Chapitre 4 : Intervention publique dans léconomie
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4.A2. LE POIDS DU SECTEUR PUBLIC
a/ Modalités de lintervention publique
Dans une perspective générale, il est devenu traditionnel en économie darticuler le rôle de
lEtat selon trois fonctions essentielles :
- la fonction daffectation qui vise à promouvoir lefficacité dans laffectation des
ressources ;
- la fonction de redistribution qui a pour objectif léquité dans la répartition des
richesses ;
- la fonction de stabilisation dont lobjectif est la stabilité du système économique.
Cette distinction entre les fonctions de lEtat permet une clarification sur le plan analytique.
Mais les interférences entre elles sont multiples ; il est rare que les efforts déployés pour
promouvoir lobjectif attaché à une fonction particulière soient sans conséquence pour la
réalisation de lun ou lautre des objectifs des autres fonctions. Le plus souvent, les pouvoirs
publics doivent se livrer à des arbitrages entre les trois objectifs. Ils le font généralement, si
lon met à part le cas de systèmes économiques totalement planifiés au niveau central, en
combinant le mode de régulation étatique, qui fait appel au pouvoir de contrainte de lEtat, et
le mode de régulation marchande, qui repose sur le libre jeu des comportements privés.
La prise en compte de défauts du marché permet de justifier lintervention directe de lEtat
dans lactivité économique. Symétriquement, la prise en compte de défauts de laction
publique peut expliquer la préservation de mécanismes concurrentiels. La structure des
avantages et coûts respectifs de lEtat et du marché conduit à retenir parfois un type
dorganisation et parfois lautre. La composition de ces deux méthodes daffectation des
ressources peut aussi être recherchée pour produire un résultat supérieur à ce que donnerait
chacune des composantes.
Ainsi, la mise en concurrence dune production privée et dune production publique dans un
même secteur dactivités peut avoir deux types davantages. Dun té, la production
publique est un moyen de combattre les entreprises qui abuseraient dune position dominante
sur le marché. Dun autre côté, le maintien dune production privée concurrente constitue une
source dinformation précieuse pour un meilleur contrôle des coûts des entreprises publiques.
Le partenariat privé/public dans le financement des entreprises peut aussi présenter un double
intérêt. En permettant dorienter les choix des entreprises privées, lapport de fonds publics
peut servir une politique industrielle ou de développement. Symétriquement, louverture du
capital des entreprises publiques peut desserrer les contraintes non exclusivement
économiques qui empêchent parfois lEtat de remplir au mieux ses obligations dactionnaire.
Pour évaluer la place que lEtat occupe dans une économie face au marché, il peut être
commode de sen remettre à une vision statistique. De ce point de vue, le calcul du rapport
des dépenses publiques au PIB peut être un indicateur utile, bien que très imparfait. Cette
mesure très agrégée montre, en dépit de quelques écarts entre les pays, un poids élevé du
secteur public (ratios de lordre de 40% à 50% pour la plupart des pays industrialisés ; rapport
en moyenne plus faible pour les pays en développement mais avec une grande disparité et des
taux allant de moins de 20% à plus de 50%). On observe en outre un phénomène universel de
croissance sur la longue période du poids relatif des dépenses publiques.
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Plus fondamentalement, lintervention de lEtat dans lactivité économique ne passe pas
seulement par la fourniture directe de biens et services, par des opérations de consommation,
dinvestissement ou de transferts dont la comptabilité nationale donne des évaluations
quantitatives. La mise en place de systèmes variés de contraintes ou dincitations constitue le
moyen pour les pouvoirs publics dagir sur les comportements privés. Certes, certaines
mesures, telles les taxes ou subventions, sont directement quantifiables, mais il faut noter que
limpact sur léconomie nest pas nécessairement proportionnel au montant des flux financiers
créés par ces mesures. Mais il existe bien dautres types dinterventions dont on ne peut
donner directement une mesure quantitative : cest par exemple le cas des multiples dispositifs
réglementaires qui encadrent lactivité économique sous toutes ses formes (droit du travail,
droit de la concurrence, normes techniques diverses…).
