S P E C I A L I S S U E S I N G E N I TA L P R O L A P S E LE PROLAPSUS GÉNITAL ÉTAT DES LIEUX DE LA CHIRURGIE PAR VOIE VAGINALE http://www.lebanesemedicaljournal.org/articles/61-1/review5.pdf Loïc BOULANGER, Jean-Philipe LUCOT, Géraldine GIRAUDET, Virginie BOT ROBIN Chrystèle RUBOD, Pierre COLLINET, Michel COSSON* Boulanger L, Lucot JP, Giraudet G, Bot Robin V, Rubod C, Collinet P, Cosson M. Le prolapsus génital : État des lieux de la chirurgie par voie vaginale. J Med Liban 2013 ; 61 (1) : 48-54. RÉSUMÉ : Le traitement du prolapsus génital est essentiellement chirurgical. La voie vaginale a l’avantage de durées opératoires inférieures à la voie haute et d’une reprise de l’activité plus rapide. Nous décrivons différentes techniques opératoires qui sont le plus souvent associées dans notre pratique quotidienne. Pour le prolapsus complet touchant les trois étages de la statique pelvienne, nous associons le plus souvent une colpohystérectomie, un plastron pour le traitement de la cystocèle, un croisement sous-symphysaire des ligaments utéro-sacrés selon la technique de Campbell et enfin une suspension du fond vaginal selon Richter et une myorraphie des élévateurs. Actuellement, ces techniques utilisant les tissus natifs tendent à être supplantées dans notre service par les techniques utilisant les implants de renfort prothétiques qui, selon le dernier référentiel de bon usage de la Haute Autorité de Santé (14 novembre 2007) « pourraient présenter un intérêt : en deuxième intention après échec d’un traitement chirurgical antérieur, si un élément clinique particulier fait craindre un risque élevé de récidive ». Dans tous les cas, les patientes souhaitant une prise en charge chirurgicale de leur prolapsus génital doivent être complètement informées des risques spécifiques à chaque technique. Elles doivent aussi être informées des résultats à long terme ou de l’absence de données disponibles, que ce soit pour les techniques utilisant le tissu natif ou des prothèses. INTRODUCTION Dans le traitement du prolapsus génital par voie vaginale, on distingue les opérations qui cloisonnent l’orifice vulvaire (colpocléisis) des chirurgies fonctionnelles conservatrices. L’évolution de l’anesthésie, et plus particulièrement de la pharmacologie et des techniques locorégionales, mais aussi le développement des techniques chirurgicales peu invasives par voie vaginale permettent *Service de chirurgie gynécologique et mammaire, hôpital Jeanne-de-Flandre, Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille, France. Correspondance : Dr Loïc Boulanger. e-mail : [email protected] 48 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) Boulanger L, Lucot JP, Giraudet G, Bot Robin V, Rubod C, Collinet P, Cosson M. Genital prolapse surgery: State of the art of the vaginal approach. J Med Liban 2013 ; 61 (1) : 48-54. ABSTRACT : Treatment of genital prolapse is mainly surgical. The vaginal approach is a shorter procedure than the abdominal approach with a quicker resumption of activity for the patients. We describe different techniques which are most often performed in our daily practice. For the complete prolapse affecting the three components of the pelvic floor, we most often associate a colpohysterectomy, a native tissue reinforcement for the treatment of cystocele, sub-symphyseal crossing of the uterosacral ligaments using the technique of Campbell and finally a suspension of the vaginal vault according to Richter with a levator myorraphy. Currently, native tissues used in these techniques tend to be superseded in our service by reinforcement prosthetic implants, which according to the latest French Health Higher Authority guidelines (November 14, 2007) “could be of interest in relapse surgery, if a clinical element raises fears of high risk of recurrence.” In any case, patients seeking a surgical treatment of their genital prolapse must be fully informed of the specific risk related to each technique. They must also be informed of the long-term results or of the lack of available data, regarding techniques using native tissue or prostheses. désormais de proposer les opérations conservatrices même à des femmes âgées [1]. La chirurgie vaginale a l’avantage de durées opératoires inférieures à celles de la voie haute et d’une reprise de l’activité plus rapide [2]. L’utilisation de prothèses synthétiques pour la cure de cystocèles par voie vaginale offre de meilleurs résultats anatomiques que la