des phrasal verbs transitifs directs, l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » n’est pas le fruit du hasard. Bien au contraire, il résulte plutôt de règles linguistiques bien précises qui interagissent entre elles et influencent le choix du locuteur de façon quasi-inconsciente. Dans les sections ci-après, je montrerai que, dans le langage adulte, le placement de la particule est en effet conditionné par de multiples facteurs linguistiques : syntaxiques, sémantiques, pragmatico-discursifs et prosodiques. Intéressons-nous tout d’abord aux facteurs syntaxiques. 5.1. Facteurs syntaxiques La nature du complément d’objet direct, ainsi que sa longueur et sa complexité, exercent une influence sur la position de la particule par rapport au complément d’objet direct. 5.1.1. Nature du complément d’objet direct Le complément d’objet direct peut être de type nominal (cf. exemple (11)) ou pronominal (cf. exemple (12)). Lorsqu’il s’agit d’un groupe nominal constitué d’un nombre de mots inférieur ou égal à deux mots,7 éventuellement trois mots,8 la particule peut librement précéder (configuration continue VPrt-O, cf. exemple (11a)) ou suivre (configuration discontinue V-O-Prt, cf. exemple (11b)) le 7 Dans ce cas, le groupe nominal peut être un nom propre, ou un déterminant + un nom. Dans ce cas, le nom noyau du groupe nominal peut être accompagné d’un second élément lexical (par exemple, un génitif ou un adjectif). 8 9 complément d’objet direct, comme l’attestent les énoncés suivants : (11) a. John looked up the number. b. John looked the number up. Les deux types de configuration sont donc tout à fait possibles. Cependant, il en est tout autre lorsque le complément d’objet direct est de nature pronominale. Il y a alors une restriction syntaxique obligeant la particule à suivre le complément d’objet direct ; ce dernier devant être placé exclusivement entre le verbe support et la particule. Par conséquent, seule la configuration discontinue V-O-Prt est grammaticale (cf. exemple (12b)), comme l’illustre l’exemple suivant : (12) a. *John looked up it. b. John looked it up. De toute évidence, l’énoncé (12a) est grammaticalement incorrect. 5.1.2. Longueur et/ou complexité du complément d’objet direct La longueur et la complexité du complément d’objet direct régissent également l’ordre des constituants dans les constructions « verbe-particule » transitives directes. Le placement de la particule est ainsi soumis au principe de l’end-weight (appelé « principe de poids relatif » en français), principe selon lequel les éléments « lourds » et complexes de la phrase sont extraposés et placés en fin d’énoncé.9 Examinons les énoncés suivants : (13) Mary put it down. Mary put the ball down. ??Mary put the ball with the blue stripes down. Mary put the ball with the blue stripes down. d. ??Mary put the ball that John had given her down. d’. Mary put the ball that John had given her down. a. b. c. c’. Nous l’avons vu dans la section précédente (5.1.1.), lorsque le complément d’objet direct est 9 Voir Leech & Svartvik (1991 : 175) : « The ‘weight’ of an element can be defined in terms of length (eg number of syllables) or in terms of grammatical complexity (number of modifiers, etc.). » 10 un pronom, il se positionne obligatoirement entre le verbe support et la particule (cf. exemple (12b)). L’énoncé (13a) est donc grammaticalement correct. Plus précisément, d’un point de vue syntaxique, comment pouvons-nous rendre compte de ceci ? Le pronom (it) appartient à la classe des éléments grammaticaux et possède donc un contenu sémantique pauvre. La particule adverbiale (down), en revanche, forme avec le verbe support (put) un ensemble « verbe-particule » (put down) correspondant à un item lexical unique – également appelé lexème ou unité lexicale – et présentant un contenu sémantique riche. D’un point de vue syntaxique, la particule adverbiale est donc considérée plus « lourde » et plus complexe que le pronom. Par conséquent, pour toutes les raisons énoncées précédemment, même si le pronom (it) et la particule adverbiale (down) sont chacun composés d’un seul mot, la particule est reconnue comme davantage complexe puisque possédant un contenu sémantique plus riche en vertu de son association inhérente au verbe support. De ce fait, et d’après le principe de l’end-weight, lorsque le complément d’objet est un pronom, seule la configuration discontinue V-O-Prt est valide (cf. exemples (12b) et (13a)). En (13b), le complément d’objet direct the ball est un groupe nominal composé du déterminant the (élément grammatical, contenu sémantique pauvre) et du nom noyau ball (élément lexical, contenu sémantique riche), soit deux mots. Nous l’avons vu dans la section 5.1.1. (cf. exemples (11a) et (11b)), lorsque le complément d’objet direct est un groupe nominal minimal – puisque composé de deux mots au maximum,10 éventuellement trois mots11 – il peut librement précéder (configuration discontinue V-O-Prt, cf. exemples (11b) et (13b)) ou suivre (configuration continue V-Prt-O, cf. exemple (11a)) la particule adverbiale. En effet, dans l’énoncé (13b), même si le complément d’objet direct (the ball) est constitué de deux mots et semble donc plus « lourd » et plus complexe que la particule adverbiale (down) composée d’un seul mot, le complément d’objet direct et la particule sont en fait de complexité égale et possèdent tous deux un contenu sémantique riche ; le déterminant the n’étant pas considéré puisqu’il s’agit d’un mot grammatical. Par conséquent, d’après le principe de l’end-weight, les configurations continue V-Prt-O (Mary put down the ball) et discontinue V-O-Prt (cf. exemple (13b)) sont donc librement interchangeables. L’alternance des deux types de configuration est 10 Dans ce cas, le groupe nominal peut être un nom propre, ou un déterminant + un nom. Dans ce cas, le nom noyau du groupe nominal peut être accompagné d’un second élément lexical (par exemple, un génitif ou un adjectif). 11 11 ainsi possible et grammaticalement correcte. En revanche, dès lors que le complément d’objet direct est un groupe nominal constitué de plus de trois mots, la configuration discontinue V-O-Prt (cf. exemples (13c) et (13d)) n’est plus valide et seule la configuration continue V-Prt-O (cf. exemples (13c’) et (13d’)) est grammaticalement correcte ; le complément d’objet devant ainsi être exclusivement placé après la particule adverbiale puisque plus « lourd » et plus complexe que celle-ci d’un point de vue syntaxique. En effet, en (13c), le complément d’objet direct the ball with the blue stripes est un groupe nominal étendu composé du groupe nominal minimal the ball (déterminant the et nom noyau ball) et du groupe prépositionnel with the blue stripes qui est introduit par la préposition with. Le nom noyau ball est donc suivi d’un second élément lexical (with the blue stripes) qui n’est autre que le complément du nom ball. D’un point de vue syntaxique, le groupe nominal the ball with the blue stripes possède un matériel lexical beaucoup plus « lourd » et plus complexe que la particule adverbiale down. Par conséquent, d’après le principe de l’end-weight, il se positionne donc obligatoirement après celle-ci et se retrouve extraposé en fin de phrase (cf. exemple (13c’)). La configuration continue V-Prt-O est possible uniquement. Il en est de même avec l’exemple (13d) où le complément d’objet direct est un groupe nominal étendu, plus « lourd » et plus complexe que celui de l’énoncé (13c). Ainsi, en (13d), le groupe nominal the ball that John had given her est constitué du nom noyau ball suivi de la proposition subordonnée relative that John had given her introduite par le pronom relatif that – dont le nom noyau ball est l’antécédent. De toute évidence, le complément d’objet the ball that John had given her possède un matériel lexical beaucoup plus « lourd » et plus complexe que la particule adverbiale down. Par conséquent, d’après le principe de l’end-weight, il suit obligatoirement la particule et se retrouve donc extraposé en fin d’énoncé (cf. exemple ((13d’)). La configuration continue V-Prt-O est alors exclusive. Etudions ensuite les facteurs sémantiques régissant l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct ». 5.2. Facteurs sémantiques 5.2.1. Sémantisme de la particule adverbiale La position de la particule adverbiale par rapport au complément d’objet direct – et donc l’ordre des constituants – est déterminée par la valeur sémantique (spatiale, aspectuelle, ou idiomatique) de la particule adverbiale. 12 Il convient toutefois de préciser que, quel que soit le sémantisme de la particule adverbiale, les deux types de configuration – continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt – existent et sont grammaticalement corrects. Cependant, selon la valeur sémantique de la particule adverbiale, l’un des deux types de configuration sera davantage représenté que l’autre type de configuration dans le langage adulte. Dans les sections suivantes (5.2.1.1., 5.2.1.2., 5.2.1.3. et 5.2.1.4.), je montrerai que, dans le langage adulte, la prédominance de l’un des deux types de configuration par rapport à l’autre type de configuration est fonction du sémantisme de la particule adverbiale. Intéressons-nous tout d’abord aux particules adverbiales à valeur littérale. 