Classification et niveau d`informatisation des structures de santé

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N° 545 - Mars - Avril 2012
La démarche existe depuis plusieurs
années aux USA, à l’instar du
Capability Maturity Model présenté
par l’université Carnegie Mellon de
Pittsburgh, Pennsylvanie. Le modèle de
développement applicatif en santé
(Health Information Management
Systems Society, dit HIMSS Analytic) est
issu de l’étude de données rassemblées
auprès de sociétés de services ayant
travaillé pour le compte du département
américain de la Défense. Aujourd’hui
assez répandu, il constitue un modèle de
mesure de niveau de maturité des
niveaux d’informatisation applicable aux
structures de santé, en médecine, chirur-
gie, obstétrique (MCO) et ambulatoire.
Une première version de ce modèle, limi-
tée au MCO, est née vers 2005. Elle a été
publiée pour la première fois aux États-
Unis en 2006. Une version spécifique au
contexte ambulatoire est prévue en 2012.
Le modèle a déjà essaimé dans le monde
entier. Adapté au Canada, il est en phase
d’adaptation en Europe ainsi qu’en Asie.
Sur ce continent plusieurs hôpitaux, comme
l’hôpital Bundang de l’université nationale
de Séoul, ont été classés au niveau 6 de
l’échelle Electronic Medical Record Adoption
Model, dite EMRAM (cf. schéma 1-
Classification EMRAM du Himms).
Autre signe d’utilisation et d’appropriation:
l’administration Obama a utilisé ce
modèle afin d’estimer le montant des
fonds nécessaires pour que les hôpitaux
américains volontaires puissent être clas-
sés au niveau 4 de l’échelle EMRAM
dans un délai assez rapide.
Le bénéfice le plus direct pour le directeur
des systèmes d’information et d’organi-
sation est de disposer d’un référentiel
d’implantation de technologies pertinentes
pour la mise en œuvre d’un dossier
clinique ou médical complet. Le référentiel
contribue à l’amélioration des soins au
moyen de règles de support à la décision
clinique, de notifications et de protocoles
disponibles.
L’échelle EMRAM
>> Niveau 0: le dossier papier existe
encore et concerne le dossier patient. Des
systèmes d’information départementaux
(laboratoires, radiologie, explorations)
peuvent exister, mais ils ne sont pas inté-
grés.
>> Niveau 1: les trois principaux
systèmes de soutien diagnostique et
thérapeutique (laboratoire, pharmacie et
radiologie) sont entièrement implantés:
le dossier patient est encore largement
disponible en version papier,
les principaux systèmes de soutien
diagnostique et thérapeutique (labora-
toire, pharmacie, radiologie) sont
implantés,
les systèmes ne sont pas encore inté-
grés, ni centrés sur les patients,
les données ne sont pas encore emma-
gasinées dans un entrepôt de données.
À ce stade, l’accès est réduit à des
données de base paracliniques avec
une granularité plus ou moins élaborée.
>> Niveau 2: les principaux systèmes
d’information de soutien alimentent un
référentiel clinique ou un entrepôt de
données, notamment:
une base de données centralisée
contient les données des principaux
systèmes d’information diagnostique et
thérapeutique,
des systèmes d’information dédiés labo-
ratoire, radiologie et pharmacie sont
intégrés et interfacés par le biais des
documents cliniques,
Classification
et niveau d’informatisation
des structures de santé
Partons du principe que l’on ne maîtrise que ce que
l’on mesure. Dès lors, il devient primordial de concevoir des
modèles de mesure de la maturité des organisations relatifs
aux technologies d’information, aux dossiers médicaux
informatisés et autres processus de gestion clinique.
Objectif : articuler le niveau d’informatisation des structures
de santé et une conception stratégique de leur utilisation.
Docteur Arnaud HANSSKE
Conseiller national systèmes d’information, FHF
Spécial HIT 2012
Systèmes d’information en santé
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Revue hospitalière de France
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l’information clinique, administrative ou
autre, est numérisée et consultable par
voie électronique, une plateforme
permet l’accès aux données cliniques
de base via une seule interface pour
l’usager,
Le niveau 2 met en place les fondations
d’un dossier clinique informatisé centré
sur le patient.
