Angio-Traitement Le conseil nutritionnel en pathologie vasculaire périphérique N. Gréco* À qui prescrire un régime ? Un régime alimentaire est nécessaire en prévention primaire ou secondaire des maladies cardiovasculaires (MCV), dont les facteurs de risque interagissent avec l’alimentation. Les facteurs de risque de MCV nécessitant une diététique adaptée sont : une hypercholestérolémie, une hypertriglycéridémie, une hypertension artérielle, un diabète, un surpoids, une hyperuricémie. Les plus exposés étant l’homme à partir de 45 ans, la femme à partir de 55 ans ou la femme ayant une ménopause précoce sans estrogénothérapie substitutive, les sujets ayant des antécédents personnels ou familiaux de MCV, un tabagisme en cours, un état de stress et de sédentarité. Diététique et hypercholestérolémie La pathologie des MCV est en relation avec l’hypercholestérolémie. Avant on ne tenait compte que du cholestérol total, à présent on tient compte des taux de LDL et HDL. Réduire le taux de LDL-cholestérol, facteur de risque Pour tout sujet ayant une maladie coronaire patente, l’objectif est d’amener le LDL à moins de 1 g/l. Le régime s’impose si le LDL est supérieur à 1,30 g/l. Si l’objectif n’est pas atteint après deux mois de régime, un traitement * Diététicienne, Clinique Georges Bizet, Paris. médicamenteux doit être instauré. Augmenter le taux de HDL, facteur protecteur Le régime s’impose si HDL est inférieur à 0,35 g/l (0,9 mmol/l). Le régime s’assouplit si le HDL-cholestérol est supérieur à 0,60 g/l (1,60 mmol/l) car on peut soustraire alors un risque au score du niveau de risque. L’hypercholestérolémie est influencée par deux facteurs alimentaires – Le contrôle des graisses alimentaires sur le plan qualitatif et quantitatif. – L’apport de cholestérol alimentaire qui est de faible influence, sachant que les trois quarts sont fabriqués par le foie à partir des graisses saturées de l’alimentation, le quart restant étant apporté par les aliments d’origine animale. Sans compter les variations génétiques individuelles. Les bases du régime hypocholestérolémiant résultent dans l’apport de : – inférieur à 300 mg de cholestérol alimentaire ; – trente à 32 % de calories lipidiques par rapport à la ration totale journalière dont : un tiers d’acides gras saturés (en consommer plus augmenterait le taux de cholestérol) ; un tiers d’acides gras monoinsaturés ; un tiers d’acides gras polyinsaturés. – 55 % de calories glucidiques. Réduire l’apport en acides gras saturés et en cholestérol alimentaire Les principales sources de graisses saturées sont : – d’une part les aliments d’origine ani- Act. Méd. Int. - Angiologie (15) n° 9-10, novembre/décembre 1999 172 male : beurre, crème fraîche, saindoux, suif, fromages, lait entier et laitages gras, viandes grasses (surtout le mouton et les morceaux gras du bœuf), charcuteries, pâtisseries, biscuits et viennoiseries au beurre, etc. – d’autre part certains aliments d’origine végétale : végétaline, huile de palme, palmiste, coprah, noix de coco, chocolat. Quelques teneurs d’aliments riches en lipides Fruits oléagineux : 40 à 50 g de lipides aux 100 g ; charcuteries, viandes et poissons panés : 30 à 40 g ; pâtisseries, viennoiseries : 20 à 30 g ; pâte à tartiner au chocolat, chocolat : 20 g ; fromage : 25 g. Quelques teneurs d’aliments riches en cholestérol Cervelle : 2 000 à 2 600 mg aux 100 g ; œuf : 550 mg (jaune d’œuf : 1 400 mg) ; foie, ris de veau, rognons, foie gras, œufs de poissons : 250 à 500 mg ; beurre : 260 mg ; fromages à 50 % de matière grasse, saindoux, crème fraîche : 100 à 125 mg ; viandes et poissons : moyenne de 