Actualités Dysfonction diastolique dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée CHARMES : résultats de la sous-étude échocardiographique de CHARM Titre original et référence : Persson H, Lonn E, Edner M. Diastolic Dysfunction in heart failure with preserved systolic function : need for objective evidence results from the CHARM echocardiographic substudy-CHARMES. J Am Coll Cardiol 2007 ; 49 : 687-94. Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Question évaluée par l’étude Environ la moitié des patients avec insuffisance cardiaque clinique a une fonction ventriculaire gauche préservée suggérant que la dysfonction diastolique pourrait être responsable de certaines manifestations cliniques [1]. Des études récentes ont montré que les patients avec insuffisance cardiaque et fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) > 40 % avaient une mortalité relativement élevée et un taux important d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque [2]. L’échographie-Doppler cardiaque est la méthode de choix dans la pratique clinique quotidienne pour évaluer la fonction diastolique en utilisant le flux transmitral, le flux veineux pulmonaire, le Doppler tissulaire et les modifications du flux mitral durant les manœuvres de Valsalva [3]. L’évaluation de la dysfonction diastolique reste complexe et requiert une interprétation d’experts. Une alternative permettant d’évaluer la présence d’anomalies hémodynamiques et d’une dysfonction diastolique est l’utilisation des peptides natriurétiques, mais cette approche garde des limites, notamment pour détecter les patients avec des anomalies de la relaxation [4]. L’étude CHARM-Preserved (Candesartan in Heart failure Assessment of Reduction in Mortality and Morbidity) a évalué l’association du candésartan ou d’un placebo à une thérapeutique habituelle chez les patients insuffisants cardiaques symptomatiques avec une FEVG conservée (FEVG > 40 %). Le candésartan apportait une réduction non significative de 11 % du critère de jugement primaire composite (décès ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque), mais il y avait une diminu- 346 jlemtc00179_cor5.indd 346 tion significative de 29 % du nombre des admissions pour insuffisance cardiaque. Le but de cette sous-étude CHARM Echocardiography (CHARMES) à partir de CHARM-Preserved était d’évaluer si la présence d’une dysfonction ventriculaire gauche diastolique était un prédicteur de mortalité cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer les effets du candésartan comparés au placebo lors d’une évaluation échocardiographique à 14 mois après l’inclusion, sur la fonction diastolique et sur la masse ventriculaire gauche et la fonction systolique ventriculaire gauche. Méthodes CHARMES est une étude prospective, randomisée contrôlée en double aveugle cross-over évaluant la fonction diastolique ventriculaire gauche en utilisant l’échocardiographie et le NT-pro-BNP avec la réalisation d’une échocardiographie à l’inclusion après 14 mois et à la fin de l’étude. Les patients ont été inclus à partir de l’étude CHARM-Preserved et étaient sélectionnés s’ils avaient des symptômes d’insuffisance cardiaque avec une FEVG > 40 %. Les patients ayant une mauvaise échogénéicité et des valves prothétiques mitrales ou avec une régurgitation mitrale ou aortique au moins moyenne, étaient exclus. L’évaluation de la fonction diastolique reposait sur le flux transmitral (pic de l’onde E, pic de l’onde A, rapport E/A, temps de décélération, temps de relaxation isovolumique, durée de l’onde A, rapport E/A durant les manœuvres de Valsalva), le flux veineux pulmonaire (pic de l’onde S, pic de l’onde D, rapport S/D et durée de l’onde A et différence entre les durées de l’onde A pulmonaire et mitrale), et la surface de l’oreillette gauche. Le NT-proBNP était mesuré à l’arrivée et les valeurs seuils de NT-pro-BNP étaient prospectivement choisies selon l’âge et le sexe. La classification de la fonction diastolique était définie prospectivement, fondée sur les valeurs de l’échographie cardiaque ajustées sur l’âge et les mesures du NT-pro-BNP (figure 1). Les patients étaient classés en 4 groupes : fonction diastolique normale, anomalie de la relaxation (dysfonction modérée) ou pseudonormale (dysfonction moyenne) et restrictive (dysfonction sévère). Pour distinguer le flux pseudo-normal du flux normal : le flux des veines pulmonaires, le rapport E/A durant les manœuvres de Valsalva ou le taux de NT-pro-BNP étaient utilisés. Résultats L’étude a inclus 312 patients (10 % des patients de l’étude CHARMPreserved) d’âge moyen 66 ± 11 ans, avec une FEVG moyenne de 50 ± 10 %. Par rapport à l’étude principale, les patients de l’étude CHARMES étaient moins souvent des femmes (34 versus 40 %), et avaient moins fréquemment un antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (57 versus 69 %). Au total, 293 patients (94 %) ont pu avoir une classification de leur fonction diastolique selon le protocole établi. Une dysfonction diastolique a été décrite chez 67 % des patients (n = 197). La dysfonction moyenne était l’anomalie la plus souvent rencontrée alors que la dysfonction diastolique sévère était relativement rare : fonction diastolique normale chez 98 patients (33 %), modérée mt cardio, vol. 3, n° 5, septembre-octobre 2007 12/4/2007 11:33:43 PM Flux transmitral Dysfonction sévère Anomalie de relaxation « Normal » Restriction Doppler ou NT-pro-BNP Pseudo-normal Normal Figure 1. Classification de la fonction diastolique VG. chez 65 patients (22 %), moyenne chez 109 patients (37 %) et sévère chez 21 patients (7 %). Chez les patients avec un flux mitral normal, le NT-pro-BNP a été utilisé dans 86 % des cas (n = 178) pour distinguer le flux pseudo-normal du flux normal, alors que les mesures Doppler ont été utilisées chez 14 % des patients restants (n = 29). La dysfonction diastolique Proportion de patients libres d’événements (décès ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Dysfonction moyenne était liée à un certain nombre de caractéristiques de base incluant l’âge élevé (p < 0,01), la classe NYHA (p < 0,05), un antécédent d’insuffisance cardiaque (p < 0,01), et la fibrillation auriculaire (p < 0,001). L’hypertension artérielle, la FEVG et le diabète n’étaient pas associés à la dysfonction diastolique. Le volume de l’oreillette gauche était anormal (> 32 mL/m²) chez 71 % des 1 0,9 0,8 0,7 0,6 log-rank p = 0,0015 0,5 0,4 Fonction diastolique normale 0,3 Anomalie de relaxation 0,2 Pseudo-normale 0,1 Restriction 0 0 200 400 600 800 Jours Figure 2. Décès cardiovasculaires ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque selon la fonction diastolique. mt cardio, vol. 3, n° 5, septembre-octobre 2007 jlemtc00179_cor5.indd 347 patients et il existait une relation très significative avec la sévérité de la dysfonction diastolique. Pronostic. Le suivi médian était de 18,7 mois après l’échographie cardiaque. La mortalité cardiovasculaire ou les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque durant le suivi ont été de 10,3 % (n = 32), avec une mortalité cardiovasculaire de 4,5 % (n = 14). Le critère combiné décès cardiovasculaire ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque était lié à la sévérité de la dysfonction diastolique (p = 0,0015) (figure 2) mais n’était pas lié à la dilatation de l’oreillette gauche (p = 0,13). Les patients avec une fonction diastolique normale avaient un faible taux d’événements (5 %), de même que les patients avec un trouble de la relaxation (6 %). En revanche, les patients ayant une dysfonction diastolique moyenne ou sévère avaient un taux d’événements significativement plus élevé (16 et 29 % respectivement). Les patients avec un flux pseudo-normal diagnostiqué par un NT-pro-BNP anormal ou par les critères Doppler avaient la même survie. Un âge élevé, le diabète, un antécédent d’insuffisance cardiaque au moment de l’admission et la fibrillation auriculaire étaient associés à un mauvais pronostic (p < 0,05). En analyse multivariée, seule la dysfonction diastolique moyenne (HR : 3,7 ; IC 95 % : 1,2-11,1) ou sévère (HR : 5,7 ; IC 95 % : 1,4-24) restait significativement associée à la survie (p = 0,003). Cette relation persistait