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individuelles complexes ne sauraient être analysées exclusivement d’un
point de vue médical. Le regard que la société porte sur ces réalités extrêmes
de la maladie et du handicap en dit long des ambivalences qui accentuent la
difficulté des décisions et incitent parfois aux logiques du renoncement.
Dans ces circonstances, la vie est en partie définie par les moyens mis en œuvre
pour prendre soin de la personne en EVC-EPR. C’est en reconnaissant cette vie
humaine vulnérable nécessitant des attentions spécifiques que l’on permet
l’investissement progressif de la relation avec la personne en EVC-EPR et ses
proches. Un autre préjugé qui discuterait la nature même de l’existence de la
personne entraverait cet investissement et renforcerait le sentiment que les soins
maintiennent artificiellement une vie dénuée de sens.
L’approche statistique basée sur l’imagerie médicale comme outil de prise
de décision soulève de profondes questions ainsi qu’un certain malaise
dans la façon d’aborder le handicap à venir. Un parallèle peut s’envisager
entre la réanimation néonatale où les conséquences du handicap sur le nouveau-
né et sur la société sont prises en compte dans la décision d’arrêt thérapeutique,
et la réanimation neurologique où l’évaluation porte plus sur la vie passée du
patient sans qu’il existe dans ce domaine de consensus contrairement à la
néonatalogie. La simplification du raisonnement par les statistiques génère
une gêne. Au cours de la phase initiale on peut observer une conception
minimaliste de la prise en charge qui prévaut, conduisant à un arrêt a
priori des soins avec une réelle perte de chance pour les patients.
Les soignants de réanimation et de neurochirurgie peuvent être inquiets s’agissant
de la capacité d’accueil de la société à l’égard de personnes atteintes de ce type de
handicap ainsi que de son soutien aux familles concernées. Si la projection est trop
négative (manque de place d’aval, situation socio-familiale déjà fragile au moment
de l’accident), la logique semblerait commander de ne pas prendre le risque de
produire un handicap chez une personne que la société ne saurait pas accueillir et
soigner. Or, les examens cliniques et para-cliniques précoces ne sont pas en
mesure d’anticiper le pronostic fonctionnel à long terme. Dès lors il faudrait limiter
les soins a priori afin d’éviter les états d’EVC-EPR vécus comme des échecs.
« Dès 1976 aux États Unis, par le biais des cours de justice. Les parents de Karen
Quinlan, en état végétatif, demandent alors l’arrêt de la ventilation artificielle.
C’est à cette occasion que naissent la notion de droit au refus de traitement
prolongeant la vie (« life sustaining treatment ») et de directives anticipées («
advance directives »). Par la suite, en 1990, avec le cas de Nancy Cruzan, le débat
porte sur la nutrition et l’hydratation, en considérant qu’il s’agit d’une
thérapeutique plus que d’un soin, pouvant par conséquent être suspendu. Apparaît
de plus la notion de personne de confiance (« health care proxy »). Récemment, le
conflit entre les parents et le mari de Teresa Schiavo au sujet de l’arrêt de sa
nutrition et de son hydratation a rappelé combien le débat n’était pas clos1. »
La vision autonomiste appliquée à ces personnes qui, dépourvues de capacité
objective de discernement ne sont plus en état d’exprimer un consentement,
conduit à ne plus les percevoir dans l’intégrité de leur humanité. Dans un tel
contexte le concept d’autonomie s’avère en tant que tel peu recevable
même si le respect de la personne dans son autonomie s’impose à tous.
Les troubles cognitifs entravent la faculté d’affirmation d’une volonté ou d’analyse
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1 V. Saout, « Conceptions du soin envers les patients en état végétatif chronique et en état
pauci-relationnel chronique, au sein d’unités dédiées: Points de vue de soignants et analyse
critique », Master 2 recherche éthique, Université Paris 5, Année 2007-2008.