collection “A la découverte des religions”
NOTES - BIBLE (ANCIEN TESTAMENT)
LE LIVRE D'ESTHER: PRINCIPALES THÉMATIQUES
Un roman historique
Considéré par la grande majorité des spécialistes comme un roman historique, le livre d’Esther est l’un des écrits les plus tardifs
admis dans le canon de la bible hébraïque (il en existe également une version grecque). Si le cadre de l’empire perse semble
reconstitué avec finesse et pertinence, aucun personnage ne trouve écho dans l’histoire, hormis Assuérus, que l’on rapproche
généralement de Xerxès (qui a régné de -485 à -465), mais qui est présenté de manière caricaturale.
En fait le récit rend compte davantage des mœurs et des situations de l’époque de l’auteur, le IIesiècle avant notre ère. Il reflète les
inquiétudes fondées des juifs d’alors face à la politique du roi grec Antiochus IV Epiphane (-175 à -163) qui a voulu imposer une
hellénisation forcée de ses sujets et qui a été l’un des premiers souverains à déployer une politique “antisémite” (son entrée dans
le temple de Jérusalem en -168 est à l'origine de la révolte des Macchabées).
Le procédé du roman historique – qui consiste à mettre en scène des personnages fictifs dans un cadre historique – a l’avantage
de pouvoir ainsi traiter de problématiques d’une brûlante actualité sans exposer directement son auteur.
Dans ce but, le livre d’Esther opère un subtil mélange des genres. Il combine la description réaliste des intrigues et des
conséquences d’une politique cynique avec des scénarios que ne renierait pas la comedia dell’arte, usant de quiproquos et
rebondissements programmés. Ce cocktail littéraire aboutit ainsi à un petit roman – parfois jugé subversif – qui, au fil des siècles, a
constitué une source de réconfort et de motivation pour les juifs en situation d’exil et sous la menace d’extermination.
Deux types de personnages
Le livre d’Esther présente des personnages que l’on peut classer, pour simplifier, en deux catégories. Il y a, d’un côté, les bons
(Esther et Mardochée) et, de l’autre, les méchants (Aman et sa femme Zèresh), qui manipulent un roi présenté comme une
marionnette menée par son bon plaisir et les intrigues de palais.
Les représentants du pouvoir sont par ailleurs dépeints de manière caricaturale: Aman, qui est issu d’une lignée d’ennemis
d’Israël1(Esther 3,1), incarne le héros malfaisant, dont la seule ambition est le pouvoir et qui n’hésite pas à utiliser le génocide
pour arriver à ses fins; Zèresh, en coulisse, encourage son mari dans ses appétits de gloire; quant à Xerxès, il figure un souverain
hédoniste, qui laisse agir impunément des courtisans dénués de scrupules.
De son côté, Vasti, la reine déchue, peut être vue comme une rebelle pionnière de la condition féminine: elle n’accepte pas d’être
traitée comme un objet livré aux regards des mâles avinés et refuse de se plier au rôle de “soumise” que la société de l’époque lui
attribuait. Il est à noter que le récit biblique s’abstient de tout jugement (positif ou négatif) sur la conduite de Vasti.
Quant aux deux héros juifs, ils sont présentés avec davantage d’épaisseur humaine. Mardochée2apparaît comme un résistant,
l’idéal du juif qui refuse tout compromis pour garder intacte la foi de son peuple ainsi que les commandements et rites qui
l’incarnent, quoi qu’il puisse en coûter.
Le personnage d’Esther est plus complexe, ne serait-ce que du fait des deux noms qui lui sont donnés: le premier, Hadassa,
signifie en hébreu myrte (le myrte est une plante méditerranéenne aromatique et thérapeutique, utilisée notamment pour la
construction des cabanes de la fête juive de Soukkot). Le second, Esther, peut provenir soit du vieux perse ester (“étoile”, d'où le
nom de la déesse Astarté/Ishtar), soit d’une racine hébraïque signifiant “la cachée”. Cette étymologie traduit le double jeu d’Esther,
qui se plie au protocole et aux coutumes de la cour royale, mais qui conserve son identité juive et reste en relation avec ses
coreligionnaires. Ainsi, la tradition rabbinique a vu en Esther celle qui doit d’abord cacher son identité avant de se révéler et
d’intervenir pour sauver son peuple.
Jeux de stratégies
Dans le livre d’Esther, les protagonistes déploient des stratégies de résistance(s) diverses, parfois antagonistes, parfois
complémentaires.
Le récit commence par une opposition entre la tactique de Vasti et celle d’Esther face à l’omnipotence du roi. La première reine se
dresse sans compromission contre les exigences de son maître; elle en paie aussitôt le prix. Esther, de son côté, renonce à une
opposition frontale pour débuter en douceur: dans un premier temps, elle paraît soumise aussi bien à Mardochée, son tuteur et
parent, qu’au roi son époux. Par la suite, elle prend des risques en usant de charme et de ruse pour obtenir ce qu’elle veut du
souverain.
Cette divergence de stratégies se retrouve dans les conduites de Mardochée et d’Esther. Chacun à sa manière, ils incarnent ainsi
une voie possible pour résister à la tyrannie. Mardochée, c’est l'opposition claire et nette, le refus d’entrer en matière face au diktat,
en renonçant à se protéger. Sa désobéissance est extérieure au système et prône l’héroïsme, un héroïsme qui se fait souvent
reconnaître à titre posthume. Mais, heureusement pour Mardochée, son histoire finit en apothéose grâce à un autre type de
résistance, celui d’Esther.
Assumant sa condition de femme, d’orpheline et de juive exilée, celle-ci ne heurte pas de front ceux qui exercent le pouvoir. Elle
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