Conférence annuelle de la coopération au développement 2002 EMBARGO : 30 août 2002, 14 h 40 La version orale fait foi. Exposé de M. Oscar Knapp, délégué aux accords commerciaux et chef du centre de prestations Développement et Transition au seco Intégration économique du Pérou: enjeux et possibilités Mesdames et Messieurs, C'est un fait, le Pérou et presque toute l'Amérique du Sud sont actuellement aux prises avec des difficultés sociales, politiques et économiques. Les résultats de l'économie sont inférieurs aux attentes, la population est toujours plus mécontente et des courants nationalistes gagnent du terrain. Or c'est justement dans des périodes comme celles-là qu'une économie de petite taille, telle que celle du Pérou, ne doit pas se replier sur ellemême, mais au contraire chercher l'échange avec le reste du monde et participer activement à l'économie mondiale, axée sur le partage du travail. C'est la seule manière de promouvoir le développement de l'économie et de créer les places de travail nécessaire pour lutter contre la pauvreté. Le marché indigène du Pérou est limité ne serait-ce que par sa taille et le pouvoir d'achat des consommateurs. Tout comme pour la Suisse, les échanges avec d'autres marchés et l'intégration dans les chaînes de production mondiales sont indispensables. Investir davantage permettra par ailleurs d'encourager les transferts de capitaux et de savoir-faire, ce qui contribuera à la modernisation de l'appareil de production et permettra la création de nouvelles entreprises. Depuis le jour fatidique où, il y a de cela 500 ans, l'ancien monde et le "nouveau" se sont rencontrés, le Pérou a fortement participé aux échanges internationaux et contribué à l'augmentation de la prospérité. C'est ainsi au Pérou que nous devons la pomme de terre, une denrée précieuse durant les famines qui a amélioré la situation alimentaire en Europe au début de l'ère industrielle. Pensons également au caoutchouc, matière première indispensable à la production des pneus, qui est originaire des forêts amazoniennes. Qui se souvient aujourd'hui que la fiente des oiseaux marins – le guano– de la côte péruvienne était un engrais puissant, utilisé pour augmenter le rendement de nos régions agricoles au 19e siècle? Si de nos jours les hommes se battent pour le pétrole, à l'époque c'est le guano ou le salpêtre qui était l'objet de toutes 1 les convoitises. Pensons aux minéraux, à commencer par l'or, qui a conduit des générations entières à rêver de l'El Dorado, ou encore à l'argent, dont le Pérou semblait être une source intarissable. Des siècles durant, ces deux métaux précieux ont été chargés à Lima sur des bateaux en partance pour l'Europe. En pratique, le Pérou est impliqué dans les échanges internationaux depuis des générations, mais le pays n'a jusqu'à présent pas pu tirer profit de cette participation de manière optimale. Il s'agit donc de déterminer comment cette participation peut être améliorée du point de vue qualitatif, de manière à ce que les revenus retournent réellement au Pérou, qu'ils soient réinvestis de manière plus durable et distribués plus équitablement. On pourrait ainsi créer davantage de places de travail et faire en sorte que le développement soit plus équilibré. Il est particulièrement important de tisser des liens économiques entre Lima, la capitale politique et économique, et les autres régions, ce qui permettrait aussi une certaine proximité dans les relations politiques. Comment la Suisse peut-elle y contribuer? Il nous faut avant tout être bien conscients que l'aide au développement en faveur du Pérou n'aura qu'une incidence minime, quoi que nous fassions. La somme de tous les fonds provenant des aides au développement bilatérales ou multilatérales ne représente que 0,8% du produit intérieur brut, alors que dans d'autres pays comme la Bolivie, par exemple, les acteurs internationaux financent en quelque sorte le développement du pays, puisque l'aide au développement y représente quasiment 10% du produit national brut. Des études ont montré qu'il existe un lien direct entre le développement économique global du Pérou et la réduction de la pauvreté. Lima semble toutefois être la seule à profiter des effets positifs, les retombées sur