5.2.1.1. Littéral Les particules adverbiales à valeur littérale (également appelée compositionnelle, spatiale, ou transparente) désignent la direction, la trajectoire, ou le but, le résultat, la position finale du complément d’objet direct. Lorsque la particule adverbiale possède un sémantisme spatial, la configuration de type discontinu V-O-Prt est davantage représentée dans le discours de l’adulte. Observons l’énoncé suivant : (14) Like when I had to carry the garbage out – because of my bad back, the girls helped me with my duty and it was all right with the counsellors because of my back – it wasn’t special treatment.CH8_641 (BNC) Dans l’exemple (14), l’ordre des constituants est de type discontinu V-O-Prt. De plus, carry out est un verbe à particule à valeur littérale ; la particule out renvoyant ici au résultat, à la position finale du complément d’objet direct the garbage. L’énoncé (14) peut ainsi être glosé par the garbage is out. La prédominance de la configuration discontinue V-O-Prt n’a rien d’étonnant puisque les phrasal verbs à valeur littérale présentent un verbe support et une particule adverbiale qui entretiennent une relation faible, « lâche ». En effet, dans les constructions « verbe-particule » à valeur spatiale, le verbe support et la particule adverbiale sont très faiblement liés sémantiquement d’où la possibilité de déduire directement et aisément le sens – transparent – de ces phrasal verbs à partir de la somme des significations de leurs constituants. Cette relation « lâche » d’un point de vue sémantique entre le verbe support et la particule justifie leur faible liaison et donc leur éloignement d’un point de vue syntaxique, d’où la configuration de type discontinu V-O-Prt. 13 Examinons maintenant le cas des particules adverbiales à valeur aspectuelle. 5.2.1.2. Aspectuel L’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » au sein des constructions « verbe-particule » à valeur aspectuelle dépend du degré de réalisation et de complétude (on parle alors d’aspect perfectif/imperfectif, accompli/inaccompli, télique/atélique, borné/non borné) du procès exprimé par le verbe support. Ainsi, la configuration continue V-Prt-O est davantage représentée dans le discours de l’adulte lorsqu’il s’agit d’un événement atélique, c’est-à-dire que l’action décrite par le verbe support n’est pas menée à son terme et elle n’est alors réalisée que partiellement ; la borne finale du procès n’étant pas atteinte. En revanche, la configuration discontinue V-O-Prt prédomine lorsque le procès envisagé est réalisé complètement, il s’agit donc d’un événement télique ; le but ou le résultat escompté étant atteint. Examinons les énoncés ci-dessous : (15) a. Mary drank up some of the lemonade. b. ??Mary drank some of the lemonade up. (16) a. Mary ate up the cake, and Kate ate her leftovers. b. ??Mary ate the cake up, and Kate ate her leftovers. Les énoncés (15a) et (16a) présentent une configuration continue V-Prt-O décrivant ainsi des événements imperfectifs. Dans l’exemple (15a), Mary a bu une certaine quantité (non précisée) de limonade (cf. déterminant quantifieur some). Elle n’a pas bu toute la limonade qui était à sa disposition. La borne finale n’a pas été atteinte et le procès n’a donc pas été réalisé complètement mais partiellement, sous-entendu : il reste de la limonade (on peut alors imaginer que Mary n’a pas terminé son verre ou qu’il reste encore de la limonade dans la carafe, etc.). Similairement, dans l’exemple (16a), Mary a mangé du gâteau mais elle ne l’a pas mangé en entier. Le procès décrivant la consommation totale du gâteau (l’énoncé indique qu’il s’agit du gâteau entier the cake – pouvant notamment être glosé par the whole cake – et non pas d’une part ou d’un morceau de gâteau, a slice of/a piece of/a bite of the cake) n’a pas été achevé. Ceci est d’ailleurs confirmé par l’après-texte and Kate ate her leftovers signifiant que Kate a mangé les restes du gâteau. En revanche, les énoncés (15b) et (16b) ne sont pas corrects. En effet, la configuration de type discontinu V-O-Prt caractérise des événements perfectifs, c’est-à-dire que l’action exprimée par le verbe support est totalement achevée ; le but ou le résultat étant ainsi atteint. Or, en (15b), le groupe nominal some of the lemonade en position de complément d’objet direct et notamment 14 le déterminant quantifieur some (quantité non précisée mais bel et bien existante) est totalement incompatible avec un procès télique ; la borne finale n’étant pas atteinte. Le déterminant quantifieur some prive ainsi la réalisation totale de l’action envisagée. Il aurait fallu que le complément d’objet direct soit par exemple the lemonade ou a glass of lemonade ou her glass of lemonade, garantissant ainsi l’achèvement du procès. Le problème se pose également dans l’exemple (16b) puisque l’après-texte and Kate ate her leftovers empêche la lecture télique de l’énoncé, rendant ainsi la réalisation de la consommation du gâteau en entier par Mary incomplète et partielle. Ainsi, lorsque la particule adverbiale exprime un sémantisme aspectuel, le type de configuration – continue V-Prt-O ou discontinue V-O-Prt – des constructions « verbe-particule » transitives directes est fortement associé et influencé par le degré de complétude de l’événement décrit par le verbe support ; la configuration discontinue V-O-Prt étant prédominante lorsqu’il s’agit d’un procès borné et la configuration continue V-Prt-O étant davantage représentée dans le langage de l’adulte lorsqu’il s’agit d’un événement imperfectif. Un parallèle peut notamment être établi entre les verbes à particule à valeur spatiale et ceux à valeur aspectuelle exprimant un procès perfectif : en effet, les phrasal verbs appartenant à ces deux catégories sémantiques présentent, dans la très grande majorité des cas, une configuration discontinue V-O-Prt correspondant à la réalisation totale du résultat envisagé. Penchons-nous maintenant sur le cas des phrasal verbs à valeur idiomatique. 5.2.1.3. Idiomatique Lorsque la particule adverbiale possède un sémantisme idiomatique (également appelé non-compositionnel, figuré, ou opaque), la configuration prédominante est de type continu V-PrtO. Examinons attentivement les exemples suivants : (17) a. Sutton points out both men destroyed evidence, covered up the shooting, and then failed to report it to superiors, as they are required to do. (COCA SPOK 2008) b. Then he takes his coat and uses it to cover the man up. (COCA FIC 1993) L’énoncé (17a) présente une configuration de type continu V-Prt-O car la valeur sémantique de la particule adverbiale up est idiomatique. En effet, le verbe à particule cover up signifie ici couvrir quelqu’un de quelque chose, cacher, dissimuler, garder secret, voire étouffer quelque 15 chose, en l’occurrence ici la fusillade, les coups de feu (the shooting). Ceci est d’ailleurs confirmé par l’avant-texte both men destroyed evidence – indiquant que les preuves ont été détruites par les deux hommes – et par l’après-texte and then failed to report it to superiors, as they are required to do – expliquant que les deux hommes ont volontairement omis de signaler à leurs supérieurs l’existence de cette fusillade alors qu’ils sont normalement tenus de le faire. La signification du verbe à particule cover up n’est donc absolument pas compositionnelle ici ; c’està-dire qu’elle n’est pas déductible directement de la somme du sens du verbe support cover et du sémantisme de la particule up. Il s’agit là bien au contraire d’un sens opaque, figuré, d’où la configuration continue V-Prt-O, celle-ci témoignant du lien très fort, « serré », existant entre le verbe support et la particule adverbiale, à la fois d’un point de vue sémantique et syntaxique. L’énoncé (17b), en revanche, présente une configuration de type discontinu V-O-Prt. La valeur sémantique de la particule adverbiale up est ici compositionnelle – on peut également parler de valeur transparente, littérale, spatiale, ou directionnelle. En effet, le verbe à particule cover up signifie ici recouvrir quelqu’un/quelque chose, en l’occurrence ici il s’agit du référent du complément d’objet direct the man qui est recouvert. Ceci est d’ailleurs confirmé par l’avanttexte he takes his coat and uses it indiquant alors que le référent du sujet he recouvre l’homme (the man) à l’aide de son manteau. La signification du verbe à particule cover up est ainsi issue directement de la somme du sens du verbe support cover et du sémantisme de la particule up, celle-ci désignant alors la trajectoire, la direction (up, « vers le haut ») de l’action exprimée par le verbe support cover. L’action exercée par le référent du sujet he sur le référent du complément d’objet direct the man est ainsi effectuée du bas vers le haut. En (17b), le verbe à particule cover up, dont le sens est très aisément déductible (on pourrait presque considérer la particule up comme redondante voire inutile ici, le verbe à particule cover up se comprenant exactement comme le verbe simple cover), témoigne clairement de la relation faible, « lâche », existant entre le verbe support cover et la particule adverbiale up sur le plan sémantique mais également sur le plan syntaxique puisque la configuration discontinue V-O-Prt confirme le lien faible entre verbe et particule au sein des phrasal verbs transitifs directs à valeur directionnelle, d’où leur éloignement d’un point de vue syntaxique. Intéressons-nous ensuite à un cas particulier des constructions « verbe-particule » transitives directes à valeur idiomatique. 