Le graphène : la relativité rencontre la mécanique quantique dans

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Le graphène : la relativité rencontre la mécanique
quantique dans un trait de crayon
Mark O. Goerbig
ENS, Cachan, 23/11/2010
Prix Nobel de Physique 2010 : Graphène
Kostya Novoselov
Andre Geim
"for groundbreaking experiments regarding the two-dimensional
material graphene"
Qu’est-ce que le graphène ?
graphène =
cristal de carbone 2D
(nid d’abeille)
Hybridation sp 2
2s
2px
2py
2pz
sp
120o
sp
sp
2p z
Le graphène et sa famille (allotropique)
2D
3D
1D
0D
Du graphite au graphène
liaisons covalentes (fortes)
dans les plans
liaisons de van der Waals
(faibles) entre les plans
Petite histoire des matériaux graphitiques
• 1565 (?) : Découverte d’une mine de graphite, Barrowdale
(Angleterre)
• ∼1750-80 : Découverte que le graphite est composé de
carbone (Scheele); première fabrication de crayons
• 1789 : Première occurrence du nom “graphite” (Werner)
• 1985 : Synthèse de fullerènes 0D (Curl, Kroto, Smalley; prix
Nobel 1996)
• 1991 : Nanotubes de carbones 1D en physique (Iijima)
• 2004 : Isolation du graphène 2D (Geim; de Heer)
• 2005 : Découverte des propriétés relativistes des électrons
dans le graphène (Geim; Kim)
• 2009 : Fabrication du graphène à grande échelle (CVD)
Petite parenthèse
Un carbone bling−bling : le diamant
cristal 3D
hybridation sp 3
Comment faire du graphène : recette de cuisine (1)
mettre une pastille de graphite sur du scotch
Comment faire du graphène : recette de cuisine (2)
: replier le scotch sur la pastille et le défaire :
~10
Comment faire du graphène : recette de cuisine (3)
coller le scotch (sale) sur un substrat (SiO2 )
Comment faire du graphène : recette de cuisine (4)
enlever doucement le scotch du substrat
Comment faire du graphène : recette de cuisine (5)
marques pour
se répérer
graphène ?
graphite épais
graphite moins
épais
mettre le substrat sous en microscope optique
Comment faire du graphène : recette de cuisine (6)
agrandir la région où il peut y avoir du graphène
Mesure électronique du graphène
SiO 2
Si dopé
Vg
Novoselov et al., Science 306,
p. 666 (2004)
Pourquoi les chercheurs s’intéressent-ils au graphène ?
électrons du graphène = neutrinos 2D chargés
• lien entre la matière condensée et la physique des hautes
énergies
(“électrodynamique quantique dans un trait de crayon ?”)
⇒ analyser certains aspects de la mécanique quantique
relativiste
• comment adapter la théorie des métaux (2D)
(→ équation de Schrödinger) au graphène
(→ équation de Dirac) ?
Mécanique quantique non relativiste
Système physique décrit par un hamiltonien :
p2
+ V (r)
E = H(r, p) =
2m
Mécanique quantique :
• principe d’incertitude de Heisenberg (1927)
∆x∆p ∼ ~
→ grandeurs physiques décrites par des
opérateurs (agissant sur des états ψ) :
[x, p] = i~
1926 : équation de Schrödinger (E → i~∂/∂t et p → −i~∇) :
2 2
∂
~∇
i~ ψ(r, t) = H(r, −i~∇)ψ(r, t) = −
+ V (r) ψ(r, t)
∂t
2m
Mécanique quantique relativiste (1er essai)
Relativité : l’énergie (d’une particule de masse
m) dépend du référentiel (1905)
E 2 = m2 c4 + p2 c2
→ essayons la “recette” de la méca Q :
E → i~∂/∂t et p → −i~∇
⇒ Equation de Klein et Gordon (1927) :
2
2 4
∂
2
2 2 2
−~ 2 ψ(r, t) = m c − ~ c ∇ ψ(r, t)
∂t
Problème : équation de 2ème ordre en ∂/∂t, i.e. il faut aussi
connaître ψ̇(r, t = 0) (en plus de ψ(r, t = 0)) pour décrire un état
du système
Mécanique quantique relativiste (2ème essai)
La racine : E =
p
m2 c4 + p2 c2
E = HD (p → −i~∇) = βmc2 + α · pc
Prix à payer : β et α ne commutent pas
⇒ représentation matricielle, fonctions d’onde
sont des spineurs
Solutions d’énergie négative : anti-particules (1930)
énergie
Problème (pour la recette) : équation hautement
non linéaire
1928 : équation de Dirac (“truc de la racine farfelue”)
particules
anti−
particules
énergie de
masse
impulsion
Qu’est-ce que ça a à faire avec le graphène ?
