Enbiro - Méthodo 1 sur 1 http://www.enbiro-methodo.ch/ressource.php?id_res=467 collection “A la découverte des religions” NOTES - BIBLE (ANCIEN TESTAMENT) LE LIVRE D'ESTHER: ORIGINE, CADRE HISTORIQUE ET SIGNIFICATION D'où vient l'histoire d'Esther? L'histoire d'Esther est racontée dans la Bible. Elle forme un petit livre, appelé Meghilah d'Esther ou Rouleau d'Esther, qui appartient à la troisième section de la Bible hébraïque, les Ketoubim ou Hagiographes (Ecrits saints). 1 Le rouleau d'Esther fait partie des cinq rouleaux qui sont lus à la synagogue lors de certaines fêtes . Celui d'Esther est lu aux offices du soir et du matin de la fête de Pourim. 2 Selon le Talmud, le livre d'Esther est attribué à Mardochée ou aux membres de la Grande Assemblée , dont Mardochée aurait fait partie. Il est postérieur à 455 av. J.-C. Des spécialistes de la Bible en situent même la rédaction vers 150 av. J.-C. Un texte biblique, le deuxième livre des Maccabées (15,36) évoque le jour de Mardochée, ce qui signifierait que la fête de Pourim était connue vers 160 av. J.-C. Il existe des versions grecques du livre d'Esther, rédigées en 114 av. J.-C. Plus longues que le texte hébreu, elles incluent de nombreux passages supplémentaires, notamment un songe de Mardochée et des prières d'Esther et de Mardochée. Ces textes ne figurent que dans les bibles chrétiennes. La Perse sous Xerxès 1er Le livre d'Esther n'est pas historique. Si Assuérus est bien Xerxès Ier , par contre ni Esther ni Vasti ne peuvent être identifiées à Amestris, épouse de Xerxès. Mais le texte reflète une connaissance réelle du milieu de la cour de Perse, où se déroule l'histoire. […] A cette époque, l'Empire perse s'étendait de l'Inde à l'Egypte; il était divisé en une vingtaine de provinces ou satrapies, et Suse était une de ses capitales. En 539 av. J.-C., Cyrus II le Grand avait pris Babylone3 et rendu aux différents peuples soumis leur liberté religieuse; l'année suivante, il avait autorisé les juifs, alors en exil depuis cinquante ans, à retourner en Judée, et il leur avait restitué les vases d'or et d'argent du Temple de Jérusalem. La religion officielle de l'Empire était le mazdéisme, mais chaque peuple conservait ses dieux nationaux. Vers le VIe siècle avant J.-C., Zarathoustra (Zoroastre) réforme l'ancienne religion en donnant la place primordiale au dieu Ahura Mazda (ou Seigneur Sage), qui est le grand dieu, la Lumière céleste, le Créateur de l'univers. La signification du livre d'Esther Au cours des siècles, la Meghilah d'Esther a été abondamment commentée pour faire ressortir l'actualité permanente du texte et mettre l'accent sur le rôle d'hommes et de femmes qui, à chaque génération, assument et portent le destin de leur peuple. Ce texte révèle le rôle essentiel de l'exil dans l'identité d'Israël. Il évoque la situation d'une population minoritaire, partagée entre l'ouverture et l'assimilation aux mœurs d'une population différente, et la fidélité à sa propre identité dans un repli protecteur. En ce sens, sa portée est universelle et actuelle. A partir des persécutions réelles subies par les juifs vers 170 av. J.-C., s'est élaboré le roman historique d'Esther, c'est-à-dire un récit fictif qui vise à donner un enseignement moral et religieux dépassant l'histoire. La non-historicité de ce livre permet de mieux situer les derniers versets, qui furent souvent l'objet de critiques acerbes parce qu'ils rapportent les actes violents que les juifs auraient perpétrés contre les Perses. Comme on le voit dans d'autres textes de la Bible, il ne faut pas prendre ces passages à la lettre ni croire qu'ils incitent à employer de tels procédés. C'est l'histoire d'une délivrance et non celle d'une vengeance. Le but de cette histoire est de mettre en évidence le mystère de Dieu qui guide l'homme même à travers une histoire d'où Il est apparemment absent et d'inciter à la vigilance envers toute forme de tyrannie. ________________________ NOTES 1 Les cinq rouleaux lus à la synagogue sont: Le Cantique des Cantiques, Ruth, l'Ecclésiaste, les Lamentations, et Esther. 2 La Grande assemblée (ou Grande Synagogue) fut instituée au retour de l'exil à Babylone, vers 500 av. J.