chirurgie traditionnelle (niveau de preuve 1). Les taux de complications semblent identiques entre les deux techniques, en particulier pour la dyspareunie de novo. Il faut cependant toujours garder à l’esprit qu’il s’agit d’un trouble fonctionnel. Le bénéfice attendu en termes de confort de vie doit donc toujours être contrebalancé par le risque vital lié à l’acte opératoire et les complications possibles de cette chirurgie. L’information doit être complète et une période de réflexion doit précéder l’intervention. PRINCIPES GÉNÉRAUX La chirurgie classique des prolapsus par voie vaginale reprend deux principes chirurgicaux complémentaires avec les techniques de « suspension » proches des techniques de voie haute consistant à suspendre les tissus vaginaux à un ligament par un fil le plus souvent non résorbable. On peut regrouper sous cette dénomination pour le traitement des cystocèles la suspension paravaginale aux arcs tendineux du fascia pelvien (ATFP), le plastron et le « burch inversé » de l’école lyonnaise [3] et également la suspension du fond vaginal selon Richter. L’autre grande famille de techniques est fondée sur un principe théorique de « soutènement » et consiste en l’utilisation de tissus autologues qui sont remis en tension sous les viscères prolabés. On peut ainsi réaliser des plicatures des fascias sous-vésical et prérectal, mais elles peuvent être responsables de réduction des capacités fonctionnelles de la vessie et du rectum. On y rattache les interventions de réduction des colpocèles antérieure et postérieure comme les colpectomies-colporraphies consistant à réséquer l’excédent de tissu vaginal avant de refermer un vagin « rétréci ». Ces dernières sont discutables car elles entraînent des cicatrices rétractiles, source de troubles vésicaux et bien évidemment parfois de dyspareunie. Bien réalisées, elles peuvent toutefois se concevoir chez des patientes dont on est sûr de l’absence de rapports sexuels. Cependant, leurs résultats à long terme semblent très limités. PLACE DU MATÉRIEL PROTHÉTIQUE DANS LE TRAITEMENT DU PROLAPSUS PAR VOIE VAGINALE Les cures chirurgicales de prolapsus par voie vaginale connaissent actuellement des bouleversements en termes d’indications et de techniques, liés à l’utilisation de prothèses de renforcement décrites plus loin. Ces interventions de soutènement sont souvent de réalisation technique difficile liée à la nature fragile et altérée, voire inconstante, des tissus utilisés. De même, les techniques d’adossement, de plicature ou de résection de ces tissus sont souvent très variables d’une école ou d’un opérateur à l’autre. Sur le plan conceptuel, elles sont discutables si l’on admet que le prolapsus résulte de l’altération du tissu que l’on va utiliser pour sa propre cure. De plus, les ligaments et fascia utilisés vont continuer à s’altérer, expliquant sans doute le risque élevé de récidives à long terme. L’utilisation de prothèses par voie vaginale paraît donc logique si l’on considère qu’elles évitent de recourir à des techniques utilisant les tissus autologues de la patiente et peuvent donc prétendre remplacer les techniques de soutènement et diminuer douleurs et complications fonctionnelles potentielles. Toutefois, l’utilisation de la voie vaginale, chirurgie « propre-contaminée » selon Altemeïer, peut entraîner des L. BOULANGER et al. – Chirurgie par voie vaginale : état des lieux complications graves, les prothèses étant mises en place au travers et au contact des tissus vaginaux. Résultats Ces techniques sont encore en cours d’évaluation et ne peuvent être considérées comme des indications systématiques dans les cas simples de prolapsus génitaux [2, 4-5]. Le rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) paru en juillet 2007 sur l’« Évaluation des implants de renfort pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort féminine et pour le traitement du prolapsus des organes pelviens de la femme » concluait que « les données actuelles de la littérature ne permettent pas de montrer l’intérêt de ces implants dans la prise en charge des prolapsus génitaux par voie basse », mais qu’ils pourraient présenter « un intérêt en deuxième intention après échec d’un traitement chirurgical antérieur, ou si un élément clinique particulier fait craindre un risque élevé de récidive » [6]. Plus récemment, en novembre 2009, la HAS a publié un guide de « Bon usage des technologies de santé : quels implants de renfort pour