5.2.1.4. Cas particuliers 16 Nous avons vu précédemment (voir sections 5.2.1.1., 5.2.1.2. et 5.2.1.3.) que, si l’alternance des deux types de configuration – continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt – existe bien évidemment, l’un des deux types de configuration se révèle toutefois prédominant dans le langage adulte selon la valeur sémantique – spatiale, aspectuelle, idiomatique – de la particule adverbiale. Cependant, dans certains cas, l’alternance des deux types de configuration n’existe pas et seul un type de configuration sera alors possible. Il s’agit ici du cas particulier des idiomes et expressions idiomatiques. En effet, nous avons vu plus haut (voir 5.2.1.3.) que les phrasal verbs à valeur idiomatique présentent majoritairement une configuration continue V-Prt-O témoignant du lien très fort et « serré » existant entre le verbe support et la particule adverbiale, tant sur le plan syntaxique que sur le plan sémantique – et notamment de par la signification noncompositionnelle et surtout très opaque de ce type de verbe à particule, uniquement déductible grâce au contexte. Dans le cas des idiomes et expressions idiomatiques, non seulement l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » est d’autant plus fixe, figé, mais également les constituants eux-mêmes – donc y compris le complément d’objet direct – ainsi que leur association entre eux. Le groupe de mots formant l’idiome est ainsi considéré comme une seule et même unité lexicale qui véhicule une seule unité de sens. Observons ainsi l’énoncé suivant : (18) No one really knows exactly why collegiate a cappella has become so popular in the last decade, but with so many groups on so many campuses, there’s big competition for an audience. At the University of North Carolina in Chapel Hill, the Loreleis sing up a storm, trying to attract paying customers to their big show. (COCA SPOK 2004) L’exemple (18) présente un ordre des constituants figé; la configuration continue V-Prt-O marquant ainsi le lien très fort entre le verbe support sing et la particule adverbiale up. D’autre part, les constituants eux-mêmes sont également figés puisque le verbe à particule sing up est strictement associé au complément d’objet direct a storm. Il s’agit ici de l’expression idiomatique sing up a storm dont le sens – figuré – n’est absolument pas déductible à partir de la somme de ses constituants. L’expression entière constitue une unité lexicale et sémantique et doit être envisagée comme un tout. Le recours au contexte se révèle donc indispensable puisque le sens d’un idiome décrit un événement spécifique. L’idiome sing up a storm signifie chanter fort, 17 vigoureusement, avec beaucoup d’énergie et d’enthousiasme et se comprend particulièrement grâce à l’avant-texte a cappella et there’s big competition for an audience et l’après-texte trying to attract paying customers to their big show. L’expression idiomatique sing up a storm véhicule clairement l’idée d’une performance et d’un événement de grande envergure. Notons le contraste avec le verbe à particule sing up signifiant uniquement chanter plus fort par opposition à l’idiome sing up a storm qui met en avant le caractère intense, vigoureux voire excessif de l’action de chanter. Examinons enfin un autre cas particulier, propre aux constructions « verbe-particule » transitives directes à valeur idiomatique. En effet, il arrive que, dans certains cas, un seul et même phrasal verb possède un sémantisme spécifique et distinct selon le type de configuration – continue V-Prt-O ou discontinue V-O-Prt. Les deux types de configuration n’étant alors pas interchangeables, il faudra, par conséquent, avoir impérativement recours au contexte afin de désambiguïser les énoncés et de déterminer la signification correcte du phrasal verb. Prenons l’exemple du verbe à particule get through, composé du verbe support get et de la particule through, et observons les énoncés suivants : (19) I called Ms. Tompkins, who said she was in the bowels of some government building looking up phone records. I told her to get a message through to Mr. Fitzwater, instructing him to ask to speak to me alone after the presentation, if possible out of earshot of any “gray men”. (COCA MAG 2004) (20) “Let’s open our Bibles to the book of Matthew, chapter 28.” It’s taken us a long time to get to this final chapter, with a guest speaker one week and me sick another. I also wanted to move slowly; in fact we probably won’t get through this chapter today.” (COCA FIC 1991) L’énoncé (19) présente une configuration discontinue V-O-Prt et le verbe à particule get through signifie ici faire passer, transmettre, faire parvenir un message (a message). Le référent du sujet I explique ainsi qu’il a contacté par téléphone Ms. Tompkins (I called Ms. Tompkins) qui lui sert d’intermédiaire pour transmettre un message à Mr. Fitzwater dont la nature du message est explicitée dans l’après-texte : instructing him to ask to speak to me alone after the presentation, if possible out of earshot of any “gray men”. En revanche, l’énoncé (20) présente une configuration continue V-Prt-O et le verbe à particule get through correspond ici à finir, terminer, achever, venir à bout du chapitre (this chapter). Le référent du sujet I précise que la 18 lecture du chapitre ne sera pas achevée à la fin de la séance, d’après l’après-texte : in fact we probably won’t get through this chapter today. Ainsi, ces exemples nous ont permis de voir qu’un seul et même phrasal verb, en l’occurrence ici get through, véhicule deux sémantismes distincts en fonction du type de configuration – continue V-Prt-O ou discontinue V-O-Prt. Par conséquent, les deux types de configuration ne sont pas interchangeables et la signification du verbe à particule get through est exclusive au type de configuration. Intéressons-nous ensuite à l’influence des facteurs pragmatico-discursifs sur le placement de la particule adverbiale au sein des phrasal verbs transitifs directs. 5.3. Facteurs pragmatico-discursifs Les facteurs pragmatico-discursifs régissent l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct ». Plus précisément, c’est le statut de l’information du complément d’objet direct – information ancienne ou nouvelle – qui détermine le placement de la particule adverbiale au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes. En effet, dans tout énoncé, l’information est organisée et structurée selon le « principe du dynamisme communicatif » (également appelé « principe d’information croissante »), principe selon lequel les éléments anciens ou déjà connus de l’interlocuteur (information ancienne) – c’est-à-dire les constituants « dont le référent [est] immédiatement accessible pour l’interlocuteur » – sont situés en tête de phrase tandis que les éléments nouveaux ou inconnus de l’interlocuteur (information nouvelle) se trouvent en fin d’énoncé, en zone d’information maximale (Boulonnais, 2006 : 65). La structure de l’information obéit alors au principe de l’end focus selon lequel « the new or most important idea in a piece of information should be placed towards the end, where in speech the tone unit normally falls » (Leech & Svartvik, 1991 : 175). Par conséquent, dans le cadre des phrasal verbs transitifs directs, le lien entre le statut de l’information véhiculée par le complément d’objet direct et l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » est défini comme suit : lorsque le référent du complément d’objet direct exprime une information ancienne, la configuration sera de type discontinu V-O-Prt tandis que lorsqu’il s’agit d’une information nouvelle, la configuration sera de type continu V-Prt-O. Observons les énoncés ci-dessous: 19 (21) a. What did Peter do with the ball? Peter picked the ball up. b. What did Peter pick up? Peter picked up the ball. L’énoncé (21a) présente une configuration de type discontinu V-O-Prt. Ceci est tout à fait logique puisque le complément d’objet direct the ball représente une information dite « ancienne » ou déjà connue de l’interlocuteur puisqu’il a déjà été mentionné précédemment dans l’avant-texte What did Peter do with the ball?. Dans l’exemple (21b), en revanche, le complément d’objet direct the ball n’a jamais été évoqué, il s’agit donc d’une information nouvelle ; le locuteur s’interrogeant sur ce que Peter a ramassé (What did Peter pick up?). Ceci explique, par conséquent, la position du complément d’objet direct the ball en fin d’énoncé, en zone d’information maximale selon le principe de dynamisme communicatif, d’où la configuration de type continu V-Prt-O. Je montrerai dans la section suivante (5.3.1.) que, plus spécifiquement, c’est le type de déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct – article défini ou indéfini – qui détermine l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » au sein des phrasal verbs transitifs directs. 5.3.1. Type de déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct Le déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct peut être un article défini ou indéfini. Selon le cas, la configuration sera de type discontinu V-O-Prt ou continu V-Prt-O. 5.3.1.1. Article défini Etudions le cas où le déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct est un article défini : (22) Kate turned the light on. En (22), le déterminant du groupe nominal the light en position de complément d’objet direct est un article défini the. Ceci présuppose donc que l’information décrite par le complément d’objet direct est « ancienne » ou déjà connue du locuteur. D’un point de vue cognitif, nous pouvons ainsi dire que l’information qu’exprime le complément d’objet direct est accessible pour le locuteur ; celui-ci est en mesure de reconnaître et d’identifier d’où provient la lumière allumée par Kate. Nous pouvons alors imaginer que Kate et le locuteur se trouvaient dans la même pièce lorsque Kate a allumé la lumière. Ils partagent ainsi une « connaissance commune » de la lumière allumée et savent tous deux à quoi elle se rapporte. Par conséquent, la configuration est de type 20 discontinu V-O-Prt. Analysons ensuite le cas où le déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct est un article indéfini. 