-C. Le rôle de ses 120 membres était de conserver et de transmettre la Torah (la Loi de Moïse). Elle sera remplacée, au IIIe s. av. J.-C., par le Grand Sanhédrin. 3 En 587 av. J.-C., les juifs furent déportés en Babylonie. Si le texte d'Esther a été rédigé au IIe s. av. J.-C., l'Empire perse incluait alors la Babylonie et les deux régions ont été assimilées. Colette Kessler, La reine qui ne craignait que Dieu, Les Contes du Ciel et de la Terre © Gallimard Jeunesse © Editions Enb iro, Lausanne (Suisse) 2012 Toute reproduction sous quelque forme que ce soit, mécanique ou électronique, n’est autorisée qu’avec un accord préalab le écrit. 05.10.2012 14:11 Enbiro - Méthodo 1 sur 2 http://www.enbiro-methodo.ch/ressource.php?id_res=473 collection “A la découverte des religions” NOTES - BIBLE (ANCIEN TESTAMENT) LE LIVRE D'ESTHER: PRINCIPALES THÉMATIQUES Un roman historique Considéré par la grande majorité des spécialistes comme un roman historique, le livre d’Esther est l’un des écrits les plus tardifs admis dans le canon de la bible hébraïque (il en existe également une version grecque). Si le cadre de l’empire perse semble reconstitué avec finesse et pertinence, aucun personnage ne trouve écho dans l’histoire, hormis Assuérus, que l’on rapproche généralement de Xerxès (qui a régné de -485 à -465), mais qui est présenté de manière caricaturale. En fait le récit rend compte davantage des mœurs et des situations de l’époque de l’auteur, le IIe siècle avant notre ère. Il reflète les inquiétudes fondées des juifs d’alors face à la politique du roi grec Antiochus IV Epiphane (-175 à -163) qui a voulu imposer une hellénisation forcée de ses sujets et qui a été l’un des premiers souverains à déployer une politique “antisémite” (son entrée dans le temple de Jérusalem en -168 est à l'origine de la révolte des Macchabées). Le procédé du roman historique – qui consiste à mettre en scène des personnages fictifs dans un cadre historique – a l’avantage de pouvoir ainsi traiter de problématiques d’une brûlante actualité sans exposer directement son auteur. Dans ce but, le livre d’Esther opère un subtil mélange des genres. Il combine la description réaliste des intrigues et des conséquences d’une politique cynique avec des scénarios que ne renierait pas la comedia dell’arte, usant de quiproquos et rebondissements programmés. Ce cocktail littéraire aboutit ainsi à un petit roman – parfois jugé subversif – qui, au fil des siècles, a constitué une source de réconfort et de motivation pour les juifs en situation d’exil et sous la menace d’extermination. Deux types de personnages Le livre d’Esther présente des personnages que l’on peut classer, pour simplifier, en deux catégories. Il y a, d’un côté, les bons (Esther et Mardochée) et, de l’autre, les méchants (Aman et sa femme Zèresh), qui manipulent un roi présenté comme une marionnette menée par son bon plaisir et les intrigues de palais. Les représentants du pouvoir sont par ailleurs dépeints de manière caricaturale: Aman, qui est issu d’une lignée d’ennemis d’Israël1 (Esther 3,1), incarne le héros malfaisant, dont la seule ambition est le pouvoir et qui n’hésite pas à utiliser le génocide pour arriver à ses fins; Zèresh, en coulisse, encourage son mari dans ses appétits de gloire; quant à Xerxès, il figure un souverain hédoniste, qui laisse agir impunément des courtisans dénués de scrupules. De son côté, Vasti, la reine déchue, peut être vue comme une rebelle pionnière de la condition féminine: elle n’accepte pas d’être traitée comme un objet livré aux regards des mâles avinés et refuse de se plier au rôle de “soumise” que la société de l’époque lui attribuait. Il est à noter que le récit biblique s’abstient de tout jugement (positif ou négatif) sur la conduite de Vasti. Quant aux deux héros juifs, ils sont présentés avec davantage d’épaisseur humaine. Mardochée2 apparaît comme un résistant, l’idéal du juif qui refuse tout compromis pour garder intacte la foi de son peuple ainsi que les commandements et rites qui l’incarnent, quoi qu’il puisse en coûter. Le personnage d’Esther est plus complexe, ne serait-ce que du fait des deux noms qui lui sont donnés: le premier, Hadassa, signifie en hébreu myrte (le myrte est une plante méditerranéenne aromatique et thérapeutique, utilisée