traiter le prolapsus des organes pelviens de la femme ? » qui rappelle la nécessité d’études prospectives comparatives entre les techniques de chirurgie par voie vaginale classiques et ces implants [7]. En février 2009, Savary a publié une revue de la littérature dans le but de revoir les données non référencées dans le rapport de l’HAS et celles publiées depuis [8]. Dans leur conclusion, les auteurs proposaient trois indications d’utilisation des implants de renfort prothétique par voie vaginale : la cystocèle de grade supérieur ou égal à III (POP-Q) (prothèse antérieure), le prolapsus sévère associant plusieurs étages dont une cystocèle de grade supérieur ou égal à III (POP-Q) (prothèse antérieure et sur chaque étage concerné), et le prolapsus récidivé (prothèse sur le ou les étages concernés) [8]. Une revue de la Cochrane a repris l’ensemble des essais randomisés publiés jusqu’en février 2009 incluant une chirurgie pour prolapsus génital féminin [9]. L’utilisation d’implants de renfort prothétique par voie vaginale pour la cure de cystocèle semble diminuer le risque de récidive anatomique mais l’amélioration de la satisfaction, de la qualité de vie et du taux de réintervention n’a pu être démontrée. Les données étaient jugées insuffisantes pour mettre en évidence un bénéfice à l’utilisation des prothèses lors du traitement chirurgical du prolapsus du mur postérieur par voie vaginale. La question des résultats anatomiques à moyen et long terme de la chirurgie prothétique vaginale commence à obtenir des réponses grâce à plusieurs études de cohorte avec des reculs conséquents (jusqu’à cinq ans). Il semble exister une stabilité du résultat anatomique avec le temps dans la cohorte du groupe TVM qui portait sur les trois étages du prolapsus, avec un taux d’échec anatomique de 20% à trois ans, stable à cinq ans [10]. Dans l’étude de Letouzey, le taux d’échec dans le compartiment traité (cystocèle) passe de 11% à trois ans, à 24% à cinq ans [11]. Cette augmentation pourrait être expliquée par la Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 49 voie abdominale mais à des degrés moindres (1%). Certaines complications sont plus spécifiques de la voie vaginale. Il s’agit en particulier des rétractions périprothétiques qui peuvent être à l’origine de la diminution de la surface de la prothèse et donc d’un risque potentiel de récidive secondaire, mais surtout de rétractions palpables sous le vagin, parfois accompagnées de douleurs pelviennes, voire de dyspareunies et de dyschésies dans les cas les plus extrêmes. Le développement rapide de ces techniques a abouti, comme pour les réparations par tissus autologues, à la description de procédés multiples dont seule l’évaluation à long terme permet un choix éclairé. Nous décrirons ici les techniques couramment pratiquées dans le service. Leur utilisation pourrait présenter un bénéfice dans les cas où une chirurgie classique par voie vaginale, utilisant les tissus autologues de la patiente, est à haut risque d’échec à plus ou moins long terme comme pour les prolapsus volumineux ou récidivés, les cystocèles avec défect latéral ou en deuxième intention après échec d’un traitement chirurgical antérieur. Leur utilisation doit s’accompagner d’une information de la patiente concernant les avantages et les complications potentielles liés à leur utilisation. Il est bien entendu possible de réaliser une cure chirurgicale d’excellente qualité des prolapsus génitaux par voie vaginale sans utiliser de prothèses de renforcement. Seule peut-être la durée de vie du montage est plus courte. technique utilisée dans cette étude (prothèse libre sans suspension). Il faut signaler qu’un échec anatomique n’est pas toujours synonyme de réintervention. Dans la cohorte TVM, les taux de réintervention pour échec anatomique sont de 3% à trois ans et 5% à cinq ans. Letouzey ne rapporte aucune réintervention pour échec anatomique à cinq ans. Dans notre expérience, le taux de réintervention dans cette indication est de 2% ; il s’agit d’hystérocèles après Prolift antérieur et postérieur avec conservation utérine [12]. Les essais publiés ne plaident pas en faveur de l’utilisation des prothèses résorbables biologiques puisque deux études randomisées sur quatre n’ont pas retrouvé de réduction du taux de récidive anatomique en comparaison de la chirurgie traditionnelle [13]. Complications La principale complication de la chirurgie prothétique par voie vaginale est