5.3.1.2. Article indéfini Observons l’exemple suivant : (23) Kate turned on a light. En (23), le déterminant du groupe nominal a light en position de complément d’objet direct est un article indéfini a. De plus, le complément d’objet direct a light est placé en fin de phrase, en zone d’information maximale d’après le principe de dynamisme communicatif. Il s’agit donc d’une information nouvelle ou inconnue du locuteur. D’un point de vue cognitif, cela signifie que cette information n’est pas considérée comme accessible pour le locuteur. Nous pouvons imaginer, par exemple, que Kate a allumé « une lumière » mais que le locuteur ignore de quelle endroit/pièce provient cette lumière exactement car il se trouve dans une autre pièce que Kate. Nous pouvons également imaginer que le locuteur passe devant la maison de Kate – jusqu’alors sombre et non éclairée – et qu’il aperçoit ensuite qu’une lumière s’allume mais il est incapable de déterminer la provenance exacte du halo de lumière. L’article indéfini a reflète complètement cette idée d’incertitude et d’imprécision d’où le lien avec la nouveauté de l’information. Par conséquent, la configuration est de type continu V-Prt-O. Montrons enfin que les facteurs prosodiques régissent également le placement de la particule adverbiale au sein des phrasal verbs transitifs directs. 5.4. Facteurs prosodiques Dans une visée emphatique ou contrastive, certains constituants d’un énoncé se détachent du reste de l’énoncé et sont mis en valeur. L’énoncé est alors dit « focalisé » et l’assertion porte sur l’identification du (ou des) élément(s) focalisé(s) qui est (sont) extraposé(s) en fin d’énoncé, en zone d’information maximale, d’un point de vue syntaxique et pragmatique. D’un point de vue prosodique, une focalisation, une mise en relief telles qu’une emphase (cf. exemple (24a)) ou un contraste (cf. exemple (25c)) dans un énoncé sont marquées par l’accentuation du (ou des) terme(s) focalisé(s). Qu’en est-il dans les constructions « verbeparticule » transitives directes ? Les facteurs prosodiques influencent-ils l’ordre des constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » ? Si oui, comment ? Observons attentivement les exemples suivants : 21 (24) a. Ashley brought back THE BOOK. b. *Ashley brought THE BOOK back. (25) a. Ashley brought him back. b. *Ashley brought back him. c. Ashley brought back HIM (not her)! Dans les exemples (24a) et (24b), l’élément focalisé et accentué est le groupe nominal THE BOOK en position de complément d’objet direct. L’énonciateur explique qu’Ashley a rapporté le livre. Il ne s’agit donc pas de n’importe quel livre mais bien d’un livre en particulier, d’où l’emphase et l’accentuation sur le complément d’objet direct THE BOOK. Ceci est d’ailleurs mis en évidence par l’article défini THE et reflète totalement l’idée d’une connaissance partagée de ce livre entre Ashley et l’énonciateur. Si l’énoncé (24b) serait tout à fait correct dans un contexte non-emphatique – le complément d’objet direct the book constituant une information ancienne ou déjà connue du locuteur et d’Ashley – il se révèle agrammatical ici puisqu’il s’agit d’un contexte emphatique où la mise en relief est justement sur le complément d’objet direct THE BOOK devant nécessairement être placé en fin d’énoncé, en zone d’information maximale. Par conséquent, ceci déroge aux règles pragmatico-discursives énoncées précédemment (cf. section 5.3.) ; les phrasal verbs transitifs directs présentant ainsi exclusivement une configuration continue V-Prt-O dans les énoncés à visée emphatique (cf. exemple (24a)). Les énoncés (25a) et (25b) décrivent des contextes non-focalisés. Nous avons vu précédemment (cf. section 5.1.) que lorsque le complément d’objet direct est un pronom (him), il est obligatoirement situé entre le verbe support (brought) et la particule adverbiale (back) (cf. exemple (25a)) ; la configuration continue V-Prt-O étant agrammaticale (cf. exemple (25b)). Ceci s’explique par le fait que le pronom (him) est un élément grammatical donc il n’est pas accentué. Le phrasal verb (brought back), qui est un item lexical unique, est naturellement accentué ; la particule adverbiale (back) portant un accent primaire et le verbe support (brought) portant un accent secondaire. L’énoncé (25c), en revanche, décrit un contexte focalisé. Plus précisément, il s’agit d’un contraste, qui est d’ailleurs souligné par not her. En effet, l’énonciateur explique qu’Ashley a ramené, raccompagné le référent du complément d’objet direct HIM (LUI) – il s’agit par exemple d’un invité de la soirée – mais « pas elle » (“not her”). Au niveau de la ponctuation, le point d’exclamation renforce ce contraste et le caractère exagéré de la situation : nous pouvons imaginer, par exemple, que le couple s’est disputé et qu’Ashley a raccompagné l’invité chez lui ; 22 l’autre invitée étant repartie avec d’autres convives… L’élément focalisé et accentué est le pronom HIM en position de complément d’objet direct. En (25c), la configuration continue VPrt-O est exceptionnellement grammaticale ici puisqu’il s’agit d’un contexte contrastif où la mise en relief est justement sur le complément d’objet direct HIM, extraposé en fin d’énoncé, en zone d’information maximale. Dans les énoncés à visée contrastive, la restriction syntaxique – vue dans la section 5.1. – n’existe plus et les phrasal verbs transitifs directs recevant un complément d’objet de type pronominal présentent exclusivement une configuration continue V-Prt-O. 5.5. Bilan et conclusion De manière générale, dans les constructions « verbe-particule » transitives directes, les deux types de configuration – continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt – peuvent tout à fait décrire un même événement. Toutefois, dans les sections précédentes (5.1., 5.2., 5.3. et 5.4.), nous avons vu que, dans certains cas, la prédominance et la préférence pour un type de configuration se révèlent être de rigueur. En effet, dans le langage adulte, si le choix de l’ordre des constituants s’avère presque complètement inconscient de la part de l’énonciateur, il est surtout fortement influencé par différentes variables linguistiques – syntaxiques, sémantiques, pragmatico-discursives et prosodiques. Ainsi, la probabilité que les constituants « verbe support, particule adverbiale et complément d’objet direct » présentent une configuration discontinue V-O-Prt augmente de façon significative lorsque l’on a : - un complément d’objet direct simple et court (pronom ou groupe nominal constitué de 2 mots maximum), - ou un complément d’objet direct de type défini, - ou une particule adverbiale à valeur spatiale (directionnelle/littérale), - ou lorsque l’information exprimée par le complément d’objet direct est ancienne ou déjà connue du locuteur - ou lorsque le référent du complément d’objet direct est de type concret D’autre part, la probabilité que les constituants présentent une configuration continue V-Prt-O augmente de façon significative dans les cas suivants : - le complément d’objet direct est complexe et long (groupe nominal égal ou supérieur à 3 mots) - le complément d’objet direct est de type indéfini 23 - la particule adverbiale véhicule une signification non-spatiale (aspectuelle ou idiomatique) - l’information exprimée par le complément d’objet direct est nouvelle - le référent du complément d’objet direct est de type abstrait (voir aussi Bolinger, 1971 ; Gries, 2003) - le complément d’objet direct est accentué (pour marquer un contraste ou une emphase) Il convient également de souligner que les facteurs linguistiques influençant le placement de la particule adverbiale interagissent entre eux, et ce, de manière complexe : ainsi, les aspects pragmatico-discursifs sont fortement motivés par les propriétés morphosyntaxiques et les caractéristiques sémantiques de l’ensemble « verbe-particule ». Il existe donc une forte corrélation entre les variables linguistiques, laquelle renforce et encourage d’autant plus la prédominance de l’un ou de l’autre type de configuration au sein des phrasal verbs transitifs directs. Par exemple, dans la très grande majorité des cas, les constructions « verbe-particule » transitives directes présentant une configuration discontinue V-O-Prt comportent à la fois une particule adverbiale à valeur spatiale et un référent du complément d’objet de type concret, ces deux derniers étant étroitement liés. De la même façon, les phrasal verbs transitifs directs présentant une configuration continue V-Prt-O reçoivent un complément d’objet exprimant une information nouvelle. Naturellement, ceci implique non seulement que le groupe nominal en position de complément d’objet possède un matériel lexical lourd (groupe nominal étendu), mais aussi que son déterminant est de type indéfini. Dans la section suivante, nous étudierons l’acquisition du placement de la particule dans le discours du jeune enfant anglophone. 