PRODUCTEUR PLUS Les sols et l'agriculture, Gérard Millette Ph.D. Chapitre 04 LE SOL VIVANT LE SYSTÈME RESPIRATOIRE surface et bouchent les pores du sol, causant l’asphyxie des plantes. Elles ne peuvent plus pousser à cause de l’excès de CO2 accumulé dans l’atmosphère du sol. Donc, attention au lissage des sols humides avec les instruments aratoires. INTRODUCTION Le sol respire. Ses activités biologiques l’exigent. Le système respiratoire du sol constitue, en quelque sorte, son climat. Il complète le milieu ambiant, participant ainsi à l’établissement de l’habitat écologique des plantes. Cette importante zone climatique du sol occupe l’espace situé entre un mètre de profondeur et un mètre au-dessus de la surface du sol. L’augmentation du CO2 dans l’air que nous respirons augmente la croissance des plantes. D’ailleurs, il y a des dizaines de millions d’années, le CO2 de l’atmosphère était plus abondant qu’il ne l’est aujourd’hui. C’est ce qui a permis l’accumulation des dépôts de charbon et des nappes de pétroles. En 1988, un bulletin d’information du CPVQ (AGDEX 290/27) suggérait d’ajouter du CO2 à l’atmosphère des serres pendant le jour pour améliorer la croissance des plantes. C’est une pratique courante en Europe depuis plus de deux décennies. Le bulletin en question spécifiait que les quantités de CO2 absorbées par la végétation varient en fonction de chaque type de plante et de ses réactions à la température, à l’humidité, à l’atmosphère et à la lumière disponible. Les pores entre les grains de sol se remplissent d’air à mesure que l’eau qui y circule évacue l’espace. Ainsi, après avoir tenu le rôle de veines et d’artères du sol pour la circulation de l’eau, les pores deviennent les alvéoles des poumons du sol. Voilà pour quelle raison un sol saturé d’eau est noyé ; il suffoque et les plantes en souffrent. Le climat d’un sol dépend de l’air, de la température, de l’humidité et de la lumière. Chaque élément est variable, et impose des limites aux autres dans un milieu ambiant, ce qui complique énormément l’interprétation des influences climatiques sur les récoltes. LA TEMPÉRATURE ET L’HUMIDITÉ Les variations de température et d’humidité sont plus lentes dans le sol que dans l’atmosphère. Pendant la saison de croissance, la température de l’air du sol est plus élevée le matin que celle de l’atmosphère. Par contre, avec la rosée du matin, la teneur en humidité de l’atmosphère est souvent supérieure à celle du sol. Au milieu de la journée, un sol protégé par la végétation a une température inférieure à celle de l’atmosphère. Si le sol est exposé à nu au soleil, sa température peut être plus élevée que celle de l’atmosphère. Si l’air du sol est humide, il faut plus de calories pour augmenter d’un degré sa température. Les horticulteurs, qui irriguent leurs cultures pendant la nuit quand il y a danger de gel hâtif, savent que l’eau contenue dans le sol procure une quantité de chaleur supplémentaire à l’air qui s’en échappe. Ils retiennent cette chaleur près du sol en saturant l’atmosphère avec de l’eau qui absorbe la fraîcheur de l’air, empêchant ainsi l’air froid d’atteindre les plantes. L’AIR La composition, la quantité et les mouvements de l’air contrôlent la qualité de l’atmosphère du sol. La composition de l’air de la zone climatique sise à l’intérieur du sol diffère de celle qui est située au-dessus de celui-ci. Les parties externes des plantes utilisent le dioxide de carbone (CO2) de notre atmosphère pendant le jour pour leur photosynthèse, mais en rejettent la nuit lors de leur processus de respiration. En revanche, les racines et les microorganismes respirent et accumulent du CO2 vingt-quatre heures par jour, ce qui a pour conséquence que l’atmosphère du sol en contient en moyenne 17 fois plus que la concentration de 0,03 % contenue dans l’air que nous respirons. Si un phénomène quelconque cause une augmentation de CO2 dans le sol au-delà de la limite de 0,5 %, les racines suffoquent. Si les conditions persistent, la plante peut mourir. On rencontre cette situation en hiver, dans les pâturages, alors que les activités, même réduites, des racines et des microorganismes accumulent un excès de CO2 sous la croûte de glace, ce qui étouffe les plantes. On observe les mêmes résultats pour des raisons identiques au fond d’une ancienne flaque d’eau asséchée. Les particules du sol en ont colmaté la Dans les pays chauds, on garde souvent un paillis à la surface du sol afin d’y maintenir une couche d’air relativement inerte, et de conserver l’humidité dans l’air du sol. Par conséquent, on retarde le réchauffement du sol pendant le jour. Mais ce qui convient au sol sous un climat tempéré ne s’applique pas nécessairement sous notre climat frais. Les méthodes culturales basées sur le semis direct, les billons permanents ou tout autre système maintenant un paillis en surface, retardent le réchauffement du sol au printemps sous notre climat. 