
VertigO – La revue en sciences de l'environnement, Vol 4, No 2, septembre 2003
• la compréhension du phénomène étudié peut s’avérer trop
difficile (Garrison et Bentley, 1990);
• les élèves comprennent parfois une nouvelle théorie mais ne
croient pas en celle-ci;
• les élèves peuvent aussi soutenir fermement que leur idée
initiale est exacte et ignorer certaines données pour préserver
leur première opinion (Duit, 1999);
• les élèves peuvent démontrer peu d’intérêt pour le
phénomène étudié (Duit, 1999);
• les membres de la communauté dans laquelle vivent les
élèves partagent parfois des opinions différentes de celles
qu’on veut faire développer par les élèves et les idées
communautaires interfèrent avec l’apprentissage (Inagaki et
Hatano, 2002).
Les stratégies pédagogiques qui favorisent le changement
conceptuel
Plusieurs stratégies pédagogiques susceptibles de favoriser le
changement conceptuel ont été proposées (Vosniadou et
Ioannides, 1998; Hewson, Beeth et Thorley, 1998, Macbeth,
2000; Nersessian, 1991; Strike et Posner, 1992; etc.). Le modèle
de changement conceptuel de Posner, Strike, Hewson et Gertzog
(1982) a été l’un des plus expérimentés et critiqués. Selon
Posner et al. (1982), plusieurs conditions sont nécessaires pour
qu’un apprenant décide de modifier l’une de ses conceptions.
L’individu doit d’abord éprouver de l’insatisfaction face à sa
conception initiale. Il doit ensuite comprendre la nouvelle
conception proposée et la trouver plausible. Il doit enfin
considérer que la nouvelle conception est fructueuse et
susceptible d’enrichir ses connaissances. Hewson et Thorley
(1989), s’inspirant du modèle de Posner et al. (1982), précisent
quant à eux qu’au cours du processus de changement conceptuel,
la conception initiale, considérée comme pertinente au départ,
perd progressivement son statut pour être remplacée par une
conception plus semblable à celle des scientifiques. Dans ce
paradigme, l’intervention pédagogique recommandée pour
l’enseignant consiste principalement à créer un conflit cognitif
chez les apprenants. Il s’agit d’abord d’inviter les élèves à
exprimer leurs conceptions par rapport à un phénomène donné
puis de leur présenter une démonstration opposée à leurs
conceptions. Le conflit cognitif résultant provoque alors de
l’insatisfaction et le reste du processus de changement conceptuel
s’effectue naturellement (Macbeth, 2000).
Le modèle de Posner et al. (1982) a toutefois été remis en
question par plusieurs chercheurs au cours de la dernière
décennie. Duit (1999) affirme que les conceptions initiales sont
robustes, ancrées et qu’elles résistent souvent au conflit cognitif.
De même, selon Pintrich, Marx et Boyle (1993) et Martins et
Grosier (1994), le modèle de Posner et al. (1982) ne tient pas
assez compte des composantes motivationnelles et affectives des
apprenants. Hewson, Beeth et Thorley (1998) ajoutent que
l’enseignant doit, durant la démarche d’apprentissage, favoriser
l’expression d’une variété d’idées provenant de différentes
personnes dans la classe et qu’il doit inviter ces personnes à bien
expliquer leurs idées. Il doit également mettre à profit la
métacognition et demander aux élèves de réfléchir à la valeur de
leurs idées. Vosniadou et Ioannides (1998) insistent également
sur l’importance de cette étape de la métacognition dans le
processus du changement conceptuel en expliquant que les élèves
ne sont pas toujours conscients de la nature hypothétique de leurs
préconceptions et de leurs croyances. Il importe alors de fournir
aux élèves un environnement d’apprentissage qui encourage
l’expression de leurs conceptions et croyances puis de leur faire
vivre des expériences significatives qui leur permettent de
comprendre les limites de ces conceptions et croyances et
conséquemment d’être motivés à les réviser.
D’autres stratégies propices au changement conceptuel sont
également proposées par les chercheurs. L’apprentissage
expérientiel, ou contact réel avec les personnes et les objets de
l’environnement, est l’un de ces moyens. Pruneau et Lapointe
(2002) définissent l’apprentissage expérientiel comme un
processus pendant lequel les participants façonnent leurs
conceptions par le biais de transactions affectives et cognitives
avec leurs milieux biophysique et social. Les étapes de
l’apprentissage expérientiel ont été définies par Sauvé (1994) :
l’expérimentation concrète, l’observation réflexive, la
conceptualisation (l’apprenant pense, façonne et édifie ses
conceptions) et l’expérimentation active (le transfert des
apprentissages). L’apprentissage expérientiel permet aux élèves
de ressentir différentes émotions comme le défi, le plaisir, le
désir de partager leurs impressions, l’émerveillement, la
compassion … (Pruneau et Lapointe 2002) tout en suscitant une
remise en question des conceptions grâce à une confrontation
avec la réalité extérieure et avec les pairs qui, eux aussi,
interprètent cette réalité (Inagaki et Hatano, 2002).
La discussion est également une stratégie qui encourage le
développement conceptuel (Driver, 1989). Les interactions
verbales avec les pairs permettent aux élèves d’énoncer leurs
idées verbalement, ainsi que leurs opinions et, par le fait même,
leurs conceptions. Les interactions sociales créent une
dissonance cognitive et une argumentation entre les élèves, ce qui
les amène à prendre conscience de l’existence d’idées différentes
des leurs. Cette contradiction peut les amener à modifier leurs
idées initiales (Fleer, 1992).
L’écriture en sciences est finalement une stratégie qui facilite le
changement conceptuel. Ainsi, le fait de devoir écrire leurs idées
permet aux élèves de les approfondir, de les évaluer et de les
réviser (Rivard, 1994).
Méthode de recherche
Les 19 élèves d’une classe de quatrième année, à Cap-Pelé, ont
été d’abord interviewés pour identifier leurs idées initiales au
sujet de la pollution, de la santé et de la relation pollution-santé.
Ils ont ensuite participé à un processus pédagogique ayant pour
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