l’exposition vaginale de la prothèse. Sa fréquence est retrouvée à des taux très variables, allant de 0 à 35,7 % [14]. Ces chiffres dépendent du matériel utilisé, mais sans doute plus encore de la technique opératoire, amenant à une standardisation de la technique : pas d’hystérectomie systématique, pas d’incision en T inversé pour la dissection de la cystocèle, infiltration, dissection et positionnement sous le fascia de la prothèse, absence de colpectomie, et vérification soigneuse de l’absence de passage transfixiant des bras dans les culs-de-sac latéraux. Il existe probablement un facteur lié à l’expérience avec un phénomène de courbe d’apprentissage ainsi que l’a évoqué Dwyer [15]. Dans notre service, le taux d’exposition prothétique réopérée est de 2,5% [12]. La prise en charge en est simple, et on ne peut considérer cette complication comme majeure. Des infections prothétiques avec ou sans exposition préalable de la prothèse se rencontrent et semblent être beaucoup plus rares avec les prothèses tricotées avec du fil monofilament de polypropylène non résorbable. Ces deux complications sont également décrites pour la STRATÉGIE CHIRURGICALE Nos critères de choix de l’intervention chirurgicale sont résumés dans le tableau I. Chez les femmes âgées, le choix d’un traitement du prolapsus se fait entre un traitement conservateur par pessaire, un traitement chirurgical par colpocléisis ou une chirurgie fonctionnelle conservatrice. L’utilisation d’un pessaire est limitée car le prolapsus à traiter est souvent volumineux et extériorisé. Il est responsable à la longue d’une ulcération vaginale qui entraîne TABLEAU I PRINCIPALES INDICATIONS DES TECHNIQUES CHIRURGICALES DE TRAITEMENT DU PROLAPSUS VAGINAL RETENUES DANS NOTRE SERVICE (grade de Baden et Walker) Femme jeune avec désir de grossesse Femme < 50 ans Femme entre 50 et 60 ans Femme > 60 ans Prolapsus récidivant Selon état général, comorbidité, taille de la cystocèle, présence d'un défect latéral, activité sportive Prolapsus grade 2 Prolapsus grade 3/4 Après voie basse sans prothèse Après chirurgie prothétique PF : promontofixation 50 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) Plicature sous-vésicale/Richardson PF cœlioscopique Promontofixation cœlioscopique ou voie basse (si cystocèle prédominante ou défect latéral, préférer voie basse avec prothèse) HV, Campbell, Richter, périnéorraphie postérieure Prothèses par voie vaginale Techniques prothétiques par cœlioscopie (PF) ou voie basse, selon âge, état général, etc. Utiliser une voie d’abord différente HV : hystérectomie vaginale L. BOULANGER et al. – Chirurgie par voie vaginale : état des lieux des saignements empêchant dès lors son utilisation [16], ce que nous retrouvons dans notre étude. Seulement 17% des patientes que nous avons opérées [1] avaient précédemment utilisé un pessaire. Ce taux est faible par rapport aux données de la littérature puisque 55% des patientes opérées par Schweitzer [17] et 44% par Nieminen [18] avaient déjà utilisé un pessaire. Notre politique de service de favoriser une réparation chirurgicale chez toutes les patientes en bonne santé explique sans doute ces résultats. Le nombre élevé de prolapsus extériorisés, difficiles à contrôler avec un pessaire, explique aussi ces chiffres. Les patientes porteuses d’un pessaire souhaitent un traitement chirurgical de leur prolapsus si elles sont âgées de moins de 65 ans, si le prolapsus est supérieur au stade III à l’étage postérieur et si elles désiraient déjà être opérées lors de la première consultation [16, 19]. Le colpocléisis est une intervention qui ne renforce pas le plancher pelvien défaillant mais qui oblitère le vagin. Ses avantages sont la rapidité d’intervention et la réalisation possible sous anesthésie locale. Mais il compromet la fonction sexuelle et le diagnostic précoce d’un cancer utérin [20-21]. Le problème de la préservation de la fonction sexuelle semble cependant marginal chez les femmes âgées car dans une population de femmes britanniques, Barlow relève 4% de femmes actives sexuellement entre 75 et 84 ans et aucune après 85 ans [22]. Il était aussi classiquement reproché au colpocléisis d’augmenter l’incontinence urinaire d’effort, mais cela n’est pas retrouvé dans des séries récentes [23-25]. Il faut toutefois souligner que dans ces publications le colpocléisis est souvent associé à un geste urinaire et une colpopérinéorraphie postérieure pour en améliorer les résultats