Gouvernance et responsabilité sociale, qu`est-ce

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Gouvernance et responsabilité
sociale, qu'est-ce que ça
change?
Claude Francoeur
Professeur titulaire
Département de sciences comptables
24 mars 2016
Les cahiers des leçons inaugurales
Claude Francoeur
Titulaire d’un MBA (1988) et d’un Ph. D. en administration
de l’Université du Québec à Montréal (2003) et membre de
l’Ordre des CPA du Québec (1980) Claude Francoeur est
professeur titulaire et titulaire de la Chaire de gouvernance
Stephen A. Jarislowsky. Ses recherches portent
principalement sur la gouvernance des entreprises.
Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural,
appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon,
les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.
COPYRIGHT, ©, mars 2016, Claude Francoeur
GOUVERNANCE ET RESPONSABILITÉ SOCIALE,
QU’EST-CE QUE ÇA CHANGE?
TABLE DES MATIÈRES
Introduction ..................................................................................................... 5
Gouvernance et diversité des conseils d'administration.............................. 7
L’impact de la diversité sur la performance financière ....................................... 7
Le phénomène des alertes aux résultats .............................................................. 8
Comment améliorer la qualité de l’information financière? ............................. 10
Nomination des femmes dans les CA et biais culturel ...................................... 11
Réglementer ou ne pas réglementer .................................................................. 12
Responsabilité sociale et environnementale................................................ 14
Les investissements sociaux sont-ils profitables? ............................................. 14
Gestion stratégique des activités sociales ou pas? ............................................ 15
Les entreprises familiales sont-elles plus socialement responsables? ............... 16
Les chefs d’entreprises écoresponsables sont-ils moins gourmands? ............... 17
Conclusion ..................................................................................................... 19
Que se passe-t-il derrière les portes closes? ...................................................... 19
Faut-il surveiller les conseils d'administration? ................................................ 19
Les médias sociaux comme mécanisme externe de gouvernance ..................... 20
Remerciements .................................................................................................. 20
Bibliographie ................................................................................................. 22
Introduction
Comme le titre de ma leçon l’indique, je partagerai avec vous les résultats de mes
principales recherches sur des questions liées à la gouvernance et à la responsabilité sociale
des entreprises.
Je vous parlerai d’une douzaine d’études auxquelles j’ai participé. Compte tenu du
temps alloué, je m’en tiendrai à l’essentiel.
La première partie de mon allocution portera sur le fonctionnement des conseils
d’administration. Voici les questions auxquelles nous avons tenté de répondre :
• La diversité des CA a-t-elle un impact sur la performance financière?
• Les règles de gouvernance permettent-elles de freiner les manipulations comptables
abusives?
• Comment améliorer la qualité de l’information financière?
• Quelle est l’influence de la culture sur la nomination des femmes aux CA?
• Finalement, est-il préférable d’imposer des quotas de femmes aux CA ou de laisser
libre cours au marché?
La deuxième partie de mon exposé portera sur d’autres questions qui sont au cœur des
débats académiques et professionnels en gouvernance :
• Les investissements sociaux sont-ils profitables?
• Les entreprises devraient-elles faire une gestion stratégique de leurs activités
sociales?
• Les entreprises familiales sont-elles plus socialement responsables?
• Et finalement, les chefs d’entreprises écoresponsables sont-ils moins gourmands en
termes de rémunération?
Je terminerai mon allocution en vous présentant les grandes lignes de trois recherches
en cours. Voici d’abord une brève mise en contexte.
La recherche en gouvernance fait appel à plusieurs disciplines dont le droit, le
management et les sciences comptables. Cependant, les réformes dont nous sommes
témoins depuis une vingtaine d’années, touchent plus particulièrement les professionnels
de la comptabilité.
En 1992, après l’éclatement de plusieurs scandales financiers en Grande-Bretagne, un
comité formé par le Financial Reporting Council, la Bourse de Londres et la profession
comptable émettait une série de recommandations sur les aspects financiers liés à la
gouvernance d’entreprise. Ce document de 90 pages, connu sous le nom de rapport
Cadbury, constituait le premier jalon d’une réforme importante en gouvernance.
5
Dans le rapport Cadbury, on nous informait qu’un comité avait été mis sur pied pour
tenter de faire renaître la confiance des investisseurs dans la qualité des informations
financières émises par les entreprises et envers les auditeurs qui ont le mandat d’assurer
cette qualité. D’après le comité Cadbury, le relâchement des normes comptables et du
travail des auditeurs, ainsi que le manque d’encadrement des administrateurs de sociétés,
étaient à la source de cette baisse de confiance.
Plusieurs des recommandations du comité visaient une plus grande efficacité des
conseils d’administration. Essentiellement, la tâche du CA est de protéger les intérêts des
actionnaires. Ces derniers ont besoin d’un intermédiaire pour les représenter. Plus souvent
qu’autrement ils ne sont ni aptes, ni intéressés à gérer l’entreprise qu’ils détiennent en
partie. Les universités de leur côté forment des gestionnaires professionnels dont la mission
est de faire fructifier les entreprises. Mais contrairement aux actionnaires, ils n’ont pas à
supporter les risques financiers inhérents. Évidemment, cette séparation entre la propriété
et la gestion comporte son lot de problèmes. D’où l’importance de pouvoir compter sur un
CA efficace.
