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Introduction
Au cours du siècle dernier, les principaux types de maladies infantiles ont beaucoup
évolué. Chez les enfants des pays industrialisés, les maladies infectieuses ont été
progressivement remplacées par des maladies liées à l’environnement telles l’asthme, les
empoisonnements par le plomb, le cancer et certains troubles neurologiques ou
comportementaux (Landrigan, Schechter, Lipton, Fahs et Schwartz, 2002). Bien que,
dans le domaine de la santé environnementale, il soit encore difficile d’attribuer la cause
de ces nouvelles maladies à des polluants spécifiques, on reconnaît que les produits
toxiques sont plus nocifs pour les enfants que pour les adultes (Commission de
coopération environnementale, 2001). La vulnérabilité accrue des enfants s’explique,
entre autres, par leur faible poids, leur organisme en croissance et par leur personnalité
active et exploratrice. En effet, les enfants vivent près du sol, endroit où on retrouve
plusieurs produits toxiques (exemple : le CO2 des automobiles) et ils portent souvent les
mains à leur bouche, ce qui accroît leurs risques d’exposition (World Health
Organization, 2002). Les enfants sont donc particulièrement vulnérables aux polluants
environnementaux.
Pour protéger les enfants qui vivent dans des régions polluées, l’éducation relative à
l’environnement (ERE) représente un moyen de prévention pertinent puisque ce type
d’éducation vise, entre autres, la prise de conscience et le développement de
connaissances au sujet du milieu local. Cette prise de conscience et ces connaissances,
sans nécessairement conduire les apprenants à l’action environnementale, représentent
toutefois des étapes importantes dans le processus de prise en charge du milieu. En effet,
on peut stipuler que, si des individus ignorent que certains éléments de leur milieu
peuvent nuire à leur santé, ils ne seront pas enclins à vouloir y améliorer la situation. Le
développement de valeurs, d’habitudes et d’habiletés spécifiques ainsi que l’expression
d’intentions d’agir, tant au niveau individuel que social, seront toutefois nécessaires pour
faire évoluer une communauté donnée vers l’action environnementale2.
C’est donc dans une perspective cognitive que des interventions pédagogiques en
sciences et en ERE ont été effectuées auprès d’élèves de quatrième année à Cap-Pelé, au
Nouveau-Brunswick. Dans ce même milieu et au cours de recherches précédentes
(Pruneau, Chouinard, Arsenault et Breau, 1999; Pruneau, Gravel, Bourque et Langis,
sous presse), nous avions constaté que les élèves se représentaient la pollution comme
étant des déchets visibles au sol ou dans l’eau. Cette conception3 limitait leur perception
des problèmes locaux. En effet, dans le village de Cap-Pelé, les usines de poissons
rejettent directement à la mer les carcasses et autres déchets de poissons impropres à la
consommation humaine, près des endroits où les citoyens se baignent. De même, le
bassin d’épuration municipal déverse une partie de son contenu dans un ruisseau côtier.
Enfin, parmi les usines de poissons, 30 sont des boucanières, entreprises du fumage de
hareng qui produisent une importante pollution de l’air. Les polluants les plus nocifs, à
Cap-Pelé, sont ainsi généralement peu faciles à détecter à l’aide des sens. Toutefois,
malgré leur présence subtile, ces problèmes environnementaux occasionnent de
nombreuses maladies infantiles : asthme (1 enfant sur 5), éruptions cutanées, gastro-
entérites, cancer, etc.