LA CHINE EST DEVENUE L`EMPIRE DE LA CONTREFAÇON Par

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LA CHINE EST DEVENUE L'EMPIRE DE LA CONTREFAÇON
Par Valentine JEJCIC.
VOICI COMMENT ET POURQUOI
En ce début de XXIe siècle, la contrefaçon* est devenu un problème majeur de la vie
internationale. Les chiffres sont là pour en témoigner : on estime en effet, que la part
actuelle de la contrefaçon dans le commerce mondial est de 10 %, alors qu'elle n'atteignait
que 5 % en 2000. Or, 80 % de ces marchandises sont fabriquées en Chine. De plus, selon, la
Direction des relations économiques extérieures, le marché de la contrefaçon en Chine
représenterait 15 à 30 % de l'activité industrielle du pays, 8 % du produit intérieur brut (PIB),
et 3 à 5 millions d'emplois. Ainsi, la contrefaçon n'est pas seulement une question
importante pour les relations internationales, elle constitue également un facteur
déterminant pour l'équilibre interne de la Chine.
Comment la Chine est-elle devenue l'un des premiers pays contrefacteurs du monde ?
Il apparaît clairement que le problème de la contrefaçon s'articule dans la relation de la
Chine avec les nations occidentales. Mise à l'écart du développement de l'Occident à la fin
du XIXe siècle, la Chine sera confrontée à un système totalement nouveau pour elle un siècle
plus tard lors de son ouverture au marché mondial (1978). La contrefaçon se présentera
alors comme une étape obligatoire dans sa relation avec l'Occident sur son chemin vers la
modernisation.
1- LE XIXe SIECLE : RENCONTRE FORCEE AVEC L'OCCIDENT
Une particularité culturelle
Lorsque les Occidentaux arrivent en Chine au XIXe siècle, l'Empire du milieu se présente à
eux comme un monde à part. Tout est différent.
Aussi, est-ce peut être dans la culture que l'originalité de la Chine apparaît le plus
nettement. C'est probablement elle qui, en révélant l'être profond de la Chine, donne à voir
les origines d'une multitude de faits qui frappèrent de stupéfaction les voyageurs qui, tel le
père Huc, explorèrent le pays à cette époque.
Dans l'immense patrimoine culturel chinois, une place à part revient à la peinture et à la
calligraphie. Elément central s'il en est, elle est le domaine où la copie, loin d'être considérée
négativement, est au contraire hissée au niveau d'un principe fondamental. En effet, copier
les maîtres revient en Chine à mettre ses pas dans celui de ses prédécesseurs afin d'assurer
la pérennité d'une tradition. La copie concerne l'ensemble du processus d'apprentissage du
peintre. Sans elle, l'artiste ne peut acquérir la technique qui lui permettra ensuite de
développer sa propre technique. L'expression du sinologue William Alford qui avançait que
"copier une œuvre est une offense élégante" peut donc être complétée en disant que la
copie est le passage obligé pour faire une œuvre.
Ce point ne suffit pas évidemment à expliquer le phénomène de la contrefaçon en Chine,
mais il nous permet de le situer dans un contexte culturel à ne pas négliger.
Le contexte historique
La Chine du XIXe siècle et de la première moitié du XXe est meurtrie. L'économie est
ravagée. Les révoltes paysannes se multiplient. Nous assistons à une paupérisation de la
société chinoise dans son ensemble. En même temps, l'agression des Etats impériaux
occidentaux au terme des deux guerres de l'opium finit par soumettre cette Chine fragilisée.
L'Occident de son côté, en pleine expansion industrielle, cherche de nouveaux marchés pour
ses biens manufacturés. Des moyens de fabrication novateurs provoquent une
industrialisation à grande échelle, accompagnée par l'essor du commerce international, le
développement des réseaux de communication et des investissements de capitaux.
C'est alors que de nombreux pays adoptent leurs premières lois en matière de propriété
Intellectuelle (PI)**. Il s'agit pour eux de protéger et d'encourager les innovations. Dès lors,
en Occident, la copie devient une infraction à la loi.
