I Avril 2011 I n° 139 I ÉCONOMIE et MANAGEMENT I
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I ÉDITORIAL I
I ÉCONOMIE et MANAGEMENT I
n° 137n° 139
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Les paradoxes de la norme
Tous les auteurs de notre dossier « normes et stratégies » le reconnaissent,
nous vivons une période d’accélération de la machine à produire de la
norme. Ce phénomène s’explique par les attentes de l’opinion publique, la
pression exercée par les médias sur les décideurs et bien sûr l’intégration
du fait que la course à la certification représente un enjeu stratégique
majeur pour les acteurs concernés.
Normes environnementales, normes sociales, normes techniques, normes
d’hygiène et de santé, normes de sécurité, normes de comportement,
normes comptables, normes prudentielles, etc., on ne compte plus les
domaines sur lesquels s’exerce aujourd’hui le pouvoir de normalisation.
Mais à qui appartient un tel pouvoir ?
Il est bien loin le temps où
le législateur détenait le monopole de la production de normes. Les
« producteurs » de normes se sont à l’évidence multipliés. Au Parlement
et au Gouvernement se sont ajoutées les organisations internationales,
l’Union européenne, les autorités administratives indépendantes et enfin
les nombreux organismes publics et privés de normalisation comme l’ISO,
le Centre européen de normalisation ou encore l’AFNOR.
Pour bien comprendre leur importance, considérons un seul instant ce
que serait un monde sans normes. Serait-il vivable ? Il n’est pas besoin de
beaucoup d’imagination pour se rendre à l’évidence, la réponse est non,
tant vie en société et normes sont consubstantielles. Elles permettent de
faciliter les échanges entre les hommes et les peuples, de rendre compatibles
et sécuriser les produits, de simplifier les tâches, de réduire les coûts de
transaction, d’obtenir un nouvel avantage concurrentiel, de renouveler un
marché, etc.
Pourtant, aussi nécessaires que soient les normes pour le bon
fonctionnement de nos sociétés, le travail de normalisation produit aussi
parfois paradoxalement son contraire : l’insécurité juridique et économique.
Le paradoxe de l’insécurité juridique •
Un grand quotidien du soir
le rappelait encore récemment, « les lois inapplicables » sont « un mal
français »1. Si la loi n’est plus la norme incontestée, elle demeure néanmoins
l’expression la plus importante de la vie démocratique. Pourtant, et ce
n’est pas le moindre des paradoxes, la machine à légiférer, en même temps
qu’elle s’emballe, souffre d’une baisse préoccupante de la qualité de la
norme produite et d’une défaillance dans son application concrète. Il en
découle une insécurité juridique contre laquelle la loi est pourtant censée
nous protéger.
Le paradoxe de l’insécurité économique •
La conjonction de
l’application des nouvelles normes comptables IASB/IFRS depuis le 1
er
janvier
2005 et de la crise financière de 2007 a réalimenté les critiques adressées
au principe de l’enregistrement des éléments d’actif à leur juste valeur.
Le débat, très technique, est loin d’être tranché, mais deux arguments à
charge se dégagent : le caractère procyclique de la référence à une valeur
de marché dans l’évaluation des actifs de bilan et la difficulté de l’appliquer
lorsque la liquidité des marchés d’actifs n’est plus assurée. Dans la période
de hausse, les nouvelles normes comptables ont alimenté un sentiment,
presque délirant, de toute puissance et d’invulnérabilité qui a nourri les
bulles, tandis qu’en période de baisse, elles ont propagé la panique.
Mais comme l’explique avec brio l’un de nos auteurs, il y aurait quelque
paradoxe à normer le processus normatif !
Frédéric Larchevêque
1. Le Monde, éditorial du 13 janvier 2011.
Impression
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Dépôt légal 2e trimestre 2011
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