6. Acquisition du placement de la particule dans le discours du jeune enfant anglophone S’il est sans conteste que les verbes constitués de plusieurs mots tels les phrasal verbs représentent l’un des chapitres de la grammaire anglaise les plus difficiles à acquérir et à maîtriser pour les locuteurs non-anglophones, ils sont également l’un des domaines les plus complexes à acquérir pour les jeunes enfants anglophones. D’autant plus que l’acquisition et l’usage des verbes à particule redoublent de difficulté lorsqu’il s’agit des phrasal verbs transitifs directs car ils présentent un ordre des constituants variable avec deux types de configuration possibles : continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt. 6.1. Etudes antérieures Il existe extrêmement peu – ou pas – de travaux (Hyams et al., 1993 ; Broiher et al., 1994 ; 24 Bennis et al., 1995 ; Sawyer, 2001) portant sur l’acquisition du placement de la particule au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes dans le discours du jeune enfant anglophone. Les seules études réalisées à ce jour (Hyams et al., 1993 ; Broiher et al., 1994 ; Bennis et al., 1995 ; Sawyer, 2001) présentent unanimement le résultat suivant, à savoir que la configuration discontinue V-O-Prt est très fortement prédominante par rapport à la configuration continue VPrt-O dans les productions des jeunes enfants anglophones. Cependant, elles n’expliquent pas pourquoi les productions des jeunes enfants anglophones affichent une telle distribution et de manière si contrastée. C’est pourquoi, mon travail se propose d’apporter un éclairage nouveau sur l’acquisition du placement de la particule dans le discours du jeune enfant anglophone. Dans cet article, j’expliquerai ainsi quelle est l’origine d’une telle distribution, sachant surtout que la configuration discontinue V-O-Prt est cognitivement plus complexe et plus difficile à mettre en place chez le jeune enfant anglophone ; elle ne devrait donc pas prédominer avec une majorité écrasante dans ses productions. Enfin, j’adopterai la même approche que Gries (2003) et que Diessel & Tomasello (2005) et je proposerai une analyse multifactorielle de plusieurs variables linguistiques afin de déterminer si l’usage de la particule dans le langage de l’enfant varie selon les mêmes caractéristiques linguistiques que chez l’adulte. 6.2. Matériels et méthodes Dans cette étude, des analyses quantitatives et qualitatives ont été menées à partir des corpus oraux de deux petites filles anglophones – Naima, une petite fille américaine (Corpus Providence ; Demuth, Culbertson & Alter, 2006) et Ella, une petite fille anglaise (Corpus Forrester ; Forrester, 2002) – issus de la base de données CHILDES12 (MacWhinney, 2000) et suivies respectivement entre 0;11 et 3;10 et entre 1;00 et 3;06 lors d’interactions spontanées parentenfant. Plus précisément, il s’agit des échanges et interactions en milieu naturel entre Naima et sa mère principalement (parfois son père) et entre Ella et son père. Les interactions spontanées parent-enfant ont été filmées au domicile familial lors des activités de la vie quotidienne et suivant la chronologie des étapes d’une journée en famille (toilette, repas, lecture, jeux, coucher). Les enregistrements ont été effectués hebdomadairement ou bimensuellement ; le corpus 12 http://childes.psy.cmu.edu/ 25 Providence étant constitué de 88 vidéos de 60 minutes chacune et le corpus Forrester comprenant 33 vidéos de 45 minutes chacune. Les vidéos ont ensuite été transcrites. Tous les phrasal verbs produits par Naima et Ella ont été extraits et analysés grâce au logiciel CLAN. Mes analyses s’appuient sur les phrasal verbs formés avec les particules adverbiales les plus fréquentes, c’est-à-dire up, down, on, off, in, out, back, away et over. Cependant, il faut savoir que les corpus étudiés sont extrêmement denses et non étiquetés. Par conséquent, afin d’obtenir les données les plus précises possibles, j’ai dû extraire tous les verbes à particule manuellement un par un et nettoyer les résultats pour écarter les verbes prépositionnels de mon champ d’étude et ne conserver que les phrasal verbs. Enfin, pour mettre en évidence la distribution des deux configurations – continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt – dans les productions de Naima et d’Ella, j’ai filtré les données et considéré uniquement les phrasal verbs transitifs directs. Mon champ d’étude est ainsi restreint aux verbes à particule transitifs directs et ne porte pas sur les phrasal verbs intransitifs et transitifs indirects. Les données recueillies ont ensuite été codées afin de distinguer et de comparer les deux types de configuration dans le discours de Naima et d’Ella. 6.3. Comparaison de la distribution des configurations continue V-Prt-O et discontinue V-OPrt dans les productions de Naima et d’Ella Tous les phrasal verbs transitifs directs produits par Naima et Ella ont été extraits et comptabilisés selon le type de configuration – continu V-Prt-O versus discontinu V-O-Prt. Le nombre d’occurrences de phrasal verbs produits par Naima et Ella dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu et discontinu a ainsi été relevé. Les résultats obtenus sont résumés dans le tableau ci-dessous (Table 1) : Naima Ella Total V-Prt-O 70 7 77 V-O-Prt 369 65 434 Total 439 72 511 Table 1 – Nombre d’occurrences de phrasal verbs transitifs directs de type continu et discontinu chez Naima et Ella Les résultats ont été ensuite convertis en pourcentage (Table 2) : 26 Naima Ella V-Prt-O 15,95% 9,72% V-O-Prt 84,05% 90,28% Table 2 – Pourcentage des configurations V-Prt-O et V-O-Prt dans les productions de Naima et d’Ella De toute évidence, les résultats obtenus concordent tout à fait avec ceux observés dans les travaux antérieurs (voir section 6.1) : ainsi, Naima et Ella affichent une préférence totalement disproportionnée en faveur de la configuration discontinue V-O-Prt puisqu’elles produisent respectivement 369 (soit 84,05%) et 65 (soit 90,28%) occurrences de phrasal verbs transitifs directs de type discontinu contre respectivement 70 (soit 15,95%) et 7 (soit 9,72%) occurrences de verbes à particule transitifs directs de type continu. Bien que plus complexe cognitivement, la configuration discontinue V-O-Prt prédomine très fortement dans les productions de Naima et d’Ella par rapport à la configuration continue V-Prt-O – cognitivement plus simple. Ceci est d’autant plus surprenant puisque la configuration discontinue V-O-Prt instancie sur le plan cognitif le scénario fondamental des événements transitifs dans lesquels un agent agit sur un patient (Hopper & Thompson, 1980). Nous pouvons donc d’ores et déjà nous demander pourquoi, à un âge aussi précoce, les jeunes enfants anglophones utilisent démesurément les phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O. D’autre part, il convient de préciser que, dans le langage adulte, il se produit exactement le contraire puisque les locuteurs natifs utilisent plus fréquemment la configuration continue V-PrtO (Dehé, 2000 ; Peters, 2001). Quelle est donc l’origine de la sur-utilisation de la configuration discontinue V-O-Prt dans le discours de l’enfant ? Par ailleurs, il convient de remarquer que, même si les productions de Naima et d’Ella présentent la même tendance, Naima produit et utilise beaucoup plus de phrasal verbs qu’Ella. Ceci est, d’une part, dû au fait que les enregistrements mettant en scène les interactions entre Naima et ses parents sont beaucoup plus nombreux et plus longs que ceux avec Ella ; d’autre part, ceci peut être corrélé au fait que Naima est une petite fille américaine – Ella est anglaise – et il est couramment observé davantage de phrasal verbs en anglais américain par rapport à l’anglais britannique. Par conséquent, le nombre considérable de phrasal verbs produits dans le discours de Naima découle incontestablement de l’influence de l’input. Celui-ci est notamment fondamental dans l’acquisition du langage chez le tout jeune enfant. 27 La section suivante s’intéresse d’ailleurs à savoir si l’ordre des constituants au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes dans le langage de l’enfant est régi par l’influence de différents facteurs linguistiques, comme cela est le cas chez l’adulte. En d’autres termes, nous cherchons à comprendre et à déterminer si l’enfant reproduit le même environnement linguistique que celui auquel il est exposé. Pour ce faire, j’effectuerai ainsi une analyse multifactorielle de plusieurs variables linguistiques. 6.4. Analyse multifactorielle Dans la lignée des travaux de Gries (2003) et de ceux de Diessel & Tomasello (2005), nous avons conduit une analyse multifactorielle afin de voir si, tout comme chez l’adulte, le placement de la particule dans le discours du jeune enfant anglophone est également influencé par de multiples facteurs linguistiques. Les variables linguistiques étudiées sont les suivantes : 1) la longueur du complément d’objet direct (le nombre de mots) - un mot - deux mots - trois mots - quatre mots ou plus 2) la complexité du complément d’objet direct - simple : pronom, ou nom, ou déterminant + nom - intermédiaire : nom + second élément lexical (adjectif, ou génitif, ou groupe prépositionnel, etc.) - complexe : proposition subordonnée relative 3) la catégorie grammaticale du complément d’objet direct et son accentuation - pronom personnel (non accentué) - pronom démonstratif ou pronom indéfini (accentué) - groupe nominal (accentué) 4) le type de déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct - défini - indéfini 5) la catégorie sémantique du phrasal verb - valeur spatiale/directionnelle - valeur non-spatiale/non-directionnelle (valeur idiomatique ou aspectuelle) 28 Les résultats de l’analyse multifactorielle sont présentés dans les sections suivantes et sont résumés par facteur linguistique. 