Pendant que la Chine traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire, le système
international de protection de la propriété intellectuelle (DPI) prend forme avec la
conclusion des deux traités fondamentaux en la matière (la Convention de Paris de 1883 et
la Convention de Berne de 1886). La Chine ne participe pas à l'élaboration de cette nouvelle
notion juridique.
Ce n'est qu'à partir de 1949 qu'elle va progressivement reprendre du terrain perdu. Elle va le
faire à sa manière. En effet, la Chine maoïste va reconstruire le pays en suivant un modèle
propre de développement socialiste. Le socialisme scientifique mis en œuvre en Union
Soviétique n'est pas appliqué dans toute sa rigueur. Une fois encore, la Chine s'écarte de la
voie choisie en Occident.
2 - LA NOUVELLE CHINE DE 1978 : OUVERTURE VERS L'OCCIDENT
L'industrialisation par la contrefaçon
La mort de Mao, en 1976, marque un tournant décisif dans l'histoire chinoise. Deng XiaoPing, nouvel homme fort chinois, engage dès 1979 la République Populaire dans la voie des
réformes. L'économie centralisée fondée sur la production collective et la propriété d'Etat
est remplacée par une économie mixte qui, tout en conservant son caractère socialiste, fait
une place à des éléments d'économie de marché et à l'initiative privée.
Confrontée à une pléthore de main d'œuvre inutilisée, à un faible niveau technique et à des
infrastructures insuffisantes, la Chine va se positionner dans le domaine de l'exportation de
produits manufacturés bon marché, et va attirer les investisseurs étrangers.
Elle va créer des zones économiques spéciales en offrant des conditions avantageuses pour
l'implantation d'entreprises étrangères. Aussi, va-t-elle les attirer par la perspective d'un
marché émergeant potentiellement énorme.
La Chine devient "l'atelier du monde".
La collaboration avec les entreprises étrangères au sein de joint-ventures a été
scrupuleusement contrôlée tout au long du processus. En particulier, le gouvernement
chinois a continuellement cherché à s'assurer de la capacité des partenaires chinois de
pleinement tirer profit des échanges avec les entreprises étrangères. Reconnaître et recopier
les techniques, le savoir-faire et les technologies ressortait pour les participants chinois d'un
devoir impératif. En effet, la Chine, du moins au niveau du gouvernement, avait bien
intériorisé l'idée selon laquelle le savoir et l'innovation étaient essentiels pour la croissance
économique du pays.
C'est ainsi, en copiant les technologies importées, que la Chine va commencer à
s'industrialiser et à améliorer le niveau technique de sa production. Cependant,
parallèlement au développement voulu et programmé des "forces productives", une
véritable industrialisation par la contrefaçon va se produire. Faisant appel à sa tradition pour
se hisser au niveau de l'Occident développé, la Chine va récolter le meilleur et le pire : des
usines aéronautiques ultramodernes et des ateliers clandestins d'une vétusté totale.
Dans un premier temps, le gouvernement chinois ne s'inquiète pas outre mesure. Mais, les
entreprises étrangères qui arrivent en Chine dans un contexte où les droits de la propriété
Intellectuelle sont inexistants et où l'activité liée à la contrefaçon est en plein essor, voient
leurs parts de marchés diminuer et font connaître leur mécontentement. Face aux pressions
de ses partenaires économiques, la Chine finalement adhère aux principaux traités en
matière de DPI. Elle se dote progressivement d'un arsenal juridique solide (calqué sur les
modèles occidentaux).
Les causes de l'expansion récente
C'est à partir de la première moitié des années 90, que la production, l'exportation et la
vente de produits contrefaits se mettent à augmenter de façon inquiétante.
Au cours de cette période, la libéralisation du marché aidant, de vastes secteurs de la
population chinoise commencent à assimiler le rôle de l'argent. Certains comprennent que
l'ingéniosité des autres codifiée par des procédés technologiques, vantée au sommet de
l'Etat communiste, va de pair avec le nouveau rôle dévolu à l'argent. Si l'avenir du pays est
en jeu, il en va de même pour la vie de chacun d'entre eux. Un nouvel état d'esprit se fait
jour au sein de la société chinoise.