Par ailleurs, la notion dintervention publique peut recouvrir des situations diverses, selon le
système institutionnel ou le contexte socio-politique, en termes de décomposition des
dépenses publiques selon les niveaux dadministration (gouvernement central, organismes de
sécurité sociale, collectivités locales). Le choix du degré de centralisation pour laction
publique est en lui-même une question qui intéresse lanalyse économique de lEtat. En
rapprochant les décideurs de leurs administrés, la décentralisation permet une meilleure
information sur leurs besoins et autorise une action modulée pour y répondre de façon
différenciée le cas échéant. A linverse, la centralisation peut apporter le bénéfice
déconomies déchelle, permet de prendre en compte les effets de débordement et facilite les
actions redistributives. A partir de ce double constat, on peut considérer que la solution
décentralisée est préférable tant quil nexiste pas de raisons spécifiques (économies
déchelle, effets de débordement etc.) justifiant une intervention plus centralisée : cest le
théorème de Oates, qui donne un fondement économique au principe de subsidiarité retenu
par lUnion européenne.
b/ Financement de lintervention publique
Pour remplir ses fonctions, lEtat a à sa disposition des moyens de financement de ses
interventions qui sont très divers : vente des biens et services, prélèvements obligatoires,
emprunt... Lanalyse du financement de laction publique ne saurait être dissociée de lanalyse
de lintervention publique elle-même. Du fait de leur incidence sur léconomie, les divers
modes de financement peuvent être utilisés comme autant dinstruments dans la réalisation
des missions de lEtat. Dans ce cadre, ils peuvent servir à développer une économie équilibrée
en stimulant ou en dissuadant certaines activités économiques, ou à favoriser la justice sociale
en modifiant la répartition de la richesse nationale, ou encore à amortir les fluctuations
économiques en compensant leurs effets sur les revenus.
Certains biens ou services fournis par le secteur public conservent un caractère marchand et
peuvent ainsi être vendus à leurs usagers. En termes defficacité économique, ce paiement
direct des biens et services est même généralement considéré comme le meilleur mode de
financement dès lors quil est possible dévaluer un prix objectif. Mais du fait même quelle
répond à des défauts de marché, lintervention publique est pour une large part une activité
non marchande et lorsquelle lest, la tarification optimale des services rendus par lEtat reste
souvent un exercice délicat. Idéalement, chaque individu devrait financer la fourniture dun
bien public en fonction de la satisfaction retirée de son usage. Mais lestimation de celle-ci
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dépend des déclarations des individus qui ont tendance à minorer leur véritable demande pour
payer le moins possible. Le problème devient encore plus aigu si lutilisation du bien collectif
saccompagne deffets externes positifs ou négatifs.
Pour financer ses dépenses, lEtat détient un moyen qui déroge aux règles régissant les
finances privées : le pouvoir de lever limpôt. De fait, les dépenses publiques sont
principalement financées par les prélèvements obligatoires sous toutes leurs formes : impôts
directs sur le revenu des personnes ou sur les bénéfices des sociétés, cotisations sociales, taxes
sur les salaires ou sur les revenus du capital, impôt sur la fortune, taxes indirectes sur les biens
et services…
Apprécier le poids de limpôt
Plusieurs notions de taux dimposition peuvent être invoquées dans lanalyse de la fiscalité et de ces
incidences.
Une mesure globale du poids relatif de limpôt est donnée par le taux moyen dimposition qui rapporte
le montant total de limpôt au revenu global. Le taux marginal dimposition mesure le rapport entre le
supplément dimpôt et le supplément de revenu qui la engendré ; il fournit une indication sur la
progressivité de limpôt et peut être une variable clef pour comprendre les modifications de
comportement induites par la fiscalité.
On peut également calculer un impôt par tête, rapport du montant total perçu au nombre dindividus,
qui évalue ce que serait un impôt forfaitaire identique pour tous.