Les recommandations du comité Cadbury ont fait boule de neige. Elles ont constitué le
point de départ de la majeure partie des règles qu’on retrouve maintenant ailleurs dans le
monde, par exemple, la loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis et les règles de gouvernance
émises par les autorités canadiennes en valeurs mobilières.
Malheureusement, ces bonnes pratiques de gouvernance n’ont pas été une panacée. Les
scandales financiers récurrents au cours des 20 dernières années, dont la crise financière
de 2008, en font foi. Mais, quel beau laboratoire de recherche en gouvernance ils ont créé!
Abordons maintenant la première question : la diversité des CA a-t-elle un impact sur
la performance financière des entreprises?
6
Gouvernance et diversité des conseils d'administration
L’impact de la diversité sur la performance financière1
Comme plusieurs le savent, depuis une douzaine d’années, je m’intéresse à la
composition des CA, notamment à l’arrivée des femmes au sein de ces groupes autrefois
exclusivement réservés aux hommes. Je me suis découvert un intérêt pour le sujet
lorsqu’une institution financière bien connue nous a confié un mandat de consultation qui
portait sur la constitution d’un fonds d’investissement dont une des priorités était la
présence de femmes au sein de CA. Au cours de la même année, soit en 2004, la firme
américaine Catalyst, dont la mission est de promouvoir l’avancement des femmes en
affaires, publiait une étude sur la performance financière des 500 plus grandes entreprises
américaines 2. L’étude concluait à un rendement supérieur brut de 32 % sur cinq ans pour
le groupe d’entreprises où le nombre de femmes au sein de leurs équipes de haut dirigeants
était le plus élevé.
Après nous être penchés sur cette étude, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y
avait là une occasion unique d’approfondir la question. Nous avons amorcé notre recherche
dans le cadre des ateliers stratégiques de l’École en 2005 avec la collaboration de Réal
Labelle et Bernard Sinclair Desgagné. Notre approche visait deux objectifs. D’abord,
développer un cadre théorique susceptible d’expliquer le lien présumé entre une plus
grande diversité des genres au sein des conseils et des équipes de dirigeants et la
performance financière. Et ensuite, employer une méthode plus rigoureuse pour calculer
les rendements anormaux susceptibles d’être associés à la diversité dans les CA et parmi
les membres de la haute direction.
Notre cadre théorique s’est appuyé essentiellement sur les recherches portant sur la
prise de décision des groupes. En principe, la création de groupes hétérogènes améliorerait
le processus de décision, et, en conséquence, engendrerait une meilleure performance
financière. Dans cette optique, les avantages de la diversité seraient plus nombreux que les
inconvénients qui découlent des conflits potentiels. Une plus grande créativité et une
meilleure capacité d’aborder les enjeux sous plusieurs angles compenseraient le fait qu’il
faille un peu plus de temps pour prendre une décision. Du point de vue empirique, nous
avons réutilisé les données de la firme Catalyst. Notre mesure de diversité est donc la
même, soit le ratio hommes-femmes. Nous avons soumis l’échantillon à des tests financiers
rigoureux, en tenant compte, notamment, du risque et de la taille des entreprises.
Notre recherche a permis en quelque sorte d’y voir un peu plus clair. Nos résultats
montrent que la diversité des genres parmi les équipes de haut dirigeants est associée à des
rendements positifs anormaux de 6 % sur trois ans. En extrapolant sur cinq ans, on obtient
1
2
Voir Francoeur, Labelle, Sinclair-Desgagné, 2008.
Fortune 500
7
une performance additionnelle de 10 %, ce qui est nettement plus conservateur que le
32 % avancé par la firme Catalyst.
Par ailleurs, nos résultats n’ont pas permis de conclure à une nette supériorité des CA
diversifiés sur le plan de la performance financière. Cependant, nous avons été en mesure
de conclure que la diversité des genres au sein des CA permettait aux entreprises d’être
concurrentielles sur les marchés, pour la bonne raison qu’elles atteignaient les rendements
attendus.
Il faut dire que le modèle financier que nous avons utilisé peut expliquer jusqu’à 95 %
des rendements boursiers. Du coup, la marge de manœuvre pour détecter les rendements
anormaux s’avère plutôt mince. Malgré ses limites, cette étude a permis d’apporter plus de
rigueur au débat. Elle est souvent citée en ce sens.
Comme deuxième point, je vous parlerai d’une recherche que nous avons menée sur le
phénomène des alertes aux résultats.
Le phénomène des alertes aux résultats 3
Le début des années 2000 a été marqué par plusieurs scandales financiers. Des
entreprises, qui étaient des chefs de file dans leur secteur comme Enron et Worldcom aux
États-Unis et Parmalat en Europe, ont dû déclarer faillite suite à des fraudes financières.
En 2005, le professeur Michael C. Jensen, éminent chercheur de la Harvard Business
School, publiait un article dans lequel il dénonçait le côté insidieux des systèmes de
rémunération au mérite basé sur des cibles de rendement 4. Selon lui, les entreprises cotées
en Bourse sont entraînées dans un tourbillon de surévaluation qui forcent leurs dirigeants
à manipuler les données comptables pour satisfaire aux attentes du marché.