fonctionnels. La durée d’intervention moyenne s’élève alors à 75 min pour Denehy [25] et 101 min pour DeLancey [24], contre 120 min dans notre série [1] et 93 min dans celle de Nieminen [18] où toutes les patientes avaient une fixation vaginale au ligament sacrospinal. Le principal avantage du colpocléisis, c’est-à-dire sa rapidité, est alors discutable. C’est pourquoi nous n’en avons plus réalisé dans notre service depuis 10 ans. Seule la perte sanguine apparaît plus importante en cas de traitement conservateur puisque dans sa série de colpocléisis DeLancey l’estime à 206 ml (± 171) alors que Nieminen dans sa série de sacrospinofixation l’estime à 350 ml (± 300). Dans notre pratique, chez les patientes jeunes, nous préférons la réalisation d’une voie haute à type de promontofixation par voie cœlioscopique chaque fois que possible. Chez les patientes plus âgées, en cas de cystocèle volumineuse (grade 3 et 4) associée à une rectocèle, nous proposons à la patiente soit un traitement par tissus autologues, soit une technique utilisant un renfort prothétique en lui exposant les avantages et les risques de chaque méthode. Si la technique autologue est choisie, nous associons une hystérectomie vaginale, un plastron ou une plicature sous-vésicale, une intervention de Campbell, une suspension selon Richter et une périnéorraphie postérieure. Pour les techniques prothétiques, nous utilisons les voies L. BOULANGER et al. – Chirurgie par voie vaginale : état des lieux transobturatrices et transsacrospinales. En cas de prolapsus récidivant après une première chirurgie utilisant des techniques autologues ou en cas de défect vésical latéral, nous utilisons les techniques prothétiques (à condition qu’il n’y ait pas d’allongement du col). Si la patiente a encore un désir de grossesse et que sa gêne la pousse à demander une chirurgie, nous réalisons l’intervention de Richardson associée éventuellement à une plicature des fascias. Enfin, en cas d’incontinence urinaire d’effort ou d’incontinence masquée, nous associons au traitement du prolapsus une bandelette sous-urétrale transobturatrice dans le même temps opératoire. TECHNIQUES CHIRURGICALES Les interventions de cure de prolapsus génital par voie basse que nous décrivons sont donc essentiellement des techniques de suspension avec, à la demande, une hystérectomie, une annexectomie et une cure d’incontinence urinaire d’effort. Le choix de l’une des techniques repose sur l’analyse des dégradations anatomiques des différents étages. 1. Hystérectomie L’hystérectomie est réalisée en cas d’hystérocèle et de réalisation de technique autologue. En cas de réalisation de techniques utilisant des prothèses, l’hystérectomie est réalisable, mais la conservation utérine doit être privilégiée chaque fois que possible, car, si les résultats anatomiques sont similaires, le risque d’exposition prothétique est diminué [9]. Si une hystérectomie est réalisée avec mise en place de prothèse, nous ne réalisons pas de colpectomie en T inversé pour la même raison. Enfin, la conservation utérine n’est réalisée que s’il n’existe pas d’anomalie utérine associée (réalisation systématique d’un frottis cervicovaginal, d’une biopsie de l’endomètre et d’une échographie pelvienne). L’hystérectomie peut se faire de très nombreuses façons. Si nous la réalisons globalement de la même manière que lorsqu’elle n’est pas associée à un prolapsus [26], elle présente toutefois certaines particularités. Le principal risque est lié à l’allongement du col utérin qui modifie la position de la vessie et nécessite souvent plusieurs prises de ligature sur les ligaments suspenseurs. Il est ensuite nécessaire d’anticiper les gestes de correction du prolapsus qui suivent l’hystérectomie. 2. Temps antérieur La colpopérinéorraphie antérieure sert à la reconstruction de l’appareil de soutien du plancher vésical après replacement de la vessie dans le pelvis. Concernant les cystocèles, on peut théoriquement distinguer les cystocèles latérales, correspondant à une désinsertion du fascia inter-vésico-vaginal de l’arc tendineux du fascia pelvien, des cystocèles médianes secondaires à une dégradation du tissu conjonctif de ce même fascia. Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 51 En fait, bien souvent, l’atteinte est secondaire à des degrés variables des deux phénomènes. Les bourses d’enfouissement vésical sont insuffisantes. Il existe de nombreuses techniques qui sont soit fondées sur la remise en tension du fascia de Halban (paletot du fascia de Halban, paletot de vagin total, paletot suspendu aux arcs tendineux, intervention de Lahodny, plastron), soit sur l’utilisation des ligaments utéro-sacrés : artifice de Campbell. 