le reste du pays s'avérant minimes. Cela signifie en d'autres termes que les relations entre l'économie de Lima et celles des autres régions sont faibles. Il s'agit d'un problème d'intégration interne au pays. Bien que les exportations de produits non traditionnels se soient multipliées par deux au cours des années 90, atteignant environ 18%, la part de création de valeur ajoutée dans les zones rurales demeure trop faible par rapport à la proportion de matières premières non transformées exportée, qui reste encore trop importante. Et c'est l'une des failles du système économique actuel. Mais le Pérou a la possibilité de diversifier son économie. Les conditions-cadre pour le positionnement économique au sein de la zone américaine et de l'OMC sont actuellement revues. Le Pérou doit donc saisir ces opportunités et négocier un positionnement favorable à la fois dans la zone américaine de libreéchange et au sein du marché mondial. 2 C'est sur ces domaines que vient se greffer la coopération au développement du seco qui, dans sa nouvelle stratégie, a fait du Pérou l'un de ses 26 pays cibles. Si par le passé nous nous sommes avant tout attachés à réduire la dette extérieure du Pérou, le seco aimerait à l'avenir augmenter les fonds octroyés à ce pays en vue d'améliorer la situation par le biais de la promotion du commerce et de l'investissement. Pour ce faire, l'objectif est de mobiliser davantage de fonds privés. La Suisse occupe une position privilégiée à cet égard puisqu'elle peut faire profiter le Pérou de ses expériences en sa qualité d'économie ouverte de petite taille. Comme nous l'avons appris hier lors du forum économique Suisse-Pérou ici à Zurich, le secteur privé souhaite lui aussi augmenter l'échange d'expériences, de savoir-faire et de technologies. Le développement de l'économie péruvienne dépend fortement d'événements extérieurs. Elle a en effet subi le contrecoup d'El Niño (1997-1998), de la crise financière internationale (1997-1998), du développement défavorables des termes de l'échange, d'un tremblement de terre (2001) et, d'une vague de froid cet hiver. En fait, la crise politique provoquée par l'ancien président Fujimori, en 2000, est le seul facteur interne à avoir eu des conséquences sur ce développement. Cette caractéristique, à savoir le fait de dépendre de facteurs externes sur lesquels on n'a pas prise, pose des difficultés supplémentaires aux personnes appelées à prendre des décisions dans le cadre du développement économique. Malgré cela, le Pérou a réussi à s'extraire du chaos économique et à stopper l'hyper-inflation dans les années 1990, puis à poser les bases d'un développement économique relativement stable. Il a aussi montré qu'il était capable d'imposer son point de vue à la table des négociations, comme on a pu le constater lors de la procédure de règlement des différends concernant la pêche à la sardine dans le cadre de l'OMC. Je vous le disais tout à l'heure, l'intégration entre Lima et les régions doit être améliorée. La région andine, très pauvre, n'offre pas beaucoup de possibilités à cet égard. La laine d'alpaga constitue une exception. Les alpagas – des camélidés proches du lama – sont élevés dans les régions montagneuses des Andes par les paysans et les communautés paysannes. Ils fournissent sur le marché mondial une laine de qualité utilisée pour la confection de vêtements (et pas seulement de pull-overs). C'est là qu'intervient le SIPPO – pour Swiss Import Promotion Office -, notre programme d'encouragement aux exportations des pays en développement. Il soutient en effet la vente, dans les pays industrialisés, de divers produits issus de l'alpaga et contribue ainsi à l'amélioration de la chaîne de production et à l'augmentation de la création de valeur ajoutée au Pérou même, entre la production (dans les Andes), la transformation de la matière (à Lima) et l'exportation (en direction de l'Europe ou de l'Amérique du Nord). Le SIPPO soutient également l'exportation des différentes sortes de haricots péruviens dans le but de 3 consolider les liens qui unissent le centre et la périphérie, comme on peut très bien le voir dans le film de Mme Pletscher. Le développement péruvien devrait reposer sur les petites et moyennes entreprises (PME). Mais ce secteur a de la peine à assumer son rôle car il est fortement endetté et souffre de problèmes de liquidités, ce qui empêche le nécessaire renouvellement de son parc de machines. En outre, ces entreprises familiales ne connaissent souvent pas les méthodes modernes de management ni ne disposent d'un savoir-faire technique de niveau international. C'est pour cela que nous avons adopté des mesures d'encouragement à l'investissement. Nous renforçons l'accès à des capitaux à long terme et favorisons l'amélioration des compétences managériales des PME en participant à des fonds de capital-risque. Nous facilitons également, avec notre programme SOFI (pour Swiss Organisation for Facilitating Investments), les partenariats entre les entreprises péruviennes et celles de pays industrialisés. Par ailleurs, nous avons la possibilité d'intensifier dans le même temps notre collaboration avec la DDC, collaboration qui a pour objectif de fortifier les petites entreprises du domaine informel. Il faut savoir que souvent, ces minuscules entreprises sous-traitent les commandes d'entreprises plus importantes. Le secteur informel occupe une grande partie des actifs mais il est très sensible à l'évolution de l'économie. L'économie du Pérou s'appuie en effet sur un important secteur de prestations informel, qui complète le secteur des PME et est extrêmement sensible à l'évolution de l'économie, Dans son exposé qui suivra, Mme Lupe Fernandez fera un tour d'horizon des enjeux de ce secteur de l'économie. Il est donc nécessaire de renforcer de manière durable ce secteur également. Le Pérou est un exemple classique et positif de la complémentarité des actions de la DDC et du seco. Les PME qui ont le potentiel nécessaire pour exporter leurs produits doivent désormais également prendre en considération les attentes des consommateurs des pays de destination. Le client avisé exige des produits qui ne portent pas trop atteinte à l'environnement et ne résultent pas du travail des enfants. Pour cette raison, le respect de standards environnementaux et sociaux devient toujours plus important. En outre, l'introduction de processus de travail écologiques favorise la compétitivité des entreprises et les transferts de technologie. La Suisse a construit à cette fin un "Cleaner Production Center" (c'est-à-dire un centre pour une production plus propre) qui a pour mission de conseiller les PME et d'encourager le savoir-faire local en matière de standards sociaux et environnementaux. Il est prévu de créer une zone de libre-échange panaméricaine d'ici à 2005. Des négociations auront par ailleurs lieu à l'OMC au cours de la même période. Le Pérou se trouve donc dans une situation analogue à celle où se trouvait la Suisse avant les 4 négociations sur l'EEE et le cycle d'Uruguay du GATT. Le Pérou doit saisir sa chance (dans certains domaines en s'unissant avec les autres pays de la communauté andine) et se placer favorablement pour l'avenir. C'et pourquoi le seco oeuvre, de concert avec des associations patronales et des institutions de formation péruviennes, au lancement d'un programme visant à mieux positionner le pays sur le plan commercial et à développer les compétences en matière de négoce et de négociations. Nos actions dans les domaines du commerce et des investissements seront complétées. Au cours d'une phase ultérieure, nous examinerons les possibilités de renforcer le secteur financier et de mettre en place des partenariats public - privé (Public-Private-Partnerships) en vue de créer des infrastructures de base. Mesdames et Messieurs, je vous le disais précédemment, nous sommes conscients des limites de la coopération au développement avec le Pérou. C'est pour cela que nous essayons de mobiliser des fonds et de susciter l'intérêt du secteur privé local et international par le biais des mesures prises dans le domaine de la promotion du commerce et de l'investissement. C'est le seul moyen dont nous disposions pour mettre sur pied des projets économiquement viables qui permettront de réduire les écarts au sein même du pays, d'une part, mais aussi d'intégrer davantage le Pérou au système du commerce mondial, d'autre part. Nous sommes prêts à relever ces défis aux côtés du Pérou. 5