contribution, c’est le jeûne de trois jours que la jeune Esther demande d’observer
afin que son entreprise de sauvetage réussisse et qu’elle puisse trouver grâce aux
yeux du roi. Or, cette humilité, cette soumission n’ont de sens que si elle s’adresse
au Dieu d’Israël qui doit, ainsi, étendre sur son peuple sa main protectrice.
Dès le début, le ton est donné. En quelques phrases bien denses, le
dramaturge campe le décor: après le renvoi de la reine Vasti et l’appel à
rassembler les plus belles jeunes filles du royaume, Esther est juive sélectionnée
et sera l’heureuse élue. Quel chemin parcouru ! Une petite orpheline juive,
adoptée par son oncle, va gravir les plus hautes marches de la société (non juive),
devenir reine, et après une courte hésitation, se muer en libératrice de tout son
peuple, un peu comme Judith qui va, hors les murs de la ville, occire le général
Holopherne qui assiège sa ville… On ne peut pas nier la ressemblance avec ce
livre de Judith ni, surtout avec la belle légende de Joseph en Egypte, telle que la
Genèse en relate l’histoire du chapitre 37 au chapitre 50…
Esther 2 7 : Et ce fut [Mardochée] qui éleva Hadassâh – elle, Esther – , fille de
son oncle, car elle n’avait ni père, ni mère. Et la jeune fille était splendide d’allure
et agréable d’apparence, et à la mort de son père et de sa mère, Mardochée l’avait
prise pour lui pour fille. 8 Et il arriva, quand fut entendue la parole du roi, et sa loi,
et que furent rassemblées des jeunes filles en grand nombre à Suse-la-citadelle
sous la main de Hégaï, Esther fut prise dans la maison du roi, sur la main de
Hégaï, le gardien des femmes. 9 Et la jeune fille fut agréable à ses yeux, et elle
obtint faveur devant lui ; et il se pressa de lui donner soins de beauté et portions,
ainsi que sept suivantes choisies de la maison du roi. Puis il la transféra, avec ses
suivantes, dans le meilleur appartement de la maison des femmes. 10 Esther
n’avait pas déclaré son peuple et sa parenté, car Mardochée lui avait donné ordre
de ne pas le déclarer. (Traduction de Philippe Abadie).
Voici le passage qui résume comment se noue le drame. Haman, l’orgueilleux
décide de faire payer à tout un peuple l’inconduite prétendue d’un seul individu à
son égard. On trouve déjà ici la notion de culpabilité collective : tous les juifs sont
pareils et Mardochée n’est que l’exemplaire individuel de ce qu’ils sont. Si lui
mérite la mort, eh bien tous les autres doivent payer le même prix. Cela me fait
penser à une image du grand spécialiste allemand de la Rome antique, Théodore
Mommsen, au sujet des juifs : Israël, écrivait-il en substance, n’est pas apparu
seul sur la scène de l’histoire mondiale. Il avait à ses côtés, un frère jumeaux…
l’antisémitisme !
Lisez attentivement les versets suivants :
Esther 3 8 Alors Haman dit au roi Ahašwerôš : "Il y a un peuple un, dispersé et
séparé parmi les peuples dans toutes les provinces de ton royaume ; et leurs lois
sont différentes de tout peuple, et les lois du roi, ils ne les observent pas. Mais
pour le roi, il n’est d’aucun profit de les laisser en repos. 9 S’il est bon au roi, qu’l
soit écrit de les anéantir (le’abdâm), et dix mille talents d’argent je pèserai aux
mains de ceux qui font l’ouvrage, pour les verser aux trésors du roi. 10 Alors le roi
ôta sa bague-sceau de sa main, et il la donna à Haman, fils de Hammedata, le
Agaguite, l’oppresseur des Juifs. 11 Puis le roi dit à Haman: L’argent t’es donné, et
le peuple, pour en faire ce qui est bon à tes yeux."
Pou fonder son acte d’accusation anti-juif, Haman argue de la dispersion et de
l’altérité de ses futures victimes : on a l’impression de lire le mécanisme de tout
antisémitisme ancien ou moderne. Les juifs sont chez nous, mais ils ne sont pas
comme nous, quel intérêt avons nous à les maintenir auprès de nous ? Il faut se