Dysfonction diastolique dans l`insuffisance cardiaque à fonction

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Dysfonction diastolique dans l’insuffisance cardiaque
à fonction systolique préservée CHARMES : résultats de la sous-étude
échocardiographique de CHARM
Titre original et référence : Persson H, Lonn E, Edner M. Diastolic Dysfunction in heart failure with preserved systolic function : need for objective evidence
results from the CHARM echocardiographic substudy-CHARMES. J Am Coll Cardiol 2007 ; 49 : 687-94.
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Question évaluée par l’étude
Environ la moitié des patients avec
insuffisance cardiaque clinique a
une fonction ventriculaire gauche
préservée suggérant que la dysfonction diastolique pourrait être responsable de certaines manifestations
cliniques [1]. Des études récentes ont
montré que les patients avec insuffisance cardiaque et fraction d’éjection
ventriculaire gauche (FEVG) > 40 %
avaient une mortalité relativement
élevée et un taux important d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque [2].
L’échographie-Doppler cardiaque est
la méthode de choix dans la pratique
clinique quotidienne pour évaluer
la fonction diastolique en utilisant
le flux transmitral, le flux veineux
pulmonaire, le Doppler tissulaire et
les modifications du flux mitral durant
les manœuvres de Valsalva [3].
L’évaluation de la dysfonction diastolique reste complexe et requiert
une interprétation d’experts. Une
alternative permettant d’évaluer la
présence d’anomalies hémodynamiques et d’une dysfonction diastolique
est l’utilisation des peptides natriurétiques, mais cette approche garde
des limites, notamment pour détecter
les patients avec des anomalies de la
relaxation [4].
L’étude CHARM-Preserved (Candesartan in Heart failure Assessment of
Reduction in Mortality and Morbidity)
a évalué l’association du candésartan
ou d’un placebo à une thérapeutique
habituelle chez les patients insuffisants
cardiaques symptomatiques avec une
FEVG conservée (FEVG > 40 %). Le
candésartan apportait une réduction
non significative de 11 % du critère de
jugement primaire composite (décès
ou hospitalisation pour insuffisance
cardiaque), mais il y avait une diminu-
346
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tion significative de 29 % du nombre des
admissions pour insuffisance cardiaque.
Le but de cette sous-étude CHARM
Echocardiography (CHARMES) à partir
de CHARM-Preserved était d’évaluer si la présence d’une dysfonction
ventriculaire gauche diastolique était
un prédicteur de mortalité cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer les effets du
candésartan comparés au placebo lors
d’une évaluation échocardiographique
à 14 mois après l’inclusion, sur la fonction diastolique et sur la masse ventriculaire gauche et la fonction systolique
ventriculaire gauche.
Méthodes
CHARMES est une étude prospective, randomisée contrôlée en double
aveugle cross-over évaluant la fonction diastolique ventriculaire gauche
en utilisant l’échocardiographie et le
NT-pro-BNP avec la réalisation d’une
échocardiographie à l’inclusion après
14 mois et à la fin de l’étude.
Les patients ont été inclus à partir de
l’étude CHARM-Preserved et étaient
sélectionnés s’ils avaient des symptômes d’insuffisance cardiaque avec
une FEVG > 40 %. Les patients ayant
une mauvaise échogénéicité et des
valves prothétiques mitrales ou avec
une régurgitation mitrale ou aortique
au moins moyenne, étaient exclus.
L’évaluation de la fonction diastolique
reposait sur le flux transmitral (pic de
l’onde E, pic de l’onde A, rapport E/A,
temps de décélération, temps de relaxation isovolumique, durée de l’onde
A, rapport E/A durant les manœuvres
de Valsalva), le flux veineux pulmonaire (pic de l’onde S, pic de l’onde
D, rapport S/D et durée de l’onde A et
différence entre les durées de l’onde A
pulmonaire et mitrale), et la surface
de l’oreillette gauche. Le NT-proBNP était mesuré à l’arrivée et les
valeurs seuils de NT-pro-BNP étaient
prospectivement choisies selon l’âge
et le sexe.
La classification de la fonction
diastolique était définie prospectivement, fondée sur les valeurs de
l’échographie cardiaque ajustées sur
l’âge et les mesures du NT-pro-BNP
(figure 1). Les patients étaient classés
en 4 groupes : fonction diastolique
normale, anomalie de la relaxation
(dysfonction modérée) ou pseudonormale (dysfonction moyenne) et
restrictive (dysfonction sévère). Pour
distinguer le flux pseudo-normal
du flux normal : le flux des veines
pulmonaires, le rapport E/A durant les
manœuvres de Valsalva ou le taux de
NT-pro-BNP étaient utilisés.
Résultats
L’étude a inclus 312 patients (10 %
des patients de l’étude CHARMPreserved) d’âge moyen 66 ± 11
ans, avec une FEVG moyenne de
50 ± 10 %. Par rapport à l’étude
principale, les patients de l’étude
CHARMES étaient moins souvent
des femmes (34 versus 40 %), et
avaient moins fréquemment un antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (57 versus 69 %).