Ces divers indicateurs offrent des visions complémentaires pour évaluer le poids de limpôt dans
léconomie.
Limpôt procure à lEtat les moyens de financer son action. Mais il est aussi un puissant levier
daction sur léconomie. Dans la mesure où il affecte les conditions de coûts et de revenus des
agents, il peut altérer leurs comportements. Son utilisation nest donc pas sans effets
potentiels en termes defficacité dans laffectation des ressources. Dans le même temps,
limpôt peut être un instrument de redistribution des richesses dès lors quil nest pas prélevé
de façon totalement uniforme. Les considérations relatives à léquité ne peuvent être écartées.
Lanalyse de lincidence fiscale est importante pour apprécier lefficacité relative des
politiques fiscales. Il convient ainsi de sinterroger sur les effets induits sur les comportements
privés à la fois pour évaluer les conséquences de la fiscalité en termes de réorientation
éventuelle des spécialisations et pour mesurer leur impact sur lactivité globale et sur les
recettes fiscales à attendre. Cette analyse doit être croisée avec celle des effets de
redistribution. De fait, le plus souvent, les pouvoirs publics doivent, en matière fiscale,
réaliser un arbitrage entre efficacité et équité : les dispositifs les plus neutres du point de vue
de lefficacité sont bien souvent en opposition avec les orientations jugées souhaitables du
point de vue de la justice sociale ; symétriquement des mesures dotées dun fort effet de
redistribution peuvent altérer sensiblement laffectation des ressources, jusquà engendrer une
diminution des recettes fiscales et donc du montant global à redistribuer.
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« Les hauts taux tuent les totaux »
Ladage « les hauts taux tuent les totaux » (on dit aussi parfois « trop dimpôt tue limpôt ») rappelle
que des taux dimposition élevés peuvent modifier les comportements des contribuables de telle sorte
que lassiette de limpôt se réduit. Cela peut notamment se produire si les contribuables ont la
possibilité déchapper à limpôt (grâce à une mobilité géographique, par exemple). Cela peut aussi être
le cas sils décident simplement de réduire leur activité jugée insuffisamment rémunératrice du fait de
limpôt.
Si laugmentation du taux dimposition entraîne une réduction plus que proportionnelle de lassiette,
alors la recette totale levée par limpôt diminue.
Une idée similaire est développée par certains économistes
qui considèrent quil existe un seuil dimposition au-delà
duquel toute augmentation nouvelle incite à réduire lactivité.
Dans ces conditions, si ce seuil est déjà dépassé, un
allègement de la fiscalité doit avoir un effet stimulant sur
lactivité économique et donc sur les recettes fiscales. Cest ce
quillustre la courbe de Laffer conomiste américain des
années 1970).
Larbitrage entre efficacité et équité nest pas la seule difficulté rencontrée dans la définition
et la mise en oeuvre dune politique fiscale optimale. Dautres limites tiennent à des
problèmes dinformation (connaissance imparfaite des revenus des différents agents et des
réactions aux altérations de prix), ou à des problèmes dadministration et de gestion (liés par
exemple à la redéfinition permanente des taxes indirectes optimales en liaison avec
lévolution de la gamme des biens disponibles). Des considérations de nature plus politiques
interfèrent avec le seul souci doptimalité économique : exploitation de la plus ou moins
grande transparence des impôts si les contribuables sont sujets à lillusion fiscale ; recherche
de rentes par les groupes dintérêts à travers les effets redistributifs de la fiscalité.
On notera enfin que ces diverses questions prennent un aspect particulier lorsque lanalyse
intègre une dimension dynamique (incidence sur lépargne ou lorientation sectorielle de
linvestissement) ou tient compte dune éventuelle pluralité de pouvoirs fiscaux (opposition
entre harmonisation et concurrence fiscale ou fédéralisme fiscal dans un cadre institutionnel
hiérarchisé).