6.4.1. Résultats de l’analyse multifactorielle 6.4.1.1. Longueur du complément d’objet direct 1 mot 2 mots 3 mots 4 mots ou + Naima V-O-Prt 65,22% 30,16% 4,62% 0% Naima V-Prt-O 27,14% 51,43% 10% 11,43% Ella V-O-Prt 60,94% 31,25% 6,25% 1,56% Ella V-Prt-O 42,86% 57,14% 0% 0% Table 3 – Longueur du complément d’objet dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu et discontinu chez Naima et Ella Dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type discontinu V-O-Prt produites par Naima et Ella, la longueur du complément d’objet est très majoritairement constituée d’un mot (respectivement 65,22% et 60,94%) ou de deux mots (respectivement 30,16% et 31,25%). En revanche, Naima et Ella n’utilisent quasiment pas de complément d’objet constitué de trois mots (respectivement 4,62% et 6,25%) ou de quatre mots et plus (respectivement 0% et 1,56%). Par conséquent, Naima et Ella reproduisent le même environnement linguistique que celui auquel elles sont exposées. En effet, dans la section 5.1.2., nous avons vu que les phrasal verbs transitifs directs de type discontinu V-O-Prt produits dans le langage adulte reçoivent exclusivement un complément d’objet constitué d’un ou de deux mots (éventuellement trois mots au maximum). Ainsi, nous pouvons dire que le placement de la particule dans les discours de Naima et d’Ella est aussi influencé par la longueur du complément d’objet, comme cela est le cas chez l’adulte. En ce qui concerne les phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O produits par Naima et Ella, la longueur du complément d’objet est dans plus de la moitié des cas constituée de deux mots (respectivement 51,43% et 57,14%). Ceci correspond tout à fait à ce qui se produit chez l’adulte ; les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O acceptant ainsi un complément d’objet direct constitué de deux mots au minimum. Par conséquent, Naima et Ella reproduisent le même pattern linguistique que l’adulte. Cependant, en 29 ce qui concerne les compléments d’objet constitués de trois mots ou de quatre mots ou plus, seule Naima suit le même schéma linguistique que l’adulte (10% et 11,43% contre respectivement 0% et 0% chez Ella). Ceci résulte incontestablement du fait que Naima produit et utilise beaucoup plus de phrasal verbs qu’Ella. En ce qui concerne les compléments d’objet composés d’un mot, nous pouvons dire que Naima, mais surtout Ella (respectivement 27,14% et 42,86%), ne reproduisent pas le même schéma linguistique que l’adulte. En effet, les compléments d’objet constitués d’un mot au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O sont totalement agrammaticaux (hormis les cas de contraste ou d’emphase). Il s’agit donc très certainement ici d’erreurs, et dans le cas d’Ella, ceci s’explique par le fait que ses productions sont beaucoup moins nombreuses que celles de Naima et contiennent surtout un nombre de mots plus limité, d’où le recours malgré tout aux compléments d’objet constitués d’un seul mot en fin d’énoncé, bien que ce soit complètement incorrect. Nous pouvons donc conclure que, dans le discours de Naima en particulier, la longueur du complément d’objet régit vraisemblablement l’ordre des constituants dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O, tout comme chez l’adulte. 6.4.1.2. Complexité du complément d’objet direct Simple Intermédiaire Complexe Naima V-O-Prt 95,38% 4,62% 0% Naima V-Prt-O 75% 11,76% 13,24% Ella V-O-Prt 93,65% 6,35% 0% Ella V-Prt-O 100% 0% 0% Table 4 – Complexité du complément d’objet dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu et discontinu chez Naima et Ella Dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type discontinu V-O-Prt, Naima et Ella utilisent un complément d’objet de type simple (pronom, ou nom, ou déterminant + nom) à une majorité écrasante (respectivement 95,38% et 93,65%). Ceci est tout à fait conforme à ce qui se produit dans le discours de l’adulte. Naima et Ella reproduisent donc le même environnement linguistique que celui auquel elles sont exposées. Par ailleurs, elles produisent des compléments d’objet de type intermédiaire (nom + second élément lexical (adjectif, ou génitif, ou groupe prépositionnel, etc.)) de façon très minoritaire (respectivement 4,62% et 6,35%). En 30 conséquence, la complexité du complément d’objet au sein des phrasal verbs transitifs directs de type discontinu V-O-Prt conditionne considérablement l’ordre des constituants dans les productions de Naima et d’Ella. Au sein des phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O, les résultats obtenus chez Naima et Ella ne se révèlent pas très probants, en particulier pour Ella. En effet, Naima et Ella produisent des compléments d’objet de type simple de façon très majoritaire (respectivement 75% et 100%) ; ce qui n’est pas en accord avec ce qui se produit dans le langage adulte. Il faudrait regarder de plus près si ces compléments d’objet de type simple sont composés d’un déterminant suivi d’un nom, laquelle possibilité serait tout à fait correcte, ou s’il s’agit seulement d’un pronom ou d’un nom, auquel cas ceci est agrammatical et il s’agit donc d’erreurs. En revanche, nous pouvons remarquer qu’un quart des productions de Naima correspondent parfaitement avec ce que l’on trouve chez l’adulte (11,76% pour les compléments d’objet de type intermédiaire et 13,24% pour ceux de type complexe contre respectivement 6,35% et 0% chez Ella). Si Naima ne reproduit pas très fidèlement le même pattern linguistique que l’adulte, les résultats relatifs à ses productions s’avèrent bien meilleurs que ceux d’Ella. En effet, dans ses énoncés comprenant des constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu VPrt-O, elle utilise tout de même un complément d’objet de type complexe (proposition subordonnée relative) dans 13,24% des cas (contrairement à Ella qui n’en produit aucun), ce qui témoigne de sa capacité à produire des énoncés complexes et élaborés, et ce, à un âge très précoce. Par conséquent, nous pouvons quand même concevoir que, d’une certaine façon, le placement de la particule au sein des phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O dans le discours de Naima est influencé par la complexité du complément d’objet, comme cela est le cas chez l’adulte. 6.4.1.3. Catégorie grammaticale du complément d’objet direct et son accentuation Pronom personnel Pronom démonstratif/indéfini Groupe nominal Naima V-O-Prt 50,27% 15,49% 34,24% Naima V-Prt-O 1,69% 3,39% 94,92% Ella V-O-Prt 48,44% 17,19% 34,38% Ella V-Prt-O 0% 0% 100% 31 Table 5 – Catégorie grammaticale du complément d’objet et son accentuation dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu et discontinu chez Naima et Ella Dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type discontinu V-O-Prt, Naima et d’Ella produisent une majorité écrasante de pronoms en position de complément d’objet. Plus précisément, Naima et Ella utilisent un pronom personnel (donc non accentué) dans environ la moitié des cas – respectivement 50,27% et 48,44% – et un pronom démonstratif ou indéfini (donc accentué) dans respectivement 15,49% et 17,19% des cas. Ceci est parfaitement en accord avec ce qui se produit dans le discours de l’adulte. En effet, au sein des phrasal verbs transitifs directs, le complément d’objet de type pronominal est obligatoirement placé entre le verbe support et la particule adverbiale ; ceci correspondant ainsi à la configuration discontinue V-O-Prt. Naima et Ella reproduisent donc bien le même schéma linguistique que l’adulte. Par ailleurs, elles utilisent un groupe nominal (donc accentué) en position de complément d’objet direct dans un peu plus d’un tiers des cas (respectivement 34,24% et 34,38%). Cet emploi est tout à fait correct et existe également dans le langage adulte. Il faudrait cependant regarder de plus près si ces groupes nominaux en position de complément d’objet ne constituent pas plus de deux mots au maximum, auquel cas l’énoncé est considéré comme agrammatical. Finalement, tout comme chez l’adulte, l’ordre des constituants dans les constructions « verbe-particule » de type discontinu V-O-Prt produites par Naima et Ella est aussi influencé par la catégorie grammaticale du complément d’objet. Au sein des phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O produits dans les discours de Naima et d’Ella, le complément d’objet est un groupe nominal dans respectivement 94,92% et 100% des cas. Ceci est parfaitement conforme à ce qui se produit dans le langage adulte. Ainsi, Naima et Ella suivent le même pattern linguistique que l’adulte. De toute évidence, la catégorie grammaticale du complément d’objet régit aussi le placement de la particule dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O produites par l’enfant. 