Le processus est le suivant. Dans un premier temps, on s’attend à ce que les dirigeants
fassent progresser la valeur au marché des actions de leurs entreprises. Lorsqu’ils y
parviennent, ils sont récompensés non seulement par des primes au rendement de la part
de leurs employeurs, mais aussi par la notoriété qu’ils acquièrent auprès des médias.
Comme les investisseurs s’intéressent aux titres, les analystes financiers deviennent plus
optimistes quant aux possibilités de croissance. L’entreprise a le vent dans les voiles
jusqu’à ce qu’elle arrive à un point où les actions atteignent un niveau qui dépasse leur
valeur intrinsèque; mais, seuls les dirigeants sont au courant. Eux seuls connaissent la
véritable valeur de la firme. Le jeu de la surévaluation devient comme une drogue pour
eux. Ils ne peuvent plus s’en passer. Ils sont pris au piège. Ils continuent d’entretenir
l’illusion de croissance en manipulant l’information financière. Évidemment, ces
manipulations ne créent pas de valeur. Au contraire, les moyens utilisés deviennent
3
4
Voir Francoeur, Labelle, Martinez, 2008.
Voir Jensen, 2005.
8
frauduleux et destructeurs de valeur. Lorsque les fraudes sont découvertes, il est déjà trop
tard. Les conséquences sont catastrophiques.
Pour éviter ce piège, les dirigeants devraient avertir le marché. Ils devraient dévoiler
que les cibles de rendement fixées par les analystes ne pourront être atteintes. C’est ce que
Warren Buffet, n’hésite pas à faire régulièrement! Bien entendu, il n’est pas évident pour
des dirigeants moins connus d’admettre que les résultats prévus ne seront pas au rendezvous. Une telle nouvelle risquerait de faire chuter dramatiquement le prix des actions en
plus de porter atteinte à leur réputation. Que faire alors? Les systèmes de gouvernance
peuvent-ils aider?
Quelle belle occasion à saisir pour effectuer une étude empirique! Ne faisant ni une ni
deux, Réal Labelle et moi avons fait équipe avec la professeure Isabelle Martinez, une
spécialiste des opérations de divulgation volontaire de l’Université de Toulouse. Le cadre
théorique que nous avons défini permet de faire ressortir les mécanismes de gouvernance
susceptibles d’encourager ce qu’il est convenu d’appeler les alertes aux résultats 5. Nous
nous sommes penchés sur trois mécanismes de gouvernance : le marché des prises de
contrôle, les régimes incitatifs de rémunération et la vigilance du CA.
Le marché des prises de contrôle est très efficace pour corriger les cas d’entreprises
sous-évaluées. Les requins des marchés financiers sont à l’affût des occasions d’affaires.
Ils s’attaquent habituellement aux firmes sous-évaluées pour les revendre à profit après
avoir remplacé l’équipe de direction. Malheureusement, ce mécanisme est inefficace
lorsqu’il s’agit de surévaluation. En effet, les firmes surévaluées ne trouvent pas preneurs.
Nos résultats montrent que les régimes incitatifs de rémunération des dirigeants les
encouragent à jouer le jeu de la surévaluation, plutôt que l’inverse. Ces régimes, qui
devraient normalement aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires, ont
l’effet contraire dans les cas de surévaluation. L’appât du gain des dirigeants lié à leurs
options et bonis de performance les aveugle.
Qu’en est-il maintenant du conseil d’administration? Malheureusement, nos données
indiquent que les règles d’indépendance et de contrôle qui sont censées améliorer la qualité
de la gouvernance n’incitent pas les dirigeants à faire face à la musique lorsque le prix des
actions s’emballe. Ce résultat nous amène à conclure que les règles de bonne gouvernance
ne sont pas suffisantes pour assurer la qualité des informations financières.
Ce qui ouvre la porte à la prochaine étude.
5
Profit Warnings
9
Comment améliorer la qualité de l’information financière? 6
Cette étude, menée en collaboration avec Réal Labelle et Rim Makni de l’Université
de Sfax en Tunisie, avait pour but de tester empiriquement le lien présumé entre la culture
éthique des entreprises et la qualité des informations financières qu’elles divulguent. Notre
modèle théorique reposait sur le concept de développement moral des organisations
développé par Reidenbach et Robin 7. Voici en quelques mots les étapes de ce
développement. Au niveau le plus bas de la pyramide se situent les organisations amorales.
Ces entreprises ne visent que la rentabilité économique sans égard aux lois ou aux valeurs
de la société. La « corporation légale » se situe au prochain niveau, soit celui où les affaires
sont conduites en respectant les lois, sans tenir compte des aspects moraux.
Le troisième niveau regroupe les entreprises qui sont sensibles aux demandes de leurs
parties prenantes et qui adoptent des pratiques qui vont au-delà de ce qui est requis par la
loi. Ces entreprises adoptent des codes d’éthique et s’assurent que les comportements
attendus sont communiqués clairement à tous les niveaux de l’organisation. Au sommet de
la pyramide, on retrouve des entreprises dont la culture organisationnelle est soutenue par
des valeurs morales fortes. À ce niveau, les valeurs éthiques font partie intégrante de la
marche des affaires.
Il n’y a que peu d’entreprises qui réussissent à atteindre ce niveau.
