Analyse spectrale des molécules 1. Rappels de chimie organique: 1.1. Définitions: Un alcane est un hydrocarbure saturé à chaîne carbonée ouverte. Sa formule brute est donc : CnH2n+2 Hydrocarbure : molécule constituée uniquement d’atomes de carbone et d’hydrogène. Saturé : toutes les liaisons chimiques entre les atomes de carbone sont des liaisons simples : chaque atome de carbone est donc lié à 4 atomes voisins La chaîne (ou squelette) carbonée d’une molécule organique est constituée par l’enchaînement des atomes de carbone liés entre eux par des liaisons covalentes. La chaîne carbonée est ouverte si elle n’est pas cyclique, c’est à dire si elle ne forme pas une boucle fermée. Lorsque un au moins des atomes de carbone est lié à plus de 2 autres atomes de carbone, on dit que la chaîne carbonée est ramifiée, sinon elle est qualifiée de linéaire. 1.2. Nomenclature des alcanes linéaires: (« méthode établie par un prof buté pour avoir une pensée exacte ») à connaître par cœur Méthane CH4 Ethane C2H6 Propane C3H8 Butane C4H10 Pentane C5H12 Hexane C6H14 1.3. Nomenclature des alcanes ramifiés: * Identifier la chaîne carbonée linéaire la plus longue de la molécule : on l’appelle chaîne principale. Le nombre d’atomes de carbone contenus dans cette chaîne détermine le nom de l’alcane * Identifier les différentes ramifications greffées sur la chaîne principale : ce sont des groupements alkyles, notés −R , c’est à dire des alcanes ayant « perdu » un atome d’hydrogène de façon à libérer une liaison. Leur formule générale est CnH2n+1 et leur nom dérive de celui de l’alcane correspondant en remplaçant le suffixe « ane » par « yle » : méthyle : −CH3 éthyle : −CH2−CH3 isopropyle : CH3−CH−CH3 * Numéroter les atomes de carbone de la chaîne principale en partant d’une extrémité de façon à ce que la somme des numéros des atomes liés à un groupement alkyle soit le plus petit possible. * Faire précéder le nom de l’alcane correspondant à la chaîne principale par les noms des différentes ramifications alkyle, classées par ordre alphabétique. De plus, chaque groupement alkyle doit être précédé du numéro de l’atome de carbone de la chaîne principale qui le porte. Exemple : formule semi-développée du 3-éthyl 2,3-diméthyl hexane CH3 CH3 CH3−CH−C−CH2−CH2−CH CH2−CH3 1.4. Formule topologique: On ne représente pas les atomes de carbone, mais la chaîne carbonée est représentée en zig-zag : il existe un atome de carbone à chaque extrémité de segment. On ne représente pas non plus les atomes d’hydrogène liés aux atomes de carbone. Les autres atomes (O, N, …) sont représentés, ainsi que les atomes d’hydrogène qui leur sont liés. 1.5. Nomenclature des alcènes: Un alcène est un hydrocarbure à chaîne carbonée ouverte non saturé car possédant une double liaison C=C. Sa formule brute est donc : CnH2n Les règles de nomenclature pour un alcène sont les mêmes que pour un alcane, mais il faut remplacer le suffixe « ane » de l’alcane par « -x-ène » où x est le numéro du carbone doublement lié choisi le plus petit possible dans la chaine principale. C=C ou 2-méthyl pent-2-ène 1 1.6. Groupe caractéristique : C’est un groupe d’atomes qui permet de différentier une molécule d’un alcane. Un groupe caractéristique confère à la molécule qui le possède des propriétés chimiques particulières. L’atome de carbone présent dans le groupe caractéristique (appelé aussi groupe fonctionnel) s’appelle de façon générale « carbone fonctionnel ». La chaîne carbonée principale, qui donne son nom à la molécule, doit forcément contenir le carbone fonctionnel. Cette chaîne doit être numérotée dans un sens tel que le carbone fonctionnel porte le plus petit numéro possible. Alcools de formule générale R−OH Groupe hydroxyle Les règles de nomenclature pour un alcool sont les mêmes que pour un alcane, mais il faut remplacer le suffixe « ane » de l’alcane par « an-x-ol » ol(II) où x est le numéro du carbone fonctionnel. 4-méthyl pentan-2-ol OH Un alcool est primaire, noté ol(I), si son carbone fonctionnel est lié à un seul autre atome de carbone. Un alcool est secondaire, noté ol(II), si son carbone fonctionnel est lié à deux autres atomes de carbone. Un alcool est tertiaire, noté ol(III), si son carbone fonctionnel est lié à trois autres atomes de carbone. O Acides carboxyliques de formule générale R−C−OH Groupe carboxyle Les règles de nomenclature sont les mêmes que précédemment, mais le suffixe est « anoïque » et on fait précéder le nom de la molécule par « acide ». acide 2-méthyl propanoïque Tous les acides carboxyliques sont des acides faibles, c’est à dire qu’ils peuvent réagir avec l’eau de façon réversible (réaction non