notamment pour la construction des cabanes de la fête juive de Soukkot). Le second, Esther, peut provenir soit du vieux perse ester (“étoile”, d'où le nom de la déesse Astarté/Ishtar), soit d’une racine hébraïque signifiant “la cachée”. Cette étymologie traduit le double jeu d’Esther, qui se plie au protocole et aux coutumes de la cour royale, mais qui conserve son identité juive et reste en relation avec ses coreligionnaires. Ainsi, la tradition rabbinique a vu en Esther celle qui doit d’abord cacher son identité avant de se révéler et d’intervenir pour sauver son peuple. Jeux de stratégies Dans le livre d’Esther, les protagonistes déploient des stratégies de résistance(s) diverses, parfois antagonistes, parfois complémentaires. Le récit commence par une opposition entre la tactique de Vasti et celle d’Esther face à l’omnipotence du roi. La première reine se dresse sans compromission contre les exigences de son maître; elle en paie aussitôt le prix. Esther, de son côté, renonce à une opposition frontale pour débuter en douceur: dans un premier temps, elle paraît soumise aussi bien à Mardochée, son tuteur et parent, qu’au roi son époux. Par la suite, elle prend des risques en usant de charme et de ruse pour obtenir ce qu’elle veut du souverain. Cette divergence de stratégies se retrouve dans les conduites de Mardochée et d’Esther. Chacun à sa manière, ils incarnent ainsi une voie possible pour résister à la tyrannie. Mardochée, c’est l'opposition claire et nette, le refus d’entrer en matière face au diktat, en renonçant à se protéger. Sa désobéissance est extérieure au système et prône l’héroïsme, un héroïsme qui se fait souvent reconnaître à titre posthume. Mais, heureusement pour Mardochée, son histoire finit en apothéose grâce à un autre type de résistance, celui d’Esther. Assumant sa condition de femme, d’orpheline et de juive exilée, celle-ci ne heurte pas de front ceux qui exercent le pouvoir. Elle 05.10.2012 14:12 Enbiro - Méthodo 2 sur 2 http://www.enbiro-methodo.ch/ressource.php?id_res=473 agit discrètement en utilisant les procédures mêmes de la société perse pour servir la cause de son peuple. Tout en étant soumise à l’autorité de son tuteur et du roi, elle prend des initiatives. «Sa capacité de s’adapter sans jamais renier l’une et l’autre faces de son identité lui a permis de développer toute une stratégie de liberté.» (Christianne MÉROZ, Esther en exil, pour une spiritualité de la différence, Aubonne: Editions du Moulin, 1995, p. 46). Sa désobéissance de l’intérieur du système offre un complément décisif à la stratégie de Mardochée. Face aux persécutions En présentant les stratégies d’Esther et de Mardochée en complémentarité et non en opposition, le livre d’Esther offre une réflexion qui a inspiré le peuple juif à travers une longue histoire de persécutions. Mais la portée du récit peut être étendue à toutes les situations où il s’agit de survivre dans un monde hostile. Au-delà des méthodes qui peuvent diverger, la résistance n’est possible que si les objectifs poursuivis sont clairement identifiés et les risques à assumer précisément évalués. Festins et banquets Le livre d’Esther est construit autour de nombreux banquets: aux premiers festins où se précipite la disgrâce de Vasti répondent les deux derniers organisés par Esther. Celle-ci s’en sert pour confondre le méchant Aman et pour obtenir le salut de son peuple. Tandis que les premiers banquets se déroulent dans un contexte païen, les deux banquets d’Esther sont précédés par un temps de jeûne de la part des juifs. Ainsi, sans référence explicite à Dieu3 , le livre d’Esther insiste sur la différence entre des banquets dont l’ivresse est la seule finalité et des repas qui donnent du sens à l’histoire. Selon une interprétation juive d’ailleurs, les premières lettres de la formule par laquelle Esther invite Aman contiennent le nom de Dieu, YHWH; entre les lignes, on peut comprendre qu’il «ne s’agit pas seulement de repas entre amis, mais de rencontres où Dieu est invité à prendre sa place dans le déroulement de l’histoire». (Christianne MÉROZ, op. cit., p. 34) Exils Le livre est marqué par la situation minoritaire du peuple juif dans l’immense empire perse. Esther est «plus que seule au