Malgré les nouvelles règles de gouvernance mises en place au début des années 2000,
les cas de malversations comptables ont continué de proliférer. La possibilité de manipuler
les chiffres comptables, qu’on nomme souvent « comptabilité créative », résulte du fait que
les responsables financiers et les experts-comptables ont une certaine marge de manœuvre
dans la façon d’appliquer les normes comptables. Mais, la nature humaine étant ce qu’elle
est, certains dirigeants peuvent contourner les règles de façon abusive… seuls ceux qui
possèdent un haut niveau de valeurs éthiques éviteront de le faire.
Plusieurs modèles existent pour évaluer la qualité de la divulgation financière. Nous
avons choisi un modèle classique qui permet de mesurer les manipulations « anormales »
du bénéfice net. Mais comment mesurer notre variable d’intérêt, l’éthique d’entreprise?
Évidemment, l’éthique est un concept abstrait qui ne peut être estimé que par une mesure
indirecte 8. Nous avons donc eu recours à un indice compilé par une firme qui se spécialise
dans l’évaluation de la performance sociale des entreprises 9. L’indice que nous avons
choisi évalue plusieurs politiques qui découlent de la culture éthique de l’entreprise et qui
ne sont pas imposées par des lois ou des règlements.
6
Voir Labelle, Makni et Francoeur, 2010.
Voir Reidenbach et Robin, 1991.
8
En anglais, on utilise le terme « proxy ».
9
Jantzi Research
7
10
Cette étude a démontré que les bonnes pratiques de gouvernance ne garantissent pas
une information financière de qualité. Seules, les entreprises qui ont développé une culture
éthique forte basée sur des valeurs de bonne conduite et de préservation de la réputation
réussissent à faire en sorte que les dirigeants aient moins tendance à manipuler
l’information financière.
Malgré les avantages d’une plus grande diversité au sein des groupes décisionnels et
les initiatives politiques entreprises partout dans le monde, les statistiques montrent de
grands écarts entre les pourcentages de femmes ayant accédé à des postes de haute direction
des grandes organisations.
À quoi peut-on attribuer cette variation? C’est le sujet de la prochaine étude.
Nomination des femmes dans les CA et biais culturel 10
C’est avec la collaboration de Réal Labelle et d’un groupe de chercheurs espagnols,
que nous avons testé l’hypothèse que la plus ou moins grande ouverture des entreprises à
nommer des femmes au sein de leur CA pouvait s’expliquer par les traits culturels
dominants du pays où elles sont établies.
Notre étude a porté sur plus de 7 000 entreprises opérant dans 32 pays. Nous avons eu
recours aux travaux reconnus du professeur Geert Hofstede pour mesurer les quatre traits
culturels suivants : le degré d’acceptation des inégalités de statut et de pouvoir entre les
individus, l’aversion pour le changement, les valeurs masculines stéréotypées et la
valorisation de l’individualisme. Voici quelques exemples, pour illustrer notre propos.
Toujours selon Hofstede, la Russie, le Mexique et la Chine sont des pays où les inégalités
de pouvoir sont plus facilement acceptées. L’inverse a été observé, en Autriche, au
Danemark et en Suède. La Grèce, la Belgique et la Pologne sont des pays plutôt réfractaires
au changement, tandis que Singapour, la Grande-Bretagne et le Canada comptent parmi les
pays qui le sont le moins. Les valeurs masculines sont plus ancrées dans la culture
japonaise alors qu’elles sont quasi inexistantes dans la culture suédoise. C’est aux ÉtatsUnis que priment les valeurs individualistes, suivis de près par le Royaume-Uni et
l’Australie, alors qu’en Chine on attache beaucoup d’importance aux valeurs collectives.
En bref, nos résultats montrent que deux dimensions culturelles expliquent la faible
présence des femmes au sein des conseils : l’acceptation des inégalités de pouvoir et les
valeurs masculines stéréotypées. Ces traits culturels créent un biais qui amène à tolérer la
sous-représentation des femmes aux CA et à valoriser la nomination d’hommes aux postes
de pouvoir sous prétexte qu’ils sont plus compétitifs et ambitieux.
10
Voir Carrasco et al, 2015.
11
Bien que les recherches nous permettent de constater les bienfaits de la diversité et qu’il
y ait un bassin important de candidates compétentes, la place des femmes en gouvernance
continue de progresser à pas de tortue. Face à cette situation, plusieurs pays ont fait des
démarches pour soit imposer des quotas à atteindre ou obliger les entreprises à se fixer
elles-mêmes des objectifs et à rendre compte de leur progression. Par contre, d’autres pays
comme les États-Unis et la Grande-Bretagne préfèrent laisser libre cours au marché.
Quelle est meilleure approche? C’est l’objet de la prochaine étude.
Réglementer ou ne pas réglementer11
Les récents sondages montrent que la présence de femmes au sein des CA d’entreprises
cotées en Bourse tourne autour de 19 % aux États-Unis, et de 20 % en Grande-Bretagne.
Comme plusieurs autres, ces États croient que seules les forces du marché devraient inciter
les entreprises à choisir les meilleurs candidats pour leurs CA. Si la diversité des genres est
souhaitable, elle se produira sans intervention externe.