7 PRODUCTEUR PLUS Les sols et l'agriculture, Gérard Millette Ph.D. Chapitre 04 gie ainsi absorbée. L’ensemble de l’énergie solaire utilisable par la plante représente moins de 6 %. Les plantes les plus efficaces emploient moins de 1 % de toute l’énergie solaire disponible. Le maïs se situe bien en deçà de ce pourcentage avec environ 0,6 %. Des recherches en génétique se poursuivent pour améliorer cette performance. Un temps frais ou humide peut retarder la croissance du maïs au printemps, et en diminuer les rendements de façon appréciable. Pourtant, les producteurs de fraises agissent à l’inverse. Il couvrent de paille les fraisiers pour les protéger contre les froids intenses et très variables de l’hiver, et se hâtent de les découvrir tôt au printemps pour qu’ils reçoivent de la chaleur et démarrent rapidement leur croissance. Les meilleures performances de croissance des plantes ont lieu sous un ciel clair. Dès que des nuages, de la poussière, des vapeurs ou de la fumée diminuent l’intensité des rayons solaires, le rythme de la photosynthèse chez la plante ralentit, de même que sa croissance. Cependant, chaque plante a ses propres exigences. La végétation de sous-bois exige une lumière tamisée pour croître. L’épinette et le sapin baumier, plantés dans un champ à ciel ouvert, s’allongent lentement et développent beaucoup de branches rapprochées sur le tronc, alors que si les arbres poussent dans un boisé de peupliers faux-trembles, ils s’allongent rapidement et leurs branches sont espacées les unes des autres. Pour atteindre sa croissance maximum, chaque plante requiert une intensité de lumière particulière. Cette exigence établit le minimum d’espace ouvert tolérable. Par conséquent, l’intensité de lumière requise pour la croissance de chaque type de plante détermine la densité de semis acceptable. Ayons à l’esprit que les unités thermiques pour le maïs grain ont été calculées à partir des températures de notre atmosphère. Elles sont exprimées en degrés Fahrenheit. Pour croître, le maïs a besoin d’un minimum de 50°F pendant le jour, et de 40°F la nuit, durant toute la période normale sans gel d’une région. Si l’on soustrait le minimum de 50°F de la moyenne de température du jour, et le minimum de 40°F de la moyenne de température de la nuit, l’on obtient deux valeurs qui, additionnées, donnent le nombre d’unités thermiques accumulées pour cette journée. Pour obtenir les unités thermiques d’une région ou d’une ferme, il s’agit ensuite d’additionner les valeurs ainsi calculées pour tous les jours de la période normale sans gel. La température et l’humidité exercent une influence considérable sur la qualité des récoltes. Lorsque les nuits sont fraîches durant la saison de croissance, la plante ne peut pas convertir les sucres en amidon pendant la nuit. Elle accumule donc du sucre dans ses tissus. Le maïs sucré cultivé aux endroits où les nuits sont fraîches régulièrement en est un bon exemple. Les nuits fraîches qui prévalent dans plusieurs secteurs du Québec, en saison de croissance, constituent un patrimoine climatique qui devrait être exploité commercialement au sud de la frontière. Nos produits maraîchers verts, comme les pois, les pois mange-tout, les haricots fins, etc., ont souvent un goût sucré et raffiné très distinctif. À l’équateur, les jours et les nuits de douze heures chacun se succèdent à l’année longue. À Montréal, près du 45e parallèle, le jour le plus long de l’année atteint plus de 15 heures et 40 minutes de lumière, et le plus court 8 heures et 20 minutes. C’est pourquoi nous devons allonger artificiellement la durée de la lumière dans les serres pour que les plantes tropicales fleurissent en hiver. À mesure qu’on se dirige vers les pôles, il faut développer de nouveaux cultivars adaptés à la longueur du jour pendant la saison de croissance. Par conséquent, l’ensemencement hâtif est primordial au Québec. En 1967 et 1968, j’ai fait de la recherche sur les façons de cultiver le maïs grain. Le maïs semé à la fin d’avril avait atteint environ un mètre de hauteur le 21 juin. Il a pu bénéficier au maximum de l’énergie solaire. Ces plants ont donné les plus hauts rendements, avec une fertilisation identique à celle appliquée au maïs semé plus tard. En d’autres termes, il faut semer le plus tôt possible au printemps pour que les plantes bénéficient de toute l’énergie solaire disponible. La clarté du jour du 21 avril a la même durée que celle du 21 août. Il faut créer des conditions qui accélèrent le réchauffement du sol au printemps, afin d’obtenir les rendements maximums. C’est un élément aussi important que la fertilisation du sol. LA LUMIÈRE La lumière joue un rôle plus important que l’on ne croit en général. Ses rayons sont contenus dans une gamme étendue de longueurs d’ondes. Sur une échelle ascendante viennent d’abord les rayons ultraviolets (UV), qui présentent des ondes très courtes. Ensuite, nous retrouvons les rayons visibles, puis les rayons infrarouges (IR), et finalement les rayons ultra-infrarouge (UIR), aux ondes extrêmement longues. Pour accomplir la photosynthèse, la plante utilise la lumière comme source d’énergie. Elle absorbe entre 80 % et 95 % des rayons UV, ainsi que des rayons visibles. Elle utilise seulement 5 % des rayons IR, et entre 40 % et 90 % des rayons UIR. Cependant, la plante consomme moins de 20 % de toute l’éner- 8