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fiche
technique
Sous la responsabilité de son auteur
28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 317 - avril-juin 2009
n° 2
C. Ajzenberg*
Le cas particulier des cellules oncocytaires :
de la métaplasie oxyphile à la tumeur
oncocytaire
* Service de médecine interne, unité de diabétologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
S
ource d’ambiguïté, la présence, au sein d’une cytoponction
ou d’une tumeur thyroïdienne, de cellules oncocytaires,
encore nommées “cellules oxyphiles” (en raison de leur
affinité tinctoriale) ou “cellules de Hürthle”, n’est pas synonyme
de malignité. Elles sont en effet retrouvées aussi bien dans les
thyroïdes remaniées et inflammatoires que dans les tumeurs
bénignes et malignes.
Les cellules oncocytaires sont des cellules de grande dimension
(15-20 µm), à noyau large, hyperchromatique et à cytoplasme
abondant, éosinophile et granuleux par accumulation de mito-
chondries altérées.
On distinguera la métaplasie oxyphile et la tumeur oncocytaire.
La métaplasie oxyphile
Elle constitue la présentation la plus commune des cellules onco-
cytaires. Faite d’îlots non encapsulés de cellules de Hürthle, au
contact des cellules thyroïdiennes inflammatoires des thyroïdites,
de la maladie de Basedow ou des thyroïdes dystrophiques, irradiées
ou vieillissantes, sa présence n’est pas un indicateur de malignité.
Ainsi, une simple surveillance pourra être proposée lorsque la cyto-
ponction d’un nodule thyroïdien de moins de 3 cm – par ailleurs non
suspect cliniquement ou échographiquement – ramène quelques
cellules en métaplasie oxyphile.
Les tumeurs oncocytaires
Il n’en est pas de même pour les tumeurs oncocytaires, ou oncocy-
tomes, classées par l’OMS parmi les tumeurs de l’épithélium vésicu-
laire. Par définition, ce sont des tumeurs encapsulées comportant un
contingent d’au moins 75 % de cellules oncocytaires. Ces tumeurs
n’ont aucune spécificité clinique, échographique ni sécrétoire, mais
la cytoponction, lorsqu’elle est réalisée, ramène une majorité de
cellules oncocytaires qui impose la vérification histologique, car
ces tumeurs sont malignes dans 20 à 30 % des cas.
Les oncocytomes malins sont des tumeurs très rares, représentant
moins de 5 % des cancers différenciés de la thyroïde – et moins de
400 cas rapportés dans la littérature anglo-saxonne.
Le diagnostic de malignité est difficile. Il repose uniquement sur
la présence, sur les coupes histologiques au sein de la tumeur,
d’invasion vasculaire ou capsulaire et/ou de métastases lympha-
tiques ou systémiques. Dans les cas difficiles, l’histopronostic peut
être aidé par l’expression en immunohistochimie de marqueurs de
prolifération, tels que PCNA
(proliferative cell nuclear antigen)
, MIBI
(antigène Ki-67) ou galectine-3, et par la recherche en cytométrie
de flux d’une aneuploïdie.
Par rapport aux carcinomes vésiculaires classiques, les oncocytomes
malins sont plus volontiers multifocaux (20 à 30 %) et métastati-
ques d’emblée (20 % des cas). Ils diffusent par voie lymphatique
et hématogène, captent peu ou pas le radio-iode mais conservent
la capacité de produire et de libérer la thyroglobuline, qui garde
ici toute sa valeur comme marqueur de surveillance.
Le pronostic des oncocytomes malins serait un peu plus péjoratif
que la forme vésiculaire classique ; un point de vue qui n’est pas
partagé par tous les auteurs, pour qui le pronostic serait identique
si les patients étaient stratifiés en fonction du stade initial.
L’oncocytome malin requiert d’emblée un traitement radical :
thyroïdectomie totale et évidement ganglionnaire. Actuellement,
la plupart des auteurs préconisent l’éradication isotopique des
résidus thyroïdiens normaux après thyroïdectomie totale afin de
permettre la surveillance par le taux de thyroglobuline (en défrei-
nation), qui conserve ici toute sa valeur. La radiothérapie externe
est préconisée en complément, en cas de tumeur avec extension
loco-régionale.
Conclusion
La métaplasie oxyphile, présentation la plus fréquente des
cellules oncocytaires que l’on observe au contact des cellules
thyroïdiennes inflammatoires ou altérées, est à différencier de
la tumeur oncocytaire. Devant un nodule unique de la thyroïde
sans thyroïdite associée présentant une majorité de cellules
oxyphiles à la cytoponction, il est indispensable de réaliser une
lobo-isthmectomie pour vérification histologique, car l’oncocytome
s’avère malin dans 20 à 30 % des cas. En revanche, lorsque la
cytoponction ne ramène que quelques cellules en métaplasie
oxyphile et que le nodule n’est pas suspect, on pourra proposer
une simple surveillance. ■