6.4.1.4. Type de déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet direct Naima V-O-Prt Défini Indéfini 92,31% 7,69% 32 Naima V-Prt-O 92,50% 7,50% Ella V-O-Prt 70% 30% Ella V-Prt-O 100% 0% Table 6 – Type de déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu et discontinu chez Naima et Ella Dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type discontinu V-O-Prt produites par Naima et Ella, le déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet est de type défini dans respectivement 92,31% et 70% des cas (contre respectivement 7,69% et 30% pour le type indéfini). Cet emploi du type défini à une majorité écrasante, dans le discours de Naima en particulier, confirme clairement que Naima et Ella reproduisent le même pattern linguistique que l’adulte. Nous pouvons donc conclure que, au sein des phrasal verbs transitifs directs de type discontinu V-O-Prt produits par l’enfant, l’ordre des constituants est aussi régi par le type de déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet, comme cela est le cas chez l’adulte. En ce qui concerne les phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O, les résultats obtenus dans les énoncés de Naima et d’Ella ne se montrent absolument pas concluants puisqu’elles utilisent un déterminant de type défini de façon très majoritaire, soit dans respectivement 92,50% et 100% des cas (contre respectivement 7,50% et 0% pour le type indéfini). Or, nous avons vu précédemment que, dans le langage adulte, une configuration continue V-Prt-O signifie nécessairement que le déterminant du groupe nominal en position de complément d’objet est de type indéfini ; ceci faisant ainsi référence à une information nouvelle. En effet, selon le principe de dynamisme communicatif, les éléments correspondant à une information ancienne ou considérée comme accessible pour le locuteur sont placés en tête d’énoncé – d’où la configuration discontinue V-O-Prt – tandis que les constituants correspondant à une information nouvelle ou inconnue du locuteur se trouvent en fin d’énoncé, en zone d’information maximale – d’où la configuration continue V-Prt-O. Par conséquent, Naima et Ella ne suivent pas le même schéma linguistique que l’adulte dans leur emploi des constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O. Par contre, puisqu’elles utilisent toutes deux un déterminant de type défini de façon très majoritaire pour les deux types de configuration – continu V-Prt-O et discontinu V-O-Prt – cela 33 signifie clairement qu’elles font quasiment systématiquement référence à une information reconnue comme ancienne dans leurs énoncés. Ceci n’est pas surprenant et est même tout à fait normal puisque le tout jeune enfant parle de choses, d’événements qui lui sont accessibles dans son espace spatio-temporel et qu’il connaît bien. En effet, ceci s’explique par le fait que les tout premiers énoncés – et donc les toutes premières « constructions linguistiques » – produits par l’enfant émanent et dérivent directement des énoncés des adultes présents dans son environnement linguistique. D’autres hypothèses sont également à prendre en considération pour rendre compte de l’emploi quasi nul du déterminant de type indéfini au sein des phrasal verbs transitifs directs de type continu V-Prt-O. Ainsi, ce n’est pas tant que l’enfant ignore la distinction existante entre une information ancienne et une information nouvelle ; en effet, il sait très bien faire référence à ce qui est « habituel » (information ancienne) pour lui et remarquer ce qui est « insolite » (information nouvelle). Il s’agit plutôt du fait que le tout jeune enfant « ne serait pas capable de prendre en compte les représentations de son interlocuteur et donc de contraster l’information nouvelle et l’information ancienne » (Morgenstern, 2009 : 177). Le tout jeune enfant ne disposerait donc pas encore des capacités socio-cognitives suffisantes lui permettant de considérer et d’évaluer quel est chez son interlocuteur le statut/l’état de l’information dont il fait référence lorsqu’il s’adresse à lui. 6.4.1.5. Catégorie sémantique du phrasal verb Spatial Non-spatial Naima V-O-Prt 74,25% 25,75% Naima V-Prt-O 44,29% 55,71% Ella V-O-Prt 61,54% 38,46% Ella V-Prt-O 71% 29% Table 7 – Catégorie sémantique du phrasal verb dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu et discontinu chez Naima et Ella Dans les constructions « verbe-particule » transitives directes de type discontinu V-O-Prt, Naima et Ella produisent très majoritairement des phrasal verbs à valeur spatiale (respectivement 74,25% et 61,54% contre respectivement 25,75% et 38,46% pour ceux à valeur non-spatiale). Ceci est totalement en accord avec ce qui se produit chez l’adulte. Naima et Ella reproduisent le 34 même pattern linguistique que celui auquel elles sont exposées. Tout comme chez l’adulte, le placement de la particule au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes de type discontinu V-O-Prt produites dans le discours de l’enfant est ainsi fortement influencé par la valeur sémantique du phrasal verb. En ce qui concerne les constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O, seule Naima présente des résultats plutôt en adéquation avec ceux du langage adulte. Elle produit ainsi davantage de phrasal verbs à valeur non-spatiale (55,71% contre 44,29% de phrasal verbs à valeur spatiale) ; ce qui est tout à fait logique puisque les verbes à particule à valeur non-spatiale (aspectuelle ou idiomatique) attestent d’une relation très solide, étroite, « serrée » entre le verbe support et la particule adverbiale, d’où la configuration continue V-PrtO. En revanche, dans le discours d’Ella, les résultats ne se révèlent pas du tout probants puisqu’elle produit seulement 29% de phrasal verbs à valeur non-spatiale contre 71% à valeur spatiale ; ce qui ne correspond pas du tout à ce qui se passe dans le langage adulte. Dans le discours du jeune enfant, cet emploi considérable – voire « massif » chez Ella – de phrasal verbs à valeur directionnelle au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes de type continu V-Prt-O s’explique essentiellement par le fait que le repérage spatial est cognitivement plus simple ; l’enfant évoluant dans un monde en mouvement. Les phrasal verbs à valeur spatiale sont ainsi acquis bien avant ceux à valeur non-spatiale. Les structures idiomatiques – cognitivement plus complexes – sont acquises moins vite et sont maîtrisées bien plus tard, vers l’âge de sept ans (Liu, 2008 : 94-97). 6.4.2. Discussion Les sections précédentes (6.4.1.1. à 6.4.1.5.) nous permettent de confirmer que, dans le langage de l’enfant, l’ordre des constituants au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes est effectivement régi par l’influence de multiples paramètres linguistiques (longueur du complément d’objet, complexité du complément d’objet, catégorie grammaticale du complément d’objet, etc.), comme cela est le cas chez l’adulte. Dès son plus jeune âge, l’enfant anglophone reproduit ainsi le même environnement linguistique que celui auquel il est exposé. Ceci n’est toutefois pas systématique, comme en témoignent les résultats contradictoires obtenus dans la section 6.3. En effet, bien que plus complexe cognitivement, la configuration discontinue V-O-Prt prédomine très fortement dans le discours de l’enfant par rapport à la 35 configuration continue V-Prt-O – cognitivement plus simple. Or, dans le langage adulte, il se produit exactement le contraire puisque les locuteurs natifs utilisent plus fréquemment la configuration continue V-Prt-O. 7. Problématique de recherche Pourquoi les jeunes enfants anglophones utilisent-ils massivement, et aussi à un âge très précoce, la configuration discontinue V-O-Prt alors que celle-ci est beaucoup plus complexe que la configuration continue V-Prt-O ? En effet, jusqu’à [2;01 - 2;04] chez Naima (flèche en vert) et [2;07 - 2;10] chez Ella (flèche en orange), les énoncés comprenant des phrasal verbs de type continu V-Prt-O sont quasiment nuls voire inexistants, comme l’atteste le graphique suivant (voir Figure 2), illustrant les productions des configurations discontinue V-O-Prt et continue V-Prt-O par tranche d’âge chez Naima et Ella : Figure 2 – Productions des configurations V-O-Prt et V-Prt-O par tranche d’âge chez Naima et Ella 36 Ainsi, la configuration de type continu V-Prt-O commence réellement à être utilisée après 2;01 pour les enfants les plus précoces. Quelle est l’origine de cette sur-utilisation de la configuration discontinue V-O-Prt dans le discours de l’enfant ? 8. Hypothèse L’emploi massif des phrasal verbs de type discontinu V-O-Prt, et ce, à un âge très précoce, correspondrait à un stade particulier – appelé stranded particle stage (le stade de la particule « échouée » ou « orpheline ») – que tous les jeunes enfants anglophones traversent au cours de leur acquisition des constructions « verbe-particule » en général. Plus précisément, ce serait la première étape – appelée stade holophrastique – de l’acquisition et du développement des phrasal verbs chez l’enfant qui expliquerait et déterminerait la prédominance quasi-exclusive de la configuration discontinue V-O-Prt dans le discours de l’enfant ; cette dernière étant bien entendu temporaire puisqu’après l’âge de deux ans la configuration continue V-Prt-O commence à être utilisée. Les différentes phases contribuant au développement des constructions « verbe-particule » chez l’enfant seront minutieusement étudiées dans la section ci-dessous. 9. Le développement des constructions « verbe-particule » chez le jeune enfant anglophone L’enfant évolue dans un monde en mouvement. L’espace et le mouvement sont les fondements de l’acquisition du langage chez le jeune enfant. Particulièrement saillants pour l’enfant, ils sont ainsi les moteurs du développement de la cognition spatiale chez le tout jeune enfant qui va alors produire ses premières « constructions linguistiques ». Les premiers énoncés produits par l’enfant sont appelés « holophrases » (De Laguna, 1927) car ils sont constitués d’un seul mot. Ils sont des ébauches de phrase et véhiculent une intention communicative holistique correspondant principalement à celle du langage adulte à partir duquel elle est justement acquise et intégrée (Barrett, 1982 ; Ninio, 1992). Le premier langage productif de l’enfant consiste généralement à formuler des requêtes ou à décrire des événements dynamiques impliquant des objets. Quelles sont les parties des expressions du langage adulte que les jeunes enfants sélectionnent pour la production de leurs premières holophrases ? Comme Slobin (1985) l’indique, les premiers énoncés holophrastiques de l’enfant reposent sur les types de discours que celui-ci échange avec l’adulte. Cela est principalement dû au fait 37 que certains mots et expressions dans le langage adulte sont perceptuellement plus saillants que d’autres (Slobin, 1973 ; Shady & Gerken, 1999). Ainsi, les premières holophrases produites par l’enfant sont essentiellement constituées