3. Temps postérieur a. Sacrospinofixation selon Richter [27] La sacrospinofixation permet la suspension du fond vaginal au ligament sacro-épineux qui s’étend de l’épine sciatique au bord latéral du sacrum et du coccyx. Elle est actuellement associée presque systématiquement au geste antérieur et postérieur de traitement du prolapsus par voie vaginale. b. Suspension avec conservation de l’utérus : Intervention de Richardson La sacrospinofixation est le traitement de référence de la chirurgie voie basse sans prothèse. L’intervention de Richardson ou hystérosacrocolpopexie consiste à fixer l’isthme utérin et les ligaments utéro-sacrés au ligament sacro-épineux par du fil non résorbable. On réalise une colpotomie longitudinale postérieure permettant de disséquer la fosse pararectale d’un côté (choisi selon les habitudes de l’opérateur) et de dégager le ligament sacro-épineux. Ce ligament est aiguillé par deux points de fil non résorbable monobrin. La solidité de la prise est vérifiée avant d’aiguiller un ligament utéro-sacré puis l’autre. La fermeture vaginale est amorcée par un surjet avant de serrer les deux points sans tension en prenant garde de ne pas coller le col au ligament sacro-épineux ce qui pourrait provoquer des douleurs et dyspareunies. Le taux de récidive après hystérosacrocolpopexie varie de 6,5% à 26% selon les études avec un recul de seulement 13 à 57 mois [28-30]. Les complications de l’intervention sont rares avec essentiellement un risque de douleurs lombaires postopératoires dans 0,4 à 6,5% des cas [23, 30]. Elles régressent le plus souvent spontanément dans un délai moyen de trois mois. Le Richardson semble donc être l’intervention de choix chez la femme jeune en préservant sa fertilité ultérieure. Il conviendra d’informer les patientes qu’une seconde intervention est probable dans un délai indéterminé que ce soit après un ou plusieurs accouchements ou en raison d’une récidive secondaire. L’intervention de Richardson permettra la correction du prolapsus utérin et d’une majorité de rectocèles mais ne traitera pas une cystocèle. Il faudra donc associer une colpopérinéorraphie antérieure en cas de cystocèle surajoutée ou isolée. Le taux de récidive après périnéorraphie antérieure est d’environ 37% [31]. On associera également en cas de rectocèle importante une colpopérinéorrhaphie postérieure. 52 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) c. Intervention de Manchester L’intervention de Manchester consiste à réaliser une incision péricervicale avec une incision en T antérieure. L’espace vésico-utérin est disséqué afin de dégager l’isthme. Le Douglas est disséqué sans être ouvert afin d’individualiser les deux ligaments utéro-sacrés qui sont libérés sur quelques centimètres puis sectionnés au ras de l’utérus. Les deux utéro-sacrés sont croisés et fixés en antérieur sur l’isthme utérin par un ou deux points de fil non résorbable monofilament. Le col est ensuite sectionné et le vagin suturé à l’isthme. Cet artifice permet de remettre en tension les utéro-sacrés. Cette intervention se complique dans 10 à 15% des cas environ d’une sténose isthmique secondaire avec hématométrie, dysménorrhées et douleurs pelviennes [32]. L’intervention de Manchester n’est pas indiquée pour le traitement du prolapsus de la femme jeune. 4. Cure de prolapsus avec renforcement prothétique voie basse Concernant les techniques utilisant des prothèses, seule celle utilisant le kit Gynecare Prolift® [33] est décrite ici. Cette technique consiste en la mise en place d’une prothèse synthétique de polypropylène de faible grammage à maille large (Prolène soft®). Cette prothèse possède trois parties distinctes. La partie antérieure est intervésicovaginale et ses bras latéraux traversent les trous obturateurs. La partie postérieure est interrectovaginale et ses bras se fixent dans les ligaments sacroépineux. La portion intermédiaire, rétrécie, relie les deux précédentes. En cas d’hystérectomie associée au geste ou s’il s’agit d’un prolapsus total posthystérectomie, il faut laisser un « pont » vaginal entre les incisions vaginales antérieures et postérieures où s’étale cette partie intermédiaire. La prothèse est sectionnée dans cette partie en cas de conservation utérine afin de placer les parties antérieures et postérieures séparément. Dans la série rétrospective de notre équipe portant sur 524 patientes, le taux global de réintervention était de 11,6% avec une durée moyenne de suivi de 38 mois. Les indications de ces deuxièmes interventions étaient le traitement d’une incontinence urinaire (6,9%), les complications des prothèses elles-mêmes – érosion, infection (3,6%) et la récidive du prolapsus (3%). De nombreuses autres prothèses et kits existent. 