Service de presse de Travail.Suisse – N° 5 – 30 mars 2009 – Salaires des dirigeants _______________________________________________________________________________ Révision du droit de la société anonyme: les travailleurs dans le conseil d’administration! Au fil de ces dernières années, l’économie s’est de plus en plus éloignée des travailleurs et du travail qu’ils fournissaient, et elle s’est beaucoup trop unilatéralement appuyée sur les intérêts des dirigeants et des bailleurs de fonds. Dans la quête de rendements toujours plus élevés, on a accordé nettement trop peu de crédit à l’importance du travail. La crise financière nous en fait maintenant payer le prix. Pourtant, toute crise recèle une chance en soi, et il s’agit désormais de la saisir. C’est pourquoi Travail.Suisse demande que des représentants des travailleurs siègent dans les conseils d’administration, afin de redonner au facteur travail la valeur qui lui est due. La révision, en cours, du droit de la société anonyme offre le cadre idéal à cet effet. Au cours des dernières années, la valeur accordée au facteur travail s’est rétrécie comme peau de chagrin. L’économie s’est orientée vers les intérêts du management et des actionnaires, en négligeant d’une façon impardonnable les premières personnes qui œuvrent au succès de l’entreprise, à savoir les travailleurs. Travail.Suisse demande que l’on renonce à cette pensée unilatérale, orientée purement vers le capital. Il est grand temps de redonner toute sa valeur au travail, et une nouvelle orientation est nécessaire pour remettre en exergue la valeur et l’importance du travail et, avec elles, celles de tous les travailleurs. En leur qualité d’acteurs principaux de toute entreprise, les travailleurs doivent avoir leur mot à dire dans les décisions stratégiques, en siégeant au conseil d’administration. La révision actuelle du droit de la société anonyme offre l’occasion d’équilibrer enfin le gouvernement d’entreprise (corporate governance). Finissons-en avec la pensée uniquement contrôlée par le capital, voulue par des dirigeants avides de bonus et par de gros actionnaires lancés dans la chasse aux rendements, et adoptons un système équitable qui donne au travail tout le poids qu’il mérite. Un changement de cap qui non seulement conférera aux travailleurs la valorisation qui leur est due, mais qui sera également utile à l’entreprise tout entière. Une loyauté renforcée chez les travailleurs La représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration non seulement renforce l’importance du facteur travail dans les entreprises. Elle a également un effet dans le sens inverse, en ce qu’elle augmente nettement la loyauté et la solidarité des travailleurs envers leur entreprise. Ainsi, de simple exécutant, le travailleur devient un décideur à part entière et un cogestionnaire de la direction stratégique de l’entreprise. Service de presse de Travail.Suisse – N° 5 – 30 mars 2009 – Salaires des dirigeants _______________________________________________________________________________ Par conséquent, il devient également plus intéressant pour le travailleur d’investir dans le savoir spécifique de l’entreprise et d’engager sa pleine capacité d’innovation en faveur de celle-ci. Enfin, il ne s’agit plus seulement de s’acquitter d’un job quelconque, mais de contribuer à la bonne marche de l’entreprise et, partant, à son avenir. Et dans les situations de crise aussi, la représentation de travailleurs au sein du conseil d’administration ne mène nullement à un blocage. Au contraire, leur intégration directe permet de mieux aborder les conflits, et de les résoudre de manière plus efficace. De leur côté, les travailleurs prennent davantage conscience de l’existence de problèmes, et ils peuvent en même temps montrer de nouvelles voies pour sortir de la crise. La représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration doit donc être considérée comme un élément de progrès dans un partenariat social éprouvé. Briser les vieux cartels, et utiliser un nouveau savoir-faire Une manière encore meilleure d’aborder les problèmes consistera finalement à briser les cartels des éternels dirigeants et des mêmes membres de conseil d’administration. La présence des travailleurs au sein du conseil d’administration et, partant, la diversité accrue au sein de cette instance permettront de renouveler et d’améliorer la manière d’aborder les problèmes. En effet, il est plus facile de trouver une bonne solution lorsqu’une situation donnée est examinée sous les perspectives les plus diverses et par des gens ayant des backgrounds différents. La représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration permet de recourir pour la prise de décisions - à un savoir-faire spécifique de l’entreprise qui n’était pas disponible jusqu’ici sous cette forme. Le conseil d’administration ne se réduit plus seulement à des représentants des actionnaires, étrangers à l’entreprise qui - pour prendre leurs décisions - dépendent des informations que leur donne la direction. Dès lors, ce ne sont plus uniquement les membres exécutifs du conseil d’administration qui, dans cette fonction, peuvent donner leur bénédiction à leurs propres activités au sein de la direction. En intégrant les travailleurs, le conseil d’administration dans son ensemble a accès à un savoir spécifique de l’entreprise et se rapproche ainsi de celle-ci, sans dépendre directement de la direction qu’il a à contrôler. La représentation des travailleurs au sein du conseil d’administration non seulement récompense les prestations des travailleurs, mais elle amène aussi un savoir-faire important à l’instance qu’est le conseil d’administration, savoir-faire qui peut finalement profiter aux actionnaires. Finissons-en avec le self-service Et enfin, la présence de travailleurs au sein du conseil d’administration dissuade les dirigeants d’adopter une attitude de self-service. Car comment pourrait-on justifier, en présence des représentants des travailleurs, des hausses de salaire de l’ordre d’un pourcen- Service de presse de Travail.Suisse – N° 5 – 30 mars 2009 – Salaires des dirigeants _______________________________________________________________________________ tage à deux chiffres, destinées au management, alors que, parallèlement, on accorderait aux travailleurs eux-mêmes à peine la compensation du renchérissement?1 La présence de représentants des travailleurs devrait permettre de faire reculer la limite à de tels excès nettement plus loin que si le conseil d’administration était composé en majeure partie, comme c’est le cas aujourd’hui, d’anciens dirigeants de l’entreprise et de membres de la direction d’autres groupes. Il est nécessaire de faire entrer d’urgence au conseil d’administration des travailleurs qui pourront exercer leur esprit critique, avoir l’œil sur les dirigeants et rappeler à l’équipe dirigeante où les prestations sont fournies, où les produits sont fabriqués et où les stratégies sont mises en œuvre. Il faut des représentants des travailleurs qui rappellent aux dirigeants que l’économie, c’est nous! Matthias Humbel, collaborateur de projet, Travail.Suisse Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, tél. 031 370 21 11, [email protected], www.travailsuisse.ch L’étude portant sur les salaires des dirigeants, menée depuis 2004 par Travail.Suisse, indique une hausse de salaire de 89% pour les membres des directions de groupes de 28 entreprises suisses entre 2002 et 2007. Parallèlement, les salaires nominaux ont augmenté de 6%, la hausse réelle étant même inférieure à 2%. 1