après ajustement sur l’âge, le sexe, la FEVG au moment de l’échographie cardiaque et le traitement. Il n’y avait pas de différence significative pour les fonctions systoliques et diastoliques ventriculaires gauches ou pour la taille du ventricule gauche entre les groupes placebo ou candésartan. Il y avait une distribution similaire des dysfonctions diastoliques dans les deux groupes (p = 0,85). Les patients traités par candésartan avaient une masse ventriculaire gauche et un index de masse VG plus Actualités Dysfonction modérée 347 12/4/2007 11:33:43 PM Actualités bas (p < 0,05) ; de même, moins de patients sous candésartan avaient une hypertrophie ventriculaire gauche (45 versus 59 %, p = 0,04) > 116 g/m² pour l’homme et >104 g/m² pour la femme. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Résultat principal. Une dysfonction diastolique a été objectivée chez 2/3 des patients insuffisants cardiaques avec fonction ventriculaire gauche préservée de l’étude CHARMPreserved. Une dysfonction diastolique moyenne ou importante, décrite dans moins de la moitié patients, était un prédicteur important indépendant de survenue d’événements cardiovasculaires. Ces résultats confirment l’importance pronostique de la mise en évidence d’une dysfonction diastolique chez des patients insuffisants cardiaques avec FEVG conservée. Actualités Discussion Dans CHARMES, une dysfonction diastolique a été identifiée chez 67 % des patients avec une insuffisance cardiaque à fonction ventriculaire gauche préservée. Une dysfonction diastolique moyenne à sévère a été trouvée dans un peu moins de la moitié des patients et a été montrée comme étant un important prédicteur indépendant d’événements. De plus, cette étude a démontré que la dysfonction diastolique était liée à la mesure de la sévérité de la maladie, à la fibrillation auriculaire, à la surface de l’oreillette gauche et à un âge avancé. D’autres études avaient établi que l’insuffisance cardiaque diastolique modérée, moyenne ou sévère était liée à la mortalité à long terme en comparaison avec des patients normaux [3]. Les données de l’étude actuelle donnant un pronostic à moyen terme favorable chez des patients avec une dysfonction diastolique modérée semblaient être en désaccord avec les études précédentes. L’absence de critère objectif de dysfonction diastolique chez 33 % des patients 14 mois après la randomisation pourrait être en faveur 348 jlemtc00179_cor5.indd 348 d’une amélioration de la fonction diastolique au cours du temps. La prévalence et le rôle de la dysfonction diastolique chez des patients insuffisants cardiaques avec fonction ventriculaire gauche préservée restent peu décrits. Cette étude rapporte une prévalence de la dysfonction diastolique modérée à sévère, 6 fois plus élevée (44 %) dans l’insuffisance cardiaque à fonction ventriculaire gauche préservée, comparée avec la prévalence de 7 % de dysfonction diastolique modérée à sévère dans une étude de population sans insuffisance cardiaque mais avec des facteurs de risque de Redfield [3]. Le taux d’événement était plus élevé chez ces patients. Ces résultats suggèrent donc que la dysfonction diastolique moyenne à sévère représente un mécanisme physiopathologique important dans l’insuffisance cardiaque à fonction ventriculaire gauche préservée [3], plus importante que la fibrillation auriculaire, la FEVG ou la surface de l’oreillette gauche. En revanche, dans cette étude, la dysfonction systolique évaluée par la FEVG n’était pas liée au degré de dysfonction diastolique alors que d’autres études avaient montré une relation entre la dysfonction diastolique sévère et la dysfonction systolique sévère [3]. Cependant, les critères d’inclusion de cette étude étaient une FEVG normale ou limite réduisant la chance de confirmer cette relation. Il n’y pas eu non plus de relation retrouvée entre la dysfonction diastolique et le diabète, l’hypertension artérielle ou l’hypertrophie ventriculaire gauche, ce qui est surprenant et contraste avec d’autres études [5, 6]. L’échographie cardiaque joue un rôle dans l‘évaluation de la fonction diastolique