totale) en libérant un proton H+. La base conjuguée est un ion carboxylate : ion 2-méthyl propanoate O Groupe ester Esters de formule générale R−C−O−R’ O O OH Groupe carboxylate O– O 2-méthylbutanoate d’isopropyle de 1-méthyléthyle O Attention ! Un ester possède 2 chaînes carbonées : la chaîne principale qui contient le carbone fonctionnel et qui donne son nom à la molécule (en remplaçant le suffixe « ane » de l’alcane de même chaîne carbonée par « anoate »), et le groupe alkyle R’ qui est lié à l’atome d’oxygène. Aldéhydes de formule générale R−C O H Groupe carbonyle lié à un H Les règles de nomenclature sont les mêmes que précédemment, mais il faut remplacer le suffixe « ane » de l’alcane par « anal ». Cétones de formule générale R−C− R' O 2-méthylbutanal 3-méthylbutan-2-one Groupe carbonyle O O Les règles de nomenclature sont les mêmes que précédemment, mais le suffixe devient « an- one » dans lequel on introduit entre « an » et « one » le numéro du carbone fonctionnel. H H Groupe amine 3-méthylbutan-2-amine NH2 Les règles de nomenclature sont les mêmes que précédemment, mais le suffixe devient « anamine » dans lequel on introduit entre « an » et « amine » le numéro du carbone fonctionnel. Amines de formule générale R−N Remarque: L'atome d'azote de l'amine peut être lui-même uni à d'autres groupements alkyle. Le nom de l'amine est alors précédé de la mention N-alkyle N-éthyl,méthyl-3-méthylbutan-2-amine N 2 O Amides de formule générale R−C H N H O Groupe amide 2-méthylbutanamide Les règles de nomenclature sont les mêmes que précédemment, mais le suffixe est « anamide » NH2 O Remarque: L'atome d'azote de l'amide peut être lui-même uni à d'autres groupements alkyle. Le nom de l'amide est alors précédé de la mention N-alkyle N N-éthyl,méthyl-2-méthylbutanamide 1.7. Exercices : ► Donner les formules topologiques et nommer les isomères de formule brute C5H12: ► Nommer les molécules ci-dessous et entourer les groupes caractéristiques 2. Spectre d'absorption d'une espèce en solution: 2.1. Principe: Lorsque de la lumière traverse une solution aqueuse d'un soluté X, elle est en partie transmise et en partie absorbée, selon la longueur d'onde λ de la lumière et la concentration C de l'espèce X. L'absorbance A d'une espèce X en solution suit la loi de Beer-Lambert: A = ε(λ). l . C où l est l'épaisseur de solution traversée par la lumière ε(λ) est le coefficient d'absorption molaire qui dépend de la nature de l'espèce X et de la longueur d'onde λ de la lumière utilisée. l Lorsqu'une espèce chimique n'absorbe que dans un seul domaine de longueurs d'onde du visible, sa couleur est la couleur complémentaire de celle des radiations absorbées (voir cercle chromatique ci-dessus). MnO4-(aq) Exemple ci-dessus: solution aqueuse de permanganate de potassium apparait de couleur ……….……. car elle absorbe ……………… et ces 2 couleurs sont …………………. Lorsqu'une espèce chimique absorbe dans plusieurs domaines de longueurs d'onde du visible, sa couleur résulte de la synthèse additive des couleurs complémentaires des radiations absorbées. chlorophylle Ainsi, la chlorophylle qui absorbe dans le ……… (couleur complémentaire du ……….…) et dans …….….… (couleur complémentaire du ………..…) donne des solutions aqueuses de couleur ……………... 3 2.2. Spectre d'absorption de la phénolphtaléine en solution aqueuse basique: Le spectrophotomètre permet de mesurer l'absorbance A et la transmittance T d'une solution donnée pour différentes longueurs d'onde λ. Pour cela, il faut le tarer avant chaque mesure en utilisant une cuve contenant le solvant, ici l'eau. Remarque: les chimistes ont pour habitude de caractériser une couleur non pas en indiquant sa longueur d'onde λ (mesurée dans le vide ou dans l'air) mais son nombre d'onde σ qui est l'inverse de λ . Compléter le tableau ci-dessous puis tracer sur un même graphe les courbes A=f(σ) et T=f(σ). σ=1 λ λ en nm σ en cm-1 A T en % 2.3. Pourquoi la phénolphtaléine devient-elle colorée en milieu basique ? La structure de la plupart des molécules organiques colorées présente un grand nombre de doubles liaisons ( C=C ou C=O ) séparées à chaque fois par une liaison simple C−C . Exemple: molécule de carotène Une alternance de liaisons chimiques doubles et simples s'appelle "doubles liaisons conjuguées". Plus le nombre de doubles liaisons conjuguées est grand et plus les longueurs H d'onde absorbées sont longues, passant ainsi de l'ultraviolet au visible. O C Ci-contre la phénolphtaléine est rose fuchsia en milieu basique de pH>10 mais incolore en milieu acide ou neutre. Représenter en rouge les liaisons chimiques qui se trouvent modifiées en fonction de l'acidité de la solution aqueuse, qui apporte des ions H+. ► ► Comment expliquer le changement de teinte observé ? H 4 3. Spectroscopie infrarouge: 3.1. Principe: Les molécules peuvent être modélisées par des masses sphériques (atomes) reliées entre elles par des ressorts (liaisons covalentes). Elles subissent en permanence des mouvements de vibration internes: molécule CO2 au repos déformation longitudinale déformation angulaire Quand la lumière I.R. traverse un échantillon solide, liquide ou gazeux, certaines liaisons peuvent absorber de l'énergie (E=h.