monde» selon l’expression de Marie Laurencin. Non seulement elle vit la condition des minorités, mais elle est coupée de son peuple et de sa famille pour se retrouver dans la solitude de celles et ceux qui côtoient le pouvoir. Dans un tel contexte, il s’agit de s’intégrer sans se perdre. C’est pourquoi Mardochée tient fermement à respecter les préceptes de la Torah (refus de se prosterner devant Aman) et ne se cache pas pour pratiquer les rites propres à sa religion (les gestes du deuil, voir Esther 4,1). De même, Esther tient intimement à son identité, qu’elle ne dévoilera qu’au moment opportun. Ainsi, depuis des générations, le livre d’Esther montre aux juifs qu’il est possible de rester fidèle à la Torah, même sans (le) Temple de Jérusalem et loin de la Terre Sainte. Libération et vengeance La lecture du livre d’Esther laisse en finale un goût amer. La délivrance des juifs est suivie de l’anéantissement de leurs ennemis. Même si l’on a fait remarquer qu’il ne s’agissait pas d’un génocide, il n’empêche que cette réponse de la violence par la violence ne trouve pas d’explication satisfaisante. Quand bien même elle dérange, la question de la vengeance ne saurait être éludée: elle est plus que jamais d’actualité, tant dans l’histoire du monde que dans la cour de récréation. Le livre d’Esther doit cependant être remis dans son contexte, celui d’un peuple persécuté et opprimé. Le récit raconte donc une résistance. Dans ces conditions, le désir de vengeance est compréhensible. Mais entre le désir et le passage à l’acte, il y a une limite, marquée par l’interdit du meurtre. Cette limite est franchie à la fin du récit. Dans la mesure où le livre d’Esther est une fiction historique, sa conclusion est l’expression d’un cri d’appel à une justice qui «jette les puissants à bas de leurs trônes», pour reprendre une formule du Magnificat (Luc 2,52). Mais si l’on prend à la lettre la terrible vengeance des juifs exilés en Perse, la fin du récit est alors matière à scandale, comme l’écrit Elie Wiesel dans Paroles d’étranger (1982): «Tuer, même si c’est pour une cause supérieure, diminue l’homme… Aux yeux de la tradition juive, la guerre n’est jamais salutaire.» Dans un autre registre, Armand Abécassis nous rappelle que Pourim est contenu dans Kippourim (Yom Kippour), la fête de Grand Pardon, qui invite à surpasser le mal et à transcender la violence. ________________________ NOTES 1 Il s'agit des Amalécites dont parlent le Pentateuque et les livres de Samuel. 2 Le nom de Mardochée rappelle “Marduk”, dieu principal des Babyloniens. 3 La version grecque de l'histoire, en revanche, fait référence à Dieu et contient plusieurs prières. Collectif Enbiro © Editions Enb iro, Lausanne (Suisse) 2012 Toute reproduction sous quelque forme que ce soit, mécanique ou électronique, n’est autorisée qu’avec un accord préalab le écrit. 05.10.2012 14:12 Enbiro - Méthodo 1 sur 2 http://www.enbiro-methodo.ch/ressource.php?id_res=470 collection “A la découverte des religions” NOTES - HISTOIRE ET SOCIÉTÉ L'ANTISÉMITISME À TRAVERS LES SIÈCLES: QUELQUES REPÈRES Grecs et Romains s'en prennent au judaïsme Au IIe siècle av. J.-C., sous le règne d'Antiochus IV Epiphane, les Grecs qui occupent la Judée – conquise par Alexandre le Grand – pratiquent à outrance l'hellénisation. En imposant la civilisation grecque, ils tentent de faire disparaître la culture et les croyances locales. Ils profanent et pillent le Temple de Jérusalem, interdisent la pratique du sabbat et celle de la circoncision. Les Juifs doivent abandonner leur religion. Cela suscite une révolte menée par Mattathias l'Asmonéen, puis par son fils Judas, et racontée dans les deux Livres des Maccabées. Vers 63 av. J.