Les pays qui décident de légiférer, le font en établissant des quotas ou des mesures
incitatives. Depuis que la Norvège a montré l’exemple en imposant un plancher minimum
de 40 % de femmes, une dizaine de pays ont suivi en fixant des quotas variant de 30 à
40 %. On parle entre autres, de pays comme la France, la Belgique, le Danemark, la
Finlande, l’Allemagne, l’Italie, et l’Espagne.
Les mesures incitatives obligent les entreprises à divulguer leurs plans pour augmenter
le ratio de femmes siégeant aux conseils et à expliquer tout écart, le cas échéant. Cette
approche a d’ailleurs été récemment adoptée par la Commission des valeurs mobilières de
l’Ontario. Les derniers sondages montrent un taux de 13% de femmes dans les CA au
Canada. L’approche incitative est également en vigueur dans des pays comme l’Autriche,
les Pays-Bas et la Suède.
Notre étude, subventionnée par le CRSH, à laquelle ont collaboré Réal Labelle et Faten
Lakhal de l’université de Sousse en Tunisie, a porté sur 1 691 entreprises opérant dans 17
pays. Nos résultats donnent une légère avance, en termes de performance financière, aux
entreprises qui ont choisi d’intégrer volontairement des femmes dans leurs CA. À première
vue, ceci renforce l’idée que les forces du marché poussent effectivement les entreprises à
choisir les meilleurs candidats de manière graduelle. Par contre, une récente enquête
conduite auprès d’administrateurs et d’administratrices norvégiens ayant vécu le processus
d’intégration des femmes, brosse un portrait plus positif. Il semble qu’une fois la masse
critique atteinte, une plus grande diversité d’expertises et de perspectives a pour effet
d’améliorer le processus de décision.
11
Voir Labelle, Francoeur et Lakhal, 2015.
12
Il faut dire qu’au moment de mener notre étude, seule la Norvège avait adopté les
quotas. D’autres études devront être menées pour mieux comprendre les conséquences des
moyens à utiliser pour assurer une plus grande diversité des genres en gouvernance. Tant
que les niveaux de diversité demeureront sous la barre de la masse critique de 30 %, il sera
difficile de tirer des conclusions claires.
En conclusion, il faut reconnaître que les CA ont beaucoup gagné en efficacité depuis
l’époque où ils semblaient ne jouer qu’un rôle d’approbateurs aveugles 12. Au fil des ans,
j’ai été agréablement surpris de constater, que les résultats des recherches en gouvernance
attirent l’attention des politiciens et des gens d’affaires. Il reste encore beaucoup de chemin
à parcourir, mais le dialogue est bien établi.
Nous sommes maintenant arrivés à la deuxième partie de mon allocution qui porte sur
les notions de responsabilité sociale et environnementale.
12
Rubber Stamping
13
Responsabilité sociale et environnementale
La notion de gouvernance d’entreprise a beaucoup évolué depuis le rapport Cadbury
de 1992. En plus de veiller aux intérêts des actionnaires, les bonnes pratiques de
gouvernance visent maintenant un équilibre entre toutes les parties prenantes, soit les
actionnaires, les bailleurs de fonds, les employés, les clients, les fournisseurs, la
communauté et l’environnement. Des notions d’éthique et de développement durable sont
maintenant incorporées aux bonnes pratiques de gouvernance. On s’attend désormais à ce
que les entreprises performent non seulement financièrement, mais aussi d’un point de vue
social et environnemental. On parle du triple P de la performance, pour Profit, People et
Planet ou de « Triple-Bottom-Line » comme extension de l’expression « Bottom Line » qui
réfère aux profits comptables.
Mes études m’ont permis d’examiner plusieurs aspects de la responsabilité sociale des
entreprises, notamment l’impact des activités sociales et environnementales sur la
performance financière, la gestion stratégique des parties prenantes, la recherche de capital
socio-affectif et la rémunération des chefs d’entreprises.
Je vous parlerai d’abord d’une première étude portant sur la relation entre les activités
sociales et la performance financière des entreprises.
Les investissements sociaux sont-ils profitables? 13
Cette question est relativement complexe. La relation entre la responsabilité sociale et
la performance financière comporte plusieurs facettes. Regardons d’abord l’effet présumé
de la performance sociale sur la performance financière. Selon la théorie des parties
prenantes 14, les firmes qui sont socialement responsables sont attentives aux demandes de
leurs parties prenantes, ce qui aurait pour effet d’améliorer leur réputation sur les marchés
et, par ricochet, leur performance financière. Par contre, les partisans de la théorie du
compromis 15 croient plutôt que les sociétés qui investissent dans des activités sociales
détournent des ressources qui les rendent moins rentables que leurs concurrents qui ne le
font pas. Donc, théoriquement, l’effet de la performance sociale sur la performance
financière peut être positif ou négatif.
Considérons maintenant le lien inverse, soit l’impact de la profitabilité sur la
responsabilité sociale. Selon l’hypothèse de la disponibilité des fonds, cette relation serait
positive. Plus de profits, plus d’investissements sociaux et vice-versa. Par contre,
l’hypothèse inverse a été soulevée. L’opportunisme des dirigeants rendrait la relation
négative. Lorsque les profits sont au rendez-vous, les dirigeants auraient plutôt tendance à
limiter les dépenses sociales pour ne pas réduire les bénéfices disponibles pour leurs bonis.
13
Voir Makni, Francoeur et Bellavance, 2009.
Stakeholder Theory.