• Les équations de Schrödinger (avec V (r) = 0) et de Dirac
déctivent essentiellement des particules libres
• Les hamiltoniens cinétiques
p2
H0 =
2m
et
HD = βmc2 + α · pc
respectent la symétrie de translation, c’est-à-dire
[p, H0/D ] = 0
• Les électrons dans un cristal voient un potentiel périodique
V (r) qui brise l’invariance par translation, c’est-à-dire
[p, H] 6= 0
Les électrons dans un cristal et le théorème de Bloch
• translations discrètes T = exp(ip̂ · Rj )
représentent une symétrie dans un réseau
de Bravais (décrit par les vecteurs de
réseau Rj )
• l’opérateur p̂ (générateur des
translations discretes) joue le rôle
d’une impulsion (quasi-impulsion
ou impulsion de réseau)
Rj
Les électrons dans un cristal et le théorème de Bloch
• translations discrètes T = exp(ip̂ · Rj )
représentent une symétrie dans un réseau
de Bravais (décrit par les vecteurs de
réseau Rj )
• les valeurs propres de p̂ sont de
bons nombres quantiques :
bandes d’énergie ǫl (p)
• fonctions de Bloch :
ψ(r) =
X
p
eip·r/~up (r)
Réseaux de Bravais et réseaux quelconques
M. C. Escher (décomposé)
réseau quelconque
=
réseau de Bravais
+
motif (à N “atomes”)
réseau triangulaire + motif compliqué
Problème : le théorème de Bloch ne s’applique qu’aux réseaux
de Bravais
Le théorème de Bloch pour un réseau non Bravais
fonction d’onde sur un réseau (motif à
deux atomes) :
ψp (r) = ap ψpA (r) + bp ψpB (r)
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τ2
maille
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0000000000000000
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0000000000000000
1111111111111111
élémentaire
0000000000000000
1111111111111111
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τ1
0000000000000000
1111111111111111
e
0000000000000000
1111111111111111
0000000000000000 1
1111111111111111
e2
motif
e3 (2 atomes)
A/B
ψp (r)
: fonction de Bloch pour composante du sous-réseau A/B
: sous−réseau A
Equation de Schrödinger : Hψp = Ep ψp
ap
ap
∗ ∗
∗ ∗
= Ep ap , bp Sp
ap , bp Hp
bp
bp
Hp : matrice hamiltonienne 2 × 2
Sp : matrice de recouvrement 2 × 2
: sous−réseau B
Structure de bande du graphène Wallace 1947
• modèle de “liaisons fortes” pour
les électrons pz (variation du
théorème de Bloch)
B
e2
B
A
e1
• seulement couplage entre plus
e3
proches voisins (énergie
t ∼ 3 eV)
B
matrice hamiltonienne :
∗
0 γp
Hp = t
γp 0
γp =
X
j
exp(−ip · ej /~)
Fermions de Dirac
• graphène non dopé : 1 électron
par orbitale pz
• 2 états quantiques par orbitale
• 1 fermion par état quantique
⇒ structure de bande demi-remplie
• développement limité (basse énergie) autour des points de
contact p = K± + q :
0
qx − iqy
Hq = vF
= vF α · q
qx + iqy
0
avec α = (σx , σy ) (matrices de Pauli)
et vF = c/300 (vitesse de Fermi ∼ vitesse de la lumière)
⇒ hamiltonian de Dirac (2D) pour des particules sans masse
Structures de bande et propriétés de conduction
énergie
énergie
niveau
de Fermi
métal (2D)
densité
impulsion
métal d’électrons
niveau
de Fermi
d’états
métal de trous
niveau
isolant (2D)
gap
de Fermi
I
II
niveau
semi−métal (2D)
de Fermi
graphène (non dopé)
niveau
de Fermi
I
II
Conductivité du graphène
SiO 2
Si dopé
Vg
Novoselov et al., Science 306,
p. 666 (2004)
~ n el ~ E F
origine de la conductivité minimale ? nature des diffuseurs ?
→ thème de recherche actuelle
Effet tunnel de Klein
Effet tunnel de Klein
pas d’état dans barrière
état dans la barrière disponible
Le graphène est un très bon conducteur
M. Fuhrer et coll., Nature Nanotechnology 2008
Le graphène est une membrane très solide (1)
J. Hohn et coll., Science 2008
Le graphène est une membrane très solide (2)
J. Hohn et coll., Science 2008
Une électronique à base de graphène ?
Le graphène est ...
• un très bon conducteur ;
• la membrane la plus mince (épaisseur d’un atome) ;
• une membrane très flexible ;
• une membrane extrêmement stable.
Graphene transistor (Manchester group, 2007)
électronique
graphène :
à
base
de
• le plus petit transistor du
monde (groupe de Geim,
2007)
Fabrication de graphène à grande échelle
dépot chimique en phase vapeur
(CVD) :
• exposer une surface
métallique (Cu ou Ni, sert
de catalyseur) à une vapeur
de carbone
• fixer la couche de graphène
qui se forme sur la surface
avec un polymère (PMMA)
• enlever chimiquement le
catalyseur (dans un acide)
• récuperer le graphène collé
sur le film de polymère
Conclusions
• Aspects fondamentaux du graphène :
–
–
–
théorie des métaux en utilisant une équation de Dirac
(relativiste)
vérifier certains aspects de la mécanique quantique
relativiste (physique des hautes énergies) dans un
système de matière condensée (physique des basses
températures)
interactions électroniques dans le graphène ? (→ thème
de recherche actuelle)
• Applications du graphène :
–
–
électronique à base de graphène (en complément de
celle à base de silicium)
électrodes flexibles, stables, et (presque) transparentes
(→ écrans tactiles ?)
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