de « termes événementiels dynamiques » (“dynamic event words”) tels que up, down, on, off, etc., puisque les adultes emploient ces mots de manière saillante lorsqu’ils font référence à des événements particulièrement marquants (McCune, 1992, 2006 ; Bloom, Tinker & Margolis, 1993). Ils apparaissent très tôt dans le langage de l’enfant : ils font partie des vingt premiers items lexicaux appris par les enfants anglophones selon Brown (1973), et ils sont principalement des « localisateurs spatiaux ».13 La plupart de ces mots correspondent en fait aux phrasal verbs dans le langage adulte (Leopold, 1939). Ainsi, la première phase du développement des constructions « verbe-particule » dans le langage de l’enfant correspond à l’emploi holophrastique des particules adverbiales, également appelées « satellites »14 (Brown, 1973 ; Slobin, 1973 ; Tomasello, 1987). Leur très grande fréquence en position finale dans l’input justifie clairement le fait qu’ils soient utilisés à la place des verbes (Slobin, 1973 ; Smiley & Huttenlocher, 1995). Examinons l’énoncé suivant, extrait du corpus Providence (Demuth, Culbertson & Alter, 2006) : (26) NAIMA: bye bye crayons. NAIMA: away away away. NAIMA: away away. MOTHER: oh put them away okay. [1;04,03] De toute évidence, l’emploi holophrastique de away en (26) par Naima véhicule une signification spatiale, caractéristique des premières utilisations des particules. La particule away renvoie ainsi à une idée d’éloignement, de séparation, de disparition (au loin). Ceci est d’ailleurs confirmé et mis en évidence par l’avant-texte bye bye crayons. De plus, away est ici une particule dite colorée (ou pleine) car elle est très chargée et très étoffée sémantiquement, si bien que Tomasello (1987 : 90) considère qu’elle peut être envisagée de la même façon que s’il s’agissait d’un verbe (« verb-like »). Ainsi, la particule away employée par Naima en (26) pourrait en fait être, en quelque sorte, l’équivalent d’un phrasal verb tronqué et être glosée par « I am putting the crayons away ». Il y aurait alors une relation prédicative implicite dans les holophrases. Cette 13 Le repérage spatial est, en effet, cognitivement plus simple. Il est important de remarquer que l’anglais est une langue à cadre satellitaire ; la trajectoire de l’événement étant exprimée dans un élément de la périphérie verbale, ou « satellite ». En revanche, les langues exprimant la trajectoire dans le verbe sont appelées langues à cadre verbal. Ceci est le cas du français, par exemple. 14 38 relation prédicative, qui existe bel et bien, est justement reprise – et dans sa totalité – par la mère de Naima dans l’énoncé qu’elle produit, situé dans l’après texte : oh put them away okay. Dans l’acquisition des constructions verbe-particule, la phase holophrastique, commençant à 0;11,28 et étant prédominante jusqu’à 1;04,03 chez Naima (voir Figure 3), marque non seulement une relation spatiale entre les objets et les personnes, mais également une requête formulée par l’enfant concernant une action à effectuer. Ceci est en effet particulièrement mis en évidence en (27) avec l’ajout de ‘Mommy’, qui fonctionne comme un complément à l’énoncé holophrastique de Naima, clarifiant ainsi l’identité de son interlocuteur adulte : (27) NAIMA: off Mommy. [1;04,03] MOTHER: oh. NAIMA: off (.) Mommy off. NAIMA: Mommy off. NAIMA: Mommy off. MOTHER: oh you wanna take that off I’m sorry. MOTHER: okay. Figure 3 – Acquisition graduelle des constructions « verbe-particule » par Naima (Corpus Providence) Dès que l’enfant produit plus d’un mot, ses premiers énoncés constitués de plusieurs mots 39 renvoient aux mêmes types de choses et d’événements qu’il exprimait préalablement avec ses holophrases. Chez l’enfant, les premières constructions composées de plusieurs mots découleraient ainsi de ses holophrases produites antérieurement. En effet, ceci est particulièrement le cas dans l’exemple (28) avec l’emploi holophrastique de on par Naima et son premier énoncé à deux mots « shoes on » : (28) NAIMA: yy on. [1;04,18] MOT: yes I’m putting it on right now and where’s your +//. NAIMA: yy shoes [?] on. NAIMA: shoes on. NAIMA: shoes on. MOTHER: okay you can put shoes on. Le deuxième stade du développement des constructions verbe-particule dans le langage de l’enfant suit généralement le patron X up, X down, X in, X out, X on, X off, etc., X étant un syntagme nominal ou pronominal (Tomasello, 2003). Cette deuxième période, débutant à 1;03,26 chez Naima et étant prédominante jusqu’à 1;06,21 (voir Figure 3), constitue, en quelque sorte, une ébauche de prédication puisque on est prédiqué de shoes. Des exemples similaires peuvent être relevés dans le corpus, parmi lesquels : (29) NAIMA: xx, yy mine off. [1;06,21] NAIMA: mine off. MOTHER: you took yours off, right. NAIMA: mine off. MOTHER: oh you mean you want me to take mine off, I see. NAIMA: yy, take mine off. NAIMA: xx Mommy take, Mommy. Les exemples (28) et (29) peuvent être ainsi respectivement glosés par « I want to put my shoes on » et « take my/your microphone off ». Enfin, le dernier stade de l’acquisition des constructions verbe-particule correspond à la période où les enfants sont capables de produire des constructions complètes associant un verbe et une particule (avec un complément d’objet, si le verbe est transitif). Dans le corpus, Naima produit son premier phrasal verb à 1;03,12 (« fall down »). Ses constructions verbe-particule semblent devenir prédominantes à partir de 1;06,21 (voir Figure 3), et elles sont de plus en plus riches et complexes au fur et à mesure que Naima grandit : (30) NAIMA: Mommy clean up yy 40 (31) NAIMA: yy she wanted to cool the porridge down (32) NAIMA: I took it off because I don’t wanna have this on me (33) NAIMA: you’re allowed to cut, cut up the block to small yy pieces Quelques énoncés produits par Ella : (34) (35) ELLA: cause you woke me up too early ELLA: you’ll have to finish off your biscuit Les trois phases du développement des constructions verbe-particule sont présentées dans la Figure 3. 10. Discussion La très forte prédominance de la configuration discontinue V-O-Prt dans le discours du jeune enfant anglophone, son émergence et sa production à un âge très précoce, et notamment beaucoup plus tôt que la configuration continue V-Prt-O, s’expliquent par le développement des constructions « verbe-particule » dans le langage du jeune enfant anglophone. Il s’effectue comme suit : le tout jeune enfant anglophone acquiert d’abord la particule Prt, il lui associe ensuite un syntagme nominal ou pronominal à gauche – qui correspondra plus tard au complément d’objet O-Prt – et il ajoute enfin le verbe ; l’ensemble formant ainsi la construction V-O-Prt. 11. Conclusion La présente étude a permis de montrer que de multiples facteurs linguistiques – syntaxiques, sémantiques, pragmatico-discursifs et prosodiques – régissent le placement de la particule au sein des phrasal verbs transitifs directs dans le langage adulte. De même, l’analyse multifactorielle nous a permis de confirmer que, dans le langage du jeune enfant anglophone, l’ordre des constituants au sein des constructions « verbe-particule » transitives directes est également influencé par différentes variables linguistiques (longueur du complément d’objet, complexité du complément d’objet, catégorie grammaticale du complément d’objet, etc.), comme cela est le cas chez l’adulte. La plupart du temps, l’enfant reproduit ainsi fidèlement le même environnement linguistique que celui auquel il est exposé. Enfin, ce travail a permis d’éclairer et de rendre compte d’une différence majeure existant entre les productions de l’enfant, où la configuration discontinue V-O-Prt est employée 41 massivement, et celles de l’adulte – où c’est, bien au contraire, la configuration continue V-Prt-O qui est largement prédominante. Cette divergence, bien que temporaire, correspond au stade particulier, appelé stranded particle stage, que tous les jeunes enfants anglophones traversent au cours de leur acquisition des phrasal verbs. Elle serait ainsi déterminée par le déroulement des différentes étapes successives aboutissant au développement des constructions « verbe-particule ». Pour prolonger cette étude, il serait intéressant de regarder la distribution des configurations discontinue V-O-Prt et continue V-Prt-O chez des enfants un plus peu plus âgés. En effet, la fréquence de la configuration continue V-Prt-O augmente avec l’âge. Ceci peut être ainsi corrélé au développement de la compétence métaphorique qui commence à émerger dans le langage de l’enfant à partir de l’âge de 7 ans (Liu, 2008 : 94-97). Enfin, à partir de corpus écrits et oraux d’apprenants de l’anglais langue seconde, il serait également intéressant d’étudier la distribution des configurations continue V-Prt-O et discontinue V-O-Prt chez les locuteurs non-anglophones et de regarder également si une tendance se profile par familles de langues. Références bibliographiques Akimoto, M. (1999). “Collocations and Idioms in Late Modern English” in Brinton and Akimoto (eds.), 207-238. Bock, J. Kathryn. (1977). The effect of pragmatic presuppositions on syntactic structure in question answering. Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 16, 723-734. Bolinger, D. (1971). The Phrasal Verb in English. Cambridge: Harvard University Press. Boulonnais, D. (2006). La notion de sujet : contribution diachronique. In : Delmas, Claude (éd.), Complétude, cognition, construction linguistique, Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, pp. 61-98. Brinton, L.J. and M.A. Akimoto. (1999) (eds.). 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