70 à l00 mg ; crevettes sans la tête, calmars : 150 à 180 mg ; coquilles SaintJacques, crabe, homard, langoustine : 100 mg ; huîtres non laiteuses, moules : 50 mg. En pratique, se limiter à : – deux œufs par semaine (y compris les œufs dans les préparations culinaires), – 30 g de fromage à 50 % de matière grasse par jour, – un abat par semaine (sauf la cervelle), – 10 g de beurre par jour, – un plat de crustacés par semaine, – une viande rouge trois fois par semaine. Supprimer ou consommer exceptionnellement : – charcuteries, saindoux, suif, viandes et poissons panés, viandes grasses (mouton, morceaux gras du bœuf), cervelle, œufs de poissons, – crème fraîche, lait entier et laitages gras, – fruits oléagineux, patisseries, viennoiseries au beurre, pâte à tartiner au chocolat, chocolat, – végétaline, huile de palme, palmiste, coprah, noix de coco, margarines ordinaires enveloppées dans du papier. Favoriser l’apport en acides gras insaturés, protecteurs Les acides gras monoinsaturés qui augmentent les HDL sont apportés par les huiles d’olive, de colza, les volailles. En pratique, il est recommandé une à deux cuillères à soupe d’huile d’olive ou de colza par jour et de préférer les volailles (sans la peau) aux viandes rouges. Les acides gras polyinsaturés qui diminuent les triglycérides et l’HTA se trouvent sous deux formes : les AG oméga 3 apportés par les poissons gras : saumon, thon, hareng, maquereau, sardines, anchois, anguille, mérou, etc. En pratique, il est recommandé 30 g de poisson gras par jour, soit un plat deux fois par semaine, à la place d’une viande ; les AG oméga 6 apportés par les huiles de tournesol, maïs, soja, pépins de raisins, carthame, germes de blé, noix fraîche, ainsi que les margarines issues de ces huiles (bien que moins efficaces que ces dernières). En pratique, il est recommandé 10 à 20 g de ces huiles par jour, soit une à deux cuillères à soupe. Ces huiles sont à consommer crues, car elles supportent mal la cuisson qui dénature leurs composants (acide linoléique...) et en particulier la vitamine E. À noter également, l’intérêt des huiles mélangées (acides gras mono- et polyinsaturés) qui supportent toutes les utilisations culinaires. À l’heure actuelle des connaissances, les huiles d’olive et de colza semblent les plus bénéfiques sur le plan cardiovasculaire. Cependant, il est conseillé de varier les huiles. Par exemple : olive plus tournesol ou colza plus maïs. Privilégier les aliments riches en antioxydants qui protègent les artères contre le LDL-cholestérol La vitamine C : crudités, agrumes, fruits de la passion, kiwi, mangue, goyave, cassis, fraises, etc. La vitamine E : huiles de tournesol, soja, germes de blé, mais aussi colza, maïs, etc. Le bêta carotène pigment des fruits et légumes : orange, mangue, abricot, melon, carotte, partie verte des feuilles (épinards, etc.) Le sélénium : poissons, viandes (volailles), céréales complètes, etc. S’il y a surcharge pondérale, il faut réduire l’apport calorique initial et rééquiliber l’alimentation. S’il y a hypertriglycéridémie associée, le régime sera plus sévère en ce qui concerne les sucres et l’alcool. Le modèle méditerranéen De l’huile d’olive en priorité Pour l’apport en acides gras monoinsaturés et en vitamine E. Soit un à deux cuillères à soupe par jour, à compléter avec les huiles de colza, tournesol, maïs, etc. En pratique : varier les huiles d’assaisonnement. Plus de poisson Pour l’apport en acides gras polyinsaturés, oméga 3. Soit 200 g de poissons gras deux fois par semaine et le plus souvent possible du poisson maigre. Plus de fruits et de légumes Pour l’apport