15
Trade-off Hypothesis.
14
14
Par contre, lorsque les bénéfices n’atteignent pas la cible, ils augmenteraient les
investissements sociaux pour obtenir l’appui des parties prenantes (comme les employés,
les clients et les fournisseurs) et conserver leurs postes. Là encore, les théoriciens ne
s’entendent pas.
Il est aussi possible que les forces décrites dans ces hypothèses soient en synergie. Dans
le cas de synergies positives, par exemple, plus de profits se traduirait par plus
d’investissements sociaux, qui à leur tour génèreraient davantage de profits. Même principe
pour les synergies négatives.
Qu’en est-il dans les faits? Les recherches empiriques sur cette question n’ont pas
permis de dégager de résultats clairs et définitifs. La faiblesse des mesures et des méthodes
d’analyse fait partie des problèmes évoqués. En collaboration avec François Bellavance et
Rim Makni nous avons tenté d’y voir plus clair. Nous avons opté pour une approche
économétrique qui permet de tester une certaine forme de causalité entre deux variables 16.
Nous avons également utilisé une mesure de responsabilité sociale développée par une
firme spécialisée en investissements responsables.
Nos résultats ne font ressortir qu’un seul lien causal. Les investissements liés à la
protection de l’environnement ont un impact négatif sur la valeur des actions. Les marchés
financiers semblent considérer que ces investissements sont trop coûteux à court terme
malgré les avantages à long terme qu’ils pourraient procurer 17.
La recherche sur le lien entre la performance sociale et la performance financière
suscite encore beaucoup de débats. Plusieurs parties prenantes se font concurrence pour
obtenir l’attention des gestionnaires. La solution pour une meilleure performance réside
probablement dans une sage répartition des ressources de l’entreprise. C’est ce que nous
démontrons dans la prochaine étude.
Gestion stratégique des activités sociales ou pas? 18
Les travaux de Freeman en 1984, et ceux de Donaldson et Preston en 1995, ont fait
ressortir l’importance pour l’entreprise de considérer ses relations avec ses parties
prenantes comme un instrument stratégique pour atteindre ses objectifs de rentabilité et de
pérennité. On parle maintenant d’investissements stratégiques dans les parties prenantes.
Les entreprises font face à un défi de taille. Elles doivent désormais choisir la façon
optimale d’allouer des ressources importantes à leurs activités sociales et
environnementales. Plusieurs recherches ont porté sur cette question sans apporter une
réponse définitive.
16
Le test de causalité de Granger.
Voir à ce sujet Ambec et Lanoie, 2008.
18
Voir Garcia-Castro et Francoeur, 2016.
17
15
Pendant mon congé sabbatique en 2010, j’ai travaillé avec Roberto García de l’IESE
de Madrid. Nous avons utilisé une approche, dérivée de la théorie des ensembles, pour
arriver aux conclusions suivantes. Pour maximiser leur profitabilité, les entreprises doivent
prévoir un seuil d’investissement minimum dans les parties prenantes dites primaires,
c’est-à-dire les employés, les clients et les fournisseurs. Négliger ces partenaires importants
peut entraîner une destruction de valeur pour les actionnaires. Toutefois, vu les coûts
importants de ces pratiques, les firmes doivent également connaître les pratiques de leurs
concurrents pour éviter de surinvestir inutilement.
Cette étude démontre que les entreprises socialement responsables peuvent augmenter
leur profitabilité si elles gèrent leurs activités sociales et environnementales de façon
stratégique.
Passons maintenant à une autre question.
Les entreprises familiales sont-elles plus socialement responsables? 19
L’entreprise familiale est la structure de propriété la plus répandue au monde. Les
estimations les plus conservatrices évaluent que ces firmes comptent pour deux tiers de
l’ensemble des entreprises à l’échelle planétaire. Au Canada, 80 % des entreprises sont
détenues par des familles. Aux États-Unis, un pays pourtant reconnu pour son actionnariat
diffus, plus de la moitié des grandes entreprises sont à propriété familiale.
Une étude internationale menée avec la collaboration de Réal Labelle, Taïeb Hafsi et
Walid Ben Amar, nous a permis de mieux comprendre les forces qui poussent les
entreprises familiales à être plus ou moins performantes socialement. Plusieurs études ont
en effet démontré que les firmes familiales ont tendance à être plus socialement
responsables que tout autre type d’entreprise. On croit que les firmes familiales désirent
ainsi accumuler un capital moral qui servira de tampon pour absorber les effets négatifs en
cas de faux pas de leur part. Ils veulent protéger leur réputation et le nom de la famille qui
est souvent associé à celui de l’entreprise. D’autres études font la preuve du contraire. Les
firmes familiales auraient plutôt tendance à limiter leurs investissements sociaux, car
contrairement aux entreprises à capital diffus, étant donné la concentration de leurs
investissements, elles supportent une plus grande portion du coût.
Deux courants de pensée et des résultats empiriques contradictoires, voilà une recette
idéale pour mener une étude intéressante.
Notre cadre théorique propose d’envisager les investissements sociaux comme un
continuum au sein des firmes familiales. Cette approche permet de réconcilier les deux
arguments théoriques en opposition qui ont été soulevés. Nos résultats montrent que les
firmes familiales sont effectivement en quête de capital socio-émotif, mais pas à n’importe
19
Voir Labelle, Hafsi, Francoeur, Ben Amar, à paraître.