-C., la Judée devient une province de l'Empire romain. En 70, Titus assiège Jérusalem, détruit le Temple, érige à sa place un temple païen et réduit la ville en cendres. L'antisémitisme chrétien Dès les premiers siècles du christianisme se fait jour un antisémitisme chrétien qui au cours des âges prend diverses formes. Aux accusations de juifs incrédules (qui n'ont pas cru que Jésus était le Messie) succède celle de peuple déicide1 (responsable de la mort du Christ), qui engendrera des horreurs et ne sera véritablement dénoncée que dans la seconde moitié du XXe siècle, notamment lors du concile Vatican II (1962-65)2 . C'est vers le IVe siècle que naît toute une violence verbale. Vers le XIe siècle, dans les cités devenues politiquement chrétiennes, apparaissent les accusations et calomnies infamantes, où les juifs sont dénoncés comme profanateurs d'hosties, empoisonneurs de puits, auteurs de meurtres rituels. Des marques discriminatoires leur sont imposées comme le port du chapeau et de la rouelle. Des quartiers leur sont réservés, d'où ils ne peuvent sortir qu'à certains moments, les ghettos. Tout cela s'accompagne de violences populaires, d'expulsions locales, de confiscations de biens qui enrichissent les seigneurs. La violence se déchaîne avec les croisades Les croisés, qui se rendent en Terre sainte pour délivrer les lieux où vécut le Christ des mains des Sarrasins, mettent à sac et détruisent des communautés juives entières qui se trouvent sur leur route. En 1394, Charles VI décrète l'expulsion des juifs de France. Elle sera effective jusqu'à la Révolution. En Espagne, les juifs, qui vécurent un âge d'or pendant la domination musulmane, voient leur situation s'aggraver lors de la reconquête chrétienne. Ils sont baptisés et convertis de force, ce qui aboutit, au XIIIe siècle, à l'Inquisition. En 1492, le décret du roi Ferdinand et d'Isabelle la Catholique les oblige à se convertir ou à quitter le pays dépouillé de tous leurs biens. Certains adoptent apparemment la foi chrétienne, mais restent secrètement fidèles à celle de leurs pères, pratiquant des rites en cachette: ce sont les marannes. La plupart se dispersent et vont se joindre à des communautés du Sud de la France, d'Afrique du Nord, Italie, Sicile, Hollande, Turquie: ce sont les Séfarades (qui signifie Espagne, en hébreu). Luther et Calvin ne ménagent pas non plus les juifs dans leurs écrits. L'antisémitisme raciste Au XVIIe siècle, c'est en Europe orientale – en Lituanie – que la situation des juifs est la plus terrible. Entre la Pologne et la Russie rivales, des communautés entières sont exterminées. Dans la Russie tsariste, les juifs sont aussi persécutés, astreints à des zones de résidence et soumis à une législation restrictive. Cette politique aboutit aux pogroms de la fin du XIXe siècle, dont les plus meurtriers sont ceux de Kiev (1881), de Kichinev et d'Odessa (1903). C'est alors que commence l'émigration vers les Etats-Unis et que mûrit l'espoir du retour en Terre promise, la Palestine. Dans les pays musulmans, les juifs eurent aussi à subir bon nombre d'humiliations et de persécutions3 . Enfin l'antisémitisme raciste aboutit à la vague d'horreurs sans précédent qui traverse l'Allemagne nazie à partir de 1933 et engloutit six millions de juifs4 . ____________________ NOTES 1 Une tradition chrétienne a répandu le mythe du juif condamné à errer éternellement pour expier son crime d'avoir crucifié le Christ. 2 A cette occasion, l'Eglise catholique a reconnnu dans le peuple juif «ce peuple qui reçut les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair, peuple très aimé du point de vue de l'élection, à cause des pères, car Dieu ne regrette rien de ses dons ni de son appel» (constitution Lumen Gentium, n. 16). 05.10.2012 14:13 Enbiro - Méthodo 2 sur 2 http://www.enbiro-methodo.ch/ressource.php?id_res=470 3 En France, l'antisémitisme racial apparaît au XIXe siècle et colporte le thème du juif âpre au gain, voleur, intrigant. C'est dans cette atmosphère qu'éclata l'affaire Dreyfus où, parce qu'il était juif, la loyauté du capitaine Dreyfus fut suspectée dans une affaire d'espionnage dont il était innocent. 4 Pour désigner l'extermination systématique des juifs menée par les nazis, on utilise le mot hébreu shoah qui signifie ruine, désolation, catastrophe. Le terme holocauste, parfois employé, désigne plutôt un sacrifice offert librement à Dieu. Colette Kessler, La reine qui ne craignait que Dieu, Les Contes du Ciel et de la Terre © Gallimard Jeunesse © Editions Enb iro, Lausanne (Suisse) 2012 Toute reproduction sous quelque forme que ce soit, mécanique ou électronique, n’est autorisée qu’avec un accord préalab le écrit. 