mais cette technique peut être limitée par les variations de fréquence cardiaque et les conditions de charge. Ces limites peuvent justifier le recours à d’autres mesures objectives de la dysfonction diastolique telles que le BNP, comme cela a été suggéré dans les recommandations à paraître de l’European Society of Cardiology [7]. Plusieurs études ont déjà montré que des taux de BNP élevés étaient prédic- teurs de la présence d’une dysfonction diastolique [4]. Des techniques récentes incluant le strain [8] pourraient mieux identifier et classer la dysfonction diastolique. Limites de l’étude. Il y a plusieurs limites à cette étude, la plus importante étant la difficulté de mesurer la dysfonction diastolique dans une étude internationale multicentrique. Il faut noter que le Doppler tissulaire à l’anneau et le mode TM couleur n’étaient pas disponibles et standardisés au moment de l’étude. Les autres limites étaient la difficulté de mesurer la fonction diastolique et systolique en fibrillation auriculaire (mais les résultats étaient similaires après que les patients en fibrillation auriculaire aient été exclus), l’utilisation du NTpro-BNP comme outil diagnostique de la dysfonction diastolique (la survie était similaire pour les patients avec flux transmitral pseudo-normal diagnostiqué par échographie cardiaque ou par NT-pro-BNP) et le design cross-over de l’étude. Cette étude est cependant prospective, avec l’utilisation de valeurs ajustées à l’âge et l’évaluation de la FEVG et du volume de l’oreillette gauche. La plupart des échographies envoyées par tous les centres étaient de qualité adéquate pour l’évaluation et il y avait une bonne concordance entre les différents laboratoires d’échocardiographie cardiaque. Conclusion Cette étude montre donc la valeur prédictive d’événements cardiovasculaires de la dysfonction diastolique dans l’insuffisance cardiaque, ce qui confirme la nécessité de mettre en évidence de manière objective cette dysfonction diastolique chez les patients à FEVG préservée. Catherine Meuleman Hôpital Saint-Antoine, Service de cardiologie, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12 <[email protected]> mt cardio, vol. 3, n° 5, septembre-octobre 2007 12/4/2007 11:33:44 PM 1. Cohen-Solal A, Desnos M, Delahaye F, et al. A national survey of heart failure in French hospitals. Eur Heart J 2000 ; 21 : 763-9. 2. Tsutsui H, Tsuchihashi H, Takeshita A. Mortality and readmission of hospitalized patients with congestive heart failure and preserved versus depressed systolic function. Am J Cardiol 2001 ; 88 : 530-3. 3. Redfield MM, Jacobsen SJ, Burnett JC, et al. Burden of systolic and diastolic ventricular dysfunction in the community : appreciating the scope of the heart failure epidemic. JAMA 2003 ; 289 : 194-202. 4. Dokainish H, Zoghbi WA, Lakkis NM, et al. Optimal non invasive assessment of left ventricular filling pressures : a comparison of tissue Doppler echocardiography and B-type natriuretic peptide in patients with pulmonary artery catheters. Circulation 2004 ; 109 : 2432-9. 5. Celentano A, Vaccaro O, Tammaro P, et al. Early abnormalities in non-insulindependant diabetes mellitus and impaired glucose tolerance. Am J Cardiol 1995 ; 76 : 1173-6. 6. Muller-Brunotte R, Kahan R, Malmqvist K, et al. Blood pressure and left ventricular geometric pattern determine diastolic func- mt cardio, vol. 3, n° 5, septembre-octobre 2007 jlemtc00179_cor5.indd 349 tion hypertensive myocardial hypertrophy. J Hum Hypertens 2003 ; 17 : 841-9. 7. Paulus WJ, Tschöpe C, Sanderson JE, et al. How to diagnose diastolic heart failure : a consensus statement on the diagnosis of heart failure with normal left ventricular ejection fraction by the heart failure and echocardiography associations of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2007 (in press). 8. Wang J, Khoury DS, Tholan V, TorreAmione G, Nagueh SF. Global diastolic strain rate for the assessment of left ventricular relaxation and filling pressures. Circulation 2007 ; 115 : 1376-83. Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Références 349 12/4/2007 11:33:44 PM