16
quel prix. Le phénomène suit une courbe en U inversé. Lorsque la famille ne détient qu’un
faible niveau d’actionnariat, elle se sent plus vulnérable. La firme engage alors plus de
ressources pour augmenter son capital socio-émotif. Mais, lorsqu’une partie importante de
l’entreprise appartient à la famille, 36 % et plus selon nos données, ce sont les facteurs
économiques qui prévalent et qui entraînent une réduction des dépenses dites « sociales ».
Donc, les entreprises familiales peuvent être plus ou moins socialement responsables.
Cela dépend du niveau d’engagement financier de la famille.
Parlons maintenant de rémunération des dirigeants. Selon la théorie de l’agence, le
paradigme dominant, les plans de rémunération sont un moyen d’aligner les intérêts des
PDG sur ceux des actionnaires. La plupart des chercheurs considèrent que la rémunération
des chefs d’entreprise vient pallier leur tendance naturelle à l’opportunisme. Dans la
prochaine étude, nous partons du principe que cette approche ne convient pas à tous les
chefs d’entreprise.
L’étude que nous avons menée, en collaboration avec des collègues italiens lors de mon
congé sabbatique, peut se résumer à une simple question :
Les chefs d’entreprises écoresponsables sont-ils moins gourmands? 20
Nous avons travaillé avec une imposante base de données internationale portant sur les
caractéristiques détaillées de la rémunération des chefs d’entreprise de 520 entreprises
réparties dans 17 pays.
Les résultats indiquent que les entreprises soucieuses de l’environnement ont tendance
à offrir des niveaux de rémunération totale moins élevés à leurs PDG. Notre cadre théorique
repose sur la théorie de l’intendance 21. Dans cette optique, nul besoin de mettre en place
des incitatifs monétaires élaborés pour contrer l’opportunisme des dirigeants. Les bons
citoyens corporatifs qui ont à cœur la protection de l’environnement réussissent à attirer
des chefs d’entreprise qui sont motivés par des valeurs autres que pécuniaires. Les PDG
qui sont de bons intendants, accordent plus d’importance à leur devoir moral, qu’à tenter
d’obtenir des bénéfices monétaires supplémentaires. Ces chefs d’entreprise ont tendance à
éviter les firmes qui misent principalement sur la partie « profit » des trois « P ». Au
contraire, ils seront fiers de s’associer à une entreprise dont les valeurs correspondent aux
leurs. D’un point de vue éthique, ils placeront les intérêts de l’entreprise et de la société
avant leurs intérêts personnels.
En conclusion, plusieurs facteurs poussent les entreprises à devenir de meilleurs
citoyens corporatifs. Les parties prenantes et l’ensemble de la société exigent de plus en
20
21
Voir Francoeur, Melis, Gaia et Aresu, à paraître
Stewardship Theory
17
plus que ces dernières rendent compte de leurs comportements sociaux et
environnementaux. Les clients et les investisseurs peuvent exercer des pressions énormes
en exprimant leur mécontentement ou, de façon plus radicale, en délaissant l’entreprise.
Les employés sont plus mobiles et recherchent des organisations qui partagent leurs
valeurs. De leur côté, les entreprises doivent s’assurer de faire affaire avec des fournisseurs
qui adoptent de hauts standards en matière de responsabilité sociale afin de ne pas ternir
leur réputation.
Les études démontrent que les entreprises socialement responsables retirent plusieurs
bénéfices en adhérant aux principes de respect des parties prenantes et de développement
durable. Comme pour la performance financière, le défi pour nous les comptables est de
développer des indicateurs qui sont valides et comparables. La tâche n’est pas simple.
J’aborderai maintenant la dernière partie de mon exposé.
18
Conclusion
La recherche et la pratique de la gouvernance ont beaucoup progressé depuis le moment
où j’ai commencé à m’y intéresser en 2003. Bien gouverner implique maintenant non
seulement de veiller aux intérêts des actionnaires, mais aussi de s’assurer du bien-être des
autres parties prenantes de l’organisation, notamment des employés, des clients, des
fournisseurs et de l’environnement. Les bonnes pratiques de gouvernance englobent
maintenant des notions d’éthique en affaires et de développement durable. On considère
que les valeurs morales et le respect de l’environnement font partie de ce qu’on attend d’un
bon citoyen corporatif. Toutefois, du point de vue de la recherche, il reste encore beaucoup
de questions sans réponses.
Je prendrai maintenant quelques minutes pour vous parler de trois projets de recherche
auxquels je participe. Le premier a pour objectif de mieux comprendre ce qui se déroule
derrière les portes closes des réunions de CA. Les deux autres portent sur des mécanismes
de gouvernance qui ont pris de l’ampleur au cours des dernières années, soit les groupes
d’actionnaires activistes et les médias sociaux.
Que se passe-t-il derrière les portes closes?
Les études que nous avons effectuées sur la diversité des CA reposent sur la prémisse
que les groupes composés de membres aux points de vue différents et aux expertises
diverses créent une dynamique qui favorise une meilleure prise de décision. Les études
quantitatives que nous avons menées mesurent les effets présumés de cette dynamique sans
la mesurer spécifiquement. Ce projet de recherche, en collaboration avec mes collègues
Caroline Aubé et Samuel Sponem, vise à mieux comprendre la dynamique interne des CA.
