Bizouarn Décision médicale partagée

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Décision médicale partagée
Philippe Bizouarn
Loi du 4 mars 2002
« Art. L. 1111-2. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les
différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence
éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que
sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à
l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne
concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
« Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des
règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
« Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.
« Art. L. 1111-4. - Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des
préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la
volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre
en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables.
« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne
et ce consentement peut être retiré à tout moment.
Cas de monsieur O.
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Homme de 69 ans, vit seul, 2 enfants
Aide-Soignant en unité de patients Alzheimer
Infarctus avec « rupture septale » en état de choc
Seule possibilité théorique : chirurgie de réparation
Plusieurs solutions
• Opérer rapidement : risque majeur (impossibilité de réparation)
• Attendre la cicatrisation : nécessité d’assister le cœur (ECLS)
• Décision multidisciplinaire : pose ECLS et attendre 2 semaines
• Sous ECLS : aggravation
• Que faire?
• Abandonner le projet de chirurgie et soins palliatifs
• Opérer en urgence avec risque majeur de décès précoce/tardif ou réanimation
prolongée avec issue aléatoire : décès ou « séquelles »
Cas de monsieur O. (suite)
• Conflit
• Le patient refuse la chirurgie
• « Il va de toute façon mourir avec ou sans la chirurgie »
• L’équipe est en désaccord :
• Opérer à tout prix
• « Parce qu’il faut le sauver »
• Ne pas opérer et arrêt des traitements actifs (la machine)
• Parce que le patient le « veut »
• Parce que c’est » trop risqué » d’opérer
• Que faire?
• Opérer : persuader et convaincre quitte à se tromper?
• Ne pas opérer : ne pas prendre le risque quitte à le regretter?
Décision médicale partagée
Décider
Décider
• Choisir entre plusieurs possibilités
• Descartes : linéarité du temps de l’acte volontaire et libre
• 2 termes extrêmes : motivation (conception projet/désir) et exécution
(satisfaction)
• Entre les 2 : délibération et décision
• Cette continuité suppose un ordre dont la construction serait affaire de raison
• Le résultat produit a la clarté d’une chaîne causale entre motivation et exécution
• La délibération et la décision vues comme cause motrice (« Agent »)
Lucien Sfez. La décision, PUF 1984
Les hommes de la décision
• L’Homo economicus : un but, un chemin
• Homme certain, informé du cours de l’action et des conséquences
• Un autre homme est-il possible?
• Homo probabilis : un but, plusieurs chemins
• Homme des situations intriquées
• Homo erraticus : plusieurs buts, plusieurs chemins
• Homme des chemins de traverse et impraticables
Lucien Sfez. La décision, PUF 1984
Décision médicale partagée
Décision médicale
Moments de la décision médicale
Plainte du patient
Interrogatoire
Examen clinique
Examens
complémentaires
Histoire de la maladie
Signes, symptômes
Hypothèses diagnostiques
diagnostic
pronostic
Décision
Processus décisionnel
Médecin
Patient
Valeurs
Préférences
Jugement
Information
Analyse
Alternatives
Conséquences
Probabilités
Jugement
Action
Eddy DM, Anatomy of a decision, JAMA 1990
Décision médicale partagée
Décider en situation d’incertitude
Informer mais
convaincre :
incertitude médicale
et rhétorique
statistique en
cancérologie
Marie Ménoret
Sciences Sociales et santé 2007
Marie Ménoret
Sciences Sociales et santé 2007
Marie Ménoret
Sciences Sociales et santé 2007
Incertitude médicale
• Renée Fox : 3 types d’incertitude (1959, 1988)
• Incertitude liée à la maîtrise incomplète ou imparfaite de la connaissance médicale à
son stade actuel
• Incertitude liée à la limitation propre à la science médicale actuelle
• Incertitude de distinguer les deux types
• Fred Davis : 2 types d’incertitude (1960)
• Incertitude réelle
• Incertitude fonctionnelle
• Comment les médecins « communiquent » l’incertitude?
• Paul Han : taxonomie en 3 domaines (2011)
• Source d’incertitude
• Questions spécifiques (issues)
• Locus : patient, médecine, etc.
14 familles où un enfant atteint de
poliomyélite
Période de suivi : de phase aiguë à
1.5 années après sortie de
l’hôpital
Que disent les médecins face aux
attentes des familles?