en antioxydants (vitamine C, provitamine A) et en fibres (les fibres freinant l’absorption intestinale des graisses). Soit chaque jour deux fruits plus un plat de légumes verts cuits plus une crudité. Plus de féculents et de pain Pour leur richesse en sucres complexes. Soit du pain à chaque repas et un plat de céréales ou autre féculent par jour (pâtes, riz, semoule, légumes secs, pommes de terre, etc.). À noter, par ailleurs, la richesse en fibres du pain complet, de son, de seigle, aux céréales, des céréales complètes (blé, riz complet, etc.), des légumes secs (lentilles, haricots secs, etc.). 173 La préférence aux aliments maigres ou dégraissés Choisir les produits laitiers écrémés ou demi-crémés, les viandes maigres et dégraissées. Moins de fromage À cause des acides gras saturés. Soit 30 g de fromage à 50 % de matière grasse plus deux laitages demi-écrémés autorisés par jour. Moins de sucre, sucreries L’excès se transformant en graisses. Moins d’alcool Bien que l’alcool ait, à petite dose, un effet bénéfique sur le taux de HDL, il reste raisonnable de ne pas dépasser les doses toxiques de 30 g par jour pour la femme et de 40 g par jour pour l’homme. En pratique, et selon la ration calorique totale journalière, ne pas dépasser deux verres de vin à 12 degrés par jour pour la femme et trois verres pour l’homme. Du sel avec modération La préférence aux cuissons sans graisse À la vapeur, au four, au court bouillon, au gril, au micro-ondes, à la poële ou en cocotte anti-adhésifs, en papillotte, etc. Les matières grasses d’assaisonnement (mono- et polyinsaturées) seront servies crues sur les viandes, poissons et légumes, cuits au préalable sans graisse. Diététique et hypertriglycéridémie L’objectif étant de ramener le taux de triglycéridémie inférieur à 1,50 g/l, il est nécessaire de tenir compte des quatre grandes causes : trop de sucres, trop d’alcool, la surcharge pondérale, l’insuffisance rénale. L’enquête alimentaire doit permettre de corriger l’excès de sucres et d’alcool, ainsi que le surpoids. Dans tous les cas, il est recommandé de respecter les 15 à 20 % des calories protéiques, 30 à 35 % des calories lipidiques et 45 à 50 % des calories glucidiques. Par ailleurs, il faut veiller à ne pas dépasser 5 % des calories sous forme d’alcool, et 5 % des calories sous forme Angio-Traitement de sucres à absorption rapide (saccharose, fructose, lactose). En pratique : la consommation d’alcool sera limitée à un verre de vin par jour pour une ration calorique normale et un alcool sec par semaine (whisky, vodka, rhum, etc.) pour une consommation antérieure très élevée. Par ailleurs, l’alcool pourra être encore réduit, voire supprimé au cours d’une phase d’amaigrissement ou en cas d’hypertriglycéridémie sévère. Le sucre et les produits sucrés seront supprimés ou consommés exceptionnellement : confiserie, biscuits, pâtisseries, boissons sucrées, jus de fruit, etc. Les fruits seront limités à deux par jour. Le lait et les laitages seront consommés en quantité raisonnable : trois à quatre laitages au maximum par jour. Diététique et hypertension artérielle Si 1’HTA est supérieure à 140/ 90 mmHg, ou si un traitement hypotenseur est en cours, il faut prendre en considération les facteurs alimentaires de I’HTA. Le surpoids : un régime hypocalorique doit être instauré, il doit être adapté aux besoins énergétiques de chacun et aux habitudes alimentaires. Il ne doit pas être inutilement trop restrictif et nécessite un suivi régulier, afin d’éviter le poids en yoyo. Le sel : l’alimentation doit être modérément salée, en oubliant le sel de table. Par ailleurs, la plupart