Notre sondage tentera de mesurer le niveau de collaboration et de cohésion entre les
membres et la qualité du processus de décision.
Faut-il surveiller les conseils d'administration?
Les marchés financiers ont compris que les bonnes pratiques de gouvernance ne
suffisent pas à la tâche. Ironiquement, les CA qui ont pour mandat de surveiller la haute
direction sont eux-mêmes sous haute surveillance par des groupes d’actionnaires activistes.
Avec la collaboration de Luc Desrousseaux, candidat au doctorat, nous nous pencherons
sur l’évaluation de l’impact des interventions menées par les hedge funds sur la qualité de
la gouvernance des entreprises qu’ils ciblent. Ces fonds disposent de beaucoup d’expertise
et de moyens. Ils sont craints. Voici comment ils procèdent. À la manière d’une meute de
loups, ils se regroupent pour cibler leurs proies. Un des hedge funds agit comme leader et
entraîne d’autres gros investisseurs à exercer une pression importante sur les entreprises
fautives. Ces interventions ont souvent pour conséquence de déloger les administrateurs et
les hauts dirigeants en place.
19
Maintenant, qu’en est-il des médias sociaux?
Les médias sociaux comme mécanisme externe de gouvernance
L’activisme social est pratiqué par des groupes d’actionnaires, souvent institutionnels.
Une des cibles des activistes est l’éco-blanchiment 22 ou le verdissage. L’éco-blanchiment
réfère aux entreprises qui se posent en défenseur de l’environnement alors que dans les
faits leurs actions dans ce sens prouvent le contraire.
Cette étude, effectuée avec la collaboration de Yinglin Huang, candidate au doctorat,
porte sur le rôle des médias sociaux comme mécanisme de gouvernance externe. Nous
tenterons de mesurer l’effet des médias sociaux sur les comportements d’éco-blanchiment.
Contrairement aux médias traditionnels qui permettent à l’entreprise de contrôler jusqu’à
un certain point les messages et la perception des parties prenantes, les médias sociaux
agissent comme des électrons libres. Les entreprises n’ont d’autre choix que d’établir un
dialogue avec ces intervenants externes.
J’espère que ces études permettront d’apporter un certain éclairage au casse-tête de plus
en plus complexe, me semble-t-il, de la gouvernance d’entreprise.
Remerciements
Pour terminer, j’aimerais exprimer ma gratitude aux personnes qui m’ont accompagné
dans mon cheminement. D’abord et avant tout, je remercie ma conjointe Sylvie des
Ruisseaux pour son soutien indéfectible depuis les tout débuts. Je me souviens d’une de
nos premières rencontres. J’étais à ce moment-là candidat au doctorat. Nous étions assis
sur un banc en pleine nature. L’environnement était bucolique et romantique. Et moi je lui
parlais de la publication de mon premier article. Il faut le faire quand même! Un mot de
remerciement également à ma fille Myriam pour ses encouragements.
Une des choses que j’apprécie le plus de la recherche, c’est de pouvoir travailler en
équipe avec des personnes extraordinaires. Je remercie tous mes coauteurs pour leur
agréable collaboration. J’ajouterai à liste de ceux que j’ai déjà nommés : Simone Aresu,
Souha Balti, Emiliano Barbadillo, Amel Ben Rhouma, Sylvie Berthelot, Ameur Boujenoui,
Martin Boyer, Yves Bozec, Amalia Carrasco Gallego, Jonathan Cziffra, Alain Coën,
Aurélie Desfleurs, Silvia Gaia, Joseph Gawer, Andrée Lafortune, Joaquina Laffarga,
Suzanne Landry, Julien Le Maux, Andrea Melis, Alain Niyubahwe, Véronique Okoudjou,
Camélia Radu, Philémon Rakoto, Francine Richer, Rhida Shabou et Louise St-Cyr.
Un merci particulier à mon collègue et ami Réal Labelle avec qui j’ai publié une
quinzaine d’articles de tous genres. Comme vous le savez, Réal est maintenant professeur
22
Greenwashing
20
honoraire. Que de bons souvenirs à discuter de nos projets de recherche et à trouver le bon
angle pour vendre nos idées ou convaincre des évaluateurs coriaces.
Enfin, je remercie l’ensemble du personnel administratif de l’École. Je me suis senti
privilégié d’avoir accès à vos expertises de façon si rapide et professionnelle, que ce soit
au secrétariat du département pour la gestion des cours, aux ressources humaines pour
embaucher une aide de recherche, à la bibliothèque pour retrouver un article ou négocier
l’achat d’une banque de données, à l’audiovisuel pour de petits pépins en classe à la DAIP
pour des conseils pour être plus efficace en classe, au département des communications
pour organiser un événement, à la direction de la recherche et de la Fondation pour réviser
une subvention ou négocier un contrat de recherche, sans oublier les gens de la
comptabilité, des technologies de l’information, des immeubles et ceux qui nous préparent
et servent des petits plats au restaurant où nous sommes réunis ce matin.
Je termine en remerciant les membres de la direction de l’École. On a tendance à
l’oublier, mais c’est grâce à leur leadership si l’École maintient si bien le cap.
Merci beaucoup de votre attention.
21
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