Au total, 293 patients (94 %) ont pu
avoir une classification de leur fonction diastolique selon le protocole
établi. Une dysfonction diastolique
a été décrite chez 67 % des patients
(n = 197). La dysfonction moyenne
était l’anomalie la plus souvent
rencontrée alors que la dysfonction
diastolique sévère était relativement
rare : fonction diastolique normale
chez 98 patients (33 %), modérée
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Flux
transmitral
Dysfonction
sévère
Anomalie
de relaxation
« Normal »
Restriction
Doppler
ou
NT-pro-BNP
Pseudo-normal
Normal
Figure 1. Classification de la fonction diastolique VG.
chez 65 patients (22 %), moyenne
chez 109 patients (37 %) et sévère
chez 21 patients (7 %). Chez les
patients avec un flux mitral normal, le
NT-pro-BNP a été utilisé dans 86 %
des cas (n = 178) pour distinguer le flux
pseudo-normal du flux normal, alors
que les mesures Doppler ont été utilisées chez 14 % des patients restants
(n = 29). La dysfonction diastolique
Proportion de patients libres d’événements
(décès ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque)
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Dysfonction
moyenne
était liée à un certain nombre de caractéristiques de base incluant l’âge élevé
(p < 0,01), la classe NYHA (p < 0,05),
un antécédent d’insuffisance cardiaque
(p < 0,01), et la fibrillation auriculaire
(p < 0,001). L’hypertension artérielle,
la FEVG et le diabète n’étaient pas
associés à la dysfonction diastolique.
Le volume de l’oreillette gauche était
anormal (> 32 mL/m²) chez 71 % des
1
0,9
0,8
0,7
0,6
log-rank p = 0,0015
0,5
0,4
Fonction diastolique normale
0,3
Anomalie de relaxation
0,2
Pseudo-normale
0,1
Restriction
0
0
200
400
600
800
Jours
Figure 2. Décès cardiovasculaires ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque
selon la fonction diastolique.
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patients et il existait une relation très
significative avec la sévérité de la
dysfonction diastolique.
Pronostic. Le suivi médian était de 18,7
mois après l’échographie cardiaque.
La mortalité cardiovasculaire ou les
réhospitalisations pour insuffisance
cardiaque durant le suivi ont été de
10,3 % (n = 32), avec une mortalité
cardiovasculaire de 4,5 % (n = 14). Le
critère combiné décès cardiovasculaire
ou hospitalisation pour insuffisance
cardiaque était lié à la sévérité de la
dysfonction diastolique (p = 0,0015)
(figure 2) mais n’était pas lié à la
dilatation de l’oreillette gauche
(p = 0,13). Les patients avec une
fonction diastolique normale avaient
un faible taux d’événements (5 %),
de même que les patients avec un
trouble de la relaxation (6 %). En
revanche, les patients ayant une
dysfonction diastolique moyenne ou
sévère avaient un taux d’événements
significativement plus élevé (16
et
29 %
respectivement).
Les
patients avec un flux pseudo-normal
diagnostiqué par un NT-pro-BNP
anormal ou par les critères Doppler
avaient la même survie. Un âge élevé,
le diabète, un antécédent d’insuffisance
cardiaque au moment de l’admission
et la fibrillation auriculaire étaient
associés à un mauvais pronostic
(p < 0,05). En analyse multivariée,
seule la dysfonction diastolique
moyenne (HR : 3,7 ; IC 95 % : 1,2-11,1)
ou sévère (HR : 5,7 ; IC 95 % : 1,4-24)
restait significativement associée à
la survie (p = 0,003). Cette relation
persistait après ajustement sur
l’âge, le sexe, la FEVG au moment
de l’échographie cardiaque et
le traitement. Il n’y avait pas de
différence significative pour les
fonctions systoliques et diastoliques
ventriculaires gauches ou pour la
taille du ventricule gauche entre les
groupes placebo ou candésartan.
Il y avait une distribution similaire
des dysfonctions diastoliques dans les
deux groupes (p = 0,85).
Les patients traités par candésartan
avaient une masse ventriculaire
gauche et un index de masse VG plus
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Dysfonction
modérée
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bas (p < 0,05) ; de même, moins de
patients sous candésartan avaient une
hypertrophie ventriculaire gauche
(45 versus 59 %, p = 0,04) > 116 g/m²
pour l’homme et >104 g/m² pour la
femme.
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Résultat principal. Une dysfonction
diastolique a été objectivée chez 2/3
des patients insuffisants cardiaques
avec fonction ventriculaire gauche
préservée de l’étude CHARMPreserved.
Une
dysfonction
diastolique moyenne ou importante,
décrite dans moins de la moitié
patients,
était
un
prédicteur
important indépendant de survenue
d’événements cardiovasculaires. Ces
résultats confirment l’importance
pronostique de la mise en évidence
d’une dysfonction diastolique chez
des patients insuffisants cardiaques
avec FEVG conservée.