Quelle que soit la capacité de lEtat à lever des impôts, il ny a pas toujours équilibre parfait
entre les dépenses du secteur public et les recettes publiques provenant de la tarification des
biens et services offerts et des prélèvements obligatoires (impôts directs et indirects,
cotisations sociales…). Des écarts peuvent apparaître soit de façon fortuite, sans avoir été
voulus ni prévus, soit de façon intentionnelle en résultat dun choix de politique économique.
Les écarts involontaires peuvent être le produit de la conjoncture. Ainsi, un ralentissement
imprévu de lactivité économique peut engendrer à la fois des dépenses supplémentaires
(augmentation automatique induite de certains versements dindemnités) et de moindres
rentrées fiscales ; si le budget initial était prévu en équilibre, cet aléa de conjoncture entraîne
lapparition dun déficit. A linverse, une croissance économique plus forte que les prévisions
Taux de
taxation
Recettes
fiscales
0%
100%
Courbe de Laffer
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sur lesquelles sappuyaient la préparation dun budget équilibré est porteuse de rentrées
fiscales supplémentaires de nature à créer un excédent budgétaire.
Les écarts peuvent aussi être volontaires, cest-à-dire que le budget peut être prévu en
déséquilibre. Cela peut être le cas si lEtat développe un programme daction inscrit dans le
temps et visant à réaliser un transfert entre générations.Cela peut aussi être justifié par un
motif de stabilisation de léconomie. LEtat fait du déficit pour stimuler lactivité : il distribue
plus de revenus sans prélever davantage. Cest le principe sous-jacent des politiques
macroéconomiques qui font référence aux travaux de Keynes et notamment au principe du
multiplicateur selon lequel une augmentation donnée des dépenses publiques conduit à une
augmentation plus forte du revenu national.
Le problème en cas de déséquilibre budgétaire, cest le financement de ce déséquilibre. La
technique la plus logique est le recours à lemprunt en cas de déficit et à son remboursement
en période dexcédent. On peut toutefois sinterroger sur lefficacité réelle dune politique de
déficit financé par emprunt. Les fonds captés par lemprunt public ne vont-ils pas manquer
aux investisseurs privés de sorte que leffort de lEtat pour soutenir lactivité serait,
partiellement ou totalement, contrebalancé par une baisse des investissements privés (« effet
déviction ») ? Les consommateurs ne risquent-ils pas de réduire leur consommation pour
épargner dans la perspective dune hausse future de limpôt lors du remboursement de
lemprunt (« équivalence ricardienne ») ? Ces questions qui relèvent de la macroéconomie
sont au cœur des analyses de politique économique.
En outre, la question de lendettement public sinscrit dans la dynamique puisque la charge de
la dette va peser sur les budgets futurs. Dans cette logique, un équilibre budgétaire à moyen
terme apparaît comme une norme de prudence de façon à ne pas accumuler trop de dette
publique qui risquerait de compromettre les possibilités daction lorsque le déficit devient
souhaitable de façon conjoncturelle. Une analyse plus fine peut établir un lien entre un niveau
de déséquilibre acceptable et un seuil dendettement soutenable, cest-à-dire qui nengendre
pas un phénomène de croissance auto-entretenue de la dette, le poids des charges sur la dette
accumulée provoquant un nouveau déficit.
Enfin, lEtat peut faire face au déséquilibre budgétaire en ayant recours au financement
monétaire. Celui-ci peut être direct en cas davances directes de la Banque centrale à lEtat.
Dans le principe, les avances peuvent être comprises comme une forme demprunt, mais les
conditions peuvent être plus souples, échappant aux mécanismes des marchés financiers. Le
financement monétaire peut aussi être indirect lorsque des titres de dette publique sont
mobilisés auprès de la Banque centrale.
Dans les deux cas, le financement monétaire implique une création de monnaie. Mais loffre
de monnaie a dautres contreparties que les créances sur le secteur public. Le problème
devient donc celui de la politique monétaire et de son articulation avec la politique budgétaire.
On retrouve ici encore les questions traitées par lanalyse des politiques macroéconomiques.
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