ν) pour changer de fréquence de vibration, faisant ainsi apparaitre des bandes d'absorption dans le spectre. Certains groupes d'atomes donnent des bandes d'absorption caractéristiques et spécifiques dont la position dans le spectre dépend peu du reste de la molécule. Seules les bandes d'absorption correspondant à des nombres d'onde σ supérieurs à 1400cm-1 sont utilisées pour identifier des liaisons et des groupes caractéristiques. De façon générale, plus une liaison est forte, plus le nombre d'ondes d'absorption d'élongation σ est élevé. 3.2. Bandes d'absorption caractéristiques: Groupes caractéristiques Formule Bandes Fonction caractéristiques (cm-1) Exemples : pent-4-ène-2-ol Formule développée du pent-4-ène-2-ol (liquide) : Liaison Formule Bande en cm-1 Ctri H 3000 à 3100 Ctet H 2800 à 3000 C═ C 1625 à 1685 Ctet H 1415 à 1470 CC 1000 à 1250 Quelles sont les molécules de formule C4H8O2 qui peuvent correspondre au spectre ci-dessus ? Justifier. 5 3.3. Influence de la liaison hydrogène: La "liaison hydrogène" concerne en particulier les molécules possédant une liaison O H ou N H comme les alcools ou les amines. Cette liaison est polarisée et l'atome d'oxygène est porteur de 2 doublets non liants. Il apparait alors une interaction attractive, appelée "liaison hydrogène" entre l'atome d'hydrogène d'une molécule, porteur d'une petite charge positive, et un doublet non liant de l'atome d'oxygène de l'autre molécule, porteur d'une petite charge négative. L'interaction assurée par la liaison hydrogène est plus intense que les interactions de Van der Walls, mais beaucoup moins intense qu'une liaison covalente. Un spectre I.R. permet de détecter les liaisons hydrogène impliquant les alcools: * en phase gazeuse, les molécules sont éloignées les unes des autres et les liaisons hydrogène sont inexistantes: la liaison O H libre donne une bande d'absorption étroite entre 3580 et 3670 cm-1. * en phase liquide ou solide, la liaison O H liée donne une bande d'absorption large entre 3200 et 3400 cm-1 qui peut masquer la précédente. Cette bande large est d'autant plus intense que le nombre de liaisons hydrogène est important. -2 δ +δ +δ +δ -2 δ +δ OH libre gazeux OH lié liquide 4. Spectroscopie RMN du proton: 4.1. Principe: Lorsqu'un noyau d'hydrogène (= proton) est placé dans un champ magnétique, il peut se retrouver dans deux états d'énergie distincts, notés E1 et E2. La différence d'énergie ∆E entre ces deux états est proportionnelle à l'intensité du champ magnétique imposé. Si on envoie sur ce proton une onde électromagnétique de fréquence ν0 appelée fréquence de résonance telle que ∆E=h.ν0, il peut absorber cette onde et passer de l'état fondamental vers l'état excité. C'est le phénomène de Résonance Magnétique Nucléaire du proton. Tous les protons d'une même molécule ne subissent pas le même champ magnétique, car celui-ci dépend de leur environnement. Leurs fréquences de résonance seront donc légèrement différentes. CH3 On peut définir pour chaque proton un déplacement chimique δ exprimé en ppm par rapport à une fréquence de référence qui est la fréquence de résonance des protons dans la molécule de TMS (tetraméthylsilane) ci-contre . H3C Si CH3 CH3 Remarque: le déplacement chimique δ est représenté sur un axe horizontal orienté vers la gauche. 4.2. Analyse d'un spectre RMN: * Des protons qui ont le même environnement dans une molécule sont équivalents: ils ont le même déplacement chimique. Exemple: donnez la formule développée du 1-chloro-2,2-diméthylpropane et identifiez les groupes de protons équivalents (spectre RMN ci-contre). * Un groupe de protons équivalents possédant n protons voisins est caractérisé par un multiplet de n+1 pics (c’est la règle des n+1 uplets). Attention ! Les protons des groupes OH, CO2H ou NH2 ne peuvent se coupler avec d'autres atomes d'hydrogène: ils donnent des singulets. * On représente aussi parfois la courbe d'intégration : La hauteur relative des paliers indique les proportions de protons dans chaque groupe de protons équivalents. Appliquez cette loi au spectre du bromoéthane ci-contre: 6