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Discussion
Dans CHARMES, une dysfonction
diastolique a été identifiée chez 67 %
des patients avec une insuffisance
cardiaque à fonction ventriculaire
gauche préservée. Une dysfonction
diastolique moyenne à sévère a été
trouvée dans un peu moins de la
moitié des patients et a été montrée
comme étant un important prédicteur indépendant d’événements. De
plus, cette étude a démontré que la
dysfonction diastolique était liée à la
mesure de la sévérité de la maladie,
à la fibrillation auriculaire, à la
surface de l’oreillette gauche et à un
âge avancé.
D’autres études avaient établi que
l’insuffisance
cardiaque
diastolique modérée, moyenne ou sévère
était liée à la mortalité à long terme
en comparaison avec des patients
normaux [3]. Les données de l’étude
actuelle donnant un pronostic à
moyen terme favorable chez des
patients avec une dysfonction diastolique modérée semblaient être en
désaccord avec les études précédentes. L’absence de critère objectif
de dysfonction diastolique chez
33 % des patients 14 mois après la
randomisation pourrait être en faveur
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d’une amélioration de la fonction diastolique au cours du temps. La prévalence et le rôle de la dysfonction diastolique chez des patients insuffisants
cardiaques avec fonction ventriculaire
gauche préservée restent peu décrits.
Cette étude rapporte une prévalence
de la dysfonction diastolique modérée
à sévère, 6 fois plus élevée (44 %)
dans l’insuffisance cardiaque à fonction ventriculaire gauche préservée,
comparée avec la prévalence de 7 %
de dysfonction diastolique modérée à
sévère dans une étude de population
sans insuffisance cardiaque mais avec
des facteurs de risque de Redfield [3].
Le taux d’événement était plus élevé
chez ces patients. Ces résultats suggèrent donc que la dysfonction diastolique moyenne à sévère représente un
mécanisme physiopathologique important dans l’insuffisance cardiaque à
fonction ventriculaire gauche préservée
[3], plus importante que la fibrillation
auriculaire, la FEVG ou la surface de
l’oreillette gauche. En revanche, dans
cette étude, la dysfonction systolique
évaluée par la FEVG n’était pas liée au
degré de dysfonction diastolique alors
que d’autres études avaient montré une
relation entre la dysfonction diastolique
sévère et la dysfonction systolique
sévère [3]. Cependant, les critères d’inclusion de cette étude étaient une FEVG
normale ou limite réduisant la chance
de confirmer cette relation. Il n’y pas
eu non plus de relation retrouvée entre
la dysfonction diastolique et le diabète,
l’hypertension artérielle ou l’hypertrophie ventriculaire gauche, ce qui est
surprenant et contraste avec d’autres
études [5, 6].
L’échographie cardiaque joue un rôle
dans l‘évaluation de la fonction diastolique mais cette technique peut être
limitée par les variations de fréquence
cardiaque et les conditions de charge.
Ces limites peuvent justifier le recours
à d’autres mesures objectives de la
dysfonction diastolique telles que le
BNP, comme cela a été suggéré dans
les recommandations à paraître de
l’European Society of Cardiology [7].
Plusieurs études ont déjà montré que
des taux de BNP élevés étaient prédic-
teurs de la présence d’une dysfonction diastolique [4]. Des techniques
récentes incluant le strain [8] pourraient mieux identifier et classer la
dysfonction diastolique.
Limites de l’étude. Il y a plusieurs
limites à cette étude, la plus
importante étant la difficulté de
mesurer la dysfonction diastolique
dans une étude internationale
multicentrique. Il faut noter que
le Doppler tissulaire à l’anneau
et le mode TM couleur n’étaient
pas disponibles et standardisés au
moment de l’étude. Les autres limites
étaient la difficulté de mesurer la
fonction diastolique et systolique
en fibrillation auriculaire (mais les
résultats étaient similaires après que
les patients en fibrillation auriculaire
aient été exclus), l’utilisation du NTpro-BNP comme outil diagnostique
de la dysfonction diastolique (la
survie était similaire pour les patients
avec flux transmitral pseudo-normal
diagnostiqué
par
échographie
cardiaque ou par NT-pro-BNP) et le
design cross-over de l’étude. Cette
étude est cependant prospective,
avec l’utilisation de valeurs ajustées
à l’âge et l’évaluation de la FEVG et
du volume de l’oreillette gauche. La
plupart des échographies envoyées
par tous les centres étaient de
qualité adéquate pour l’évaluation
et il y avait une bonne concordance
entre les différents laboratoires
d’échocardiographie cardiaque.
Conclusion
Cette étude montre donc la valeur
prédictive d’événements cardiovasculaires de la dysfonction diastolique
dans l’insuffisance cardiaque, ce qui
confirme la nécessité de mettre en
évidence de manière objective cette
dysfonction diastolique chez les
patients à FEVG préservée.
Catherine Meuleman
Hôpital Saint-Antoine,
Service de cardiologie,
184, rue du Faubourg Saint-Antoine,
75571 Paris cedex 12
<[email protected]>
mt cardio, vol. 3, n° 5, septembre-octobre 2007
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