>> Niveau 3 : la prescription électronique
et la documentation clinique sont dispo-
nibles et installées. Ce niveau permet de
décrire un soutien à la décision clinique:
détections d’erreur de prescriptions médi-
camenteuses, doublons, conflit médica-
menteux et examens de laboratoire…
>> Niveau 4 : outre l’outil de prescription,
des protocoles cliniques fondés sur les
données existantes et probantes sont mis
en place et intégrés aux outils d’aide à la
décision. Des aides aux prescriptions ou
aux décisions sont disponibles. L’intérêt
de ce niveau (cf. encadré) réside dans le
travail de standardisation et d’amélioration
de la prestation de soins, ainsi que dans
la robustesse de l’environnement des
prescriptions. Des outils d’aide à la déci-
sion clinique de niveau intermédiaire sont
en outre disponibles, réduisant le potentiel
d’erreur médicale.
>> Niveau 5: il correspond au circuit
complet du médicament: prescription
médicale, dispensation et vérification des
ordonnances au niveau de la pharmacie,
administration des médicaments au sein
du service.
Les prescriptions de médicaments sont
vérifiées par un pharmacien avant l’ad-
ministration. Les soignants ont la possi-
bilité d’utiliser les technologies de type
code-barres sur le lieu d’administration
des médicaments. Les cinq règles de l’ad-
ministration des médicaments sont
suivies et tracées: le bon médicament, la
bonne dose, la bonne personne, la bonne
voie d’administration et le bon moment.
L’intérêt du niveau 5 (cf. encadré) est
d’éliminer les erreurs de médicament,
d’améliorer la sécurité iatrogénique, le
niveau de confiance des patients et la
qualité de prise en charge.
>> Niveau 6 : il implique une documen-
tation clinique complète, des protocoles
et des données implantées dans le
système, un système d’aide à la décision,
un accès complet au PACS, une docu-
mentation clinique et disponible dans au
moins un service. L’intérêt de ce niveau
est multiple. Il réside dans la mise en
place de recueils de données structurées
(partage d’information), l’accès à un
système d’aide à la décision clinique
incluant conseils cliniques et analyses
sophistiquées, à un système d’imagerie
PACS (meilleurs diagnostics) et à des
données de plus en plus dématérialisées.
Les retours d’expérience montrent que
l’atteinte du niveau 6 améliore le consen-
sus et le partage d’une documentation
clinique. On note une meilleure qualité
des données recueillies, une meilleure
Classification et niveau d’informatisation
des structures de santé
Offres
d’emploi Librairie Système
d’information
en santé
Droit et
jurisprudence Ressources
humaines et
médico-social
Tarification et
convergence Sur le web Parcours
de soins Actualités
<<
>> Classification EMRAM du Himms - Schéma 1
Exemples de création
de valeur ajoutée liée
à l’atteinte du niveau 4
Valeur ajoutée pour le groupe Sentara
Health System
(six hôpitaux aux États-Unis)
réduction de 5,5% des examens de
laboratoire (élimination de requête en
double),
réduction de 17% des délais entre la
prescription de médicaments et l’ad-
ministration grâce à la prescription
électronique,
réduction et optimisation de la durée
de séjour (16000 jours inutiles): envi-
ron 7 millions de dollars d’économies.
Valeur ajoutée pour l’hôpital
NorthShore University Health System
réduction de 70% du délai d’admi-
nistration des médicaments,
33% des cas ou alertes pour allergie
sont détectés: les médecins modifient
et adaptent leurs prescriptions en
direct.
Exemples de création
de valeur ajoutée liée
à l’atteinte du niveau 5
Pour le Sentara Health System qui
compte six hôpitaux aux États-Unis
environ 88 000 erreurs potentielles
de prescription évitées grâce aux
alertes levées par l’utilisation des
dispositifs code-barres,
mais augmentation de 22 % du
temps infirmier au chevet du patient
(augmentation attribuable au déploie-
ment du système de prescription)
Pour le NorthShore University Health
System
réduction de 20% des omissions dans
l’administration des médicaments.
Source Himss
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Spécial HIT 2012
Systèmes d’information en santé
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accessibilité et une augmentation du
turnover des patients.
Deux grands axes se profilent en matière
de retour sur investissement (ROI).
Le premier axe de ROI concerne les
dépenses mesurables:
réduction des duplications de prescrip-
tions médicales,
réduction/optimisation des durées de
séjour,
réduction des effets indésirables des
médicaments,
réduction des coûts liés au traitement
des documents papier (transcriptions,
numérisation, archivage, manuten-
tions…).
Le second axe de ROI concerne des
dépenses moins visibles mais présente
des bénéfices qualitatifs:
réduction des erreurs et des pertes
potentielles, notamment des frais d’as-
surance en responsabilité, par exemple,
augmentation de la satisfaction
soignante et du présentéisme,
augmentation de la satisfaction du
personnel médical et meilleur suivi des
patients,
augmentation de la satisfaction des
patients et de leurs familles.