Une mère :
American Journal of Sociology 1960
Incertitude réelle vs fonctionnelle
Fred Davis, American Journal of Sociology 1960
Incertitude en
médecine générale
Attitudes / incertitude
1. Incertitude balisée
Stratégie de réduction de la plainte profane
sur des choses connues (objectivité à
distance)
2. Incertitude prégnante
Tournant de l’EBM et négociation avec le
patient sans renoncer à la « science »
3. Incertitude explorée
Prise à distance / standards biomédicaux
(colloque singulier « sacralisé »)
4. Incertitude contenue
Minimisation de l’effort ou maximisation
économique
Géraldine Bloy, Sciences Sociales et Santé 2008
Paul Han, Med Decis Making 2011
Paul Han, Med Decis Making 2011
Incertitude du patient
• Incertitude provoquée par les premiers symptômes : Quelque chose
d’inhabituel est en train de se passer
• Incertitude « pré-diagnostique » : au début de l’interaction avec le
médecin (Balint : « étape inorganisée de la maladie »)
• Incertitude du diagnostic et de ses conséquences (cause de maladie?
Sens? Répercutions sociales? Etc.)
• Incertitude concernant le déroulement de la maladie (pronostic)
• Incertitude symptomatique quotidienne (maladies chroniques)
• Incertitude fonctionnelle (F.Davis)
Carricaburu D., Ménoret M. Sociologie de la santé 2004
Décision médicale partagée
Shared decision making
Entre paternalisme fort et autonomie forte
Patient informé
Médecin décide
Patient informé
Et décide
Paternalisme
Autonomie « totale »
Evidence-Based Doctor Choice
Evidence-Based Patient Choice
Paternalisme : Talcott Parsons
• Maladie vue comme déviance / normes biologiques de santé
• Rôle social de malade : légitimation de maladie-déviance
• Obligations du malade
• Le malade doit souhaiter aller mieux
• Le malade doit rechercher une aide compétente
• Droits du malade:
• Malade non responsable de sa maladie
• Malade exempté de ses responsabilités habituelles selon gravité de son état
• Rôle social du médecin
• Contrôleur social
• Obligations du médecin
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Compétence technique
Universalisme : relation M/M régie par règles abstraites
Spécificité fonctionnelle: spécialisation
Neutralité affective
Orientation vers la collectivité
Carricaburu D., Ménoret M. Sociologie de la santé 2004
Patient informé et décideur
• Information médicale centrée sur les « faits »
• État du patient
• Diagnostic et pronostic
• Options thérapeutiques
• Unilatéralité de la décision
• Le patient comme « consommateur » de soins?
• Autonomie « obligatoire » (mandatory)
• Le médecin comme prestataire de service?
• Conflit entre « autonomies »
• Conflit / bienfaisance et justice
Choisir est-ce être libre?
« Le choix n’est certainement pas la même chose que le souhait, bien qu’il en soit visiblement fort
voisin. Il n’y a pas de choix, en effet, des choses impossibles, et si on prétendait faire porter son choix
sur elles on passerait pour insensé ; au contraire, il peut y avoir souhait des choses impossibles, par
exemple de l’immortalité. D’autre part, le souhait peut porter sur des choses qu’on ne saurait
d’aucune manière mener à bonne fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète
remporte la victoire ; au contraire, le choix ne s’exerce jamais sur de pareilles choses, mais seulement
sur celles qu’on pense pouvoir produire par ses propres moyens. En outre, le souhait porte plutôt sur
la fin, et le choix sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous souhaitons être en bonne
santé, mais nous choisissons les moyens qui nous feront être en bonne santé ; nous pouvons dire
encore que nous souhaitons d’être heureux, mais il est inexact de dire que nous choisissons de l’être :
car, d’une façon générale, le choix porte, selon toute apparence, sur les choses qui dépendent de
nous. »
Aristote, Ethique à Nicomaque/III,II.
• Modèle de décision partagée permet partage d’information et coparticipation à processus thérapeutique
• Caractéristiques d’un processus idéal:
• Implication d’au moins 2 personnes : le patient et médecin
• Participation des 2 parties au processus décisionnel
• Prendre en compte les préférences du patient pour participer; ses valeurs et styles de
vie; informer de façon claire et simple; aider à conceptualiser les notions de risque et
bénéfice; partager les préférences (médecin et patient) / traitements possibles, etc.
• Partager mutuel d’information (préalable)
• Prise de décision commune avec accord sur option choisie
Cathy Charles, Soc Sci Med 1997
Charles C., Soc Sci Med 1997
Charles C., Soc Sci Med 1997
Charles C., Soc Sci Med 1997
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