Nous assistons alors à une mutation : la contrefaçon aux allures d'activité artisanale devient
une activité dotée d'une logique industrielle, s'appuyant sur des installations coûteuses et
modernes. De plus, la révolution de l'Internet survient à point nommé pour offrir aux
exportateurs et aux fabricants chinois de contrefaçons des possibilités nouvelles pour la
promotion de leur "production". A ce propos, il faut rappeler que les diasporas chinoises
constituent des pôles de distribution de produits contrefaits aussi efficaces que discrets.
Par ailleurs, l'augmentation continuelle du pouvoir d'achat des consommateurs chinois,
entraîne l'augmentation de la demande nationale pour des produits authentiques, et donc
par la même occasion vient stimuler la production des versions contrefaites de ces nouveaux
produits.
En somme, au cours des années 1990 un ensemble de facteurs internes, déclenchés par
l'ouverture du pays aux échanges internationaux, viennent s'ajouter aux tendances
fondamentales du nouveau monde global pour contribuer à l'expansion de la contrefaçon.
La situation actuelle.
Aujourd'hui, une réalité surprenante modifie la donne du problème : les marques chinoises
sont en passe de devenir la première cible des contrefacteurs chinois.
Un des problèmes essentiels de la Chine actuelle est en effet la division du pays en deux
entités totalement étrangères l'une à l'autre. L'une regroupe les caractéristiques d'un pays
encore en voie de développement, l'autre celles d'une grande puissance.
D'un côté, nous avons une Chine ouverte aux échanges internationaux qui comprend que,
conformément au principe de réciprocité, un pays refusant d'accorder des droits aux
productions étrangères sur son territoire ne saurait bénéficier de la protection pour ses
produits à l'étranger. Toutefois ; si une prise de conscience du rôle de la notion de la
propriété intellectuelle est en train d'émerger, c'est parmi les citadins des grandes villes
chinoises telles que Shanghai et Pékin.
De l'autre côté, à l'intérieur des terres mais également au sein des grandes villes, nous avons
à faire à une Chine pauvre, coupée de toute l'effervescence économique du pays, et où des
millions de Chinois vivent de la contrefaçon. Dans certaines régions, la contrefaçon y
constitue même le principal moteur de l'économie locale, et il n'est pas rare que les
législateurs chargés d'appliquer les lois de protection des DPI aient des liens familiaux avec
les contrefacteurs. Ainsi la Chine, pays en voie de développement, se met à copier les
marques nationales de la Chine "grande puissance".
Même si les progrès en matière de protection de la propriété Intellectuelle sont réels, la
contrefaçon constitue une menace réelle pour l'équilibre économique, politique et social de
la République Populaire. En effet, faire vivre légalement ces millions de Chinois qui gravitent
autour de la contrefaçon reste un véritable défi lancé au gouvernement.
* La contrefaçon se définit comme la reproduction ou l'utilisation totale ou partielle d'une
marque, d'un dessin, d'un modèle, d'un brevet ou d'un droit d'auteur sans l'autorisation de
son titulaire et constitue ainsi la violation d'un droit de propriété intellectuelle (DPI)
reconnu.
Le produit de contrefaçon a été falsifié, copié ou imité de manière illicite par le contrefacteur
en vue d'en tirer un profit pécuniaire auprès de clients crédules ou consentants. (Définition
du Global Anti-Counterfieting Group)
** La propriété intellectuelle est constituée par la propriété industrielle d'une part, qui
comprend les inventions (brevets), les marques, les dessins et modèles industriels et les
indications géographiques ; le droit d'auteur d'autre part, qui comprend les œuvres
littéraires et artistiques, les films, les œuvres musicales, les œuvres d'art, ainsi que les
créations architecturales.
Le système de la propriété intellectuelle repose sur le principe selon lequel la reconnaissance
et la récompense de la propriété des inventions ou des créations stimule l'activité inventive
et créative, laquelle stimule à son tour la croissance économique. (F. Pollaud-Dulian, "Droit
de la propriété industrielle", Montchrestien, Domat droit privé, Paris 1999).
Article issu du site internet de B.I. infos
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