des aliments naturellement salés seront de toutes façons limités (charcuteries, fromages, etc.). Le café et le thé : trois à quatre tasses de café ou thé légers seront autorisées au maximum par jour. L’alcool : Il est raisonnable de limiter la consommation à deux verres de vin par jour et deux apéritifs par semaine. La restriction pourra être plus sévère en cas de surpoids et d’hypertriglycéridé- mie sévère, selon l’apport caloriquejournalier instauré. La réglisse : l’action néfaste de l’acide glycyrrhizique amène à faire éviter : la réglisse, le pastis ou anis, les boissons et les bonbons anisés, l’anthésite, les tisanes à la réglisse. Le régime sans sel strict (0,5 à 1 g de NaCl) Il n’est prescrit qu’en cas d’insuffisance cardiaque traitée ou non avec diurétiques, d’insuffisance rénale, de cirrhoses avec ascite, d’un traitement aux corticoïdes supérieur à 1 mg/kg/j. Ce régime nécessite un choix qualitatif et quantitatif des aliments. Seront notamment supprimés : les préparations salées du commerce, les conserves, la charcuterie, le fromage, le pain et biscottes ordinaires, les crustacés et coquillages, les condiments salés (moutarde, cornichons, câpres, nuocman, glutamate, sauces du commerce, etc.), l’eau de Vichy®, l’eau adoucie du robinet, etc. Le régime modérément salé (4 à 5 g de NaCl) Il est prescrit lors d’HTA sévères et selon la sensibilité du patient au sel et dans les suites immédiates d’hospitalisation en cardiologie et néphrologie. Ce régime implique le choix d’aliments modérément salés et la suppression de la salière sur la table. Seront autorisés une seule fois par semaine : une préparation salée du commerce et 30 g de charcuterie. Seront limités chaque jour : le pain à 200 g et le fromage à 30 g. Diététique et risque de coagulation sanguine La prescription d’AVK (antivitamine K) ne justifie pas la prescription du régime spécifique. Il est cependant prudent de ne pas abuser des aliments les plus riches en vitamines K : oignons, légumes à feuilles : choux, brocolis, Act. Méd. Int. - Angiologie (15) n° 9-10, novembre/décembre 1999 174 épinards, l’avocat, le soja, le foie de veau. L’alcool consommé en excès et de façon prolongée peut altérer la synthèse des facteurs de la coagulation. Le problème est identique avec la vitamine E prescrite à forte dose. Le thé peut allonger le taux de prothrombine. Diététique et hyperuricémie Éviter les aliments riches en purines ou acidifiants En particulier les abats, gibiers, viandes jeunes (veau, porcelet...), viandes grasses et charcuteries, extraits de viande, soupes de poisson, bouillon Kub®, Viandox®, fonds de sauce, sauces brunes, anchois, maquereau, sardines, hareng, haddock, saumon, les crustacés et coquillages, certaines volailles (pigeon, oie, canard), viandes séchées, fromages fermentés, chocolat, cacao, etc. Éviter les boissons alcoolisées Surtout les bourgueils, le champagne. Limiter la consommation de viande à 120 g/j Boire beaucoup d’eau De l’eau faiblement minéralisée (Évian®, Volvic®, etc.), jusqu’à 2,5 litres par jour, de préférence entre les repas, surtout le matin à jeun et le soir au coucher. En cas de lithiase urique et de crise de goutte Faire une cure de diurèse alcaline forcée, une fois par semaine à l’eau de Vichy® et Saint-Yorre® : boire un demi à un litre au réveil et se recoucher pendant deux heures. Consommer de préférence les aliments alcalinisants, tels que le lait et les laitages, carottes, agrumes, abricots, salades, etc. mais aussi : pommes de terre, choux, haricots verts, banane, pomme, poire, etc. En cas de surcharge pondérale Contrôler et équilibrer l’alimentation.