>> Niveau 7: il comporte un dossier
clinique médical complet totalement
dématérialisé, un niveau de partage inté-
gral assurant le continuum des soins et
services.
Les informations cliniques sont échangées
via les transactions normalisées de type
IHE (International Health Exchange).
L’établissement n’a plus recours au papier
pour prodiguer et gérer les soins aux
patients. L’interopérabilité des flux d’infor-
mation entre unités de soins, urgences et
hôpitaux de jour contribue à la constitu-
tion progressive d’un véritable dossier
patient informatisé, et à un soutien du
processus de soins.
Programme Hôpital numérique
À l’échelon français, l’heure est au
programme Hôpital numérique. L’objectif
est de décliner un programme le plus
pratique et cohérent possible agissant
sur plusieurs leviers, notamment la
détermination de priorités à partir de trois
prérequis:
la maîtrise de «l’identité mouvement»
(gestion administrative du patient),
la fiabilité/disponibilité de l’information,
la maîtrise continue de la confidentialité.
Ces trois prérequis forment un socle. Ce
dernier sera a priori incontournable pour
l’obtention de financements dans le cadre
du programme Hôpital numérique.
Cinq domaines prioritaires et fonctionnels
sont identifiés à partir de ce socle:
les résultats d’imagerie, de biologie et
d’anatomopathologie,
le dossier patient informatisé et inter-
opérable,
la prescription électronique alimentant
le plan de soins,
la programmation des ressources et
l’agenda patient,
le pilotage médico-économique.
Le programme Hôpital numérique
concerne l’ensemble des établissements
publics, privés et ESPIC, quel que soit leur
champ d’activité (MCO, services de soins
de suite et de réadaptation, psychiatrie,
hospitalisation à domicile). Des indica-
teurs ont été conçus afin de mesurer de
façon équilibrée chaque prérequis et
domaine fonctionnel. Ces indicateurs sont
de deux types: les indicateurs d’usage
correspondent à l’utilisation du système
d’information dans les domaines fonction-
nels ou prérequis; les indicateurs d’orga-
nisation se rapportent à l’allocation de
moyens humains ou financiers 1.
Une combinaisonEMRAM/
programme Hôpital numérique?
Notre propos consiste à tenter une combi-
naison de l’expérience EMRAM et de la
démarche structurante du programme
Hôpital numérique, et de représenter cette
combinaison par un schéma progressif,
clarifiant certaines priorités (cf. schéma 2
- Synthèse de la répartition des coeffi-
cients de classification).
Cette combinaison s’appuie sur le socle
Hôpital numérique comme base de struc-
turation du modèle. Il intègre les cinq
«blocs» rattachés aux cinq domaines,
présentés dans le schéma de synthèse.
Une gradation est réalisée suivant les
préconisations de la classification
EMRAM, notamment au niveau du
circuit du médicament.
Cette combinaison permet d’envisager
la mise sous coefficient des secteurs
d’informatisation de la structure de
santé concernée, de façon à mesurer la
maturité et/ou l’avancement de son
système d’information. À partir de 80 %
de couverture de lits, on peut estimer le
niveau atteint.
Les coefficients de chaque secteur,
fondés sur l’expérience, sont susceptibles
d’être affinés. Au total, on peut obtenir
un score sur 100 et s’en servir soit pour
classer le degré de maturité du système
d’information des établissements, soit
pour mesurer, dans un territoire ou une
région, la progression de l’informatisation
de différentes structures.
Le type de démarche visant à mesu-
rer la progression de l’informatisa-
tion de structures de santé, voire à les
comparer, est à encourager, en complé-
ment ou parallèlement aux travaux
conduits par l’Observatoire des systèmes
d’information de santé (DGOS). Les
réformes actuelles et à venir impliquent
une adaptation profonde des organisa-
tions. Il ne fait aucun doute que les
structures bien informatisées bénéficie-
ront d’une capacité de réaction et
d’adaptation supérieure aux défis qui
s’annoncent.
1. Détails sur http://www.sante.gouv.fr/
programme-hopital-numerique.html.
>> Synthèse de la répartition des coefficients
de classification - schéma 2
Dématérialisation, numérisation, signature électronique
PACS
Laboratoires
Anapath
Examens paracliniques
Circuit
du médicament
complet
Mobilité (wifi)
SOCLE incontournable: selon les modalités d’Hôpital numérique
Interfaçage, intégration
Gestion des ressources, agendas
Dossier patient, échanges avec l’extérieur
(TLM, DMP, réseaux…)
Dictée numérique
Tableaux de bord reporting
510
5
5
10
30 10 10 10
20
10
5
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