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INTRODUCTION
Le médecin généraliste est, en principe, le premier acteur de la sphère médicale
qu'un patient est amené à consulter lorsque se déclarent les symptômes d'une
maladie. Ce choix n’est pourtant pas toujours celui observé. Les patients, forts de
leurs croyances, se dirigent fréquemment directement vers un spécialiste. Or plus
que toute autre, cette stratégie est génératrice de dépenses.
Paradoxalement, peu d’études mesurent effectivement cette stratégie, comme le
soulignent (Mehrez, A., Y. Yuan and A. Gafni, 1995) concernant la stratégie de
recherche d’informations complémentaires après diagnostic du médecin
généraliste. Les études existantes, s’appuyant principalement sur des travaux
internes à la CNAM mesurent exclusivement le nomadisme1 au sein d’une même
spécialité et se cantonnent le plus souvent aux seuls omnipraticiens. Or de l’aveu
même de ces travaux, le “vrai” nomadisme reste très limité, même chez les
omnipraticiens. Ainsi, le document de recherche de la CNAMTS (1992)2 met en
exergue un nomadisme médical brut de l’ordre de 37 %. Pourtant, en y regardant
de plus près, l’étude précise que parmi les 36.9 % de patients qui ont consulté au
moins 2 généralistes, 43.1 % l'ont fait dans les 15 jours. Et parmi ceux ci, seuls 10
% sont de vrais nomades, les autres ont de bonnes excuses (cas de force majeure,
urgence, nuit, médecin traitant absent, etc.). Au total, uniquement 1.6 % de
l'échantillon des assurés doivent être considérés comme de véritables nomades. Le
nomadisme authentique, bien que non nul, semble restreint.
Ce résultat semble confirmé par les études portant sur le nombre de séances de
médecins, dans les 15 jours, pour un même épisode de soins (BREUIL-GENIER
1998, 1999). La fréquence de renvoi du malade vers un autre confrère (généraliste
ou spécialiste) est faible (moins de 6 %). On peut avancer l’hypothèse que cette
faiblesse indiquerait qu’une partie des patients consulte directement un spécialiste.
Le principe de l’option de médecin référent ne s’y trompe pas puisque le contrat
signé entre un patient et son omnipraticien, qui devient alors son médecin référent,
stipule que le patient s’engage « à recourir en première intention à son médecin
référent pour toute demande de soins, sauf cas de force majeure ». Clause qui
semble d’ailleurs être le principal obstacle à l’adhésion des patients au dispositif de
médecins référents (AGUZZOLI & alii, 1999).
Une contradiction apparaît entre cette clause limitant fortement la liberté de choix
des patients, qui doivent s’en remettre, pour consulter un spécialiste, au seul
jugement de leur médecin référent et la multiplication de l’information mise à leur
disposition. Celle-ci contribue à renforcer les croyances des patients sur leurs
maladies supposées et les thérapies associées.
1 Le nomadisme désignant dans ce cas la pratique de consultation successive de plusieurs
praticiens d’une même spécialité, sans nécessité médicale.
2 Ce document, qui prend appui sur le fichier EPAS, est le seul et le dernier en date à traiter
directement du nomadisme médical. Il porte sur l’année 1990 et sur la clientèle des
omnipraticiens.