5. Nouveautés Afin de limiter les risques opératoires et les douleurs postopératoires, il est proposé de ne plus réaliser de passage transobturateur ou translévatorien des bras de prothèse. La suspension à l’arc tendineux du fascia pelvien et au ligament sacro-épineux est alors assurée par harpon, passe fil, agrafes ou par un dispositif vaginal. Ces techniques sont en cours d’évaluation. CONCLUSION Sur la base d’une littérature sans cesse croissante, il semble que la chirurgie prothétique par voie vaginale L. BOULANGER et al. – Chirurgie par voie vaginale : état des lieux arrive à une certaine maturité. Certaines indications se dégagent, et des données à moyen terme sont désormais disponibles. Comparée à la chirurgie vaginale traditionnelle, l’utilisation d’une prothèse synthétique non résorbable sousvésicale dans le traitement des cystocèles apporte un bénéfice anatomique avec un niveau de preuve 1. Dans des mains entraînées, les résultats fonctionnels et les complications semblent identiques dès lors que des règles de technique chirurgicale sont respectées. Le développement de nouvelles techniques peut apporter des améliorations, mais il nous semble que l’utilisation de prothèses spécifiquement mises au point pour la chirurgie vaginale est une voie de progrès majeure et essentielle. La comparaison avec la promontofixation dans des essais randomisés est nécessaire afin de clarifier les indications respectives de ces techniques. RÉFÉRENCES 1. Boulanger L, Lucot JP, Boukerrou M, Collinet P, Cosson M. [Transvaginal surgery for genital prolapse in women aged over 80 years: Results in 48 procedures]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2006 Nov; 35 (7): 685-90. 2. Maher C, Baessler K, Glazener CM, Adams EJ, Hagen S. Surgical management of pelvic organ prolapse in women. Cochrane Database Syst Rev 2007 (3): CD004014. 3. Dargent D, Mathevet P, Mellier G. Traitement chirurgical des prolapsus génitaux par la voie vaginale. In: Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Paris: Elsevier Masson SAS, 2002, Techniques chirurgicales - Gynécologie: 41800. 4. Sung VW, Rogers RG, Schaffer JI et al. Graft use in transvaginal pelvic organ prolapse repair: a systematic review. Obstet Gynecol 2008 Nov; 112 (5): 1131-42. 5. Jia X, Glazener C, Mowatt G et al. Efficacy and safety of using mesh or grafts in surgery for anterior and/or posterior vaginal wall prolapse: systematic review and metaanalysis. BJOG 2008 Oct; 115 (11): 1350-61. 6. HAS. « Evaluation des implants de renfort pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort féminine et pour le traitement du prolapsus des organes pelviens de la femme », 2007. www.has-sante.fr 7. HAS. « Bon usage des technologies de santé : quels implants de renfort pour traiter le prolapsus des organes pelviens de la femme », 2007. www.has-sante.fr 8. Savary D, Fatton B, Velemir L, Amblard J, Jacquetin B. [What about transvaginal mesh repair of pelvic organ prolapse? Review of the literature since the HAS (French Health Authorities) report]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2009 Feb; 38 (1): 11-41. 9. Maher C, Feiner B, Baessler K, Adams EJ, Hagen S, Glazener CM. Surgical management of pelvic organ prolapse in women. Cochrane Database Syst Rev 2010 (4): CD004014. 10. Jacquetin B, Fatton B, Rosenthal C et al. Total transvaginal mesh (TVM) technique for treatment of pelvic organ prolapse: a 3-year prospective follow-up study. Int Urogynecol J 2010 Dec; 21 (12): 1455-62. 11. Letouzey V, Deffieux X, Gervaise A, Mercier G, Fernandez H, de Tayrac R. Transvaginal cystocele repair L. BOULANGER et al. – Chirurgie par voie vaginale : état des lieux 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. using a tension-free polypropylene mesh: more than 5 years of follow-up. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2010 Jul; 151 (1): 101-5. de Landsheere L, Ismail S, Lucot JP, Deken V, Foidart JM, Cosson M. Surgical intervention after transvaginal Prolift mesh repair: retrospective single-center study including 524 patients with 3 years’ median follow-up. Am J Obstet Gynecol 2012 Jan; 206 (1): 83e1-83e7. Hviid U, Hviid TV, Rudnicki M. Porcine skin collagen implants for anterior vaginal wall prolapse: a randomized prospective controlled study. Int Urogynecol J 2010 May; 21 (5): 529-34. Lopes ED, Lemos NL, Carramao Sda S et al. Transvaginal polypropylene mesh versus sacrospinous ligament fixation for the treatment of uterine prolapse: 1-year follow-up of a randomized controlled trial. Int Urogynecol J 2010 Apr; 21 (4): 389-94. Dwyer PL, O’Reilly BA. Transvaginal repair of anterior and posterior compartment prolapse with Atrium polypropylene mesh. BJOG 2004 Aug; 111 (8): 831-6. Clemons JL, Aguilar VC, Tillinghast TA, Jackson ND, Myers DL. Patient satisfaction and changes in prolapse and urinary symptoms in women who were fitted successfully with a pessary for pelvic organ prolapse. Am J Obstet Gynecol 2004 Apr; 190 (4): 1025-9. Schweitzer KJ, Vierhout ME, Milani AL. Surgery for pelvic organ prolapse in women of 80 years of age and older. Acta Obstet Gynecol Scand 2005 Mar; 84 (3): 286-9. Nieminen K, Heinonen PK. Sacrospinous ligament fixation for massive genital prolapse in women aged over 80 years. BJOG 2001 Aug; 108 (8): 817-21. Heit M, Rosenquist C, Culligan P, Graham C, Murphy M, Shott S. Predicting treatment choice for patients with pelvic organ prolapse. Obstet Gynecol 2003 Jun; 101 (6): 1279-84. Toozs-Hobson P, Boos K, Cardozo L. Management of vaginal vault prolapse. Br J Obstet Gynaecol 1998 Jan; 105 (1): 13-17. Cundiff GW, Addison WA. Management of pelvic organ prolapse. Obstet Gynecol Clin North Am 1998 Dec; 25 (4): 907-21, viii. Barlow DH, Cardozo LD, Francis RM et al. Urogenital ageing and its effect on sexual health in older British women. Br J Obstet Gynaecol 1997 Jan; 104 (1): 87-91. Lovatsis D, Drutz HP. Vaginal surgical approach to vaginal vault prolapse: considerations of anatomic correction and safety. Curr Opin Obstet Gynecol 2003 Oct; 15 (5): 435-7. DeLancey JO, Morley GW. Total colpocleisis for vaginal eversion. Am J Obstet Gynecol 1997 Jun; 176 (6): 122832; discussion 32-5. Denehy TR, Choe JY, Gregori CA, Breen JL. Modified Le Fort partial colpocleisis with Kelly urethral plication and posterior colpoperineoplasty in the medically compromised elderly: a comparison with vaginal hysterectomy, anterior colporrhaphy, and posterior colpoperineoplasty. Am J Obstet Gynecol 1995 Dec; 173 (6): 1697701; discussion 701-2. Lucot JP, Debodinance P, Coutty N, Cosson M. Hystérectomie vaginale pour pathologies bénignes. In: Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Paris: Elsevier Masson SAS, 2011: 41-650. Richter K, Dargent D. [Spinous fixation (vaginae fixatio sacrospinalis) in the treatment of vaginal prolapse after Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 53 28. 29. 30. hysterectomy]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 1986; 15 (8): 1081-8. Dietz V, de Jong J, Huisman M, Schraffordt Koops S, Heintz P, van der Vaart H. The effectiveness of the sacrospinous hysteropexy for the primary treatment of uterovaginal prolapse. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2007 Nov; 18 (11): 1271-6. Maher CF, Cary MP, Slack MC, Murray CJ, Milligan M, Schluter P. Uterine preservation or hysterectomy at sacrospinous colpopexy for uterovaginal prolapse? Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2001; 12 (6): 381-4; discussion 4-5. Hefni MA, El-Toukhy TA. Long-term outcome of vaginal sacrospinous colpopexy for marked uterovaginal and 54 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 31. 32. 33. vault prolapse. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2006 Aug; 127 (2): 257-63. Lucot JP, Bot-Robin V, Giraudet G et al. [Vaginal mesh for pelvic organ prolapse repair]. Gynecol Obstet Fertil 2011 Apr; 39 (4): 232-44. Ayhan A, Esin S, Guven S, Salman C, Ozyuncu O. The Manchester operation for uterine prolapse. Int J Gynaecol Obstet 2006 Mar; 92 (3): 228-33. Fatton B, Amblard J, Debodinance P, Cosson M, Jacquetin B. Transvaginal repair of genital prolapse: preliminary results of a new tension-free vaginal mesh (Prolift technique) – a case series multicentric study. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2007 Jul; 18 (7): 743-52. L. BOULANGER et al. – Chirurgie par voie vaginale : état des lieux