05.10.2012 14:13 Enbiro - Méthodo 1 sur 1 http://www.enbiro-methodo.ch/ressource.php?id_res=471 collection “A la découverte des religions” NOTES - JUDAÏSME LA FÊTE DE POURIM Pourim, une des petites fêtes de l'année juive1 , a lieu le 14 du mois de Adar (du second Adar, pour les années qui comptent un treizième mois). Elle est précédée d'un jour de jeûne, qui rappelle le jeûne ordonné par Esther. Pourim est une fête très populaire, caractérisée par une explosion de joie dans les synagogues, les foyers et même dans les rues, comme c'était le cas dans les villages juifs de Pologne ou d'Afrique du Nord, comme cela se vit aujourd'hui en Israël, où a lieu un véritable carnaval. Quelques obligations à respecter Comme pour les autres petites fêtes, on peut travailler le jour de Pourim, sauf le soir et le matin, où tout le monde doit se rendre à la synagogue pour écouter attentivement la lecture ou plus exactement la cantillation (lecture psalmodiée) de la Meghilah d'Esther. C'est un devoir pour tous de l'entendre. Quelques bruits de crécelles agitées par les enfants peuvent être perçus, car ils ont pour but de couvrir l'audition du nom du méchant Aman. Les autres obligations (ou mitsvot2 ) de Pourim sont de se faire des présents les uns aux autres et d'offrir des dons aux pauvres. La tradition dit que réjouir ainsi le cœur des pauvres, des veuves et des orphelins, c'est comme leur apporter un reflet de la lumière divine. Enfin, un festin joyeux est prescrit, où l'on boit plus que de raison «jusqu'à confondre maudit Aman et béni Mardochée». Même dans les assemblées très sérieuses, il est permis de se déguiser et de se moquer des gens les plus respectables. La bénédiction faite sur une coupe de vin (kiddoush3 ) est composée d'une enfilade humoristique de versets bibliques. Pourquoi cette gaieté débridée? Ce qui est célébré ici c'est le retournement du sort, c'est la reprise du souffle de vie après avoir frôlé la mort. Ce qui est en jeu est tellement grave et fut aussi tellement courant dans l'histoire d'Israël, qu'une fois par an le peuple juif fait éclater sa joie pour défier les décrets de mort et exprimer son espérance dans la victoire finale du bien contre tous les Amalek. Le miracle caché Où est le miracle dans une histoire où le nom de Dieu ne figure pas? Quand les juifs de Suse se sont vus menacés dans leur vie par Aman, ils ne se sont pas révoltés, ils n'ont pas cherché à organiser une résistance armée, mais, sur le conseil d'Esther, ils ont prié, jeûné, ils se sont unis pour affirmer, face au persécuteur, qu'ils choisissaient, en dépit de tout, de retrouver leur identité de peuple de la Torah. C'est ce que les juifs appellent le miracle caché4 de Pourim. Au cours de siècles La fête de Pourim a toujours eu pour rôle, particulièrement aux époques de persécutions, de revivifier cette confiance en Dieu dont firent preuve Esther et son peuple. De nombreux Pourims spéciaux, comme ceux d'Ancône, d'Avignon, de Bagdad, de Fez, de Casablanca…, furent institués par des communautés pour commémorer des interventions exceptionnelles qui leur avaient permis d'échapper aux menaces qui pesaient sur elles5 . _________________ NOTES 1 Le nom étranger de pourim (du persan pour) a fait dire que c'était la reprise juive d'une fête païenne. On a pensé à la fête babylonienne du Nouvel An, où le dieu Mardouk est vainqueur du chaos, ou au carnaval perse… […] 2 Mitsva signifie commandement. Les mitsvot sont contenues dans la Torah et développées dans le Talmud. Elles concernent les relations de l'homme à Dieu et à autrui. Accomplir une mitsva est synonyme de faire une bonne action. 3 Le kiddoush est la proclamation de la sainteté du sabbat et des fêtes par une bénédiction sur une coupe de vin. 4 Le miracle caché de Pourim fait pendant au miracle proclamé de Pessah (Pâque), qui commémore la sortie d'Egypte du peuple hébreu et son passage de la mer Rouge. 5 Dans les communautés juives des Etats-Unis, la fête de Pourim est l'occasion de joyeux défilés costumés dans les rues. Colette Kessler, La reine qui ne craignait que Dieu, Les Contes du Ciel et de la Terre © Gallimard Jeunesse © Editions Enb iro, Lausanne (Suisse) 2012 Toute reproduction sous quelque forme que ce soit, mécanique ou électronique, n’est autorisée qu’avec un accord préalab le écrit. 05.10.2012 14:14